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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 25 mars 2003, n° 2001-14909

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fleurus Mame (SA)

Défendeur :

Editions Parasol (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland

Avoués :

SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Halpern, Dupas

TGI Paris, 3e ch., du 15 mai 2001

15 mai 2001

Vu l'appel interjeté par la société Groupe Fleurus Mame à l'encontre du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 15 mai 2001 qui a:

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation,

- déclaré nulles les opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 28 novembre 2000 et écarté des débats le procès-verbal et les pièces saisies,

- prononcé la nullité de la marque "J'apprends à dessiner" n° 00 3 024 633 pour désigner les produits des classes 16 et 41 énumérés,

- débouté la société Groupe Fleurus Mame de ses demandes en contrefaçon et concurrence déloyale,

- condamné la société Groupe Fleurus Mame à payer à la société Parasol la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts,

- dit que le jugement sera transmis par le greffier préalablement requis par la partie la plus diligente à l'INPI pour inscription au registre national des marques,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Groupe Fleurus Mame à payer à la société Parasol la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 12 décembre 2001 par lesquelles la société Groupe Fleurus Mame, ci-après Fleurus, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation, demande à la cour de :

- déclarer valable la saisie-contrefaçon effectuée le 28 novembre 2000 ou à tout le moins déclarer recevable le procès-verbal dressé à cet effet,

- dire valable la marque "J'apprends à dessiner" n° 00 3024 633,

- constater que la société Parasol a commis des actes de contrefaçon,

- interdire à la société Parasol d'utiliser les mots constitutifs de la marque et du titre des ouvrages édités par le Groupe Fleurus Mame,

- interdire à la société Parasol la poursuite des actes de contrefaçon, sous astreinte définitive de 45 euro par infraction constatée, chaque exemplaire du livre offert à la vente correspondant à une infraction, à compter de la quinzaine de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la confiscation de toutes publications, tous ouvrages, tous articles ou documents comportant des caractéristiques de la marque précitée pour lui être remis aux fins de destruction,

- dire que la société Parasol a commis des actes de concurrence déloyale,

- condamner la société Parasol à lui verser la somme de 76 500 euro à titre de dommages-intérêts,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois magazines de son choix, aux frais de la société Parasol à concurrence de 3 000 euro par publication,

- condamner la société Parasol à lui verser la somme de 7 622 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 mars 2002 aux termes desquelles la société de droit belge Parasol NV sollicite la confirmation du jugement entrepris et l'allocation d'une indemnité de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que d'une somme de 13 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Sur quoi,

- Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 28 novembre 2000

Considérant que la société Parasol soulève la nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée le 28 novembre 2000 à la requête de la société Fleurus au motif que l'assignation au fond n'a pas été délivrée dans le délai de quinzaine ;

Que la société Fleurus réplique que la nullité édictée par l'article L. 716-7 du CPI n'est encourue que dans le cadre d'une saisie réelle et qu'en l'espèce, l'huissier instrumentaire, faute d'avoir trouvé sur les lieux des exemplaires à saisir, s'est limité à recueillir des renseignements relatifs au produit argué de contrefaçon ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 716-7 alinéa 3 du CPI, à défaut pour le requérant de s'être pourvu soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle dans le délai de quinzaine, la saisie est nulle de plein droit ;

Que ce texte n'opère aucune distinction entre la saisie descriptive et la saisie réelle de sorte que la sanction qu'il prévoit au cas d'inobservation du délai de quinzaine doit s'appliquer quelle que soit la saisie pratiquée ;

Considérant que l'acte introductif d'instance ayant été délivré à la société Parasol, le 26 décembre 2000, le délai de quinzaine imposé par ce texte n'a pas été respecté de sorte que la saisie-contrefaçon est nulle ;

Que les premiers juges ont estimé à juste titre que l'ensemble des pièces s'y rapportant doit être rejeté des débats ;

- Sur la validité de la marque "J'apprends à dessiner" n° 00 3024 633

Considérant que la société Parasol conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé la marque dénominative "J'apprends à dessiner" pour défaut de caractère distinctif sur le fondement des articles L. 711-2 -b) et L. 711-3-c) du CPI ;

Considérant que l'article L. 711-2 -b) du CPI dispose que sont dépourvus de caractère distinctif:

b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit... notamment... la destination ;

Considérant que l'expression "J'apprends à dessiner" utilisée pour désigner des produits de l'imprimerie (livres, imprimés, albums, brochures, catalogues, carnets, journaux, périodiques, publications diverses, prospectus, tracts, représentations graphiques), du matériel d'instruction et d'enseignement, décrit leur destination, s'agissant d'ouvrages destinés à faciliter l'apprentissage du dessin aux jeunes enfants ;

Que les premiers juges ont en outre estimé à juste titre que cette expression serait trompeuse, au sens de l'article L. 711-3-c du CPI, appliquée à ces mêmes produits, en vue d'une autre destination;

Qu'il s'ensuit qu'ils ont à bon droit annulé la marque n° 00 3024 633 pour défaut de caractère distinctif en ce qu'elle désigne les produits de l'imprimerie et les matériels d'enseignement et d'instruction et débouté la société Fleurus de ses demandes au titre de la contrefaçon de ce signe ;

- Sur la concurrence déloyale

Considérant que la société Fleurus reproche à la société Parasol d'avoir commis des actes de concurrence déloyale en proposant à la clientèle un produit imitant les ouvrages qu'elle édite sous le titre "J'apprends à dessiner" ; qu'elle précise que le risque de confusion résulte de l'adoption de la même méthode d'apprentissage du dessin et d'une conception identique des ouvrages et des intitulés ;

Considérant que si la société Fleurus utilise le titre litigieux en lui adjoignant des compléments tels " J'apprends à dessiner la mer", "la montagne", "le bord de l'eau", "mes vacances", cette formulation, loin de différencier les ouvrages en présence, illustre l'existence d'une série d'ouvrages consacrés au dessin qui laisse accroire au public que l'ouvrage second, portant le seul titre "j'apprends à dessiner", est issu de cette même gamme ;

Que cette collection, présente sur le marché depuis plus de dix ans, dont le succès est démontré par le nombre important d'exemplaires vendus, est identifiée auprès du lectorat par son titre.

Que les différences dans la présentation des ouvrages, relevées par les premiers juges, qui ont constaté exactement que le Kit d'activité de Fleurus se distingue de celui de la société Parasol en ce qu'il comporte, outre des cartes postales à compléter et un nécessaire pour peindre, un livre cartonné, ne sont pas de nature à dissiper le risque de confusion entre les ouvrages en raison de la similarité des titres; qu'en outre, ce risque se trouve aggravé par le choix par la société Parasol de la même méthode d'apprentissage des dessins, par découpage en quatre étapes;

Qu'en adoptant ce titre pour désigner un ouvrage du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion, la société Parasol a commis une faute engageant sa responsabilité;

- Sur les mesures réparatrices

Considérant que ces actes de concurrence déloyale, qui conduisent nécessairement à la banalisation du titre des ouvrages de la société Fleurus, ont entraîné pour elle un trouble commercial certain dans la mesure où les produits en cause sont diffusés dans les mêmes points de vente ; que le préjudice en résultant sera entièrement indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts.

Qu'il convient d'ordonner l'interdiction de la commercialisation des ouvrages litigieux et la publication de la présente décision, selon les modalités qui seront précisées au dispositif;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société Fleurus, la somme de 7 000 euro devant lui être allouée à ce titre ;

Que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile formées par la société Parasol ;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la saisie-contrefaçon du 28 novembre 2000, prononcé la nullité de la marque "J'apprends à dessiner" n° 00 3024 633, ordonné sa transmission à l'INPI aux fins d'inscription et débouté la société Groupe Fleurus Mame de ses demandes au titre de la contrefaçon; Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau : Dit que la société Parasol, en adoptant le titre "J'apprends à dessiner" qui identifie une collection de la société Groupe Fleurus Mame, pour désigner un ouvrage d'apprentissage du dessin destiné aux enfants, a commis des actes de concurrence déloyale; Condamne en conséquence la société Parasol à payer à la société Groupe Fleurus Mame la somme de 25 000 euro à titre de dommages-intérêts; Interdit à la société Parasol la poursuite de ces actes, sous astreinte de 25 euro par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt; Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues, au choix de la société Groupe Fleurus Mame, aux frais de la société Parasol, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 3 000 euro HT; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Parasol à payer à la société Groupe Fleurus Mame la somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Parasol aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.