CA Aix-en-Provence, 2e ch. com., 9 octobre 2003, n° 00-03869
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nextiraone (SA)
Défendeur :
Clinique Monticelli (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Croze
Conseillers :
MM. Blin, Jacquot
Avoués :
SCP Maynard-Simoni, SCP Blanc-Amsellem-Mimran
Avocats :
Me Damerval, Pechenart
Exposé du litige
Un jugement rendu le 9 décembre 1999 entre les parties par le Tribunal de commerce de Marseille a :
- ordonné à la société Alcatel Business Systems de procéder à ses frais aux modifications permettant à l'installation téléphonique de la société Monticelli de fonctionner après le passage à l'an 2000 dès la signification de la décision, sous astreinte de 1 000 F (152,45 euro) par jour de retard ;
- débouté la société Monticelli de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
- condamné la société Alcatel Business Systems à payer à la société Monticelli la somme de 15 000 F (soit 2 286,74 euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Régulièrement appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 5 janvier 2000, la société Alcatel Business Systems aux droits de laquelle vient la société Nextiraone, par conclusions déposées le 24 mars 2002 demande à la cour de :
- infirmer le jugement ;
- dire irrecevables en tout cas mal fondées les demandes de la société Monticelli ;
- dire que le coût de l'intervention sur le logiciel de taxation permettant à l'installation téléphonique de la clinique Monticelli de passer sans risque à l'an 2000 ne doit pas être supporté par la société Alcatel ;
- condamner la société Monticelli à lui payer la somme de 45 414 F HT (soit 6 923,32 euro), coût de l'intervention, ainsi que celle de 80 000 F (soit 12 195,92 euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle rappelle qu'en fait la société intimée a signé le 22 juillet 1992 avec la société GST Alcatel un contrat de vente et de maintenance concernant un autocommutateur Telic Alcatel 2600. La durée de la maintenance était de cinq ans, et au delà reconductible par année sauf dénonciation six mois avant l'échéance annuelle. Le contrat a été renouvelé jusqu'en septembre 1999.
Elle reproche au jugement d'avoir inexactement interprété l'étude du Cigret, et n'a pas suffisamment examiné sa propre argumentation.
Elle soutient en droit que l'obligation de délivrance prévue à l'article 1604 du Code civil n'est pas susceptible de recevoir application en l'espèce, dès lors que la venderesse ne s'était pas engagée lors de la vente sur la capacité du système de gérer le passage de l'an 2000, que le matériel et les logiciels mis à la disposition de la clinique étaient conformes aux spécifications de l'époque en 1992, qu'enfin ce n'est qu'en 1995 que la presse spécialisée a commencé à parler du passage à l'an 2000.
Elle fait par ailleurs valoir que l'intimée qui lors de la commande était assistée par un spécialiste, ne peut être qualifiée de profane de sorte qu'il ne peut être reproché a l'appelante un quelconque manquement à son devoir d'information et de conseil.
En outre elle ne se considère pas responsable en sa qualité de cédante non exclusive du logiciel d'exploitation de l'installation téléphonique, et nie toute responsabilité sur le fondement de l'article 1721 du Code civil, en rappelant que le problème du passage de l'an 2000 n'était pas prévisible au moment de la conception du logiciel dont elle n'est de surcroît pas l'auteur.
Enfin, faisant observer que l'article II 1 al. 1 et 2 du contrat s'interprète comme conférant à la venderesse une obligation de maintenance uniquement corrective et non évolutive, elle estime que cette clause non ambigüe, exclut sa responsabilité fondée sur un manquement aux obligations résultants du contrat de maintenance.
De son côté la société Clinique Monticelli dans ses conclusions déposées le 1er août 2000 demande à la cour de :
- confirmer le jugement ;
- constater que la société Alcatel est tenue au titre du contrat de vente et de maintenance, d'assurer la continuité de fonctionnement de l'installation téléphonique de la clinique, et de remédier aux éventuels disfonctionnements liés au passage de l'an 2000 ;
- ordonner à la société Alcatel d'assurer le coût des modifications permettant ce passage ;
- la condamner en application de l'article 1382 du Code civil au paiement de la somme de 100 000 F (soit 15 244,90 euro) à titre de dommages-intérêts correspondant au temps consacré par les services administratifs au règlement du litige ainsi qu'aux frais d'expertise, ainsi que de la somme de 80 000 F (soit 12 195,92 euro) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient que la société Alcatel qui en 1992, n'a pas mis à sa disposition un matériel conforme aux spécifications connues à cette date a manqué à son obligation de délivrer une installation capable d'assurer une continuité de fonctionnement.
Elle ajoute que la souscription du contrat de maintenance avait pour fonction de garantir la continuité du fonctionnement, et qu'elle était en droit d'attendre un fonctionnement continu de l'installation au delà de l'an 2000.
Elle estime en outre que l'appelante a manqué à son obligation d'information et de mise en garde tant en 1996 lors de l'installation du nouveau logiciel rendu nécessaire par la numérotation à dix chiffres, qu'en 1998 ;
Enfin se prévalant de ce qu'elle a souscrit à un contrat d'adhésion, elle relève que les clauses ambigües ou obscures s'interprètent aussi contre le vendeur aux termes de l'article 1602 du Code civil.
Motifs de l'arrêt
Sur l'obligation de garantie stipulée au contrat de vente :
Cette obligation figure à l'article 1-7 des conditions générales de vente mentionnées au dos du contrat. Elle prévoit que "le matériel vendu n'étant pas de fabrication du fournisseur, bénéficie des diverses garanties conventionnelles accordées par les différents constructeurs. Il est par ailleurs précisé, qu'outre la garantie conventionnelle dont pourra ainsi bénéficier le client, ce dernier est expressément informé que le fournisseur le garantit dans le cadre de la garantie légale, contre toutes les conséquences et défauts ou vices cachés de la chose vendue ou du service rendu".
Il suit qu'à défaut de stipulation particulière résultant du contrat, l'appelante est débitrice [de] l'obligation de délivrance légale comprenant selon l'article 1615 du Code civil celle de délivrer les accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel.
En l'espèce la société Clinique Monticelli, profane dans le domaine technique concernant les caractéristiques des commutateurs et des logiciels pouvait raisonnablement s'attendre, en l'absence d'informations précises de la venderesse sur ce point, à ce que le matériel acquis par elle fonctionne normalement, pendant plus de sept ans, rien ne démontrant que le matériel vendu devait devenir obsolète dans un délai plus court, ou qu'il était connu de tous les profanes dès 1992 que le passage de l'an 2000, événement prévisible pour les professionnels risquait d'entraîner des aménagements et des modifications de la version logiciel.
Il suit qu'à bon droit la société intimée qui contrairement aux seules affirmations de son adversaire, ne parait pas avoir été assistée par un professionnel de l'informatique lors de la signature du contrat en 1992, soutient que la société appelante a manqué à son obligation de délivrer une installation capable de fonctionner de manière continue, cette dernière ne pouvant sérieusement prétendre qu'en 1992, compte tenu de la rapidité de l'évolution des techniques dans sa spécialité, elle ne pouvait ni prévoir et aménager les installations nécessaires pour assurer la continuité du fonctionnement après le passage à l'an 2000, ni informer l'intimé des problèmes techniques que posait cet événement.
Il suit qu'en l'état du bien fondé de ce moyen, l'argumentation tirée du manquement de l'appelante à son obligation d'entretien devient inopérante, et que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société appelante de procéder à ses frais aux modifications permettant à l'installation téléphonique de la société Clinique Monticelli de fonctionner après le passage à l'an 2000.
La demande en paiement de dommages-intérêts correspondant selon la société Clinique Monticelli au temps consacré par ses services administratifs au règlement du litige ainsi qu'aux frais d'expertise, n'est assortie d'aucune justification. Elle sera en conséquence rejetée.
L'appelante qui succombe supportera les dépens d'appel.
L'équité ne commande pas d'écarter l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit l'appel régulier en la forme ; Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne l'astreinte ; Y ajoutant : Condamne la société Nextiraone venant aux droits de la société Alcatel Réseaux d'Entreprise (ARE), elle-même aux droits de la société Alcatel Business Systems à payer à la société Clinique Monticelli la somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.