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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 24 mars 2005, n° 04-24492

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gourmet TV (SAS), Ayache (ès qual.), Valliot (ès qual.)

Défendeur :

Canal Satellite (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Faucher

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Metadieu

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Arnaudy & Baechlin

Avocats :

Mes Joubert, Pardo, Wilhem

CA Paris n° 04-24492

24 mars 2005

LA COUR est saisie de l'appel interjeté par la SAS Gourmet TV du jugement contradictoirement rendu le 20 octobre 2004 par le Tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige l'opposant à la SA Canal Satellite, a débouté l'appelante de sa demande de dommages-intérêts, a prononcé, à ses torts, la résiliation du contrat de distribution et de transport liant les parties et l'a condamnée, outre aux dépens et au règlement d'une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à payer à l'intimée la somme de 1 754 206,44 euro HT, réactualisée dans les conditions fixées par l'article 5.3 du contrat de transport jusqu'au prononcé du jugement, la capitalisation des intérêts étant ordonnée.

Dans leurs dernières conclusions du 19 janvier 2005 Maîtres Valliot et Ayache, respectivement administrateur judiciaire et représentant des créanciers de la société Gourmet TV, déclarée en redressement judiciaire le 4 janvier 2005, font valoir, en présence de cette société :

* que, éditrice d'une chaîne thématique consacrée à la gastronomie et à l'art de vivre, la société Gourmet TV, qui a obtenu de la société Canal Satellite, diffusant déjà Cuisine TV, le transport et la commercialisation de sa chaîne le 20 mars 2002, s'est vue contrainte, en raison de pratiques discriminatoires, de ne pas signer les contrats à elle adressés par l'intimée le 25 février 2003 et de cesser tout versement au titre du transport de son signal par la société Canal Satellite,

- que cette société a, par ses manœuvres dolosives, trompé son consentement lors de la formation du contrat dans la mesure où elle lui a dissimulé certaines informations déterminantes et a travesti la réalité en présentant le contrat comme " standard ", alors qu'il s'est révélé en 2003 que des chaînes satellitaires, telle Cuisine TV, percevaient une redevance au titre des abonnements et ne payaient pas de frais de transport,

- que l'intimée a lors de la formation du contrat, violé les règles relatives à l'égalité de traitement entre éditeurs et distributeurs posées par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, ce en raison de pratiques discriminatoires injustifiées, tant au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce qu'objectivement, et provenant de " liens directs ou indirects, capitalistiques, commerciaux et/ou humains que Canal Satellite entretient avec de nombreuses chaînes thématiques ",

- que, lors de l'exécution du contrat, l'intimée a commis à son égard de multiples fautes dans la mesure où:

* jusqu'au mois de novembre 2003 elle s'est vue attribuer un canal de diffusion (94) déconnecté de sa thématique, alors que Cuisine TV était diffusée sur le canal 14,

* au mois d'août 2003 elle a été retirée de la " mosaïque " qui permet aux téléspectateurs de " naviguer " sur l'offre de chaîne de façon plus facile et conviviale et de choisir directement la chaîne sur l'écran",

* à la différence de Cuisine TV, elle n'a pas fait l'objet de promotion de la part de sa cocontractante qui, par ailleurs, depuis septembre 2004, ne la mentionne pas sans sa proposition de nouvel abonnement intitulé "Canal SATDSL",

- que, en raison de ces différentes fautes, la société Canal Satellite lui a causé un préjudice:

* égal à 10 688 870 euro puisqu'elle a dû accepter de n'être pas rémunérée,

* égal à 4 000 000 euro puisque, pendant l'exécution du contrat, elle a été privée d'une chance de développer son audience et, partant, de percevoir de plus importantes recettes publicitaires,

* justifiant la publication de l'arrêt à intervenir en raison de l'atteinte portée à son image,

- que la demande reconventionnelle de l'intimée n'est pas fondée dans la mesure où celle-ci n'a pas respecté la loi,

- que pour faire valoir ses droits elle a dû supporter 50 000 euro + TVA au titre de ses frais irrépétibles.

En conséquence Maîtres Valliot et Ayache, ès qualités, en présence de la société Gourmet TV, prient la cour, au visa des articles 6, 1134, 1135, 1147, 1382 et suivants du Code civil et de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, de débouter la société Canal Satellite de ses demandes et de la condamner, outre aux dépens et au règlement d'une indemnité de 50 000 euro + TVA, à lui payer 10 688 870 euro, sous réserve de son actualisation ultérieure, et 4 000 0000 euro à titre de dommages-intérêts.

Après avoir, dans ses dernières écritures du 26 janvier 2005, indiqué qu'elle exploitait un bouquet de chaînes et distribuait des services de télévision payante diffusés sur le câble, le satellite, l'ADSL, la société Canal Satellite réplique:

- que la société Gourmet TV ne peut demander au tribunal de lui imposer sa distribution à des conditions qu'elle n'a jamais ou n'aurait jamais acceptées (paiement d'une redevance et transport gratuit),

- qu'aucune manœuvre dolosive ne peut lui être imputée dans la conclusion des contrats de transport et de distribution, alors notamment que l'appelante avait connaissance de ce que les conditions par elle proposées n'étaient pas identiques à celles de l'ensemble des éditeurs de chaîne et n'a pu être induite en erreur,

- que les contrats de transport et de distribution ne revêtent aucun caractère discriminatoire à l'égard de l'appelante qui:

* ne peut invoquer les dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, laquelle n'a pas vocation à être appliquée par les tribunaux judiciaires, mais celles de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

* ne peut prétendre que toutes les chaînes doivent être commercialisées au même prix et recevoir les mêmes redevances des distributeurs, alors, en particulier, que les éditeurs de chaînes, intervenant comme vendeurs, fixent librement les prix,

* ne peut se prévaloir de pratiques discriminatoires illicites au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce dans la mesure où, d'une part il n'y a pas d'inégalité de traitement démontrée, d'autre part l'appelante n'est pas en situation de concurrence avec l'ensemble des chaînes du bouquet de Canal Satellite, enfin la discrimination invoquée est justifiée par des contreparties réelles,

- qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de distribution puisque:

* concernant le n° du canal attribué il n'existe aucun engagement contractuel ou usage en la matière,

* l'appelante ne peut lui reprocher sa suppression de la "mosaïque" alors qu'elle viole elle-même ses obligations contractuelles et que sa cocontractante est amenée à opérer des choix,

* sur l'absence de promotion, il n'existe aucun engagement contractuel à la charge du distributeur qui, cependant, a réalisé à plusieurs reprises la promotion des programmes de Gourmet TV,

* le contrat de distribution ne visant que la diffusion satellitaire, il ne peut lui être reproché l'absence de Gourmet TV dans l'offre ADSL,

- que les différents chefs de préjudice allégués par l'appelante sont " totalement fantaisistes " et ne peuvent justifier la publication du jugement,

- que la résiliation judiciaire des contrats est justifiée car la société Gourmet TV:

* a pris l'initiative d'interrompre unilatéralement le paiement des sommes dues à partir de septembre 2002, alors que sa cocontractante continuait à exécuter ses obligations,

* a manifestement enfreint les engagements par elle souscrits dans le cadre du contrat de distribution qui l'obligeait à diffuser 4 heures d'émissions " fraîches ", ce qui n'a pas été le cas et a nui à son image auprès de ses abonnés,

- que, à titre subsidiaire, il y a lieu d'ordonner la compensation judiciaire des condamnations pécuniaires pouvant être prononcées à l'encontre de chacune des parties,

- qu'elle a dû exposer des frais irrépétibles.

Dès lors l'intimée demande à la cour:

- de débouter Maîtres Valliot et Ayache, ès qualités, de leurs demandes,

- de confirmer le jugement déféré, sauf, compte tenu de l'ouverture d'une procédure judiciaire, de constater sa créance à l'encontre de la société Gourmet TV et d'en fixer le montant à hauteur de:

* 2 699 087,87 euro pour l'exécution du contrat de transport pour les mois de septembre 2002 à décembre 2004,

* 10 000 euro au titre de l'indemnité allouée en première instance au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes visant à faire constater que la société Gourmet TV avait violé le contrat de distribution et, statuant à nouveau, de prononcer la résiliation du contrat de distribution aux torts exclusifs de la société Gourmet TV et de condamner Maître Valliot, ès qualités, à procéder à la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir et à lui payer 1 euro à titre de dommages-intérêts.

A titre subsidiaire la société Canal Satellite demande que la compensation entre toutes les sommes dues par la société Gourmet TV et les condamnations pouvant être prononcées à son encontre (l'intimée) soit ordonnée.

En tout état de cause la société Canal Satellite sollicite la condamnation de Maître Valliot, ès qualités, outre aux dépens d'appel, à lui payer 50 000 euro, TVA en sus, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que, bien que non signés par les parties, deux contrats, l'un de commercialisation et l'autre de transport de signal numérique, ont, pour une durée s'étendant du 20 mars 2002 au 19 mars 2005, sans possibilité de renouvellement par tacite reconduction, été conclus par la société Gourmet TV, qui exploite et édite un service de télévision consacré à l'art de la table et à la cuisine des grands chefs, et la société Canal Satellite, qui commercialise un bouquet de chaînes et de services, diffusé en mode numérique par l'intermédiaire du système satellitaire Astra;

Considérant que l'intimée s'est engagée à assurer, par le premier contrat, la commercialisation du " programme Gourmet TV " et, par le second, le traitement, le transport et la transmission en mode numérique, sur le système satellitaire Astra, du signal à elle fourni par l'appelante qui, en contrepartie, devait lui verser une redevance mensuelle, révisée au 1er juillet de chaque année à partir de l'année 2002, avec effet rétroactif au 1er janvier 2002, selon une certaine formule, de 28 944 euro HT pour le traitement du signal et de 47 087 euro HT pour son transport et sa transmission;

Considérant que la société Gourmet TV, à laquelle la société Canal Satellite réclame le paiement d'un arriéré de redevances, se prévaut, de la part de l'intimée, tout d'abord d'une dissimulation frauduleuse d'informations déterminantes de son consentement et d'une inégalité de traitement avec les autres éditeurs de chaînes, ensuite de fautes dans l'exécution des contrats, ce qui est contesté par l'intimée qui, de son côté, se prévaut d'une mauvaise exécution du contrat de commercialisation par la société Gourmet TV;

Considérant, à titre liminaire, que, aucune invitation n'ayant par elle été adressée aux parties, lors des plaidoiries, de fournir des notes en délibéré, la cour n'a pas tenu compte de celles communiquées;

Considérant, ceci étant, sur le premier point, que l'appelante soutient que, assurée de bénéficier de conditions standards, elle fut "stupéfaite" d'apprendre par le Guide des chaînes thématiques publié par l'Association des Chaînes du Câble et du Satellite (ACCeS), que les chaînes thématiques bénéficiaient de redevances versées par les diffuseurs satellitaires à hauteur de 84 % de leur chiffre d'affaires et de recettes publicitaires à hauteur de 16 % de ce même chiffre, en sorte que, contrairement à sa concurrente Cuisine TV, elle se voyait obligée par l'intimée de " vivre à 100 % de ses recettes publicitaires ";

Considérant cependant que, même si une décision du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) du 16 septembre 2003 fait état de ce que France TV n'est pas entrée dans le capital de la société Gourmet TV, contrairement à ce qui est mentionné dans une convention passée le 20 mars 2002 entre elle et le CSA, agissant au nom de l'Etat, ainsi d'ailleurs que dans une lettre adressée par la société Gourmet TV elle-même à la société Canal Satellite le 29 janvier 2002, il est constant que, comme l'a relevé le tribunal, les parties ont longuement préparé les contrats litigieux avec leurs conseils respectifs;

Considérant que, tout comme d'ailleurs l'appelante, professionnelle de la télévision, ceux-ci ne pouvaient ignorer, comme il en est notamment attesté par la publication des bilans 2000 et 2001 des chaînes du câble et du satellite dans des lettres du CSA, que le chiffre d'affaires des chaînes thématiques se répartissait entre abonnement et recettes publicitaires;

Considérant que la genèse des négociations fait apparaître que, depuis le mois d'avril 2001, les modalités de la commercialisation du programme de l'appelante et du transport de son signal, à savoir, selon les termes mêmes d'un courrier adressé par l'intimée à la société Gourmet TV le 18 avril 2001, "distribution gratuite (sans redevance versée de la part de Canal Satellite) et dans les cas d'une distribution non exclusive (ce qui est votre demande), frais de traitement du signal au sol et de transport satellite à la charge de "Gourmet TV", constituent une préoccupation majeure des parties puisque l'absence - ou non - de redevance de l'intimée et la gratuité - ou non - du transport du signal apparaissent comme des éléments de pourparlers;

Considérant que, de manière significative, "Satellifax", qui donne " chaque jour, toute l'actualité de l'audiovisuel ", informe ainsi ses lecteurs le 13 avril 2001:

" la chaîne (Gourmet TV), qui ne demande pas de rémunération aux opérateurs pour sa diffusion, sera retransmise à la fois sur Canal Satellite et sur TPS. Les négociations sont en cours de finalisation avec les câblo-opérateurs. "Notre politique, c'est de ne rien demander pour être partout, c'est une autre tactique" ...";

Que, après ces propos, non démentis par l'appelante, " Satellifax " ajoute que " Guy Job " (dirigeant de la société Gourmet TV) ne craint pas la compétition avec Cuisine TV" en citant les propos de celui-ci : "Notre différence se situe tout d'abord au niveau de la cible. Nous visons le tout public, les chefs, les professionnels, les ménagères et, en général, les gens qui aiment la gastronomie. Il y a par exemple de plus en plus d'hommes qui aiment faire la cuisine";

Considérant que "la correspondance de la presse" du 30 janvier 2002 relate, après avoir évoqué une tentative avortée de rapprochement entre les sociétés Cuisine TV et Gourmet TV (Voir aussi à ce sujet "AFP Général" du 29 janvier 2002), que celle-ci avait, selon son dirigeant, décidé de vivre à 80 % des recettes de publicité, du sponsoring et des droits dérivés et, pour les 20 % restant, en grande partie avec du téléshopping;

Considérant que dans son dossier de présentation, la société Gourmet TV, " la chaîne française de la gastronomie et de l'art de vivre ", s'affirme comme " une chaîne offerte au plus grand nombre, financée par la publicité et le partenariat en association avec le groupe France Télévision " ;

Considérant en outre que, d'un "commun accord", les parties ont, dans l'article 10 du contrat de commercialisation, "expressément convenu qu'aucune redevance, de quelque nature que ce soit, ne sera versée par Canal Satellite à Gourmet TV, au titre du présent contrat";

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dès l'origine, la société Gourmet TV était informée des diverses modalités de commercialisation et du transport s'offrant à elle et a, de propos délibéré, en connaissance de cause, choisi une "tactique" différente de celle de la société Cuisine TV, par elle approchée, qui, diffusant son programme en exclusivité sur Canal Satellite depuis 2001, perçoit une redevance de l'intimée, dont le montant est ignoré de la cour, et des recettes publicitaires;

Qu'elle ne peut donc, sérieusement invoquer à l'encontre de sa cocontractante un dol ou même une inégalité de traitement, alors, d'une part, que rien ne prouve qu'elle était la seule chaîne du "bouquet" de l'intimée à ne pas bénéficier de rémunération et qu'elle se trouvait en concurrence avec des chaînes autres que Cuisine TV dont la situation, au minimum, se distingue objectivement de celle de l'appelante en raison même de l'exclusivité de diffusion qu'elle avait consenti à sa cocontractante, la société Canal Satellite, et dont on ignore les conditions de signature du contrat, et alors, d'autre part, que la référence à la conclusion d'un contrat "aux conditions standard de Canal Satellite" ne peut, à elle seule, en raison même de l'imprécision de la formule, postuler que tous les contrats de l'intimée étaient soumis aux mêmes conditions;

Que de la sorte, la justification d'une inégalité de traitement en raison de liens capitalistiques n'étant, au demeurant, pas prouvée, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel;

Considérant, sur le second point, que la société Gourmet TV évoque des fautes de la société Canal Satellite dans l'exécution du contrat puisque, selon elle, celle-ci, tout d'abord lui a, jusqu'au mois de novembre 2003, attribué une chaîne déconnectée de sa thématique, ensuite l'a retirée de sa " mosaïque ", en outre l'a privée de promotion et enfin ne l'a pas mentionnée dans son nouvel abonnement "Canal SATDSL" ; que l'intimée, de son côté, reproche à la société Gourmet TV une méconnaissance des stipulations contractuelles concernant l'édition et la diffusion de ses programmes;

Considérant, en premier lieu, que si la société Canal Satellite a attribué en 2001 le canal n° 14 à la société Cuisine TV et puis en 2002 le canal 94 à la société Gourmet TV, celle-ci ne démontre pas en quoi l'opérateur a agi en contravention du contrat qui, à cet égard, ne contient aucune disposition particulière et n'offre à l'éditeur de programme aucune garantie d'attribution du canal ou même de manière discriminatoire, ce d'autant que le "Panorama des chaînes et services" édité par Canal Satellite au mois de mars 2003 réunit les chaînes "Cuisine TV" et "Gourmet TV", avec indication de leur canal, sous la rubrique, comportant 8 chaînes, intitulée, "Vie pratique", ce qui permet aux téléspectateurs de faire un choix aisé et véritable;

Considérant, par ailleurs, que l'appelante ne peut, de manière générale, affirmer que " pas une seule fois " le magasine des abonnés de Canal Satellite " n'évoque ou met en avant un programme de Gourmet TV ", alors que l'intimée montre, en versant des copies de magasine pour les mois de janvier, mars, juin et septembre 2003, qu'elle a assuré la promotion des programmes de Gourmet TV et que, en tout état de cause, si elle ne l'a pas toujours fait, rien ne prouve que c'est en raison d'une faute de sa part;

Considérant, en troisième lieu, que l'absence de Gourmet TV dans l'offre d'abonnement Canal SATDSL ne peut être reprochée à la société Canal Satellite dans la mesure où le contrat liant les parties ne visait que la diffusion satellitaire et où la société Gourmet TV ne démontre pas avoir sollicité sa reprise dans l'offre ADSL;

Considérant, en outre, que si l'appelante verse aux débats un procès-verbal dans lequel Maître Stéphanie Schambourg, huissier de justice associé à Paris, constate le 16 avril 2004 la disparition de Gourmet TV dans la "mosaïque" des programmes, force est de constater qu'aucun élément ne permet d'établir les critères de changement de la confection de la "mosaïque" qui comporte un nombre de places inférieur à celui des chaînes du bouquet et que, en tout état de cause, la société Canal Satellite était fondée à exciper de l'exception d'inexécution de ses obligations par la société Gourmet TV;

Considérant, à cet égard, qu'aux termes de l'annexe 2 du contrat de commercialisation, l'appelante s'est notamment engagée à produire "4 heures fraîches par jour" d'émissions;

Considérant que pour démontrer l'inexécution de ses obligations par l'appelante, la société Canal Satellite verse aux débats un tableau sur les "programmes frais diffusés par Gourmet TV entre avril 2004 et décembre 2004";

Considérant que, non sérieusement critiqué par la société Gourmet TV, ce document, établi à partir de données fournies par celle-ci, montre que depuis le mois d'avril 2004 jusqu'au mois de décembre 2004, elle n'a pas, loin s'en faut, rempli son obligation puisque celle-ci n'a été respectée qu'à hauteur de 5,7 % au mois d'avril, 13,3 % au mois de mai, 12,6 % au mois de juin, 8,7 % au mois de juillet, 9,1 % au mois d'août, 11,8 % au mois de septembre, 14,9 % au mois d'octobre, 13,8 % au mois de novembre et 9,3 % au mois de décembre;

Considérant, toutefois, que, faute par elle de justifier d'un préjudice, l'intimée, qui ne peut se prévaloir que d'une résiliation du contrat de commercialisation aux torts et griefs de l'appelante et d'une exception d'inexécution, est mal fondée à réclamer des dommages-intérêts ou la publication de l'arrêt;

Considérant que, n'ayant pas, ce qui n'est guère contesté, réglé une importante partie de ses redevances afférentes à l'exécution du contrat de transport du signal numérique, ce qui en justifie la résiliation à ses torts exclusifs, la société Gourmet TV se trouve redevable à l'égard de sa cocontractante de la somme de:

- 2 602 989,63 euro TTC correspondant au montant des factures dues pour les mois de septembre 2002 au mois de décembre 2004,

- 96 098,24 euro au titre de la pénalité contractuelle de retard;

Considérant que, en raison du redressement judiciaire de la société Gourmet TV, l'intimée a, comme elle en justifie, déclaré sa créance à son passif; qu'il convient donc de la fixer aux sommes de 2 602 989,63 euro TTC + 98 098,24 euro auxquelles il convient d'ajouter celle de 10 000 euro allouée à bon droit par les juges consulaires à la société Canal Satellite sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, soit un total de 2 209 087,87 euro;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à l'intimée, en cause d'appel, une indemnité de 10 000 euro au titre de ses frais irrépétibles;

Considérant que, partie perdante, la société Gourmet TV sera déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau : Prononce la résiliation des contrats aux torts de la société Gourmet TV, Fixe la créance de la société Canal Satellite à l'égard de la société Gourmet TV à la somme de 2 709 087,87 euro, Condamne la société Gourmet TV, assistée de Maîtres Valliot et Ayache, ès qualités, aux dépens et au paiement, envers la société Canal Satellite, d'une somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; admet la SCP Arnaudy et Baechlin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.