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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 26 mai 2005, n° 03-08153

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Locam (SAS)

Défendeur :

Lecuyer, Du Buit (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. André

Conseillers :

Mmes Charpentier, Zenati

Avoués :

SCP Cohen-Guedj, SCP Sider

Avocats :

Mes Kouyoumdjian, Agenie, El Baze-Bouvier

TGI Grasse, du 11 févr. 2003

11 février 2003

Statuant sur l'appel formé par la SA Locam d'un jugement rendu le 11 février 2003 par le Tribunal de grande instance de Grasse, lequel a :

- prononcé la nullité des contrats n° 143291 et 141119 souscrits par Maie Lecuyer auprès de la société Locam ;

- prononcé la nullité des contrats de télésurveillance et de maintenance télé vidéo souscrits par Mme Lecuyer auprès de la société EGSC Happening Sécurité ;

- condamné la société Locam à restituer à Mme Lecuyer les sommes perçues d'elle en vertu de ces contrats ;

- condamné la société EGSC Happening Sécurité à venir reprendre possession du matériel litigieux dans le délai de quinze jours à dater de la signification du jugement ;

- dit qu'à défaut, Mme Lecuyer pourra faire enlever l'installation à la charge finale de la société Happening Sécurité ;

- condamné in solidum la société Locam et la société Happening Sécurité à verser à Mme Lecuyer deux sommes de 1 000 euro chacune, tant à titre de dommages-intérêts qu'en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures déposées devant la cour le 22 mars 2005, la SAS Locam, appelante, soutient que les dispositions de l'article 1641 du Code civil sont inapplicables à la cause, les contrats litigieux ne constituant pas une vente, outre que la demande de Mme Lecuyer de ce chef est tardive, que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas plus applicables, qu'aucun dol ne peut lui être reproché et que les éventuels dysfonctionnements de l'installation ne peuvent lui être utilement opposés. Elle réclame l'application des dispositions contractuelles, faute par Mme Lecuyer de s'être acquittée du paiement des loyers mis à sa charge.

La société appelante conclut donc à l'infirmation de la décision déférée, au rejet des prétentions de Mme Lecuyer et à sa condamnation à lui verser les sommes de :

- 2 688,87 euro au titre du contrat n° 143291,

- 9 099 euro à celui du contrat n° 141119,

- 600 euro à titre de dommages-intérêts,

- 600 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 mars 2005, Claudine Lecuyer, intimée, soutient, à titre principal, au visa des articles 1184 et 1641 du Code civil, que l'action en résolution fondée sur la non-conformité de la marchandise livrée n'est soumise à aucune condition de délai. Subsidiairement, elle soutient que les clauses 4 à 10 des deux contrats souscrits auprès de la société Locam sont abusives, se prévaut des dispositions de l'article L. 311-21 du Code de la consommation et s'estime fondée en son action en garantie à l'encontre de Me Du Buit, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société EGSC. Plus subsidiairement encore, elle prétend qu'ont été méconnues les dispositions de la loi Scrivener, que le contrat de télésurveillance "était bien affecté d'un vice de consentement" et qu'elle a été victime de manœuvres dolosives.

Elle soutient en outre que le premier juge a insuffisamment réparé son préjudice.

L'intimée conclut donc au rejet des prétentions de la société appelante, réclamant, à titre principal, la confirmation de la décision entreprise, sauf à "entendre le mandataire liquidateur admettre la créance de la concluante" et à condamner Me Du Buit à venir reprendre possession des installations. Subsidiairement, elle demande qu'il soit jugé que le contrat de crédit s'est trouvé suspendu dans l'attente de l'aboutissement de l'instance relative à la nullité du contrat principal et réclame que soit accueilli son appel en garantie dirigé contre Me Du Buit, ès qualités. Plus subsidiairement encore, elle sollicite le prononcé de la nullité du contrat pour violation des dispositions de la loi Scrivener et du contrat de télésurveillance pour dol, Me Du Buit étant condamné à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de la société Locam et à rembourser à ladite société le "montant des prestations par elle versées lors de la signature des contrats initiaux par la concluante en la somme de 19 405,24 euro", ainsi que la condamnation conjointe et solidaire de la société Locam et de Me Du Buit, ès qualités, à lui rembourser toutes sommes indûment prélevées sur son compte bancaire.

Se portant appelante incidente, elle demande par ailleurs la condamnation de la société Locam et de Me Du Buit, ès qualités, à lui verser la somme de 38 112,25 euro à titre de dommages-intérêts. Elle conclut enfin à la condamnation des mêmes en la même qualité à lui payer la somme de 1.920,36 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Me Du Buit, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société EGSC, intimé, n'a pas comparu.

Sur ce, LA COUR,

Attendu que bien que régulièrement assigné à comparaître, Me Du Buit, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société EGSC, n'a pas constitué avoué ; que l'arrêt sera donc réputé contradictoire en application de l'article 474 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les contrats conclus les 28 mars et 9 avril 1997 par Claudine Lecuyer auprès de la société Locam portant respectivement les numéros 141119 et 143291 concernant la location de systèmes vidéo et de télésurveillance, les dispositions relatives à la vente et spécialement l'article 1641 du Code civil leur sont inapplicables ;

Attendu que les contrats de fournitures de biens ou de services litigieux, relatifs à location de systèmes vidéo et de télésurveillance destinés à la protection de la villa appartenant à Claudine Lecuyer qui abrite tant la résidence principale de celle-ci que le cabinet destiné à l'exercice de sa profession d'avocat, sont sans rapport direct avec l'activité professionnelle de celle-ci qui n'a pas agi en l'espèce à des fins entrant dans le cadre de cette activité professionnelle, en sorte que les dispositions de l'article L. 132-1 Code de la consommation en leur rédaction résultant de la loi du 1/02/1995, sont applicables à la cause ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats par Mme Lecuyer et notamment des attestations délivrées par Jean-Marc Coriat, président de l'Association Syndicale du lotissement dont dépend la villa de l'intimée, ainsi que par Patrick Weiwers et Jean-Bernard Gutierres, de même que des courriers adressés à Mme Claudine Lecuyer par M. Stastny, Mme Suchett, et les époux Cardi, nullement contestés par la société Locam, que le matériel installé par la société EGSC en avril et mai 1997 ne donne aucune satisfaction, que de nombreux dysfonctionnements affectent au moins depuis juin 1997 l'installation litigieuse, l'alarme se déclenchant de manière intempestive et causant d'importants troubles sonores de voisinage ou ne s'activant pas bien que les conditions requises pour son fonctionnement aient été réunies et ce, malgré plusieurs interventions de la société EGSC ;

Attendu que Claudine Lecuyer a conclu en même temps deux types de contrat, l'un dit d'abonnement de télésurveillance avec la société EGSC et l'autre avec la société Locam qui lui a consenti la location du matériel spécialement acheté par cette société à cette fin, pour les besoins de la télésurveillance ;

Que les conditions générales figurant au verso des contrats de location sont imprimées en caractères typographiques minuscules de taille 6, inférieure à la taille minimum fixée à 8 par la recommandation 97-01 du 24 avril 1997 de la Commission des Clauses Abusives ; que son article 1-3°) met à la charge du locataire les frais et risques de la livrai son du matériel et de son installation ; que son article 1-6') oblige le locataire, en cas de défectuosité du matériel loué, de se dessaisir, sans discussion ni réserve sur simple demande du bailleur de tout recours qu'il aurait exercé contre le constructeur ou le fournisseur ; que son article 9 impose le prélèvement automatique comme mode unique de paiement ; que le montant du loyer contractuellement fixé ne distingue pas, dans les mensualités dues par Mme Lecuyer, entre la somme due au titre du loyer et celle afférente au prix de la prestation de télésurveillance ; que les articles 1-6°), 4 bis et 13 du contrat par lequel le bailleur est autorisé à percevoir du locataire le paiement tant du loyer que de l'abonnement de télésurveillance, interdisent au locataire de suspendre le paiement des loyers sous prétexte de problèmes liés à l'exécution du contrat de maintenance entretien ou liés à l'exécution du contrat de télésurveillance ; que son article 10 met à la charge du locataire tous les risques de détérioration, perte, de destruction partielle ou totale de la chose louée, quelle que soit la cause du dommage, même s'il s'agit d'un cas fortuit ou de force majeure ;

Que ces clauses, qui ont pour effet de créer au détriment de Mme Lecuyer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à ces contrats doivent, par application des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 précité, être déclarées non écrites, en sorte qu'en leur absence, la demande en paiement de la société Locam dirigée contre l'intimée est privée de fondement et que cette société devra donc être déboutée de sa demande en paiement et sera condamnée à restituer à Mme Lecuyer les sommes qu'elle a reçues de celle-ci en exécution des contrats susvisés, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;

Attendu qu'en raison des multiples dysfonctionnements du système de télésurveillance relevés plus haut entraînant des manquements graves et répétés de la société EGSC aux obligations mises à sa charge par le contrat d'abonnement de télésurveillance, Mme Lecuyer est fondée à solliciter et obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article 1184 du Code civil le prononcé de la résolution judiciaire de ce contrat aux torts et griefs de cette société ;

Attendu que la demande de Mme Lecuyer tendant à "entendre la mandataire liquidateur admettre la créance de la concluante" sera rejetée par application des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, en ce qu'elle n'est pas chiffrée ;

Qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la reprise par Me Du Buit, ès qualités, de l'installation litigieuse ;

Attendu qu'en conséquence de la liquidation judiciaire de la société EGSC et par application des dispositions d'ordre public de l'article L. 621-40 du Code de commerce, la demande de Mme Lecuyer, qui tend à la condamnation de Me Du Buit, ès qualités, au paiement d'une somme d'argent au titre d'une créance de dommages-intérêts ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de ladite société, doit être déclarée irrecevable ;

Que pour la raison qui précède, le jugement entrepris sera également réformé en ce qu'il a prononcé une condamnation à l'encontre de la société EGSC, en liquidation judiciaire, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les dysfonctionnements du système de télésurveillance ci-dessus retenus n'étant pas imputables à la société Locam, à l'encontre de laquelle Mme Lecuyer n'établit pas la preuve de manœuvres dolosives en relation directe de cause à effet avec les nuisances consécutives à ces dysfonctionnements, l'intimée sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ;

Qu'il est en revanche inéquitable de laisser supporter à Claudine Lecuyer les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;

Que la société Locam, qui succombe, sera, par voie de conséquence, déboutée de sa demande de dommages-intérêts et supportera les entiers dépens d'appel ;

Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire ; Infirme partiellement le jugement entrepris ; Déclare non écrites les clauses figurant dans les articles 1-3°, 1-6°, 4bis, 9, 10 et 13 des contrats n° 143291 et 141119 souscrits par Mme Lecuyer auprès de la société Locam ; Déboute en conséquence la société Locam de toutes ses demandes dirigées contre Mme Lecuyer ; Prononce la résolution des contrats d'abonnement de télésurveillance conclus entre Mme Lecuyer et la société EGSC aux torts de cette dernière ; Déboute Claudine Lecuyer de sa demande de dommages-intérêts ; Dit n'y avoir lieu à condamner la société EGSC au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Confirme pour le surplus la décision entreprise ; Y ajoutant ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Condamne la SA Locam à payer à Claudine Lecuyer la somme de 2,000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la même aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.