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Décisions

CA Riom, ch. com., 16 février 2005, n° 04-02503

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Basmaison & Cie (SA)

Défendeur :

Ofratel (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Despierres (faisant fonction)

Conseillers :

M. Fossier, Mme Gendre

Avoués :

Me Mottet, SCP Goutet-Arnaud

Avocats :

SCP Collet-de Rocquigny-Chantelot-Romenville & Associés, Me Michel

T. com. Clermont-Ferrand, du 16 sept. 20…

16 septembre 2004

Vu le jugement du 15 septembre 2004 rendu par le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand ayant prononcé la résiliation du contrat d'agence commerciale du 30 août 1994 aux torts et griefs exclusifs de la société Etablissements Basmaison et Cie et ayant, en conséquence, condamné la société Basmaison et Cie à verser à la société Ofratel une somme provisionnelle de 300 000 euro, ce avec intérêts au taux légal depuis le 21 mai 2002, donné injonction à la société Basmaison de fournir des documents comptables, sous astreinte, enfin ordonné une expertise aux fins d'établir les comptes, et condamné la société Basmaison à payer la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les conclusions d'appel de la société Basmaison et Cie, du 3 décembre 2004.

Vu les conclusions de la SARL Ofratel du 1er décembre 2004.

Attendu que le jugement décrit utilement les conventions entre les parties, en ce qu'elles font litige, au titre du montant des rémunérations de l'agence commerciale, conventions contenues dans le contrat du 30 août 1994 et l'avenant du 2 août 1995 ; qu'il en résultait que pour ce qui concerne les opérations passées avec le Comptoir Savoyard de Distribution (CDS), la rémunération était convenue à hauteur de 4 %;

Attendu qu'il est cependant constant qu'à compter du mois de février 1997 les commissions accordées pour les opérations concernant ce client, CDS, la rémunération versée s'élevait à 6 %;

Attendu que cette situation nouvelle a duré environ 5 ans, de 1997 à 2002; qu'elle a donc constitué un état de fait durable et constant qui ne peut qu'avoir une signification au titre du consentement des parties, excluant toute erreur; que le tribunal a relevé justement que ce taux a été mentionné dans des relevés de comptes, ainsi que dans des écrits pour réclamer son augmentation à 7 % ; que par ailleurs il a été effectivement réglé durant ces années;

Attendu que si l'écrit du contrat ne peut être modifié verbalement, il est à retenir que les commencements de preuve écrite du consentement d'un passage à 6 % par les deux parties sont confortés par la seule durée constante de mise en œuvre et établissent la novation;

Attendu par suite que l'obligation de la société Basmaison de payer une commission de 5 % au titre des opérations en cause est constante ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'admet;

Attendu pour autant que le différend au titre du montant de cette commission ne constitue qu'un élément d'appréciation parmi d'autres des causes de la rupture du contrat d'agent commercial;

Attendu en effet que la rupture a été formalisée et exprimée par la société Basmaison dans sa lettre du 28 juillet 2003 ; que cette lettre invoque, explicitement ou allusivement, et avec référence à des courriers antérieurs, de nombreux griefs, dont ce différend sur le taux concernant le CDS, avec référence aux courriers antérieurs (notamment celui du 18 avril 2003), dont également des questions liées à des licenciements de personnels, des obligations de loyauté, des allégations mensongères et des dénigrements systématiques, des mises en péril des relations commerciales...; que cette lettre s'achève par l'énoncé de ce que cette société, en conséquence, prend acte de la rupture du contrat d'agent commercial du 30 août 1994; qu'elle ajoute laisser le soin au Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand de trancher l'imputabilité de la rupture du contrat;

Attendu qu'ainsi à ce stade constate-t-on, outre le fait qu'il n'est pas indiqué que des fautes graves soient imputées à la société Ofratel, privatives du préavis - lequel a été en partie exécuté -, que reste à établir la réalité des griefs invoqués pour justifier cette rupture;

Attendu qu'ainsi doit-on d'ores et déjà dire que le litige sur le taux de commission n'est pas imputable à la société Ofratel, mais que le refus de payer le taux devenu la loi des parties est à imputer aux torts de la société Basmaison; que la société Basmaison, dans cette mesure, est responsable de la rupture;

Attendu qu'en cause d'appel, la société Basmaison s'attache à démontrer que les éléments "d'altercations", "dénigrements systématiques", de "colportage d'allégations mensongères", " menaces "... auxquels il est fait expressément allusion dans la lettre du 28 juillet 2003, sont exacts, et constituent des causes de rupture imputables à la société Ofratel;

Attendu que la société Basmaison produit à cet effet des attestations, pièces n° 74 à 85 de la procédure devant la cour ; qu'il résulte de la lecture de ces documents que des comportements et propos de la société Ofratel ont été manifestés et exprimés, qui relèvent du dénigrement de l'activité de la société Basmaison et de la malveillance; que la multiplicité et la convergence des comportements décrits attestent de leur réalité, ainsi établie, et font preuve de comportements négatifs tendant à nuire aux intérêts, notamment auprès des clients, de la société Basmaison;

Attendu que, dès avant la procédure d'appel, la société Basmaison mettait en avant, au travers des pièces produites, les actions de dénigrement qu'elle reprochait à la société Ofratel;

Attendu que l'ensemble diversifié et convergent de ces éléments établit dans le comportement de la société Ofratel, une attitude de déloyauté vis-à-vis de la société Basmaison, que le seul différend sur le problème spécifique du taux de 6 % ne suffit pas à expliquer, encore moins à justifier; que se trouve ainsi définie dans ce comportement, une cause de la rupture, imputable cette fois à la société Ofratel;

Attendu qu'au total, la rupture est imputable aux deux parties; que chacun est responsable pour moitié de la rupture des relations ; qu'il s'agit en fait d'une mésentente progressive et inéluctable qui a abouti à une rupture en réalité consentie par les deux parties;

Attendu qu'il échet donc d'en tirer les conséquences de droit;

Attendu que la part fautive imputable à la société Basmaison lui impose d'assumer l'indemnité de préavis, la notion de faute grave imputable à la société Ofratel étant exclue, comme déjà dit ainsi qu'en raison de la poursuite après rupture de la relation contractuelle; que le montant dû au titre de cette indemnité n'est pas discuté et étant égal dans les demandes réciproques, sera retenu pour 54 301,77 euro;

Attendu par contre que les autres indemnités, réciproquement demandées, s'annulent et doivent être écartées;

Attendu que le jugement sera réformé eu ce sens; que la provision allouée, de 300 000 euro, en toute hypothèse démesurée, doit être supprimée;

Attendu qu'il reste à opérer des comptes entre les parties au titre des commissions restant dues ; que dans cette mesure l'expertise comptable pertinemment ordonnée doit être confirmée;

Attendu que pour que ces comptes puissent être effectués, il reste, outre le taux maintenant fixé, à déterminer l'assiette de ces commission, au titre des opérations effectuées dans le secteur affecté à la société Ofratel;

Attendu que l'agent commercial a droit aux commissions pour toutes les opérations effectuées sur son territoire, aux termes de la clause d'exclusivité territoriale contenue dans le contrat;

Attendu qu'à juste titre, et sans réponse utile de la part de la société Ofratel, la société Basmaison fait valoir que conformément aux textes applicables et aux interprétations données par la Cour de justice des Communautés européennes, et en application des données du contrat lui-même, les opérations de livraison intervenant sur des plates-formes situées dans le territoire affecté à la société Ofratel, ne constituaient pas un fait générateur de droit à commission, dès lors que les grandes surfaces ainsi livrées n'étaient pas situées sur ledit territoire ; que de telles opérations de transit de marchandises sur un territoire ne sont pas génératrices d'un droit à Commission ; que le siège des hypermarchés ou supermarchés étant situé à l'extérieur du territoire de la société Ofratel, ceux-ci ne constituent pas des clients rattachés audit secteur dès lors que les opérations commerciales qu'ils effectuent, parmi lesquelles ne figurent pas les opérations de simples livraisons, sont réalisées en dehors dudit territoire ; qu'ainsi l'assiette des commissions dues ne comporte-t-elle pas ces opérations;

Attendu que l'expertise ordonnée sera maintenue telle quelle, à déposer comme il est dit;

Attendu qu'il n'y a pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le jugement étant réformé à ce titre;

Attendu que les dépens seront partagés par moitié;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Réformant le jugement au fond : Constate la résiliation du contrat d'agence commerciale aux torts par moitié de chaque partie. En conséquence, condamne la société Basmaison, à payer à la société Ofratel, au titre de l'indemnité de préavis la somme de 54 301,77 euro (cinquante quatre mille trois cent un euro et soixante dix sept centimes), Déboute les parties de leurs autres demandes d'indemnités liées à la rupture. Déboute les parties de leurs demandes de provision et de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Et avant dire droit sur la demande de paiements d'arriérés de commissions, dont le taux et l'assiette sont dorénavant déterminés, en confirmation du jugement quand au taux, et en réformation quant à l'assiette, confirme le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise comptable, dont les contenus et modalités sont maintenus. Condamne les deux parties à payer la moitié chacune des entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.