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Décisions

CJCE, 12 octobre 1993, n° C-37/92

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Baudoux combustibles (SA)

Défendeur :

Vanacker, Lesage

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Due

Présidents de chambre :

MM. Mancini, Moitinho de Almeida, Díez de Velasco

Avocat général :

M. Lenz

Juges :

MM. Kakouris, Schockweiler, Grévisse, Zuleeg, Kapteyn

Avocat :

Me Dujardin

CJCE n° C-37/92

12 octobre 1993

LA COUR,

1 Par arrêt du 18 octobre 1991, parvenu à la Cour le 13 février 1992, la Cour d'appel de Douai a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 30 à 36 du traité CEE ainsi que de la directive 75-439-CEE du Conseil, du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23, ci-après "la directive").

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'une procédure pénale engagée contre deux ressortissants belges, MM. Vanacker et Lesage, poursuivis devant le tribunal correctionnel de Laon pour avoir, dans le courant de l'année 1985, éliminé au sens de la réglementation française alors en vigueur, c'est-à-dire collecté et transporté sur le territoire français, des huiles usagées sans être titulaires de l'agrément requis par la réglementation en question. Ces agissements étaient prévus et punis par cette même réglementation.

3 Le tribunal correctionnel saisi a relaxé les prévenus. Ce jugement ayant été confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, un pourvoi en cassation a été formé. La haute juridiction française a cassé l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens et renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Douai. Cette dernière juridiction a trouvé "dans les éléments soumis à son appréciation des motifs suffisants" pour surseoir à statuer et poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"La réglementation française instaurant sur son territoire un système de ramassage et d'élimination d'huiles usagées au profit d'entreprises auxquelles l'administration délivre un agrément sur des zones réservées peut-elle être interprétée au vu des dispositions des articles 30 à 36 du Traité CEE et de la directive du Conseil des Communautés, comme ne permettant en fait la délivrance d'un agrément qu'à des entreprises nationales, et doit-elle être considérée en conséquence comme conforme ou non conforme aux dispositions européennes susvisées?"

4 Pour un plus ample exposé du cadre réglementaire et des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

5 Il ressort du dossier que les doutes de la juridiction nationale se rapportent au régime de ramassage des huiles usagées, à savoir leur collecte et leur transport, et non pas aux règles qui concernent leur élimination. Du reste, la question déférée à la Cour comporte en réalité les deux volets suivants.

6 La juridiction de renvoi demande, en premier lieu, à la Cour d'interpréter la réglementation française afin d'examiner si cette réglementation ne limite pas en fait la délivrance de l'agrément requis pour le ramassage aux seules entreprises nationales.

7 A cette partie de la question, il y a lieu de répondre que, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi par l'article 177 du traité, l'interprétation des règles nationales appartient aux juridictions nationales et non pas à la Cour, même si, selon une jurisprudence constante, lorsque la réglementation nationale a été instaurée pour mettre en œuvre une directive communautaire, ces juridictions sont tenues d'interpréter leur droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive (voir arrêt du 8 octobre 1987, Kolpinghuis, 80-86, Rec. p. 3969).

8 En deuxième lieu, le juge a quo demande si les articles 30 à 36 du traité et la directive 75-439 s'opposent à une réglementation nationale qui instaure un système de ramassage et d'élimination des huiles usagées au profit d'entreprises auxquelles l'administration délivre un agrément sur des zones réservées et qui ne permet en fait la délivrance de cet agrément qu'à des entreprises nationales.

9 Pour répondre à cette seconde partie de la question, il y a lieu d'observer d'abord que, la question du ramassage des huiles usagées étant réglementée de manière harmonisée au niveau communautaire par la directive, toute mesure nationale y relative doit être appréciée au regard des dispositions de cette directive et non pas des articles 30 à 36 du traité.

10 Il convient de rappeler ensuite que les articles 2 à 4 de la directive font obligation aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que soient assurées la collecte et l'élimination inoffensives, de préférence par réutilisation, des huiles usagées. L'article 5 de la directive, dans sa version en vigueur lors des faits de l'affaire au principal, dispose que, dans le cas où ces objectifs ne peuvent être atteints autrement, les États membres prennent les mesures nécessaires pour qu'une ou plusieurs entreprises effectuent la collecte des produits offerts par les détenteurs et /ou l'élimination de ces produits, le cas échéant dans la zone qui leur est attribuée par l'administration compétente.

11 Par ailleurs, dans les arrêts du 10 mars 1983, Inter-Huiles (172-82, Rec. p. 555), du 9 février 1984, Rhônes-Alpes Huiles (295-82, Rec. p. 575), et du 7 février 1985, Commission/France (173-83, Rec. p. 491), la Cour a précisé que la législation nationale qui instaurait un système d'agrément par zones était incompatible avec la directive en question et avec les règles sur la libre circulation des marchandises du fait qu'elle excluait les exportations des huiles usagées.

12 Il y a lieu d'observer qu'est également incompatible avec la directive une réglementation nationale qui prévoit un agrément par zones et ne permet en fait la délivrance de cet agrément qu'à des entreprises nationales.

13 Il y a donc lieu de répondre au deuxième volet de la question posée que la directive 75-439 s'oppose à une réglementation nationale qui instaure un système de ramassage et d'élimination des huiles usagées au profit d'entreprises auxquelles l'administration délivre un agrément sur des zones réservées et qui ne permet en fait la délivrance de cet agrément qu'à des entreprises nationales.

Sur les dépens

14 Les frais exposés par le Gouvernement français et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

Statuant sur les questions à elle soumises par la Cour d'appel de Douai, par arrêt du 18 octobre 1991, dit pour droit:

1) Dans le cadre du système de coopération judiciaire établi par l'article 177 du traité CEE, l'interprétation des règles nationales appartient aux juridictions nationales et non pas à la Cour, même si, selon une jurisprudence constante, lorsque la réglementation nationale a été instaurée pour mettre en œuvre une directive communautaire, ces juridictions sont tenues d'interpréter leur droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive.

2) La directive 75-439-CEE du Conseil, du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées, s'oppose à une réglementation nationale qui instaure un système de ramassage et d'élimination des huiles usagées au profit d'entreprises auxquelles l'administration délivre un agrément sur des zones réservées et qui ne permet en fait la délivrance de cet agrément qu'à des entreprises nationales.