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Décisions

CJCE, 6e ch., 23 octobre 2001, n° C-510/99

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Tridon

Défendeur :

Fédération départementale des chasseurs de l'Isère, Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, section Isère

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Macken

Avocat général :

Mme Stix-Hackl

Juges :

MM. Colneric, Gulmann, Puissochet, Schintgen

Avocats :

Mes Quatravaux, Lehman

CJCE n° C-510/99

23 octobre 2001

LA COUR (sixième chambre),

1. Par jugement du 15 novembre 1999, parvenu à la Cour le 28 décembre suivant, le Tribunal de grande instance de Grenoble a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE), du règlement (CEE) n° 3626-82 du Conseil, du 3 décembre 1982, relatif à l'application dans la Communauté de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (JO L 384, p. 1), notamment de ses articles 6 et 15, du règlement (CE) n° 338-97 du Conseil, du 9 décembre 1996, relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce (JO 1997, L 61, p. 1), ainsi que de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (ci-après la "CITES"), conclue à Washington le 3 mars 1973, notamment de ses articles VII et XIV.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre de poursuites pénales engagées contre M. Tridon, établi à Champagnier (France), qui est prévenu notamment d'avoir cédé, à Champagnier, dans le cadre d'opérations commerciales, à des partenaires ou à des clients, durant la période allant de novembre 1995 à novembre 1997, des spécimens nés et élevés en captivité d'espèces d'aras représentées dans le département d'outre-mer de la Guyane (France), dont l'utilisation à des fins commerciales est interdite sur tout le territoire national par l'arrêté ministériel du 15 mai 1986, fixant sur tout ou partie du territoire national des mesures de protection des oiseaux représentés dans le département de la Guyane (JORF du 25 juin 1986, p. 7884, ci-après l'"arrêté Guyane").

Le cadre juridique

La CITES

3. La CITES a pour objet de protéger, par une réglementation du commerce international, certaines espèces menacées de faune et de flore sauvages. Elle prévoit des régimes de protection différents selon les espèces, celles-ci étant classées en trois catégories, correspondant aux trois annexes de cette convention, en fonction des menaces plus ou moins grandes d'extinction qui pèsent sur elles.

4. L'annexe I de la CITES inclut les espèces les plus menacées, pour lesquelles le régime de protection est le plus strict. Les espèces énumérées à l'annexe II, au nombre desquelles figurent notamment celles qui ne sont pas nécessairement menacées actuellement d'extinction, sont soumises à un régime de protection moins strict.

5. L'article VII, paragraphe 4, de la CITES dispose que les spécimens d'une espèce animale inscrite à l'annexe I, élevés en captivité à des fins commerciales, seront considérés comme des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe II.

6. Selon l'article XIV, paragraphe 1, sous a), de la CITES, les dispositions de celle-ci n'affectent pas le droit des parties d'adopter des mesures internes plus strictes en ce qui concerne les conditions auxquelles le commerce, la capture ou la récolte, la détention ou le transport de spécimens d'espèces inscrites aux annexes I, II et III sont soumis, mesures qui peuvent aller jusqu'à leur interdiction complète.

La réglementation communautaire

7. L'article 1er du règlement n° 3626-82 prévoit que la CITES, figurant à l'annexe A de celui-ci, est applicable dans la Communauté dans les conditions prévues par ce même règlement.

8. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3626-82, il est interdit d'exposer pour des raisons commerciales, de vendre, de détenir pour la vente, d'offrir pour la vente ou de transporter pour la vente, notamment, des spécimens des espèces figurant à l'annexe I de la CITES, sauf dérogation qui peut être accordée par les États membres, en particulier pour les spécimens d'une espèce animale qui ont été élevés en captivité, en prenant en considération les objectifs de ladite convention et les prescriptions de la directive 79-409-CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1).

9. L'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 3626-82 énonce que les interdictions visées au paragraphe 1 s'appliquent également aux spécimens des espèces figurant à l'annexe II de la CITES qui ne sont pas couverts par ledit paragraphe 1, si ceux-ci ont été introduits en contradiction avec l'article 5 du même règlement, dont le paragraphe 1 prévoit notamment que l'introduction dans la Communauté desdits spécimens est subordonnée à la présentation, au bureau de douane où sont accomplies les formalités douanières, d'un permis d'importation ou d'un certificat d'importation.

10. L'article 15, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement est libellé comme suit:

"En ce qui concerne les espèces auxquelles s'applique le présent règlement, les États membres peuvent maintenir ou prendre des mesures plus strictes, dans le respect du traité et notamment de son article 36, pour l'une ou plusieurs des raisons suivantes:

a) amélioration des conditions de survie des spécimens vivants dans les pays destinataires;

b) conservation des espèces indigènes;

c) conservation d'une espèce ou d'une population d'une espèce dans le pays d'origine."

11. Le règlement n° 338-97 a remplacé le règlement n° 3626-82 et il est applicable depuis le 1er juin 1997. Il a été adopté dans le but de mieux protéger les espèces de faune et de flore sauvages, en tenant compte des connaissances scientifiques acquises depuis l'adoption du règlement n° 3626-82 et de la structure des échanges telle qu'elle a évolué.

12. En vertu de l'article 7, point 1, sous a), du règlement n° 338-97, les spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A de celui-ci, qui sont nés et élevés en captivité ou reproduits artificiellement, sont traités conformément aux dispositions applicables aux spécimens des espèces inscrites à l'annexe B, à l'exception de l'application de l'article 8 dudit règlement.

13. Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 338-97, il est interdit d'acheter, de proposer d'acheter, d'acquérir à des fins commerciales, d'exposer à des fins commerciales, d'utiliser dans un but lucratif et de vendre, de détenir pour la vente, de mettre en vente ou de transporter pour la vente des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A de ce règlement.

14. L'article 8, paragraphe 3, sous d), du même règlement dispose que, conformément aux exigences des autres actes législatifs communautaires relatifs à la conservation de la faune et de la flore sauvages, il peut être dérogé aux interdictions prévues au paragraphe 1 de cet article à condition d'obtenir de l'organe de gestion de l'État membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat à cet effet, délivré au cas par cas, notamment lorsque ces spécimens sont des spécimens nés et élevés en captivité.

15. En vertu de l'article 8, paragraphe 4, dudit règlement, la Commission peut définir des dérogations générales aux interdictions prévues au paragraphe 1 de cet article, sur la base des conditions énoncées à son paragraphe 3.

16. Aux termes de l'article 8, paragraphe 5, du règlement n° 338-97:

"Les interdictions prévues au paragraphe 1 s'appliquent également aux spécimens d'espèces inscrites à l'annexe B, sauf lorsque l'autorité compétente de l'État membre concerné a la preuve que ces spécimens ont été acquis et, s'ils ne proviennent pas de la Communauté, qu'ils y ont été introduits conformément à la législation en vigueur en matière de conservation de la faune et de la flore sauvages."

17. Le règlement (CE) n° 939-97 de la Commission, du 26 mai 1997, portant modalités d'application du règlement n° 338-97 (JO L 140, p. 9), prévoit, en son article 32, que:

"Les interdictions de l'article 8 paragraphe 1 du règlement (CE) n° 338-97 et la disposition de l'article 8 paragraphe 3 dudit règlement, selon laquelle les dérogations ne sont accordées que cas par cas par la délivrance d'un certificat, ne s'appliquent pas aux:

a) spécimens vivants d'animaux nés et élevés en captivité des espèces inscrites à l'annexe [VIII] du présent règlement, et leurs hybrides, à condition que les spécimens d'espèces annotées soient marqués conformément à l'article 36 paragraphe 1 du présent règlement;

b) spécimens vivants d'animaux nés et élevés en captivité, marqués conformément à l'article 36 paragraphe 1 du présent règlement et accompagnés d'un certificat visé à l'article 20 paragraphe [3] point e) du présent règlement, délivré à l'éleveur par un organe de gestion compétent d'un État membre. [...]"

La réglementation nationale

18. L'article L. 211-1 du Code rural dispose:

"Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits:

1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat. [...]"

19. L'arrêté Guyane, pris pour l'application notamment de l'article L. 211-1 du Code rural, interdit, pour les espèces non domestiques qu'il énumère, au nombre desquelles figurent certaines espèces d'aras, la destruction ou l'enlèvement des oeufs et des nids, la destruction, la mutilation, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation des oiseaux ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat.

20. Aux termes de l'article L. 215-1 du Code rural, les infractions aux dispositions de l'article L. 211-1 de ce même Code sont passibles de sanction pénale.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

21. M. Tridon exploite un centre d'incubation artificielle d'oeufs de perroquets à Champagnier. Il est prévenu, dans la procédure au principal, d'avoir cédé à titre onéreux des spécimens nés et élevés en captivité d'espèces d'aras dont l'utilisation à des fins commerciales est interdite sur l'ensemble du territoire national par l'arrêté Guyane. Pour contester les poursuites qui ont été engagées à son encontre, M. Tridon soutient que les dispositions du Code rural, notamment son article L. 211-1, et de l'arrêté Guyane sont incompatibles tant avec la CITES qu'avec les articles 30 et 36 du traité et avec les règlements nos 3626-82 et 338-97 pris successivement pour l'application de ladite convention dans la Communauté.

22. Dans ces conditions, le Tribunal de grande instance de Grenoble a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Pour la période antérieure au 1er juin 1997, les dispositions de la convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES), notamment en ses articles VII et XIV, celles du règlement (CEE) n° 3626-82 du 3 décembre 1982, notamment en ses articles 6 et 15, et les dispositions des articles 30 et 36 du traité CE doivent-elles s'interpréter en ce sens qu'elles permettent à un État membre d'édicter ou de maintenir une réglementation interne interdisant en tout temps et sur tout le territoire de cet État, une utilisation commerciale quelconque de spécimens nés et élevés en captivité d'espèces non domestiques représentées à l'état naturel sur tout ou partie du territoire de cet État?

2) À compter du 1er juin 1997, les dispositions de la convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES), notamment en ses articles VII et XIV, celles du règlement (CE) n° 338-97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce et les dispositions des articles 30 et 36 du traité CE doivent-elles s'interpréter en ce sens qu'elles permettent à un État membre d'édicter ou de maintenir une réglementation interne interdisant en tout temps et sur tout le territoire de cet État, une utilisation commerciale quelconque de spécimens nés et élevés en captivité d'espèces non domestiques représentées à l'état naturel sur tout ou partie du territoire de cet État?"

Observations liminaires

23. Il convient, en premier lieu, de rappeler que, selon l'article 1er, premier alinéa, du règlement n° 3626-82, la CITES est applicable dans la Communauté dans les conditions prévues par ce même règlement et que le règlement n° 338-97 remplace, ainsi que l'indique son deuxième considérant, le règlement n° 3626-82.

24. Ainsi, sans qu'il soit besoin de prendre position sur la question de savoir si la Cour est compétente, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée par l'article 234 CE, pour statuer sur l'interprétation des dispositions de la CITES, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, il n'est pas nécessaire en l'occurrence de procéder à une telle interprétation puisque lesdites dispositions ne sont applicables, au niveau communautaire, que par l'intermédiaire des deux règlements cités au point précédent du présent arrêt.

25. Toutefois, dès lors que tant le règlement n° 3626-82 que le règlement n° 338-97 s'appliquent, ainsi qu'il est précisé à leur article 1er, second alinéa, dans le respect des objectifs, des principes et, s'agissant de ce dernier règlement, des dispositions de la CITES, la Cour ne saurait faire abstraction de ceux-ci dans la mesure où leur prise en compte est nécessaire à l'interprétation des dispositions desdits règlements.

26. Il importe, en second lieu, de relever que le jugement de renvoi semble laisser entendre que les aras dont il s'agit dans le litige au principal appartiennent à des espèces d'oiseaux figurant soit aux annexes I ou II de la CITES, soit aux annexes A ou B du règlement n° 338-97.

27. Dans ces conditions et compte tenu notamment du fait que le régime juridique dont relèvent ces espèces varie selon qu'elles sont inscrites à telle ou telle annexe de la CITES ou du règlement n° 338-97, il convient d'examiner les questions préjudicielles au regard de ces annexes.

28. À cet égard, il échet cependant de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération instituée par l'article 234 CE, il n'appartient pas à la Cour mais à la juridiction nationale d'établir les faits qui ont donné lieu au litige et d'en tirer les conséquences pour la décision qu'elle est appelée à rendre (voir, notamment, arrêt du 16 septembre 1999, WWF e.a., C-435-97, Rec. p. I-5613, point 32).

Sur les questions préjudicielles

Les espèces couvertes par l'annexe I de la CITES ou l'annexe A du règlement n° 338-97

29. En premier lieu, il convient de rappeler que, selon l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3626-82, toute utilisation commerciale de spécimens des espèces figurant à l'annexe I de la CITES est interdite.

30. Il est vrai que cette disposition prévoit que les États membres peuvent, dans certains cas, accorder des dérogations à l'interdiction d'utilisation commerciale des spécimens des espèces figurant à l'annexe I de la CITES, en particulier lorsqu'il s'agit de spécimens d'une espèce animale qui ont été élevés en captivité. Cependant, il importe de relever, ainsi que le font à juste titre le procureur de la République, le Gouvernement français et la Commission, qu'il ne s'agit que d'une possibilité et non pas d'une obligation pour les États membres.

31. Dans ce contexte, il convient de relever en outre que, s'il est vrai que l'article VII, paragraphe 4, de la CITES prévoit que les spécimens d'une espèce animale inscrite à l'annexe I, élevés en captivité à des fins commerciales, seront considérés comme des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe II, avec pour conséquence qu'ils pourront faire l'objet d'actes de commerce selon la réglementation du commerce des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe II, il résulte également de l'article XIV, paragraphe 1,sous a), de la CITES que les dispositions de celle-ci n'affectent pas le droit des parties d'adopter des mesures internes plus strictes en ce qui concerne, en particulier, les conditions auxquelles le commerce de spécimens d'espèces inscrites notamment aux annexes I et II est soumis, mesures qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction complète d'une telle activité.

32. Ainsi, l'interdiction générale d'utilisation commerciale des spécimens des espèces figurant à l'annexe I de la CITES, telle que prévue à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3626-82, est couverte par l'article XIV, paragraphe 1, sous a), de celle-ci.

33. En second lieu, il convient de rappeler que, selon l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 338-97, toute utilisation commerciale de spécimens des espèces inscrites à l'annexe A de celui-ci est interdite.

34. Aux termes de l'article 8, paragraphe 3, sous d), dudit règlement, il peut être dérogé, au cas par cas, à l'interdiction prévue au paragraphe 1 de ce même article lorsqu'il s'agit de spécimens nés et élevés en captivité. Cette disposition autorise, mais elle n'impose pas, des dérogations à l'interdiction qu'elle énonce.

35. Dans la mesure où l'annexe I de la CITES et l'annexe A du règlement n° 338-97 coïncident, il peut être constaté que, compte tenu de ce qui a été relevé au point 31 du présent arrêt, l'interdiction générale d'utilisation commerciale des spécimens des espèces inscrites à cette dernière annexe, telle que prévue à l'article 8, paragraphe 1, dudit règlement, est couverte par l'article XIV, paragraphe 1, sous a), de la CITES.

36. Par ailleurs, il échet de rappeler que, en vertu de l'article 8, paragraphe 4, du règlement n° 338-97, la Commission peut définir des dérogations générales à l'interdiction prévue au paragraphe 1 de cet article.

37. Or, s'agissant d'animaux vivants, l'article 32 du règlement n° 939-97 introduit de telles dérogations générales en ce qui concerne, d'une part, les spécimens vivants d'animaux nés et élevés en captivité des espèces inscrites à l'annexe VIII du règlement n° 939-97 et leurs hybrides, pour autant que ces spécimens sont marqués conformément à l'article 36, paragraphe 1, de celui-ci, et, d'autre part, les spécimens vivants d'animaux nés et élevés en captivité, marqués conformément audit article 36, paragraphe 1, et accompagnés d'un certificat visé à l'article 20, paragraphe 3, dudit règlement, délivré à l'éleveur par un organe de gestion compétent d'un État membre.

38. Selon le Gouvernement français, ces deux dérogations limitent la possibilité pour la République française d'interdire, après la date d'entrée en vigueur du règlement n° 939-97, à savoir le 1er juin 1997, tout commerce de spécimens nés et élevés en captivité d'espèces inscrites à l'annexe A du règlement n° 338-97.

39. À cet égard, dès lors que les aras ne sont pas mentionnés à l'annexe VIII du règlement n° 939-97, il n'apparaît pas que la dérogation prévue à l'article 32 de celui-ci et concernant les spécimens vivants d'animaux nés et élevés en captivité des espèces inscrites à cette annexe soit pertinente dans l'affaire au principal. Quant à l'autre dérogation qu'énonce ladite disposition, il ne résulte d'aucun élément du dossier que les conditions pour son application soient réunies.

40. Néanmoins, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si les faits qui ont donné lieu au litige au principal relèvent éventuellement de l'une de ces dérogations et d'en tirer les conséquences pour la décision qu'elle est appelée à rendre.

41. Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que:

- en ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe I de la CITES, le règlement n° 3626-82 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre interdisant de manière générale sur son territoire toute utilisation commerciale de spécimens nés et élevés en captivité;

- en ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe A du règlement n° 338-97, ce règlement doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre interdisant de manière générale sur son territoire toute utilisation commerciale de spécimens nés et élevés en captivité.

Les espèces couvertes par l'annexe II de la CITES ou l'annexe B du règlement n° 338-97

42. Il importe, d'une part, de relever que, hormis l'hypothèse visée à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 3626-82, dans laquelle des spécimens des espèces figurant à l'annexe II de la CITES ont été introduits en contradiction avec l'article 5 de ce même règlement, celui-ci n'interdit pas l'utilisation commerciale de ces spécimens.

43. Quant à l'article 8, paragraphe 5, du règlement n° 338-97, il y a lieu de rappeler qu'il dispose que l'interdiction de toute utilisation commerciale, prévue au paragraphe 1 de ce même article, s'applique également aux spécimens d'espèces inscrites à l'annexe B, sauf lorsque l'autorité compétente de l'État membre concerné a la preuve que ces spécimens ont été acquis et, s'ils ne proviennent pas de la Communauté, qu'ils y ont été introduits conformément à la législation en vigueur en matière de conservation de la faune et de la flore sauvages.

44. Ainsi, l'utilisation commerciale des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe B du règlement n° 338-97 est autorisée pour autant que les conditions prévues à l'article 8, paragraphe 5, de ce règlement sont remplies.

45. Il convient, d'autre part, de rappeler également que, en ce qui concerne les espèces auxquelles s'appliquent les règlements nos 3626-82 ou 338-97, ceux-ci ne font pas obstacle aux mesures plus strictes pouvant être prises ou maintenues par les États membres, dans le respect des dispositions du traité. En effet, l'adoption ou le maintien de telles mesures sont prévus, s'agissant du règlement n° 3626-82, à son article 15 et, s'agissant du règlement n° 338-97, qui a été adopté sur la base de l'article 130 S, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 175, paragraphe 1, CE), à l'article 130 T du traité CE (devenu article 176 CE), selon lequel les mesures de protection arrêtées en vertu de l'article 130 S ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcées, qui doivent être compatibles avec le traité.

46. Ainsi, à supposer que la République française ait adopté ou maintenu des mesures plus strictes que celles prévues par les règlements nos 3626-82 ou 338-97, il ne saurait être exclu que se pose devant la juridiction de renvoi un problème de compatibilité de l'interdiction de l'utilisation commerciale des espèces litigieuses, telle qu'édictée par la réglementation française, notamment par l'arrêté Guyane, avec les articles 30 et 36 du traité. Tel serait le cas dans la mesure où cette réglementation trouverait à s'appliquer à des situations ayant un lien de rattachement avec l'importation de marchandises dans le commerce intracommunautaire (voir, notamment, arrêts du 14 juillet 1988, Smanor, 298-87, Rec. p. 4489, points 7 et 8, et du 5 décembre 2000, Guimont, C-448-98, Rec. p. I-10663, point 21).

47. Quant au point de savoir si M. Tridon peut utilement invoquer devant la juridiction nationale une entrave qu'apporterait la réglementation française à des importations d'espèces d'oiseaux protégées, il importe de rappeler qu'il appartient aux seules juridictions nationales, dans le système de coopération entre celles-ci et la Cour institué par l'article 234 CE, d'apprécier la pertinence des questions qu'elles posent à cette dernière au regard des faits de l'affaire dont elles sont saisies (voir, notamment, arrêts précités Smanor, point 9, et Guimont, point 22).

48. Dès lors, pour autant que la réglementation nationale en cause au principal est plus stricte que celle prévue par les règlements nos 3626-82 ou 338-97, il y aura lieu d'examiner si elle constitue, dans la mesure où elle serait appliquée aux produits importés, une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative contraire à l'article 30 du traité.

49. Or, une interdiction d'utilisation commerciale de spécimens d'espèces figurant à l'annexe II de la CITES ou à l'annexe B du règlement n° 338-97, telle que celle édictée par la réglementation française, notamment par l'arrêté Guyane, constitue une mesure plus stricte au sens respectivement des articles 15 du règlement n° 3626-82 ou 130 T du traité. En outre, une telle mesure, lorsqu'elle trouve à s'appliquer à des spécimens provenant d'un autre État membre, est de nature à entraver le commerce intracommunautaire au sens de l'article 30 dudit traité.

50. Une telle entrave est toutefois susceptible d'être justifiée par des raisons de protection des espèces menacées, telles que celles énoncées aux articles 15 du règlement n° 3626-82, s'agissant de l'application de l'annexe II de la CITES, et 36 du traité, s'agissant de l'application de l'annexe B du règlement n° 338-97.

51. À cet égard, le Gouvernement français soutient que la réglementation en cause au principal a pour objet d'assurer la conservation des espèces animales et donc la protection de la vie ainsi que de la santé de ces espèces. Cela ressortirait du libellé de l'article L. 211-1 du Code rural, pour l'application duquel a été pris l'arrêté Guyane.

52. Il n'est pas douteux qu'une réglementation telle que celle en cause au principal, qui interdit l'utilisation commerciale des spécimens d'espèces figurant à l'annexe II de la CITES ou à l'annexe B du règlement n° 338-97, répond à l'objectif de protection de ces espèces tel que visé aux articles 15 du règlement n° 3626-82 ou 36 du traité.

53. Or, une telle réglementation, adoptée dans un domaine dans lequel le droit communautaire dérivé ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre prenne des mesures plus strictes que celles prévues par ce droit et qui est de nature à avoir un effet restrictif sur les importations de produits, n'est compatible avec le traité que pour autant qu'elle est nécessaire pour atteindre efficacement l'objectif de protection de la santé et de la vie des animaux. Une réglementation nationale ne peut donc bénéficier de la dérogation prévue à l'article 36 du traité lorsque la santé et la vie des animaux peuvent être protégées de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges communautaires (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2000, Toolex, C-473-98, Rec. p. I-5681, points 33 et 40).

54. Selon le Gouvernement français, la protection des spécimens nés et élevés en captivité des espèces figurant à l'annexe II de la CITES ou à l'annexe B du règlement n° 338-97 s'impose au motif que l'élevage de ces spécimens à des fins commerciales pourrait avoir des incidences négatives sensibles sur la conservation à l'état naturel des espèces concernées. En effet, un tel élevage permettrait la création d'un véritable marché. Ainsi, pour répondre à la demande suscitée par un tel marché, la tentation d'effectuer des prélèvements d'oiseaux ou d'oeufs dans le milieu naturel serait grande, d'autant plus que la reproduction en captivité de nombreuses espèces réclame des installations et une compétence particulières, cette dernière étant longue à acquérir. La libéralisation du commerce des spécimens nés et élevés en captivité d'espèces dont la capture des individus est interdite nuirait donc aux objectifs de protection de ces espèces.

55. Par ailleurs, le patrimoine génétique des animaux nés en captivité étant moins diversifié que celui des animaux présents dans le milieu naturel, il s'ensuivrait un réel besoin de prévenir les risques importants de consanguinité apparaissant dans les populations détenues en captivité. Or, la diversité génétique ne pourrait être obtenue que par des prélèvements de spécimens dans le milieu naturel. En outre, le commerce de spécimens nés et élevés en captivité entraînerait inévitablement des lâchers volontaires ou accidentels dans la nature créant ainsi, dans certains cas, un risque génétique pour la conservation des spécimens sauvages de la même espèce ou d'espèces voisines.

56. Enfin, le Gouvernement français fait valoir qu'aucune mesure moins contraignante n'est suffisamment fiable pour se substituer à l'interdiction du commerce des spécimens nés et élevés en captivité. En effet, aucun système de contrôle ne serait de nature à décourager efficacement les fraudes consistant à faire passer des oeufs ou des oiseaux prélevés dans la nature pour des oeufs pondus en captivité ou des oiseaux nés et élevés dans cette situation.

57. Lors de l'audience, la Commission a soutenu, en substance, que l'interdiction absolue de commercialisation des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe II de la CITES ou à l'annexe B du règlement n° 338-97, notamment lorsqu'il s'agit de spécimens nés et élevés en captivité, va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer une protection efficace de ces espèces. Cela serait tellement vrai que plusieurs résolutions de la conférence des parties à la CITES encourageraient l'élevage d'animaux nés en captivité ainsi que leur commerce afin de permettre, d'une part, de limiter les prélèvements dans la nature et, d'autre part, de développer des populations destinées, dans certains cas, à être réintroduites dans la nature. Selon la Commission, la protection des espèces en question pourrait être réalisée par des mesures moins contraignantes que l'interdiction absolue de commercialisation, telles que le marquage des oiseaux à l'aide de bagues ou de transpondeurs à micro puces, ou encore des analyses de sang permettant d'établir l'ascendance de l'animal, prévues par le règlement n° 939-97.

58. Force est de constater que l'appréciation à porter sur la proportionnalité de l'interdiction de commercialisation en cause au principal et, en particulier, sur le point de savoir si l'objectif recherché pourrait être atteint par des mesures affectant de manière moindre le commerce intracommunautaire ne saurait, en l'occurrence, être effectuée sans éléments d'information supplémentaires et qu'une telle appréciation suppose une analyse concrète, fondée notamment sur des études scientifiques et des circonstances de fait qui caractérisent la situation dans laquelle s'inscrit le litige au principal, analyse qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'opérer.

59. À toutes fins utiles, il convient de relever que le fait que la réglementation communautaire ultérieure, notamment le règlement n° 939-97, a introduit, en vue de protéger les espèces concernées, des mesures moins restrictives que la réglementation française en cause au principal ne permet pas, par lui-même, de conclure au caractère disproportionné de cette dernière. En effet, une telle réglementation ne saurait être considérée comme disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi que s'il apparaissait que celui-ci peut être atteint de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires.

60. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions posées que:

- en ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe II de la CITES, le règlement n° 3626-82 n'interdit pas l'utilisation commerciale des spécimens de ces espèces sauf dans l'hypothèse visée à son article 6, paragraphe 2, dans laquelle ces spécimens ont été introduits en contradiction avec l'article 5 de ce même règlement;

- en ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe B du règlement n° 338-97, celui-ci n'interdit pas l'utilisation commerciale des spécimens de ces espèces pour autant que les conditions prévues à l'article 8, paragraphe 5, de ce règlement sont remplies.

Lesdits règlements s'opposent à une réglementation d'un État membre interdisant de manière générale sur son territoire toute utilisation commerciale de spécimens desdites espèces nés et élevés en captivité en tant qu'elle est applicable à des spécimens importés d'autres États membres s'il apparaît que l'objectif de protection de ces dernières, tel que visé aux articles 15 du règlement n° 3626-82 ou 36 du traité, peut être atteint de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires.

Sur les dépens

61. Les frais exposés par le Gouvernement français et la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal de grande instance de Grenoble, par jugement du 15 novembre 1999, dit pour droit:

1) - En ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe I de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, conclue à Washington le 3 mars 1973, le règlement (CEE) n° 3626-82 du Conseil, du 3 décembre 1982, relatif à l'application dans la Communauté de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre interdisant de manière générale sur son territoire toute utilisation commerciale de spécimens nés et élevés en captivité.

- En ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe A du règlement (CE) n° 338-97 du Conseil, du 9 décembre 1996, relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce, ce règlement doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre interdisant de manière générale sur son territoire toute utilisation commerciale de spécimens nés et élevés en captivité.

2) - En ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe II de ladite convention, le règlement n° 3626-82 n'interdit pas l'utilisation commerciale des spécimens de ces espèces sauf dans l'hypothèse visée à son article 6, paragraphe 2, dans laquelle ces spécimens ont été introduits en contradiction avec l'article 5 de ce même règlement.

- En ce qui concerne les espèces couvertes par l'annexe B du règlement n° 338-97, celui-ci n'interdit pas l'utilisation commerciale des spécimens de ces espèces pour autant que les conditions prévues à l'article 8, paragraphe 5, de ce règlement sont remplies.

Lesdits règlements s'opposent à une réglementation d'un État membre interdisant de manière générale sur son territoire toute utilisation commerciale de spécimens desdites espèces nés et élevés en captivité en tant qu'elle est applicable à des spécimens importés d'autres États membres s'il apparaît que l'objectif de protection de ces dernières, tel que visé aux articles 15 du règlement n° 3626-82 ou 36 du traité CE (devenu, après modification, article 30 CE), peut être atteint de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires.