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Décisions

CJCE, 4e ch., 15 avril 1997, n° C-272/95

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung

Défendeur :

Deutsches Milch-Kontor GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Murray

Avocat général :

M. Léger

Juges :

MM. Kakouris, Kapteyn

Avocats :

Mes Tschentscher, Festge, Schmidt

CJCE n° C-272/95

15 avril 1997

LA COUR (quatrième chambre),

1 Par ordonnance du 30 mars 1995, parvenue à la Cour le 11 août suivant, le Bundesverwaltungsgericht a posé, en application de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions portant sur l'interprétation de l'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n° 1624-76 de la Commission, du 2 juillet 1976, relatif à des dispositions particulières concernant le paiement de l'aide pour le lait écrémé en poudre dénaturé ou transformé en aliments composés pour animaux sur le territoire d'un autre État membre (JO L 180, p. 9), dans sa rédaction résultant de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1726-79 de la Commission, du 26 juillet 1979 (JO L 199, p. 10), de l'article 10 du règlement (CEE) n° 1725-79 de la Commission, du 26 juillet 1979, relatif aux modalités d'octroi des aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait écrémé en poudre destiné à l'alimentation des veaux (JO L 199, p. 1), et des articles 9, 12, 16 et 95 du traité CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Deutsches Milch-Kontor GmbH (ci-après "DMK") à l'administration allemande (le Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft, ci-après le "BEF"), en ce qui concerne la charge des frais afférents aux contrôles systématiques effectués lors de l'exportation par DMK, vers l'Italie, de lait écrémé en poudre bénéficiant de restitutions à l'exportation.

3 Le règlement (CEE) n° 804-68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p. 13), dispose, en son article 10, paragraphe 1, qu'une aide est accordée au lait écrémé en poudre utilisé pour l'alimentation des animaux et répondant à certaines conditions de composition et de qualité.

4 Conformément au paragraphe 2 de cette même disposition, le Conseil a arrêté le règlement (CEE) n° 986-68, du 15 juillet 1968, établissant les règles générales relatives à l'octroi des aides pour le lait écrémé et le lait écrémé en poudre destinés à l'alimentation des animaux (JO L 169, p. 4).

5 En règle générale, l'aide est octroyée dans l'État membre dans lequel le lait écrémé en poudre est destiné à l'alimentation des animaux ou utilisé pour la fabrication d'aliments composés pour animaux. Toutefois, l'article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 986-68 autorise également les États membres à verser une aide pour le lait écrémé en poudre fabriqué sur leur propre territoire mais dénaturé ou utilisé sur le territoire d'un autre État membre. Dans ce cas, les conditions d'octroi de l'aide sont fixées par le règlement n° 1624-76, tel que modifié par le règlement n° 1726-79. Les États membres n'ont eu recours à cette possibilité que pour l'exportation de lait écrémé en poudre vers l'Italie, à partir du 15 juillet 1976.

6 L'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1624-76, dans sa rédaction résultant du règlement n° 1726-79, prévoit deux contrôles destinés à vérifier qu'une restitution à l'exportation est due. Le premier, visé à l'article 10 du règlement n° 1725-79, porte sur la composition et la qualité du lait écrémé en poudre et a lieu dans l'État d'exportation. Le second, effectué dans l'État de transformation (Italie), consiste à vérifier que le produit a été effectivement utilisé pour l'élaboration d'aliments pour animaux.

7 DMK exporte vers l'Italie du lait écrémé en poudre qu'elle achète en Allemagne; ce lait est destiné à être transformé, dans l'État destinataire, en aliments composés pour animaux. Le transport s'effectue par camions, chacun d'eux acheminant un lot d'environ 25 tonnes.

8 Le BEF a vérifié si le lait écrémé en poudre exporté par DMK vers l'Italie pouvait être admis à bénéficier de l'aide prévue par le règlement n° 986-68.

9 A cette fin, il a fait prélever par le bureau de douane d'exportation situé à l'intérieur du pays un échantillon du chargement de chaque camion, qui a été ensuite analysé. Pour des raisons d'ordre économique et pratique, les contrôles susmentionnés ont été effectués en même temps que les autres formalités d'exportation par la douane allemande intervenant dans le cadre d'une assistance administrative.

10 Le BEF a mis à la charge de DMK les frais d'analyse des échantillons ainsi prélevés, d'un montant de 112 DM par échantillon, en se fondant sur l'article 12 de la Magermilch-Beihilfenverordnung (règlement allemand sur les aides au lait écrémé). Entre le 29 avril et le 8 septembre 1980, des avis de paiement d'un montant total de 17 081,28 DM ont ainsi été émis pour 152 échantillons.

11 DMK a introduit un recours contre ces avis de paiement, qui a été rejeté en première instance par décision du Verwaltungsgericht Frankfurt am Main du 20 avril 1983.

12 Sur appel de cette décision, le Hessische Verwaltungsgerichtshof a, par arrêt du 5 juin 1989, annulé les avis de paiement litigieux. Il s'est fondé sur la constatation que l'article 10, point 2, sous c), du règlement n° 1725-79 ne prescrit qu'un contrôle par sondage. Étant donné que, pour des raisons techniques, l'exportateur ne peut transporter le lait écrémé en poudre par lots de plus de 25 tonnes, le contrôle systématique de chacun des lots représenterait un degré de contrôle non prévu par les dispositions communautaires. En outre, du fait des frais de contrôle mis à sa charge, DMK se trouverait désavantagée par rapport aux opérateurs économiques exportant du lait écrémé en poudre vers l'Italie à partir d'autres États membres. Compte tenu de la faiblesse des bénéfices réalisés dans l'industrie laitière, les frais de 112 DM par 25 tonnes exigés par le BEF ne représenteraient plus des "frais normaux de contrôle" au sens de l'arrêt de la Cour du 15 septembre 1982, Denkavit (233-81, Rec. p. 2933).

13 Le BEF a formé un pourvoi en "Revision" devant le Bundesverwaltungsgericht.

14 Estimant que le litige soulevait une série de problèmes d'interprétation du droit communautaire, et bien que liée, en tant que juge du droit, par les constatations de fait du Hessische Verwaltungsgerichtshof, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer par ordonnance du 27 août 1992 et de saisir la Cour des questions suivantes:

"1) L'article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement (CEE) n° 1624-76, du 2 juillet 1976, dans la rédaction qui résulte de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1726-79, du 26 juillet 1979, est-il à interpréter en ce sens que l'autorité compétente doit prélever et contrôler un échantillon du chargement de chaque camion pour pouvoir délivrer l'attestation prévue par cette disposition, lorsque du lait écrémé en poudre fabriqué en Allemagne est exporté vers l'Italie par camions en vue d'y être transformé en aliments composés pour animaux?

2) En cas de réponse négative à la première question, quels sont les critères à dégager des dispositions combinées de l'article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1624-76, dans la rédaction qui résulte de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1726-79, et de l'article 10 du règlement (CEE) n° 1725-79 pour répondre à la question de savoir à quelle fréquence des prélèvements d'échantillons doivent et peuvent être effectués lors de l'exportation de lait écrémé en poudre vers l'Italie par camions?

3) Est-il compatible avec l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane (articles 9, 12 et 16 du traité CEE), avec l'interdiction des discriminations (article 95 du traité CEE) et avec les autres dispositions du droit communautaire de mettre à la charge de l'exportateur, sur la base de dispositions nationales, la totalité des frais occasionnés par les contrôles, systématiques ou occasionnels?"

15 Dans l'arrêt du 22 juin 1994, Deutsches Milch-Kontor (C-426-92, Rec. p. I-2757, ci-après l'"arrêt Deutsches Milch-Kontor I"), la Cour a dit pour droit:

"1) L'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n° 1624-76 de la Commission, du 2 juillet 1976, relatif à des dispositions particulières concernant le paiement de l'aide pour le lait écrémé en poudre dénaturé ou transformé en aliments composés pour animaux sur le territoire d'un autre État membre, dans sa rédaction résultant du règlement (CEE) n° 1726-79 de la Commission, du 26 juillet 1979, et l'article 10 du règlement (CEE) n° 1725-79 de la Commission, du 26 juillet 1979, relatif aux modalités d'octroi des aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait écrémé en poudre destiné à l'alimentation des veaux, en liaison avec l'article 34 du traité CEE, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne permettent pas la réalisation de contrôles systématiques à la frontière pour vérifier que sont remplies les conditions de composition et de qualité du lait écrémé en poudre destiné à l'élaboration d'aliments composés pour animaux dans un autre État membre, auxquelles est subordonné le bénéfice de restitutions à l'exportation. Les dispositions susmentionnées ne s'opposent toutefois pas à des contrôles à la frontière, à condition que ces contrôles ne soient opérés que par sondage.

2) Une redevance perçue à l'occasion des contrôles systématiques à la frontière susvisés constitue une taxe d'effet équivalant à des droits de douane à l'exportation, interdite par les articles 9 et 12 du traité, même si elle correspond au coût réel de chaque contrôle."

16 Le Bundesverwaltungsgericht considère que les réponses qui ont été apportées par la Cour ne mettent pas un terme aux doutes qu'il éprouve en ce qui concerne l'interprétation du droit communautaire.

17 En effet, il estime que la Cour s'est, dans l'arrêt Deutsches Milch-Kontor I, fondée sur des considérations de fait qui s'écartent sensiblement de celles qui étaient énoncées dans son ordonnance de renvoi.

18 Il résulterait ainsi de la motivation de cet arrêt que la Cour a, dans son raisonnement, visé les contrôles effectués à la frontière ou à proximité immédiate d'une frontière.

19 Or, selon le Bundesverwaltungsgericht, l'ordonnance de renvoi faisait mention du fait que les contrôles incriminés n'avaient pas eu lieu à la frontière ou à proximité immédiate de celle-ci, mais à l'intérieur de l'État d'exportation, à une grande distance de la frontière qu'il s'agissait de franchir.

20 La juridiction de renvoi considère donc que l'assimilation des contrôles systématiques effectués à l'intérieur de l'État d'exportation à ceux opérés aux frontières communautaires ou à la frontière avec un pays de transit reste douteuse.

21 En conséquence, elle a décidé de surseoir à statuer et de poser les mêmes questions que celles qu'elle avait déjà soumises à la Cour dans l'arrêt Deutsches Milch-Kontor I:

"1) L'article 2, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement (CEE) n° 1624-76, du 2 juillet 1976, dans la rédaction qui résulte de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1726-79, du 26 juillet 1979, est-il à interpréter en ce sens que l'autorité compétente doit prélever et contrôler un échantillon du chargement de chaque camion pour pouvoir délivrer l'attestation prévue par cette disposition, lorsque du lait écrémé en poudre fabriqué en Allemagne est exporté vers l'Italie par camions en vue d'y être transformé en aliments composés pour animaux?

2) En cas de réponse négative à la première question, quels sont les critères à dégager des dispositions combinées de l'article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1624-76, dans la rédaction qui résulte de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1726-79, et de l'article 10 du règlement (CEE) n° 1725-79 pour répondre à la question de savoir à quelle fréquence des prélèvements d'échantillons doivent et peuvent être effectuées lors de l'exportation de lait écrémé en poudre vers l'Italie par camions?

3) Est-il compatible avec l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane (articles 9, 12 et 16 du traité CEE), avec l'interdiction des discriminations (article 95 du traité CEE) et avec les autres dispositions du droit communautaire de mettre à la charge de l'exportateur, sur la base de dispositions nationales, la totalité des frais occasionnés par les contrôles, systématiques ou occasionnels?"

Sur les première et deuxième questions

22 Il résulte de l'ordonnance de renvoi que, par ses deux premières questions, qu'il convient d'examiner ensemble, le Bundesverwaltungsgericht demande en substance si l'article 2, paragraphe 4, du règlement n° 1624-76, dans sa rédaction résultant du règlement n° 1726-79, et l'article 10 du règlement n° 1725-79, en liaison avec l'article 34 du traité, s'opposent à la réalisation de contrôles systématiques ayant pour objet de vérifier que sont remplies les conditions de composition et de qualité du lait écrémé en poudre destiné à l'élaboration d'aliments composés pour animaux dans un autre État membre auxquelles est subordonné le bénéfice de restitutions à l'exportation, lorsque ces contrôles sont opérés, en vue d'une exportation future des marchandises contrôlées, à l'intérieur de l'État d'exportation et non à la frontière.

23 Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, aux termes des articles 30 et 34 du traité CE, les restrictions quantitatives à l'importation ou à l'exportation, ainsi que toutes les mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres.

24 Il résulte d'une jurisprudence constante que ces interdictions s'étendent à toute réglementation commerciale des États membres susceptibles d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8-74, Rec. p. 837, point 5; du 14 juin 1988, Dansk Denkavit, 29-87, Rec. p. 2965, point 22, et du 7 mars 1990, Krantz, C-69-88, Rec. p. I-583, point 9).

25 En matière de contrôles sanitaires effectués à la frontière, la Cour a jugé que, en raison des délais inhérents aux opérations de contrôle et des frais de transport supplémentaires qui peuvent en découler pour l'opérateur économique, ces contrôles sont susceptibles de rendre les importations ou exportations plus difficiles ou plus onéreuses (arrêt du 15 décembre 1976, Simmenthal, 35-76, Rec. p. 1871, point 14).

26 La Cour a, par ailleurs, considéré que ce principe est également applicable à d'autres catégories de contrôles à la frontière, en particulier à une réglementation nationale qui prévoit une inspection systématique des marchandises lors du passage de la frontière (voir arrêt du 20 septembre 1988, Moormann, 190-87, Rec. p. 4689, point 8).

27 S'agissant des contrôles en cause dans l'affaire au principal, la Cour a, dans l'arrêt Deutsches Milch-Kontor I, tout d'abord constaté que l'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1624-76, dans sa rédaction résultant du règlement n° 1726-79, et l'article 10 du règlement n° 1725-79 n'exigeaient pas qu'ils soient effectués à la frontière. Sur le fondement des principes précédemment rappelés, elle a ensuite considéré que, étant effectués à la frontière et de manière systématique, ces contrôles contrevenaient aux dispositions de l'article 34 du traité.

28 La Cour a encore estimé que ces contrôles ne pouvaient être justifiés au titre de l'article 36 par des raisons d'ordre économique ou pratique, par le caractère volontaire du système mis en place ou encore par le souci d'éviter les fraudes. Elle a cependant ajouté que ni l'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1624-76, dans sa rédaction résultant du règlement n° 1726-79, ni l'article 10 du règlement n° 1725-79, en liaison avec l'article 34 du traité, ne s'opposaient à des contrôles à la frontière, à condition qu'ils ne soient opérés que par sondage.

29 La réponse donnée par la Cour aux deux premières questions dans l'arrêt Deutsches Milch-Kontor I ne saurait être remise en cause par le fait que les contrôles des marchandises concernées ont été effectués non à la frontière, mais à l'intérieur du pays, dès lors qu'ils ont été réalisés en vue d'une exportation future desdites marchandises.

30 L'élément déterminant dans le raisonnement de la Cour n'est pas le lieu où les contrôles ont été opérés, mais, d'une part, la raison pour laquelle ils sont effectués, à savoir lorsqu'un passage de frontière est envisagé, et, d'autre part, les modalités selon lesquelles ils sont réalisés.

31 Ce serait aller à l'encontre du sens et de la finalité de l'article 34 que de considérer que seules les entraves occasionnées à la frontière ou à proximité immédiate de celle-ci sont susceptibles d'entrer dans son champ d'application. En effet, si tel était le cas, il serait aisé de contourner l'interdiction que comporte cette disposition en déplaçant le lieu géographique de l'entrave.

32 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1624-76, dans sa rédaction résultant du règlement n° 1726-79, et l'article 10 du règlement n° 1725-79, en liaison avec l'article 34 du traité, s'opposent à la réalisation de contrôles systématiques ayant pour objet de vérifier que sont remplies les conditions de composition et de qualité du lait écrémé en poudre destiné à l'élaboration d'aliments composés pour animaux dans un autre État membre auxquelles est subordonné le bénéfice de restitutions à l'exportation, lorsque ces contrôles sont opérés, en vue d'une exportation future des marchandises contrôlées, à l'intérieur de l'État d'exportation et non à la frontière. Les dispositions susmentionnées ne s'opposent toutefois pas à de tels contrôles, à condition qu'ils ne soient opérés que par sondage.

Sur la troisième question

33 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si les frais de contrôles systématiques effectués à l'intérieur de l'État d'exportation, en vue d'une exportation future des marchandises contrôlées, mis à la charge des opérateurs économiques, constituent des taxes d'effet équivalant à des droits de douane contraires aux articles 9, 12 et 16 du traité, ou des impositions intérieures discriminatoires au sens de l'article 95 du traité.

34 A cet égard, il y a lieu de relever que, dans l'arrêt Deutsches Milch-Kontor I, la Cour a, dans un premier temps, rappelé que, selon une jurisprudence constante, toute charge pécuniaire unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent au sens des articles 9, 12, 13 et 16 du traité, alors même qu'elle ne serait pas perçue au profit de l'État (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1983, Commission/Danemark, 158-82, Rec. p. 3573, point 18).

35 La Cour a ensuite également rappelé que l'élimination entre les États membres des droits de douane et des taxes d'effet équivalent constitue un principe fondamental du Marché commun, applicable à l'ensemble des produits et marchandises, de sorte que toute exception, d'ailleurs d'interprétation stricte, doit être clairement prévue (voir arrêts du 13 novembre 1964, Commission/Luxembourg et Belgique, 90-63 et 91-63, Rec. p. 1217, et du 20 avril 1978, Commissionnaires Réunis, 80-77 et 81-77, Rec. p. 927, point 24).

36 La Cour a certes reconnu que, dans l'arrêt du 15 septembre 1982, Denkavit Futtermittel (233-81, Rec. p. 2933), elle avait dit pour droit que l'article 10 du règlement n° 1725-79 ne s'oppose pas à ce qu'un État membre mette, en vertu de sa législation nationale, les frais des contrôles effectués en application de cette disposition à la charge de l'entreprise intéressée, lorsque les sommes dont cette entreprise est redevable représentent des frais normaux pour des contrôles de ce genre et qu'ils ne s'élèvent pas à un tel montant qu'ils soient de nature à décourager les entreprises à procéder aux opérations que l'octroi de l'aide a pour objet d'encourager.

37 Elle a cependant estimé que ce principe n'est applicable qu'aux contrôles effectués en conformité avec les dispositions des règlements nos 1624-76 et 1725-79, ce qui n'était pas, en l'occurrence, le cas, étant donné que les contrôles litigieux avaient été effectués à la frontière de façon systématique.

38 La Cour a, par conséquent, conclu que, faute de base légale et bien qu'elles correspondent aux coûts réels des contrôles, les redevances litigieuses constituaient des taxes d'effet équivalant à des droits de douane à l'exportation interdites par les articles 9 et 12 du traité, en sorte qu'il n'y avait pas lieu d'examiner leur compatibilité avec l'article 95 du traité.

39 Compte tenu de la réponse apportée aux deux premières questions et, en particulier, du raisonnement suivi aux points 30 à 32 du présent arrêt, la circonstance que les contrôles litigieux ont été effectués à l'intérieur de l'État d'exportation, en vue d'une exportation future des marchandises contrôlées, et non à la frontière n'est pas de nature à modifier cette conclusion.

40 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question qu'une redevance perçue à l'occasion de contrôles systématiques effectués à l'intérieur de l'État d'exportation, en vue d'une exportation future des marchandises contrôlées, constitue une taxe d'effet équivalant à des droits de douane à l'exportation, interdite par les articles 9 et 12 du traité, même si elle correspond au coût réel de chaque contrôle.

Sur les dépens

41 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (quatrième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesverwaltungsgericht, par ordonnance du 30 mars 1995, dit pour droit:

1) L'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n° 1624-76 de la Commission, du 2 juillet 1976, relatif à des dispositions particulières concernant le paiement de l'aide pour le lait écrémé en poudre dénaturé ou transformé en aliments composés pour animaux sur le territoire d'un autre État membre, dans sa rédaction résultant du règlement (CEE) n° 1726-79 de la Commission, du 26 juillet 1979, et l'article 10 du règlement (CEE) n° 1725-79 de la Commission, du 26 juillet 1979, relatif aux modalités d'octroi des aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait écrémé en poudre destiné à l'alimentation des veaux, en liaison avec l'article 34 du traité CE, s'opposent à la réalisation de contrôles systématiques ayant pour objet de vérifier que sont remplies les conditions de composition et de qualité du lait écrémé en poudre destiné à l'élaboration d'aliments composés pour animaux dans un autre État membre auxquelles est subordonné le bénéfice de restitutions à l'exportation, lorsque ces contrôles sont opérés, en vue d'une exportation future des marchandises contrôlées, à l'intérieur de l'État d'exportation et non à la frontière. Les dispositions susmentionnées ne s'opposent toutefois pas à de tels contrôles, à condition qu'ils ne soient opérés que par sondage.

2) Une redevance perçue à l'occasion de contrôles systématiques effectués à l'intérieur de l'État d'exportation, en vue d'une exportation future des marchandises contrôlées, constitue une taxe d'effet équivalant à des droits de douane à l'exportation, interdite par les articles 9 et 12 du traité CE, même si elle correspond au coût réel de chaque contrôle.