CA Aix-en-Provence, 2e ch., 23 octobre 2003, n° 99-17979
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Seneclauze (Consorts), Brando, Vins Seneclauze Brando (SA), Domaine du Val d'Arenc (SA)
Défendeur :
Touzet (Consorts), Giroud, Groupement foncier agricole du Château de Beaulieu, Touzet Dsitribution (SARL), Les Vignerons Provençaux (SICA), De Saint Rapt (ès qual.), Rafoni (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Croze
Conseillers :
MM. Blin, Fohlen
Avoués :
SCP Blanc-Amsellem-Mimram, SCP Jourdan-Wattecamps
Avocats :
Mes Trolliet, Leclerc
Exposé du litige
Sur assignation d'une part de Maître de Saint Rapt et Maître Rafoni dans l'intérêt des créanciers et de la SICA Les Vignerons Provençaux en redressement judiciaire pour obtenir paiement par les consorts Seneclauze et la société des Vins Seneclauze-Brando de diverses sommes ainsi que des dommages-intérêts pour n'avoir pas fourni caution et avoir eu un comportement commercial déloyal, d'autre part des consorts Seneclauze et de la société des Vins Seneclauze-Brando en paiement par les consorts Touzet et la société Touzet Distribution de diverses sommes, un jugement rendu le 17 septembre 1999 par le Tribunal de commerce de Salon de Provence a :
- dit n'y avoir lieu à condamnation des personnes physiques en ce qui concerne Pierre-Louis Seneclauze, Philippe Seneclauze, Jean Seneclauze, Jean-François Brando, Pierre Touzet, Georges Touzet et Jeanne-Claire Touzet,
- condamné la société des Vins Seneclauze-Brando à payer à la SICA Des Vignerons Provençaux entre les mains de Maître Rafoni liquidateur judiciaire, le somme de 392 572,50 F soit 59 847,29 euro au titre de la non-réalisation de l'engagement d'achats prévu au protocole du 14 avril 1995,
- condamné la société des Vins Seneclauze-Brando à payer à la SICA Les Vignerons Provençaux entre les mains de Maître Rafoni la somme de 1 000 000 F soit 152 449,02 euro au titre de l'infraction aux règles de la concurrence,
- condamné la SICA Les Vignerons Provençaux à payer à la société des Vins Seneclauze-Brando la somme de 170 292,20 F soit 25 960,88 euro en réparation du préjudice causé par l'obstruction faite à l'expert judiciaire de remplir sa mission,
- condamné la SICA Les Vignerons Provençaux à payer à la société des Vins Seneclauze-Brando la somme de 259 435,13 F soit 39 550,63 euro au titre de l'opposition à la commercialisation des lots de vins appartenant à cette dernière société,
- ordonné la compensation.
Selon déclaration reçue au greffe le 12 octobre 1999, Pierre-Louis, Philippe, Jean Seneclauze, Jean-François Brando, la société des Vins Seneclauze-Brando, la société Domaine du Val d'Arenc ont relevé appel de ce jugement.
A la suite du décès de Jean Seneclauze, Messieurs Pierre-Louis et Philippe sont intervenus volontairement en qualité d'administrateurs des deux enfants mineurs de Jean Seneclauze, à savoir Arnaud et Paloma Seneclauze.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives déposées le 11 septembre 2003 ils demandent à la cour de:
- déclarer leur appel recevable,
- au principal en application des dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale, surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction répressive se soit définitivement prononcée sur l'information ouverte à l'encontre de Georges Touzet des chefs de complicité de banqueroute et faux en écriture.
Subsidiairement
Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,
1- Sur les demandes des consorts Touzet et du liquidateur:
dire et juger que les appelants n'ont pas commis d'acte de concurrence déloyale et ne saurait être tenus à un quelconque dédommagement à ce titre vis-à-vis de Maître Rafoni et des consorts Touzet,
dire et juger que la société Seneclauze-Brando n'est en aucun cas responsable de l'inexécution du contrat de commercialisation,
en conséquence réformer le jugement entrepris et débouter Maître Rafoni et les consorts Touzet de toutes leurs demandes de ce chef.
Très subsidiairement, et sur le préjudice allégué,
ordonner une mesure d'instruction avec mandat donné à l'expert de vérifier d'une part quelles ont été les conséquences de la lettre adressée par les appelants aux clients du groupe intimé à la suite de la rupture du contrat de commercialisation, et d'autre part quelles sont les causes réelles qui ont rendu impossible l'exécution du contrat de commercialisation conclu entre les parties.
2 - Sur les demandes des consorts Seneclauze et de la société Seneclauze-Brando.
Vu les articles 2044 du Code civil et L. 621-41 du Code de commerce,
- confirmer la mise hors de cause des personnes physiques,
- sur l'exécution des conventions,
- dire et juger que le protocole du 14 avril 1995 ne constitue pas une transaction,
- dire et juger que les consorts Touzet,
* se sont rendus coupables de tromperie lors de la conclusion des accords initiaux et fixer l'indemnisation du préjudice subi de ce chef à la somme de 762 245 euro,
* ont exécuté de façon fautive et de mauvaise foi les contrats conclus et fixer l'indemnisation du préjudice causé par l'interdiction formulée à la société Seneclauze-Brando de vendre les vins qu'elle avait dans ses chais à la somme de 76 000 euro et à la somme de 244 758,40 euro (1 605 510 F) la réparation du préjudice résultant du refus de remettre le vin qui lui appartenait et qui était étiqueté Vignerons Provençaux.
- dire et juger que la SA Seneclauze-Brando sera inscrite au passif de la société Vignerons Provençaux pour les sommes allouées conformément à l'article L. 621-41 du Code de commerce.
Subsidiairement, désigner un expert avec mission de faire toutes investigations utiles sur la situation de la société Vignerons Provençaux en 1994 au moment des accords initiaux et sur sa situation réelle par rapport aux bilans qui ont servi de base à l'établissement des accords.
Très subsidiairement,
et s'il était fait droit, même partiellement, aux demandes de la SICA Des Vignerons Provençaux, constater la connexité entre les dettes et créances réciproques et en ordonner la compensation à due concurrence.
Condamner tout succombant et Maître Rafoni à payer aux concluants la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives déposées le 5 septembre 2003, Pierre, Georges, Jeanne-Claire Touzet, la société Touzet distribution et le GFA du Château de Beaulieu demandent à la cour de:
- débouter les appelants,
- constater qu'après 15 mois de co-gérance, c'est en toute connaissance de cause que les membres du Groupe Seneclauze-Brando ont signé le protocole d'accord du 14 avril 1995, lequel comporte des concessions réciproques mettant fin à une contestation et vaut de ce fait transaction emportant autorité de la chose jugée en dernier ressort,
- constater que ce protocole a été exécuté de part et d'autre en particulier en ce qui concerne les personnes physiques et morales composant le groupe Touzet par le remboursement intégral des sommes investies par le Groupe Seneclauze-Brando
- En conséquence débouter les appelants de leur demande de condamnation pour "refus de livrer des vins et interdiction de commercialiser des vins en bouteille sous étiquettes des Vignerons Provençaux", ces mesures ayant été prises par le gérant de la SICA Les Vignerons Provençaux ès qualités et se trouvant justifiées dans le contexte,
- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause les personnes physiques,
- faisant droit à l'appel incident, condamner les appelants à verser tant à Pierre qu'à Georges, Jeanne-Claire Touzet la somme de 15 000 euro à chacun d'eux pour procédure abusive et dommageable, ainsi qu'une somme globale de 15 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives déposées le 5 septembre 2003, Maître Rafoni demande à la cour de:
- débouter les appelants de leurs recours,
- faisant droit à l'appel incident, les condamner à lui verser ès qualités de liquidateur judiciaire de la SICA Les Vignerons Provençaux:
1) la somme de 22 867 euro à titre de dommages-intérêts pour n'avoir pas fourni la caution promise privant ainsi la SICA Les Vignerons Provençaux de la possibilité d'obliger la société des Vins Seneclauze-Brando à enlever les quantités contractuelles
2) la somme de 239 653,51 euro, montant des deux factures émises pour rétablir la marge nette mise à mal du fait que la société Seneclauze-Brando n'a pas procédé aux achats prévus dans le protocole d'accord du 14 avril 1995,
3) la somme de 1 500 000 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice causé tant par les enlèvements insuffisants de marchandises que par les faits de concurrence déloyale dont s'est rendue coupable la société des Vins Seneclauze-Brando, qui a entraîné une énorme baisse du chiffre d'affaires de la société Seneclauze-Brando, et en définitive son dépôt de bilan
- débouter les appelants de leurs demandes reconventionnelles, que ce soit pour "refus de remettre le vin leur appartenant" puisque celui-ci n'a pas été revendiqué dans les formes légales de la procédure collective, ou que ce soit pour "avoir interdit la vente des vins en cave après la résiliation du contrat de commercialisation" ;
- condamner les appelants à verser à Maître Rafoni ès qualités une somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 8 septembre 2003, Maître de Saint Rapt demande sa mise hors de cause en l'état de la liquidation judiciaire de la SICA les Vignerons Provençaux.
Motifs de l'arrêt
Sur la mise hors de cause des personnes physiques
Les parties s'accordent sur la confirmation du jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de prononcer la condamnation des personnes physiques.
Rappel des faits
Au cours de l'année 1993, la société Seneclauze-Brando et la société des Vignerons Provençaux, ainsi que le groupe familial Touzet ont constaté la complémentarité de leurs activités dans le domaine de l'embouteillage et de la distribution des vins et ont décidé de se rapprocher dans le cadre de la SARL SICA Les Vignerons Provençaux dont le siège est situé domaine de Beaulieu à Rognes.
Le 7 février 1994 des accords ont été signés aux termes desquels le groupe Seneclauze-Brando devenait associé à concurrence de 50 % des parts, le groupe Touzet de 45 % des parts et l'Union des coopératives vinicoles des Bouches du Rhône de 5 %,
Le groupe Seneclauze-Brando prenait en charge le marché intérieur, et le groupe Touzet celui de l'exportation.
Le protocole devait être exécuté de la façon suivante :
- l'entrée du groupe Seneclauze-Brando dans le capital de la société des Vignerons Provençaux se réalisait par le versement de 4 502 200 F
- chacun des groupes s'engageait à détenir dans la SICA Les Vignerons Provençaux un compte courant de 4 000 000 F
- le groupe Touzet garantissait la situation nette du bilan de la SICA Les Vignerons Provençaux au 31 octobre 1993.
Soupçonnant le groupe Touzet de lui avoir caché la situation obérée de la SICA Les Vignerons Provençaux, le groupe Seneclauze-Brando a fait réaliser un audit qui selon lui fait apparaître aux termes d'une expertise comptable un compte de régularisation de 12 736 945 F.
La collaboration ne pouvant se poursuivre un protocole d'accord signé le 14 avril 1995 concrétisant le retrait du groupe Seneclauze-Brando de la SICA Les Vignerons Provençaux aux conditions suivantes:
- le groupe Seneclauze cédait au groupe Touzet les parts sociales qu'il détenait pour la somme de 4 502 200 F
- le groupe Touzet s'engageait à rembourser le compte courant de 4 000 000 F au plus tard le 30 juin 1995
- la société Seneclauze-Brando s'engageait à acheter avant le 30 juin 1995 à la société des Vignerons Provençaux des marchandises pour 4 000 000 F
Dans le cadre des accords commerciaux la société Seneclauze-Brando aurait la concession exclusive de la distribution des vins "Vignerons Provençaux" pour la France
- Elle s'engageait à fournir une caution bancaire de 3 500 000 F en garantie des achats sous deux conditions
- le contrat de commercialisation pouvait être résilié par l'une ou l'autre partie, sans indemnité, avec préavis d'un mois si les objectifs prévus pour l'année 1995 et 1996 n'étaient pas atteints.
Malgré les nombreuses doléances du groupe Seneclauze concernant notamment la mauvaise qualité des vins livrés par les Vignerons Provençaux, la société Seneclauze-Brando va commander en décembre 1996 une importante quantité de vin facturée le 6 décembre 1996 pour 2 477 124 F, et livrable selon la facture le jour même. Dix traites ont été émises jusqu'à fin octobre 1997 à l'ordre des Vignerons Provençaux qui les ont escomptées.
Un litige est survenu à propos de la livraison de ces commandes et les Vignerons Provençaux par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 janvier 1997 vont résilier l'accord du 14 avril 1995 dans les termes suivants "nous constatons que les réalisations cumulées des deux premières années n'atteignent pas 90 % des objectifs cumulés de ces deux premières années tel que prévu au contrat."
La société Seneclauze-Brando a dû régler les traites escomptées.
Postérieurement le 17 avril 1998, la société des Vignerons Provençaux en redressement judiciaire a pris l'initiative du procès en réclamant réparation du préjudice qu'elle soutenait avoir subi en raison des manquements contractuels de la société Seneclauze-Brando qui:
1) n'a pas fourni la caution de 3 500 000 F
2) n'a pas procédé aux achats prévus au protocole d'accord
3) n'a pas réglé les factures émises pour rétablir la marge nette de 5 %
4) s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale
Sur la demande de sursis à statuer du groupe Seneclauze-Brando sur leur demande en fixation de leur préjudice à la somme de 762 245 euro
Soutenant qu'il a conclu les accords commerciaux du 7 février 1994, sur des faux bilans, que la procédure pénale actuellement en cours contre Georges Touzet, Bernard Azemard (expert comptable) et Michel Soriano du chef de banqueroute par tenue de comptabilité irrégulière, faux complicité, donne lieu à une expertise qui pourra éclairer la cour sur les circonstances dans lesquelles les appelants ont contracté en 1994, nonobstant le fait que leur constitution de partie civile devant le juge d'instruction d'Aix-en-Provence a été déclarée irrecevable car prescrite, les appelants sollicitent le sursis à statuer en application de l'article 4 du nouveau Code de procédure pénale.
La demande du groupe Seneclauze-Brando doit être rejetée. En effet il apparaît que les actes reprochés aux consorts Touzet sont antérieurs à 1994, puisqu'antérieures au protocole qu'ils ont conditionné. Par ailleurs les investigations du juge pénal et des experts portent sur des faits de 1995 et 1996. Enfin la cour possède des éléments lui permettant de statuer sur les demandes et notamment l'expertise du Cabinet Moreno réalisée à la demande de la société Seneclauze-Brando, qui bien que non contradictoire est de nature à justifier que ces éléments soient vérifiés par l'instauration d'une expertise étant précisé que la société appelante a régulièrement déclaré sa créance de ce chef de préjudice dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre des Vignerons Provençaux.
Sur la nature du protocole d'accord du 14 avril 1995
Le Groupe Touzet fait valoir que le protocole d'accord du 14 avril 1995 a été conclu pour mettre fin à une contestation, qu'il comporte des concessions réciproques emportant autorité de chose jugée en dernier ressort, ajoutant qu'il a été exécuté de part et d'autre par le remboursement intégral des sommes investies par le groupe Seneclauze-Brando.
Contrairement à ce que prétend le Groupe Touzet les énonciations du protocole font apparaître "qu'il a pour objet de préciser les modalités d'une séparation entre les parties", le rapprochement convenu en février 1994 n'ayant pas répondu à l'attente des groupes.
Pour cette raison il ne peut se définir comme une transaction au sens notamment des articles 2044 et 2052 du Code civil.
Il appartient en conséquence à la cour de se prononcer sur les litiges nés de son exécution.
Sur la demande de Maître Rafoni ès qualités tendant à se faire indemniser pour absence de caution
Exactement le premier juge a rejeté cette demande en relevant que le protocole d'accord prévoyait que la caution bancaire de 3 500 000 F devait être fournie sous la double condition du règlement préalable du compte courant de 4 000 000 F et de la renonciation par la société SICA Les Vignerons Provençaux à toute clause de réserve de propriété dans la limite de la caution.
Vainement Maître Rafoni soutient que la condition relative à la clause de réserve de propriété n'était pas préalable; en effet le seul intérêt de la stipulation d'une telle condition, est de la rendre préalable à l'obligation dont l'exécution dépend de la réalisation de la condition stipulée.
Sur la demande en indemnisation par Seneclauze-Brando pour n'avoir pas procédé aux achats prévus et n'avoir pas réglé les factures émises pour rétablir la marge nette.
- Sur le premier point s'il résulte des énonciations du protocole d'accord que le groupe Seneclauze-Brando s'était effectivement engagé à acheter annuellement des produits à hauteur de 20 000 000 F, le contrat prévoit expressément que l'absence de réalisation des objectifs cumulés a pour seule sanction la résiliation du contrat à la demande de l'une ou l'autre des parties, sans indemnité de part et d'autre.
Vainement Maître Rafoni soutient que cette clause ne lui interdit pas de solliciter des dommages-intérêts en application de l'article 1147 du nouveau Code civil
- En ce qui concerne les sommes destinées à rétablir la marge nette sur la base contractuelle de ventes prévues, elle ne peut qu'être rejetée pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus.
Sur la concurrence déloyale
Maître Rafoni ès qualités reproche au premier juge d'avoir arbitrairement évalué le préjudice de la SICA Les Vignerons Provençaux à la somme arbitraire de 1 000 000 F, alors que selon lui l'envoi de la télécopie à 34 "grandes et moyennes surfaces" mentionnant qu'à compter du 19 février 1997, les Vignerons Provençaux deviennent "société des Vins Seneclauze-Brando" lui a fait perdre la clientèle et a entraîné la ruine de la SICA Les Vignerons Provençaux, alors que son exploitation pouvait continuer à progresser et que la perte de clientèle due à la mauvaise qualité des bouchons avait des chances d'être surmontée.
De leur côté les appelants ne contestent pas que l'envoi litigieux constitue une faute de leur part, cependant ils font observer que la liste des clients auxquels a été envoyée la télécopie a été immédiatement adressée à la SICA Les Vignerons Provençaux de sorte que la situation a été parfaitement rétablie. Elle n'a, selon eux, eu aucune conséquence, et n'a de toute façon pas pu entraîner la déconfiture des Vignerons Provençaux.
Ils rappellent que postérieurement à l'incident causé par la télécopie la SICA Les Vignerons Provençaux leur a demandé à deux reprises de livrer des grandes surfaces, ce qu'ils ont accepté à titre de service commercial.
L'examen de la télécopie litigieuse adressée par des commerçants avertis, laisse manifestement croire, ce qui est inexact et susceptible de causer un préjudice à la SICA Les Vignerons Provençaux, que celle-ci est remplacée par la société Seneclauze.
Il appartient en conséquence à la SICA Les Vignerons Provençaux de démontrer que cet acte déloyal lui a effectivement causé un préjudice.
La circonstance selon laquelle la SICA Les Vignerons Provençaux qui a repris les marchés auprès des grandes surfaces et n'a pu négocier convenablement les prix en l'absence d'indication des conditions de vente de société Seneclauze-Brando, ne peut caractériser un préjudice, aucun élément n'établissant que le groupe Seneclauze Brando avait cette obligation précise.
Par ailleurs le fait que certaines grandes surfaces aient continué à s'approvisionner auprès de la société Seneclauze-Brando n'est pas de nature à fonder le principe d'un préjudice par détournement de la clientèle qui était apparemment libre de s'approvisionner chez l'un ou l'autre des fournisseurs dont les accords avaient été rompus.
Enfin la seule indication que les vins vendus notamment à Carrefour (contrats des 5 juin et 6 octobre 1998) auraient été mis en vente sous le panneau ou l'étiquette "Vignerons Provençaux" n'est pas de nature à caractériser une faute du groupe Seneclauze-Brando, rien ne permettant de savoir si ces indications avaient été apposées à sa demande.
En conséquence, faute pour la SICA Les Vignerons Provençaux d'établir un préjudice et de verser aux débats des éléments permettant d'en démontrer l'existence, il n'appartient pas à la cour d'ordonner une expertise pour rechercher sa réalité et son montant, cette mesure n'étant pas destinée à suppléer à la carence des parties dans l'administration de la preuve.
Sur les demandes de la société Seneclauze-Brando relative à la marchandise acquise pour 2 477 124 F et non livrée ayant fait l'objet de traites
Le groupe société Seneclauze-Brando a réglé des traites d'un montant de 2 477 124 F correspondant à un stock de marchandise qui devait être tenu à sa disposition par les Vignerons Provençaux.
Malgré les déclarations de Maître Rafoni selon lesquelles le vin était à la disposition de la société Seneclauze-Brando au fur et à mesure que les traites en circulation seraient honorées, celui-ci a opposé l'absence de revendication des marchandises après que le redressement judiciaire de la SICA Les Vignerons Provençaux ait été prononcé, pour en refuser la livraison.
Cependant la reconnaissance non équivoque de la propriété de ces marchandises qui ont par ailleurs fait l'objet d'une saisie-conservatoire le 23 décembre 1997 laquelle révèle que Monsieur Touzet a reconnu détenir une certaine quantité de vin dans 18 cuves pour le compte des Vins Seneclauze-Brando, dispensait les appelants de revendiquer dans les formes la délivrance de ces marchandises.
En tout cas l'absence de revendication n'est pas de nature à supprimer le préjudice résultant du refus de les délivrer à leur propriétaire reconnu sans réticence ni équivoque. Cependant la cour n'est pas en mesure de fixer le préjudice résultant de ces éléments, et désignera un expert pour en déterminer le montant.
Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Maître Rafoni ès qualités, le GFA Château de Beaulieu, la SARL Touzet.
L'équité ne commande pas d'écarter l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel régulier en la forme, - Confirme le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de prononcer des condamnations à l'encontre des personnes physiques, Pour le surplus - Met hors de cause Maître de Saint Rapt, - Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur la demande des sociétés Vins Seneclauze-Brando et Domaine du Val d'Arenc en fixation de son préjudice résultant selon lui de dissimulations comptables au bilan de 1993 - Dit que le "protocole d'accord" du 14 avril 1995 ne peut se définir et avoir les effets d'une transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil - Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Maître Rafoni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SICA Les Vignerons Provençaux de sa demande en réparation du préjudice pour défaut de fourniture par la société Seneclauze-Brando d'une caution bancaire - Déboute Maître Rafoni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SICA Les Vignerons Provençaux de sa demande en paiement de deux factures soit 239 653 euro émises pour rétablir la marge nette, ainsi que de sa demande en indemnisation pour n'avoir pas procédé aux achats prévus au protocole du 14 avril 1995 - Infirme le jugement en ce qu'il a condamné le société Seneclauze-Brando au paiement de la somme de 1 000 000 F en réparation des actes de concurrence déloyale commis par elle à l'encontre de la SICA Les Vignerons Provençaux et statuant à nouveau : - Déboute Maître Rafoni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SICA Les Vignerons Provençaux de sa demande sur ce point. Désigne en qualité d'expert Madame Fayette, résidence Beaumanoir 1, allée des Lilas 13100 Aix-en-Provence, avec mission de : 1) Rechercher si des éléments de la situation comptable et financière de la SICA Les Vignerons Provençaux ont été dissimulés au groupe Seneclauze-Brando lors de la convention du 7 février 1994, et déterminer le préjudice qui en est résulté 2) Donner à la cour les éléments lui permettant de fixer le préjudice résultant pour le groupe société Seneclauze-Brando du défaut de livraison du vin ayant fait l'objet de la facture du 6 décembre 1996 et de 10 traites, Dit que le contrôle de l'expertise sera exercé par le Conseiller de la mise en état, Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation et dit qu'à défaut ou en cas de carence dans l'accomplissement de la mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle, Dit que les appelants devront consigner au greffe dans le délai d'un mois à compter de la signification qui lui sera faite de la présente décision la somme de 2 000 euro destinée au paiement des frais et honoraires de l'expert; Dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon modalités imparties, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le magistrat de la mise en état, à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité; Dit que s'il estime insuffisante la provision initiale ainsi fixée, l'expert devra lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, dresser un programme de ses investigations et évaluer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours; Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au conseiller de la mise en état la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire; Dit qu'en cours d'expertise, l'expert pourra, conformément aux dispositions de l'article 280 du nouveau Code de procédure civile, solliciter du magistrat chargé du contrôle de l'expertise, la consignation d'une provision complémentaire dès lors qu'il établira que la provision allouée s' avère insuffisante, Dit que l'expert devra déposer son rapport au Greffe (service régie) de la cour dans un délai de quatre mois à compter de la signification qui lui sera faite par les soins du greffier de la consignation à moins qu'il ne refuse sa mission. Dit qu'il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l'expertise une prorogation de ce délai, si celui-ci s'avère insuffisant; L'informe que les dossiers sont restitués à leurs avoués; Dit que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à leurs dires ; Dit qu'à défaut de pré-rapport, il organisera, à la fin de ses opérations, une réunion de clôture où il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport d'expertise; Dit qu'en application de l'article 173 du nouveau Code de procédure civile, l'expert devra remettre copie de son rapport à chacune des parties (ou des représentants de celles-ci) en mentionnant cette remise sur l'original; - Condamne le GFA Château de Beaulieu, la société Touzet Distribution et Maître Rafoni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SICA Les Vignerons Provençaux à payer aux appelants la somme 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - les condamne aux dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.