CCE, 9 novembre 2005, n° 2007-55
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Régime d'aide que la France envisage de mettre à exécution en faveur des producteurs et négociants de vins de liqueur : Pineau des Charentes, Floc de Gascogne, Pommeau de Normandie et Macvin du Jura
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article (1), considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Par lettre du 23 juin 2003, la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne a notifié à la Commission, au titre de l'article 88 paragraphe 3, du traité un régime d'aide qu'elle envisageait de mettre à exécution en faveur des producteurs et négociants de vins de liqueur: Pineau de Charentes, Floc de Gascogne, Pommeau de Normandie et Macvin du Jura. Des informations complémentaires ont été envoyées par lettres du 9 août, des 24 et 28 novembre 2003 et des 17 et 24 février 2004.
(2) Par lettre du 20 avril 2004, la Commission a informé la France de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre de cette mesure.
(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause.
(4) La Commission n'a pas reçu d'observations de la part des intéressés.
(5) Par lettre datée du 11 juin 2004, enregistrée le 14 juin 2004, la France a présenté à la Commission ses observations.
II. DESCRIPTION
(6) Les aides notifiées sont le prolongement de celles qui avaient été précédemment notifiées et approuvées par la Commission dans le cadre des aides d'État n° N 703-95 (3) et n° N 327-98 (4), et seront destinées à des opérations de publicité et de promotion, à des programmes de recherche et d'expérimentation, à des actions d'assistance technique et à des actions destinées à encourager les productions de qualité.
(7) La décision de la Commission concernant l'aide d'État n° N 703-95 a été annulée par un arrêt de la Cour de justice, dont le contenu est détaillé ci-dessous.
(8) Les aides N 703-95 et 327-98, initialement prévues sur une période de cinq ans à partir de 1995/1996, ont fait l'objet de sept tranches de paiements, la dernière ayant couvert la période mai 2001 à avril 2002. En raison des contraintes budgétaires imposées par le gouvernement, ces derniers crédits sont encore gelés aujourd'hui. La date d'expiration du régime précédent a été reportée au 30 avril 2002.
(9) En ce qui concerne les productions bénéficiaires, il existe des changements par rapport aux régimes précédents. Ainsi, les professionnels du secteur des eaux de vie (l'Armagnac, le Calvados, le Cognac) n'ont pas sollicité la prorogation du régime. En conséquence, les autorités françaises ont décidé de la limiter aux seuls vins de liqueur sous AOC.
(10) Pour l'ensemble des interprofessions visées et l'ensemble des aides décrites ci-dessous, il est prévu, pour 5 ans, un budget global d'aides de 12 000 000 euro avec la répartition suivante: Pineau des Charentes, 9 360 000 euro; Floc de Gascogne, 2 040 000 euro; Pommeau de Normandie, 360 000 euro et Macvin du Jura, 240 000 euro.
(11) Les actions de recherche, d'assistance technique et de développement de productions de qualité seront financées uniquement par l'État sur les ressources budgétaires. Les actions de publicité et de promotion seront financées, en partie par l'État et, en partie par les organisations interprofessionnelles concernées au moyen des cotisations volontaires obligatoires (ci-après CVO) prélevées sur leurs adhérents. Pour les actions de publicité sur le territoire de l'Union européenne, l'État contribuera à hauteur de 50 % maximum.
(12) Les CVO s'appliquent sur les volumes de vins de liqueur AOC commercialisés par les viticulteurs, bouilleurs de profession, négociants et marchands en gros situés dans l'aire de production de l'AOC concernée.
(13) En 2002, la CVO pour le Pineau de Charentes était de 12,96 euro/hectolitre volume; pour le Floc de Gascogne, de 0,25 euro/col; pour le Pommeau de Normandie, de 30,79 euro/ hectolitre volume; et pour le Macvin de Jura, de 2,75 euro HT/hectolitre.
1. Les actions de publicité et de promotion
(14) Les autorités françaises ont expliqué que les programmes envisagés seront réalisés sur certains marchés de l'Union européenne, dont la France, et sur des marchés de pays tiers. L'objectif des actions de publicité envisagées est de favoriser le développement des intentions d'achat par une amélioration de la connaissance des vins de liqueur, sans que les publicités soient jamais limitées à des produits d'entreprises particulières. Les productions qui en feront l'objet sont toutes des appellations d'origine contrôlée : Pineau des Charentes, Floc de Gascogne, Pommeau de Normandie et Macvin du Jura.
(15) Ces actions bénéficient à l'ensemble des producteurs de vins de liqueur organisés qui, selon les autorités françaises, ne pourraient, seuls, fournir un effort équivalent en vue de développer la commercialisation de leurs produits.
(16) Il sera veillé à ce que les messages contenus dans les actions publicitaires n'aient pas pour objet de dissuader les consommateurs d'acheter des produits d'autres États membres ou de dénigrer lesdits produits.
(17) Il s'agira de campagnes de publicité, d'information et de communication, comprenant différents types d'actions, notamment la publicité dans les médias, la création et la diffusion d'autres matériels promotionnels, la mise en œuvre d'actions publicitaires sur les lieux de vente liées aux campagnes. Elles pourront être accompagnées d'actions de promotion telles que relations publiques, participation à des salons, réalisation de séminaires, organisation de manifestations, brochures ou documents d'information, études sur la perception du produit et la pertinence des campagnes.
(18) Les autorités françaises se sont engagées à présenter les matériels publicitaires utilisés pour ces campagnes ou leurs copies.
(19) Les aides envisagées par les interprofessions susvisées en matière de publicité seront limitées aux taux de 50 % pour les actions dans l'Union européenne dont la France, et de 80 % pour les actions dans les pays tiers.
(20) Les aides prévisionnelles aux actions envisagées s'élèvent, en euro, à :
<emplacement tableau>
2. Les actions de recherche
(21) Selon les autorités françaises, l'objectif des actions de soutien à la recherche et à l'expérimentation vise uniquement toutes les recherches utiles au secteur, à caractère général et bénéficiant à l'ensemble de la filière
(22) Pour le Pineau des Charentes: microbiologie, altérations bactériennes et conséquences (identification des facteurs de développement des bactéries lactiques dans le Pineau des Charentes, mise au point de tests de contamination et de techniques curatives); mécanismes de vieillissement du Pineau des Charentes (identification de critères analytiques caractéristiques des phénomènes oxydatifs et mise en évidence des facteurs de vieillissement); constitution d'une banque de données analytiques (analyses générales - taux d'alcool vinifiable, sucres, pH -, éventuelles contaminations chimiques ou bactériennes, métaux, cations, composés volatiles, résidus de produits phytosanitaires).
(23) Pour le Floc de Gascogne: études sur les cépages et les assemblages, avec l'objectif d'optimiser l'harmonisation de l'assemblage des cépages pour accroître la fraîcheur et le fruité dans l'élaboration du Floc de Gascogne (recherche de teneurs en sucre élevées, d'une intensité colorante vive, et d'une acidité totale cohérente); étude de l'Armagnac permettant d'élaborer le Floc de Gascogne (suivi analytique - teneur en cuivre, en éthanol, en acétate d'éthyle, degré alcoolique -, amélioration des Armagnac utilisés); études et mise au point d'un Floc de Gascogne adapté à des types de consommations ciblés, opérations de tests qualitatifs et quantitatifs, conservation.
(24) Pour le Macvin du Jura: développement technique (suivi des maturités de groupes de cépages du Jura afin de déterminer l'état de maturité et les cépages les mieux adaptés à l'élaboration du Macvin du Jura); criblage et notation du vignoble; qualité des moûts et pressurage (incidence des méthodes d'extraction - enzymage et froid - et de macération pelliculaire des moûts sur la qualité aromatique des Macvin du Jura); incidence des doses de SO2 au débourbage; clarification et traitement pour la mise en bouteilles (comparaison de différentes méthodes visant à obtenir et maintenir la limpidité du Macvin du Jura après sa mise en bouteilles).
(25) Les travaux de recherche envisagés seront financés à 100 % des coûts. L'affectation prévisionnelle des aides à cette action de recherche, incluant les frais informatiques et bibliographiques et tous les supports de diffusion des résultats des actions mises en œuvre à l'ensemble des opérateurs, est pour les 5 années: Pineau des Charentes, 912 600 euro; Floc de Gascogne, 118 000 euro et Macvin du Jura, 65 000 euro.
3. Les actions d'assistance technique
(26) Les autorités françaises ont décrit les actions d'assistance technique projetées, qui consisteront essentiellement en des formations techniques visant l'amélioration et la maîtrise des processus de production à tous les niveaux (production primaire, élaboration des vins, dégustation) ainsi qu'en des opérations de vulgarisation de connaissances.
(27) Ces travaux seront financés à 100 % des coûts sous réserve du plafond susvisé. L'affectation prévisionnelle des aides à ce volet est la suivante pour les 5 années: Pineau des Charentes, 280 800 euro et Floc de Gascogne, 169 000 euro.
4. Aides à la production de produits de qualité
(28) Des aides à la production de produits de qualité sont envisagées dans les secteurs Pineau des Charentes et Floc de Gascogne. Il s'agit des actions suivantes : HACCP et traçabilité (élaboration et diffusion d'un référentiel conforme aux exigences techniques et réglementaires); études techniques et économiques pour encourager les démarches de qualité.
(29) L'affectation prévisionnelle des aides à ces actions est la suivante pour les 5 années: Pineau des Charentes, 210 600 euro et Floc de Gascogne, 50 500 euro.
III. OUVERTURE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2 DU TRAITÉ.
(30) En ce qui concerne la nature, les conditions d'octroi ou la méthode de financement des aides projetées, l'examen préliminaire des mesures n'a pas soulevé de doutes substantiels, quoique, dans le cas des aides à la publicité, la Commission ait jugé nécessaire que la France s'engage explicitement à ce que toute référence à l'origine nationale des produits soit secondaire.
(31) La Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2 du traité pour des raisons concernant la compatibilité des aides avec d'autres dispositions du droit communautaire, notamment l'article 90 du traité.
(32) Il convient de rappeler ici que la décision de la Commission concernant l'aide d'Etat n° N 703-95, dont la mesure notifiée est un prolongement, a été annulée par la Cour de justice (5).
(33) Dans son arrêt, la Cour rappelle qu'au cours des années 1992 et 1993 (6) le gouvernement français avait institué un régime de taxation différenciée des vins de liqueurs et des vins doux naturels. Ainsi, à partir du 1er juillet 1993, ces vins ont été frappés d'une accise de 1 400 FRF (7) par hectolitre pour les vins de liqueur, et de 350 FRF par hectolitre pour les vins doux naturels.
(34) En 1993/1994, certains producteurs français avaient refusé de payer les accises supplémentaires sur les vins de liqueur. Lorsque cette "grève des accises" a été suspendue, en juin 2004, le président de la Confédération nationale des producteurs de vins de liqueur AOC avait justifié cette suspension par le fait, que, selon lui, le gouvernement français envisageait de dédommager les producteurs français pour la différence de taxation par le biais d'une indemnité annuelle et d'un dédommagement pour les années 1994 à 1997.
(35) En 1995, l'Associação dos Exportadores de Vinho do Porto (association d'entreprises exportatrices de vin de Porto, ci-après dénommée AEVP) avait adressé à la Commission deux plaintes. L'AEVP soutenait qu'il y avait un lien entre la différence de taxation entre vins de liqueur et vins doux naturels, d'une part, et certaines aides aux producteurs français de vins de liqueur, de l'autre. Selon l'AEVP, les aides en cause étaient notamment destinées à compenser, pour les producteurs français de vins de liqueur, le niveau de taxation plus élevé, ce qui impliquait que seuls les producteurs étrangers de vins de liqueur devaient s'acquitter de la taxe plus élevée. Cette taxation discriminatoire aurait été donc contraire à l'article 95 (devenu article 90) du traité.
(36) La Cour a constaté qu'une partie des aides en cause semblait favoriser une catégorie de producteurs qui coïncidait largement avec celle des producteurs français de vins de liqueur fiscalement désavantagés par le régime de taxation, et que l'existence éventuelle d'un lien entre le régime de taxation et le projet d'aides en cause représentait une difficulté sérieuse pour apprécier la compatibilité des aides avec les dispositions du traité.
(37) La Cour a souligné qu'en ces circonstances, c'est uniquement en ouvrant la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2 (devenu article 88, paragraphe 2) du traité que la Commission aurait été en mesure d'appréhender les questions soulevées dans les plaintes déposées par l'AEVP.
(38) De plus, dans la décision de la Commission, la Cour a constaté un manque de motivation, du fait que la Commission n'avait pas expliqué pourquoi elle avait conclu que le grief de l'AEVP quant à la possible violation de l'article 95 (devenu 90) du traité CE n'était pas fondé.
(39) La Cour a donc conclu que la décision attaquée était entachée d'illégalité en raison tant de l'omission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2 (devenu article 88, paragraphe 2) du traité, que de la violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 (devenu article 253) du traité.
(40) A la lumière de cet arrêt, la Commission a considéré comme indispensable un examen approfondi au regard de l'article 90 du traité du dispositif notifié, qui est la prorogation des aides approuvées dans la décision annulée par la Cour.
(41) Dans le cadre de l'examen préliminaire de la mesure, la Commission a donc interrogé la France afin de savoir si l'aide d'État en objet ne consisterait pas, de facto, en une dévolution partielle, en faveur des seuls producteurs français de vins de liqueur, de la taxe prévue à l'article 402 bis du code général des impôts.
(42) Dans les réponses fournies au cours de cette première phase, la France a souligné que, dans le passé comme aujourd'hui, il n'existe aucun lien entre les mesures de soutien proposées et les accises, sur la base des considérations suivantes:
(43) D'après la France, le montant affecté à l'aide (2,4 Mio euro par an, 12 Mio euro sur cinq ans) est sans commune mesure avec ce que le secteur rapporte en droits de consommation (accises). Ainsi, les 150 000 hectolitres de vins de liqueur AOC commercialisés représenteraient, avec un droit de d'accise de 214 euro/hl, plus de 32 Mio euro de recettes d'accises par an.
(44) Du fait de ce taux spécifique sur les vins de liqueur, 214 euro/hl au lieu de 54 euro/hl pour les vins doux naturels, ce secteur est taxé de 24 Mio euro d'accises supplémentaires. D'après la France, ce montant est aussi sans mesure avec le niveau d'aides proposé.
(45) D'après la France, aucune disposition n'a jamais été mise en œuvre pour que les fonds collectés au titre de l'article 402 bis du code général des impôts soient réutilisés au profit des producteurs nationaux de vins de liqueur. Ainsi, entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2000, les recettes perçues étaient versées au "fonds de solidarité vieillesse". Entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2003, elles ont été utilisées au profit d'un fonds destiné au financement de la réduction du temps de travail. Depuis le 1er janvier 2004, ces recettes sont reversées au budget de l'État.
(46) Après avoir examiné ces informations, la Commission a estimé qu'elles n'étaient pas de nature à ôter de façon catégorique les doutes exprimés quant à l'existence d'un lien entre la taxe perçue et l'aide.
(47) En effet, la Commission a considéré que l'absence d'une correspondance directe entre le montant de l'aide (2,4 Mio euro) et les recettes des accises sur les vins de liqueur (32 Mio euro), ou entre le montant de l'aide (2,4 Mio euro) et les accises supplémentaires payées par les vins de liqueur par rapport aux vins doux naturels (24 Mio euro), ne constituait pas une preuve suffisante de l'absence de lien entre la taxe et l'aide. On ne pouvait donc pas exclure, à ce stade de la procédure, la possibilité que l'aide puisse, au moins partiellement, servir à dédommager les producteurs français de vins des liqueurs, compensation dont d'autres producteurs communautaires ne pourraient pas bénéficier.
(48) En outre, la Commission a estimé qu'il convenait de répondre au souci exprimé par la Cour de donner la possibilité aux tiers intéressés d'avancer des arguments concernant une éventuelle violation de l'article 90 du traité.
(49) Dans la décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2 du traité, la Commission a donc demandé à la France de fournir des renseignements et des chiffres supplémentaires aptes à étayer ses arguments.
(50) En premier lieu, la France a été invitée à préciser s'il y avait déjà eu un engagement de la part de l'Etat vis-à-vis des producteurs des vins de liqueur français concernant un dédommagement ou une compensation, même partielle, pour les effets de l'introduction, en 1993, de la taxe.
(51) La Commission a ensuite demandé à la France de fournir des chiffres relatifs aux montants perçus au titre de la taxe sur les vins de liqueur venant, respectivement, des produits français et des produits importés, ainsi que des montants perçus par production individuelle (française ou communautaire).
(52) Ayant constaté que le Pineau de Charentes est, de loin, le principal bénéficiaire des aides notifiées, avec 78 % des montants, suivi par le Floc de Gascogne avec 17 %, puis le Pommeau de Normandie avec 3 % et, finalement, le Macvin du Jura avec 2 %, la Commission a demandé à la France d'expliquer si ces pourcentages coïncident, pour chacune de ces productions, avec ceux des revenus que l'État tire de la taxe sur les vins de liqueur.
(53) Du fait que la plupart des aides se concentrent sur les actions de publicité, la France a été priée d'expliquer si ce choix est représentatif des choix opérés par l'État français dans d'autres secteurs de la production agricole, notamment des produits de qualité.
(54) La Commission a demandé à la France de fournir le budget des aides destinées aux campagnes de publicité réalisées en France pour chacune des quatre productions concernées.
(55) La France a aussi été priée de fournir des explications concernant l'éventuelle relation entre les ressources tirées de la CVO et les ressources provenant du budget national en vue du financement des aides.
IV. OBSERVATIONS DE LA FRANCE
(56) Par lettre du 10 janvier 2005, la France a fait parvenir les informations et commentaires suivants:
(57) Concernant les actions de publicité (voir considérant (30)), les autorités françaises se sont engagées à ce que, dans le cadre des actions financées, la publicité des produits ne mette pas l'accent sur l'origine française des vins de liqueurs concernés.
(58) Concernant le lien entre la taxe sur les vins de liqueur et l'aide, la France a souligné encore une fois qu'il n'existe pas de corrélation entre les recettes des accises et le montant des aides venant du budget national. Les recettes des accises, y compris celles provenant des vins de liqueur, sont versées au budget général de l'Etat. D'après la France, les pouvoirs publics prennent des décisions en matière d'aides au profit de certains secteurs économiques de façon complètement indépendante. Dans le cas d'espèce, les aides visent à remédier à certains handicaps structurels dont souffrent ces vins, notamment la mauvaise connaissance par les consommateurs, la faible dimension et la dispersion des entreprises productrices ainsi que le manque de moyens pour se positionner sur les marchés.
(59) La France a confirmé qu'il n'existe aucun texte juridique permettant la compensation des accises payées par les producteurs de vins de liqueur (voir considérant (51)).
(60) Concernant les chiffres des recettes issues respectivement de la mise à la consommation des vins de liqueur français et de celle des vins de liqueur importés (voir considérant), la France a tout d'abord expliqué que les statistiques fiscales (qui sont réalisées par tarifs d'accises) ne permettent pas de différencier les produits français des produits d'une autre origine communautaire.
(61) En tout état de cause, d'après les chiffres des services des Douanes, le montant des accises perçues en 2003 sur les vins doux naturels et vins de liqueur de toutes origines s'est élevé à 142,5 Mio euro, répartis comme suit: 25,2 Mio euro pour la catégorie des vins doux naturels soumis au taux d'accise de 54 euro/hl, soit un volume de 467 000 hl, et 117,3 Mio euro pour les vins de liqueur soumis au taux d'accise de 214 euro/hl, soit un volume de 548 000 hl de produit.
(62) Dans ce dernier ensemble, il est possible, au vu des déclarations de récolte, d'isoler la production de vins de liqueur produits en France qui représente 94 477 hl de produits pour le Pineau des Charentes, 2 091 hl pour le Macvin du Jura, 5 680 hl pour le Pommeau et 6 057 hl pour le Floc de Gascogne.
(63) La France a transmis un tableau illustrant la répartition des aides envisagées entre les quatre interprofessions et la répartition des volumes produits pour chacun des vins de liqueur concernés (voir considérant (52)).
<emplacement tableau>
(64) La France constate que la part de chaque vin de liqueur dans la production totale et le pourcentage de l'aide envisagée sont proches, sans par ailleurs coïncider totalement. Elle souligne que la répartition des aides projetées est le résultat de la concertation entre les interprofessions bénéficiaires, et non un choix imposé par les pouvoirs publics.
(65) En ce qui concerne la question de la Commission sur le budget consacré aux actions de publicité (voir considérant (53)), la France a fourni des chiffres qui indiquent que, tout particulièrement dans le secteur des vins VQPRD, les montants affectés à des actions de publicité représentent entre 50 % et 74 % des budgets globaux à la disposition des interprofessions.
(66) La France a transmis, pour chacune des quatre interprofessions concernées, la part du budget affectée aux campagnes de publicité réalisées en France. Cette répartition, destinée à rester identique si le régime d'aides est approuvé, serait aussi le fruit du libre choix des interprofessions.
<emplacement tableau>
(67) Quant à l'éventuelle relation entre les ressources tirées de la CVO et les ressources provenant du budget national en vue du financement des aides, la France a fourni le tableau suivant:
<emplacement tableau>
(68) Les recettes susceptibles d'être affectées à la publicité ne sont pas réduites aux montants récoltés par le biais de la CVO. Notamment, les interprofessions peuvent puiser à d'autres ressources, tirées par exemple des prestations de services, ventes d'objets publicitaires et autres. La France a confirmé que les actions de publicité feront l'objet d'une part de financements privés d'au moins 50 % des coûts admis.
(69) A titre de comparaison des aides projetées et des recettes d'accises, estimées à partir des volumes récoltés (8), la France a fourni les chiffres suivants:
<emplacement tableau>
(70) La France souligne que ce dernier tableau est particulièrement significatif, car il ne fait pas ressortir l'objectif de compenser le poids des accises par les aides, puisqu'il n'y a aucune corrélation quantitative.
V. APPRÉCIATION
1. Caractère d'aide. Applicabilité de l'article 87, paragraphe 1, du traité
(71) Selon l'article 87 paragraphe 1 du traité, sauf dérogations prévues par ce traité, sont incompatibles avec le marché commun dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
(72) Pour que une mesure tombe dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1 du traité, les quatre conditions suivantes doivent être donc cumulativement remplies: (1) la mesure doit être financée par l'Etat ou par le biais de ressources d'Etat, (2) elle doit concerner de façon sélective certaines entreprises ou secteurs de production, (3) elle doit comporter un avantage économique pour les entreprises bénéficiaires, (4) elle doit affecter les échanges intracommunautaires et fausser ou menacer de fausser la concurrence.
(73) Dans le cas d'espèce, La Commission estime que ces conditions sont remplies. Ainsi:
1.1. Ressources d'Etat
(74) Les actions de recherche, d'assistance technique et de développement de productions de qualité seront financées entièrement par l'Etat sur ses ressources budgétaires.
(75) En revanche, les actions de promotion et publicité seront financées en partie par l'Etat, et en partie (minimum 50 %) par les organisations professionnelles concernées au moyen de ressources tirées essentiellement des cotisations volontaires obligatoires (CVO) prélevées sur leurs adhérents.
(76) La Commission considère que le budget affecté aux actions de promotion et publicité est constitué entièrement par des ressources d'Etat, sur la base des considérations développées ci-dessous.
(77) Selon une pratique constante de la Commission, les contributions obligatoires des entreprises d'un secteur qui sont affectées au financement d'une mesure de soutien financier sont assimilées à des taxes parafiscales et constituent donc des ressources d'Etat, lorsque ces contributions sont imposées par l'Etat ou que le produit de ces contributions transite par un organisme institué par la loi.
(78) Dans le cas d'espèce, les cotisations récoltées ont été rendues obligatoires par le Gouvernement français dans le cadre d'une procédure d'extension des accords interprofessionnels. L'extension des accords est réalisée par voie d'adoption d'un arrêté publié au Journal officiel de la République française. Ces cotisations exigent donc un acte d'autorité publique pour produire tous leurs effets.
(79) Toutefois, la jurisprudence de la Cour de justice suggère que, lorsque l'on apprécie la nature d'aide d'Etat d'une mesure, on examine aussi si ladite mesure peut être considérée comme imputable à l'Etat (9). La jurisprudence récente (10) a fourni des éléments qu'il convient d'examiner ici.
(80) La Cour a déclaré que certaines mesures financées par les membres d'organismes professionnels au moyen de ressources prélevées auprès de leurs membres ne tombaient pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1 du traité, étant donné que (a) les cotisations étaient affectées obligatoirement au financement de la mesure; (b) L'organisme ou les pouvoirs publics n'ont eu, à aucun moment, le pouvoir de disposer librement de ces ressources; (c) la mesure était imputable exclusivement aux membres de l'organisme professionnel en objet, et ne faisait pas partie d'une politique étatique (...).
(81) Il semble ressortir de cette jurisprudence que, lorsque le rôle joué par l'Etat est celui d'un pur et simple intermédiaire, du fait qu'il n'intervient pas dans la définition des choix politiques des professionnels et ne peut disposer à aucun moment des ressources récoltées, qui sont affectées obligatoirement aux mesures en objet, le critère d'imputabilité à l'Etat n'est pas rempli. Les mesures peuvent donc, de ce fait, échapper à la qualification d'aides d'Etat.
(82) Dans le cas d'espèce, cependant, les critères stipules dans l'arrêt Pearle ne sont pas remplis. Notamment, le fait que l'Etat apporte une contribution de 50 % au financement de ces actions promo-publicitaires démontre clairement que ces actions font bien partie d'une politique étatique, et dès lors, les fonds utilisés pour leur financement sont à considérer, dans leur totalité, comme des ressources publiques affectées à des actions imputables à l'Etat.
1.2. Sélectivité
(83) Les mesures bénéficient exclusivement aux producteurs de vins de liqueur français, et sont donc sélectives.
1.3. Existence d'un avantage
(84) Les producteurs de vins de liqueur reçoivent un avantage économique sous forme de financement de différentes actions (projets de recherche, assistance technique, développement de produits de qualité, promotion et publicité). Cet avantage améliore la position concurrentielle des bénéficiaires. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, l'amélioration de la position concurrentielle d'une entreprise résultant d'une aide d'Etat indique, en règle générale, une distorsion de concurrence vis-à-vis d'autres entreprises qui ne reçoivent pas le même soutien (11).
1.4. Affectation des échanges et distorsions de concurrence
(85) Ces aides sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres dans la mesure où elles favorisent la production nationale au détriment de la production des autres États membres. En effet, le secteur viticole est extrêmement ouvert à la concurrence au niveau communautaire, ce qui semble d'ailleurs bien demontré par l'existence d'une organisation commune des marchés dans le secteur.
(86) Le tableau suivant montre, à titre d'exemple, le niveau des échanges commerciaux intracommunautaires et français des produits viticoles pour les années 2001, 2002 et 2003 (12).
<emplacement tableau>
(87) Certaines des mesures projetées sont destinées à être réalisées en dehors de l'Union européenne. Cependant, compte tenu de l'interdépendance entre les marchés sur lesquels opèrent les opérateurs communautaires, il n'est pas exclu qu'une aide puisse fausser la concurrence intracommunautaire par renforcement de la position concurrentielle des opérateurs (13), même si l'aide bénéficie des produits pour l'exportation en dehors de la Communauté (14).
(88) Au vu de ce qui précède, le mesures en objet relèvent de l'article 87, paragraphe 1, du traité, et ne peuvent être déclarées compatibles avec le traité que si elles peuvent bénéficier d'une des dérogations prévues par celui-ci.
2. Compatibilité des aides
(89) La seule dérogation envisageable à ce stade est celle de l'article 87, paragraphe 3, point c), qui prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
(90) Pour pouvoir bénéficier de ladite dérogation, les aides en objet doivent être conformes à la législation en matière d'aides d'Etat. La Commission vérifie in primis l'applicabilité du règlement (CE) n° 1-2004 de la Commission du 23 décembre 2003 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides d'Etat accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles (15). Si ledit règlement n'est pas applicable, la Commission vérifie si d'autres bases juridiques, telles que des lignes directrices ou des encadrements communautaires, peuvent être d'application.
(91) Etant donné que les aides projetées ne sont pas limitées aux petites et moyennes entreprises, le règlement (CE) n° 1-2004 n'est pas applicable. Dans son appréciation, la Commission s'est donc fondée sur les instruments suivants: (a) les Lignes Directrices communautaires concernant les aides d'état dans le secteur agricole (16) (ci-après: "les lignes directrices agricoles"); (b) les Lignes directrices communautaires applicables aux aides d'Etat à la publicité des produits relevant de l'annexe I du traité CE et de certains produits ne relevant pas de l'annexe I (17) (ci-après: "les lignes directrices sur la publicité") et (c) l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (18) (ci-après: "l'encadrement").
(92) Etant donné que les aides projetées sont destinées à être financées, au moins partiellement, par des contributions obligatoires assimilées à des taxes parafiscales, la Commission a aussi apprécié les modalités de financement de l'aide.
2.1. Les mesures
2.1.1. Aides à la publicité et à la promotion
(93) Les lignes directrices communautaires applicables aux aides d'État à la publicité de produits relevant de l'annexe I du traité CE (19) (ci-après : les lignes directrices sur la publicité) prévoient des critères négatifs et positifs qui doivent être respectés par tous les régimes d'aides nationales. Ainsi, selon les points 16 à 30 des lignes directrices, il ne doit pas s'agir d'actions de publicité contraires à l'article 28 du traité ou au droit communautaire dérivé et ces actions ne doivent pas être orientées en fonction d'entreprises déterminées.
(94) Les autorités françaises ont expliqué que les actions ne bénéficieront pas à des entreprises particulières, que la publicité ne dénigrera pas les autres produits communautaires, et qu'elle n'introduira aucune comparaison défavorable en se prévalant de l'origine nationale des produits.
(95) Les références à l'origine nationale doivent être secondaires par rapport au message principal transmis aux consommateurs par la campagne et ne pas constituer la raison essentielle pour laquelle il leur est conseillé d'acheter le produit. Dans le cas d'espèce, il est important que l'origine française des produits ne soit pas le message prioritaire pour les campagnes réalisées sur le territoire français.
(96) Les échantillons envoyés par les autorités françaises, ainsi que l'engagement explicite fourni par la France à cet effet permettent de conclure que l'accent ne sera pas mis de façon particulière sur l'origine nationale des produits en l'espèce, et que toute référence à l'origine sera secondaire par rapport au message principal des campagnes publicitaires.
(97) En ce qui concerne les critères positifs, selon les points 31 à 33 des lignes directrices sur la publicité, les produits bénéficiant des campagnes publicitaires doivent remplir au moins l'une des conditions suivantes : il doit s'agir de productions agricoles excédentaires ou d'espèces sous-exploitées, ou de productions nouvelles ou de substitution non excédentaire, ou du développement de certaines régions, ou du développement des petites et moyennes entreprises, ou de produits de haute qualité, y compris les produits biologiques.
(98) Les autorités françaises ont expliqué à cet égard que les mesures auront pour objectif de développer les régions de production concernées, au moyen de l'écoulement de leurs productions typiques. Elles répondront à la nécessité de donner un appui au tissu de petites et moyennes entreprises des zones géographiques visées: les entreprises des secteurs viticoles concernés sont essentiellement des structures de petite taille, à faible nombre de salariés, souvent encore familiales. Elles viseront aussi l'objectif de développer des produits de haute qualité (AOC).
(99) Pour ce qui est plus précisément des aides à la publicité en faveur des produits agricoles portant une appellation d'origine protégée ou une indication géographique protégée enregistrée par la Communauté (20), la Commission, afin de garantir que des aides ne seront pas accordées à des producteurs individuels, vérifie que tous les producteurs du produit couvert par l'AOC, ont le même droit à l'aide. Cela signifie que les mesures de publicité doivent se référer à l'AOC elle-même et non à n'importe quel logo ou étiquette, à moins que tous les producteurs ne soient habilités à l'utiliser. De la même manière, lorsque, pour des raisons pratiques, une aide est versée à un groupement de producteurs, la Commission demande des assurances que l'aide bénéficiera effectivement à tous les producteurs, qu'ils soient ou non membres du groupement.
(100) Les autorités françaises se sont engagées à ce que les bénéficiaires de ces aides, au moyen des actions menées collectivement, soient, sans discrimination, tous les producteurs du produit dont la publicité sera faite, ainsi que les professionnels associés à sa commercialisation.
(101) En ce qui concerne le plafonnement des aides prévu au point 60 des lignes directrices, les actions de publicité peuvent être financées à hauteur de 50 % par des ressources étatiques, le solde devant être apporté par les organisations professionnelles et les interprofessions bénéficiaires.
(102) Les autorités françaises s'engagent à ce que le taux de financement public soit limité à 50 % maximum des actions conduites en matière de publicité à l'intérieur de l'Union européenne. Le solde devra être apporté par les opérateurs du secteur agricole concerné.
(103) Les actions menées à l'extérieur de l'Union européenne pourront être financées à 80 %. Cela suit la ligne adoptée par la Commission (21) selon laquelle la participation des producteurs à ce type d'actions est une notion reprise, notamment, dans le règlement (CE) n° 2702-1999 du Conseil du 14 décembre 1999, relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles dans les pays tiers (22), où il est question d'actions cofinancées. S'agissant d'actions réalisables par la Communauté dans les pays tiers, ce règlement prévoit à son article 9 que, pour ce qui est des actions de relations publiques, de promotion et de publicité des produits agricoles et alimentaires, une partie du financement doit rester à la charge des organisations proposantes. Ainsi, pour les actions d'une durée d'au moins deux ans, en règle générale le pourcentage minimal à leur charge est de 20 % des coûts, avec une participation maximale de la Communauté de 60 % et une participation des États membres de 20 %. Il s'ensuit qu'une implication réelle des bénéficiaires dans ce type d'actions, à un niveau minimal de 20 % des coûts, semble opportune afin de limiter des distorsions de concurrence à l'égard d'autres productions communautaires.
(104) Les autorités françaises ont envoyé à la Commission des échantillons des activités de promotion et de publicité financées par l'aide notifiée permettant de confirmer les engagements donnés par lesdites autorités.
(105) La Commission conclut que ces aides répondent aux conditions établies au niveau communautaire.
2.1.2. Aides à la recherche
(106) En ce qui concerne les actions de recherche et d'expérimentation, ainsi que celles de diffusion du progrès scientifique, les lignes directrices agricoles prévoient, au point 17, que les aides à la recherche et au développement sont à examiner conformément aux critères exposés dans l'encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (23). Ce dernier précise qu'un taux d'aide pouvant atteindre 100 %, est compatible avec le marché commun, même dans le cas où la recherche et le développement seraient exécutés par des entreprises, pour autant que les quatre conditions qui y sont reprises soient remplies dans tous les cas:
a) l'aide revêt un intérêt général pour le secteur particulier concerné, sans provoquer de distorsion de concurrence indue dans d'autres secteurs,
b) l'information doit être publiée dans des journaux appropriés, ayant au moins une distribution nationale et non limitée aux membres d'une organisation particulière, de manière à garantir que tout opérateur potentiellement intéressé par cette activité peut être facilement informé qu'elle est ou a été mise en œuvre et que les résultats sont ou seront fournis, sur demande, à toute partie intéressée. Cette information sera publiée à une date qui ne sera pas postérieure à toute information qui peut être donnée aux membres d'une organisation particulière,
c) les résultats des travaux sont fournis, pour exploitation, par toutes les parties concernées, y compris le bénéficiaire de l'aide, sur une base égale, à la fois en termes de coût et de temps,
d) l'aide satisfait aux conditions prévues à l'annexe 2 "Soutien interne: base de l'exemption des engagements de réduction" à l'accord sur l'agriculture conclu lors du cycle d'Uruguay des négociations commerciales multilatérales (24).
(107) Les autorités françaises se sont engagées à ce qui suit:
a) il s'agira uniquement de recherches revêtant un intérêt général pour le secteur considéré, destinées à un usage et à une diffusion généralisée, de façon à ce qu'elles n'altèrent pas les conditions des échanges et ne provoquent pas de distorsion de concurrence indue avec d'autres secteurs.
b) les données recueillies à l'issue de chaque programme, lorsqu'elles auront été validées, feront l'objet d'une diffusion dans les divers journaux les plus accessibles aux intéressés. Il sera procédé à la publication et à la diffusion des résultats de ces recherches, pour que tous les professionnels et négociants intéressés puissent en être informés et y avoir accès, sans discrimination au même moment que tout autre et sur simple demande. Les conclusions des travaux ou des résumés seront diffusées dans les publications "grand public" des interprofessions concernées, dans les diffusions spécialisées des organismes techniques qui sont associés à la réalisation de ces études et recherches, dans des brochures et publications diverses. Elles seront mises à la disposition des professionnels du secteur par l'intermédiaire des relais habituels du secteur agricole ou du ministère de l'agriculture et de la pêche
c) compte tenu du caractère d'intérêt général des recherches, aucune exploitation commerciale des résultats n'est prévue. La question du coût de cession d'un droit d'exploitation ou des conditions d'accès à un droit d'exploitation ne se posera donc pas.
d) les autorités françaises assurent que les actions financées ne donnent lieu à aucun versement direct aux producteurs ni aux transformateurs et qu'elles satisfont aux critères commerciaux internationaux souscrits par l'Union européenne.
(108) La Commission conclut que ces aides répondent aux conditions établies au niveau communautaire.
2.1.3. Aides à l'assistance technique
(109) Les lignes directrices agricoles prévoient, au point 14, que ce type d'aides est autorisé, avec un taux d'intensité de 100 %, lorsqu'elles sont accessibles à toutes les personnes éligibles exerçant dans la zone concernée, dans des conditions objectivement définies et que le montant d'aide total octroyé ne dépasse 100 000 euro par bénéficiaire par période de trois ans ou, s'agissant des PME, à 50 % des dépenses éligibles (le montant le plus élevé s'applique). Les autorités françaises se sont engagées à respecter ces conditions.
(110) La Commission conclut que ces aides répondent aux conditions établies au niveau communautaire.
2.1.4. Aides à la production de produits de qualité
(111) Les lignes directrices agricoles prévoient, au point 13, que ce type d'aides est autorisé, avec un taux d'intensité de 100 %, lorsqu'elles sont accessibles à toutes les personnes éligibles exerçant dans la zone concernée, dans des conditions objectivement définies et que le montant d'aide total octroyé ne dépasse pas 100 000 euro par bénéficiaire par période de trois ans ou, s'agissant des PME, à 50 % des dépenses éligibles, le montant le plus élevé s'appliquant. Les autorités françaises se sont engagées à respecter ces conditions.
(112) La Commission conclut que ces aides répondent aux conditions établies au niveau communautaire.
2.2. Le financement des aides
2.2.1. La cotisation obligatoire (CVO)
(113) Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (25), la Commission considère normalement que le financement d'une aide d'État par le biais de charges obligatoires peut avoir une incidence sur l'aide en ayant un effet protecteur allant au-delà de l'aide proprement dite. Les cotisations en question (CVO) constituent en effet des charges obligatoires. Suivant cette même jurisprudence, la Commission considère qu'une aide ne peut être financée par des taxes parafiscales grevant également des produits importés des autres États membres.
(114) La CVO s'applique sur les volumes de vins de liqueur AOC commercialisés par les viticulteurs, bouilleurs de profession, négociants et marchands en gros situés dans l'aire de production de l'AOC concernée. Les autorités françaises ont aussi expliqué que, à la différence des taxes perçues sur le fondement des directives communautaires concernant les droits d'accises sur l' alcool et les boissons alcooliques, les cotisations interprofessionnelles ne frappent par définition que les vins de liqueur bénéficiant des AOC concernées, donc produits exclusivement dans les régions délimitées par la réglementation, ce qui implique que les vins de liqueur provenant des autres États membres n'y sont pas assujettis.
(115) En ce qui concerne plus particulièrement les marchands en gros, il n'est pas exclu qu'ils commercialisent aussi des produits importés. Toutefois, les autorités françaises ont précisé que seuls seront soumis à la cotisation interprofessionnelle payée par les marchands en gros les volumes des vins de liqueur AOC concernés par la notification, à savoir le Pineau des Charentes, le Floc de Gascogne, le Pommeau de Normandie et le Macvin du Jura. Donc, tout volume de vin importé est exclu du paiement de cette cotisation.
(116) Ainsi, du fait que la seule production taxée est la production nationale de vins de liqueur AOC visée par la mesure, il est possible de conclure qu'aucun produit importé n'est taxé.
(117) En ce qui concerne les aides d'Etat financées par des taxes parafiscales, la Cour a aussi établi d'autres critères, qu'il convient d'examiner ici. Dans l'affaire Nygard (26), la Cour a statué qu'une taxe doit être considérée comme constituant une violation de l'interdiction de discrimination édictée à l'article 90 du traité si les avantages que comporte l'affectation de la recette de l'imposition profitent spécialement à ceux des produits nationaux imposés qui sont transformés ou commercialisés sur le marché national, en compensant partiellement la charge supportée par ceux-ci et en défavorisant ainsi les produits nationaux exportés.
(118) Les aides à la promotion et à la publicité, qui sont les seules à être financées par le biais de la CVO, bénéficient au secteur de la commercialisation et peuvent présenter un intérêt différent pour des négociants qui seraient exclusivement tournés vers des ventes hors de France ou en dehors de l'Union européenne.
(119) Les autorités françaises ont toutefois assuré que, tant le comité national du Pineau des Charentes que le comité interprofessionnel du Floc de Gascogne financent des actions de publicité ou de promotion tant en France que dans l'Union européenne et dans les pays tiers. Leurs choix à cet égard seraient fixés en toute indépendance de décision par leurs conseils d'administration, où sont représentés tous les acteurs de la filière concernée.
(120) En revanche, l'interprofession des appellations cidricoles et le comité interprofessionnel des vins du Jura n'envisageraient pas pour le moment de financer des actions hors du marché français. Cependant, selon les autorités françaises, cette orientation des actions vers le marché français relèverait de la politique de la filière elle-même qui estime prioritaire de parfaire son implantation sur le marché national, sachant que la vente de ces vins de liqueurs à l'étranger n'est pas encore entrée dans les pratiques du commerce. Les autorités françaises assurent que cette orientation n'est désavantageuse pour aucun négociant, car l'importance des ventes en dehors du marché français reste marginale, et il n'y a point de négociants spécialisés dans les ventes à l'exportation.
(121) En tout état de cause, les autorités françaises se sont engagées à ce que les produits exportés ne bénéficient pas moins des actions financées par le biais de cotisations interprofessionnelles que les produits vendus sur le territoire national.
(122) La Commission prend acte de cet engagement et considère que les informations fournies par la France ne font pas ressortir d'éléments qui indiqueraient, à l'heure actuelle, une discrimination à l'encontre des vins de liqueur exportés.
(123) La Commission attire cependant l'attention des autorités françaises sur les implications de l'arrêt Nygard en matière de discrimination entre produits exportés et produits commercialisés sur le territoire national. Notamment, la Cour a statué qu'il appartient à la juridiction nationale d'établir la mesure de la discrimination éventuelle qui pèse sur les produits. À cet effet, elle doit vérifier, au cours d'une période de référence, l'équivalence pécuniaire entre les montants globalement perçus sur les produits nationaux commercialisés sur le marché national au titre de la taxe considérée et les avantages dont ces produits bénéficient à titre exclusif.
2.2.2. Compatibilité avec d'autres dispositions du traité
(124) Il convient de rappeler ici qu'une aide d'Etat qui par certaines de ses modalités viole d'autres dispositions du traité ne peut pas être déclarée compatible avec le marché commun. Dans le cas d'espèce, la Commission a examiné le bien-fondé du grief du AEVP exprimé à l'encontre de l'aide N 703-95, quant à la possible infraction à l'article 90 du traité. La Commission note d'ailleurs que l'AEVP n'a soumis aucun commentaire dans le cadre de la présente procédure.
(125) L'article 90 du traité prévoit qu'"aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires".
(126) Dans le cas d'espèce, le taux d'accises applicable aux vins de liqueur en France est le même pour les vins français et pour les vins en provenance d'autres Etats membres.
(127) On serait en présence d'une imposition intérieure discriminatoire contraire à l'article 90 du traité seulement dans l'hypothèse où la taxe payée par les producteurs français serait partiellement compensée par les aides qui sont réservées à ces mêmes producteurs, de sorte que seuls les producteurs non français devraient s'acquitter intégralement de ladite taxe.
(128) Il convient tout d'abord de constater que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du traité concernant les aides d'Etat à moins qu'elles ne constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, et qu'elles fassent partie intégrante de cette aide.
(129) Il s'ensuit que la taxe sur les vins de liqueurs n'influence l'appréciation de la compatibilité des aides projetées, et ne doit donc être examinée ici, que s'il existe un lien suffisant entre ladite taxe et les mesures d'aide.
(130) L'arrêt de la Cour de justice du 13 janvier 2005 dans l'affaire Streekgewest Westelijk Noord-Brabant (27), intervenu après l'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2 du traité à l'encontre des aides qui font l'objet de la présente décision, a clarifié les circonstances dans lesquelles il faut considérer qu'un lien suffisant existe entre une taxe et une mesure d'aide, de telle sorte qu'on peut considérer que la taxe fait partie intégrante de l'aide.
(131) Le point 26 des motifs dudit arrêt spécifie notamment que, pour que l'on puisse considérer une taxe, ou une partie d'une taxe, comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit nécessairement exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe influence directement l'importance de l'aide et, par voie de conséquence, l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun.
(132) Dans l'affaire Streekgewest, la Cour a statué que même si, pour les besoins de l'estimation du budget de l'Etat membre, il y compensation entre l'augmentation du montant de la taxe et l'avantage (l'aide) cette circonstance n'est pas, à elle seule, suffisante pour démontrer l'existence d'un lien contraignant entre la taxe et l'avantage (28).
(133) Dans le cas d'espèce, la France a indiqué que les recettes de la taxe sont versées au budget général de l'Etat et qu'il n'existe aucun texte juridique permettant la compensation des accises payées par les producteurs de vins de liqueur. Aucune des informations en possession de la Commission ne suggère d'ailleurs le contraire. Sur la base de ce constat, la Commission peut donc conclure qu'il n'y a pas de lien d'affectation contraignant entre le produit de la taxe sur les vins de liqueur et l'aide octroyée pour ces mêmes produits, et ceci sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'absence d'une éventuelle corrélation quantitative entre les montants perçus par la France et les montants dépensés dans le cadre du dispositif d'aides.
(134) A titre tout à fait subsidiaire, la Commission constate d'ailleurs que les tableaux chiffrés fournis par la France à la suite de l'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2 du traité démontrent qu'il n'y a aucune corrélation quantitative entre les recettes de la taxe pour les différents produits et l'aide octroyée pour ces produits.
(135) Etant donné qu'il n'y a pas de lien suffisant entre la taxe et les aides projetées, il n'y a pas lieu d'apprécier les effets de cette taxe sur la compatibilité avec le marché commun des mesures notifiées, notamment au regard de l'article 90 du traité, dans le cadre de procédure envisagée pour les aides d'état à l'article 88 du traité.
VI. CONCLUSIONS
(136) Au vu de ce qui précède, la Commission conclut que les aides projetées par la France peuvent bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, lettre c) du traité et être déclarées compatibles avec le marché commun.
A arrêté la présente décision :
Article premier
L'aide d'État que la France envisage de mettre à exécution en faveur des producteurs et négociants de vins de liqueur pour un montant de 12 000 000 euro est compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3, lettre c) du traité. La mise à exécution de cette aide est par conséquent autorisée.
Article 2
La France est destinataire de la présente décision.
Notes :
(1) JO C 42, 18.2.2005, p. 2.
(2) Voir note de bas de page n° 1.
(3) Lettre aux autorités françaises du 21 novembre 1996, n° SG(96) D/ 9957)
(4) Lettre aux autorités françaises du 4 août 1998, n° SG(98) D/6737
(5) Arrêt de la Cour du 3 mai 2001, affaire C-204-97, République portugaise contre Commission des Communautés européennes, Rec. p. I- 03175.
(6) Loi de finances rectificative n° 93-859 du 22 juin 1993.
(7) 1 FRF = 0,15 euro
(8) Volumes qui peuvent différer des volumes mis à la consommation.
(9) Arrêt de la Cour de justice du 16 mai 2002, Affaire C-482-99, République française contre Commission, Rec. 2002 p. I-4397, point 24 des motifs et Affaire C-126-01 GEMO, arrêt du 20 novembre 2003, Rec. 2003, p. I-13769.
(10) Arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, affaire C-345-02, Pearle contre Hoofdbedrijfschap Ambachten, Rec. 2004, p. I-7139).
(11) Arrêt du 17 septembre 1980, affaire 730-79, Philippe Morris/Commission, Rec. 1980, p-2671, points 11 et 12 des motifs.
(12) Agriculture in the european Union, Statistical and economic information 2004. Direction générale de l'Agriculture, Commission européenne.
(13) Arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, affaires joints 6 et 11-69, Commission/République française, Rec., points 20 des motifs.
(14) Arrêt de la Cour du 21 mars 1990, affaire C-142-87, Belgique/Commission, Rec., point 35 des motifs.
(15) JO L 1 du 1.1.2004, p. 1.
(16) JO C 232 du 12.8.2000, p. 19.
(17) JO C 252 du 12.9.2001, p. 5
(18) JO C 45 du 17.2.1996, p. 5, ultérieurement modifié en ce qui concerne son application au secteur agricole, JO C 48 du 13.2.1998, p. 2.
(19) JO C 252 du 12.9.2001, p. 5.
(20) Conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 2081-92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 208 du 24.7.1992, p. 1.).
(21) Aide d'État n° N 166/2002.
(22) JO L 327 du 21.12.1999, p. 7.
(23) Voir note de bas de page n° 18.
(24) JO L 336 du 23.12.1994, p. 22.
(25) Arrêt de la Cour du 25 juin 1970, affaire 47-69, Gouvernement de la République française contre Commission des Communautés européennes, Rec. 1970, p. 487.
(26) Arrêt du 23 avril 2002, affaire C-234-99, Niels Nygard contre Svineafgiftsfonden, Recueil 2002, p. I 3657.
(27) Non encore publié au Recueil.
(28) Point 27 des motifs de l'arrêt précité.