CA Paris, 16e ch. A, 3 décembre 2003, n° 2000-00293
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Jolimax (SARL), Jackson Développement (SARL)
Défendeur :
Orion Food Systems France (SARL), Naka (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Duclaud
Conseillers :
Mmes Imbaud-Content, Fossaert-Sabatier
Avoués :
SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, SCP Bommart-Forster, SCP Goirand
Avocats :
Mes Lauret, Dejean Niels, Riquier
LA COUR, déjà saisie de l'appel de la SARL Jolimax d'un jugement du Tribunal de grande instance de Melun du 30 mai 2000 qui a statué dans un litige opposant les sociétés Jolimax et Jackson Développement à la SCI Naka relativement à l'application d'une clause de non-concurrence, a notamment par arrêt du 21 mai 2001 :
* infirmant le jugement
- dit que la SCI Naka avait violé la clause du bail au terme de laquelle elle s'engageait envers la société à ne pas louer à l'avenir des locaux de la galerie commerciale à un établissement de fast food et de restauration rapide,
- dit que la SCI Naka doit réparer le préjudice qu'a subi la société Jolimax du fait de cette violation,
- avant dire droit, désigné Monsieur Xavier Fruchaud en qualité d'expert avec mission de rechercher le montant du préjudice de la société Jolimax,
- condamné la SCI Naka à verser à la société Jolimax et à la société Jackson Développement la somme de 16 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit.
Par acte sous seing privé établi à Dammarie-les-Lys le 14 avril 1999, la société Jolimax s'est vue consentir par la SCI Naka un bail commercial portant sur un local dépendant du Centre commercial Edouard Leclerc de Dammarie-les-Lys, constituant le lot n° 2, d'une surface approximative de 520 m2 destinée à un commerce de fast food, restauration rapide à l'enseigne "Jackson Burger" avec "drive-in".
Le bail a été consenti pour une durée de 9 années à compter du 15 avril 1999 pour se terminer à pareille époque en l'an 2008, moyennant un loyer minimum garanti pour la première triennalité de 240 000 F HT outre une part indexée sur le chiffre d'affaires correspondant à 5 % du chiffre d'affaires HT annuel à partir de 5,2 MF/HT/an avec un loyer plafonné à 400 000 F HT par an, avec indexation.
Outre les conditions habituelles, il est stipulé dans la convention locative une clause d'exclusivité au bénéfice de la société preneuse (paragraphe 4.1 page 17) libellée de la manière suivante:
"A) no- exclusivité:
ne pouvoir se prévaloir d'aucune garantie d'exclusivité ou de non-concurrence:
le Bailleur se réservant en conséquence, la faculté de louer ou de céder librement les autres locaux de la galerie marchande du Centre Leclerc de Dammarie-les-Lys pour toutes activités, à l'exception de l'activité de fast food et restauration rapide qui, à l'inverse, est consentie au Preneur avec exclusivité, à l'exception des activités de restauration déjà présentes dans la galerie du Centre Leclerc - Dammarie au jour de la signature des présentes."
Se plaignant d'avoir vu le 9 novembre 1999, s'implanter à proximité de l'entrée principale du Centre Commercial, un restaurant de type fast food à l'enseigne "Hot Stuff", dont l'activité serait directement concurrentielle de celle de la société Jolimax et estimant que la société bailleresse avait ainsi gravement manqué à son obligation en violant la clause précitée, ladite société Jolimax et son franchiseur la SARL Jackson Burger ont présenté requête à Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Melun, lequel par ordonnance du 8 décembre 1999, les a autorisées à faire dresser constat suivant procès-verbal de la SCP Michaud et Carel, huissiers de justice associés à Melun, en date du 10 décembre 1999.
Estimant qu'il résultait des constatations de l'huissier de justice commis, que la société Orion exploitait donc bien un "fast food" comme, elle, société Jolimax, celle-ci et la société Jackson Développement ont assigné les 17 et 20 mars 2000 à jour fixe devant le Tribunal de grande instance de Melun la SCI Naka et la société Orion Food Systems France exploitant le fonds de restauration litigieux sous l'enseigne Hot Stuff aux fins de voir:
- constater que la SCI Naka avait enfreint une clause essentielle du bail en conférant à la société Orion Food Systems France un bail destiné à une activité de restauration rapide et de fast food dont l'exclusivité dans la galerie était garantie à la société Jolimax,
- juger que la SCI Naka avait pris l'initiative de la résiliation du bail lequel sera résilié aux torts et griefs exclusifs du bailleur avec toutes conséquences de droit,
- condamner la SCI Naka au versement d'une indemnité provisionnelle de 500 000 F à valoir sur son préjudice et fixer l'indemnité d'occupation à compter du jugement à intervenir égale au quart du montant du loyer et charges,
- ordonner l'exécution provisoire de ces dispositions compte tenu de la nature de l'affaire et la situation respective des parties,
- sur la détermination du préjudice, ordonner une expertise confiée à tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner avec mission de:
* dire s'il existe une baisse de l'activité de la société Jolimax se caractérisant par une baisse du chiffre d'affaires et des bénéficies,
* préciser le préjudice subi par la société Jolimax lié à l'installation dans la galerie du restaurant "Hot Stuff".
- la société Jackson Développement, franchiseur associée de la société Jolimax, a sollicité elle-même la réparation de son préjudice constituant une perte de chance sérieuse, qu'elle estime à la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts.
Par acte du 28 février 2000, la SCI Naka a fait délivrer commandement avec clause résolutoire de payer à la société Jolimax la somme de 80 940,68 F correspondant au loyer du premier trimestre 2000, à la provision de charges du premier trimestre, au surloyer du mois de janvier ainsi que différents frais et pénalités.
Par acte du 7 mars 2000, la société Jolimax a formé opposition au commandement et a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article 25 alinéa 2 du décret du 30 septembre 1953.
Par jugement du 5 mars 2002, le Tribunal de grande instance de Melun a constaté l'existence d'un lien de connexité entre la procédure en opposition à commandement de payer dont il était saisi et la présente affaire pendante devant cette chambre de la cour dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, et, a en conséquence renvoyé l'affaire devant celle-ci de telle sorte que ladite chambre est désormais saisie aussi de cette procédure.
La SARL Jolimax et la SARL Jackson Développement, appelantes, demandent à la cour de :
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 23 mai 2001,
Homologuer partiellement le rapport d'expertise de Monsieur Fruchaud.
En conséquence, sur le préjudice:
Dire et juger que la SCI Naka a pris l'initiative de la résiliation du bail lequel sera résilié aux torts et griefs exclusifs du bailleur avec toutes conséquences de droit.
Condamner la SCI Naka à payer à la société Jolimax la somme de 727 485,11 euro à titre de dommages et intérêts du préjudice subi sur le fondement des articles 1184 et suivants du Code civil.
Condamner la SCI Naka à payer à la société Jolimax la somme de 130 000 euro à titre de provision à valoir sur le préjudice d'exploitation au titre de l'année 2002-2003.
Condamner la société Naka à payer à la société Jackson Développement franchisseur et associée de la société Jolimax la somme de 75 224,51 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil.
Débouter la SCI Naka de toutes ses demandes et conclusions contraires.
Sur la clause résolutoire : accorder à la société Jolimax le bénéfice de l'article L. 145-41 du Code de commerce.
En conséquence, suspendre les effets de ladite clause résolutoire.
Dire que la SCI Naka devra justifier de sa créance locative.
A défaut, l'en débouter.
Subsidiairement, réduire la créance des loyers et charges au tiers de la somme due au bailleur et pour le surplus ordonner la compensation des dettes réciproques.
Condamner la SCI Naka à payer à la société Jolimax la somme de 15 244,90 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La condamner aux entiers dépens, de première instance, y compris les frais du constat établi par la SCP Michaud et Carel, huissiers de justice à Melun, les frais d'expertise de M. Fruchaud, et d'appel dont le montant pourra être recouvré par la SCP Gibou-Pignot Grappotte-Benetreau, avoués associés près la Cour d'appel de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
La société Naka, intimée, prie la cour de:
Constater que l'implantation du restaurant ouvert par la société Jolimax dans les murs de la SCI Naka dans le cadre d'un contrat de franchise passé avec la société Jackson Développement a été effectué sans étude préalable.
Constater qu'il résulte des travaux de l'Expert que l'ouverture, et la fermeture depuis deux années du restaurant réputé concurrent, non seulement n'a entraîné aucune reprise d'activité mais n'a pas empêché la dégradation de son chiffre d'affaires.
Résilier le bail consenti à la société Jolimax par la société Naka en raison du non-paiement des causes du commandement délivré le 28 février 2000 visant la clause résolutoire.
Débouter de l'ensemble de leurs demandes les sociétés Jolimax et Jackson Développement et en particulier de celle concernant le préjudice d'exploitation, la perte du fonds de commerce, la somme de 145 000 euro au titre des immobilisations et la facture de formation.
Débouter la société Jackson Développement de sa demande d'indemnisation en la déclarant irrecevable par application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, et subsidiairement mal fondée.
Condamner la société Jolimax au paiement de la somme de 317 070,35 euro, montant des loyers et charges arrêtés au 31 mars 2003, sauf à parfaire au jour où la société Jolimax libèrera les lieux.
Sur la demande reconventionnelle
Dire que la société Jackson Développement sera tenue solidairement avec la société Jolimax au paiement de la somme de 317 070,35 euro, montant des loyers et charges impayés sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, ladite somme étant à parfaire des loyers impayés au cours de la libération par la société Jolimax des lieux qui lui sont loués par la société Naka.
Subsidiairement,
Si par impossible une condamnation était prononcée à l'encontre de la SCI Naka, faire application des articles 1289 et 1290 du Code civil.
Condamner solidairement les sociétés Jolimax et Jackson Développement au paiement de la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamner sous la même solidarité les sociétés Jolimax et Jackson Développement en tous les dépens et en ordonner la distraction au profit de la SCP Goirand, avoués aux offres de droit, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Ceci étant exposé, LA COUR :
Considérant que la SCP Goirand, avoué de la SCI Naka, et, la SCP Gibou-Pignot et Grappotte-Benetreau, avoué de la société Jackson Développement, ont, par lettres du 24 septembre 2003, demandé à la cour de leur donner acte de ce que les parties rectifient l'erreur matérielle qui a fait qualifier de SCI, au lieu de SARL la société Jackson Développement;
Que la cour donnera acte de cette demande conjointe des parties;
I - Sur le préjudice subi par la société Jolimax:
A) Sur le lien de cause à effet:
Considérant que la société Jolimax demande à voir condamner la SCI Naka à lui verser la somme de 727 485,11 euro qui se décompose ainsi:
- Préjudice d'exploitation 346 363,17 euro
- Immobilisation 145 000 euro
- Préjudice lié à la perte du fonds 236 975 euro
- Facture de formation 9 146,94 euro
Total 727 485,11 euro
Considérant que la SCI Naka, avant même de discuter les chefs des préjudices précités, estime trouver l'aveu ou en tout cas la reconnaissance que "la cause des difficultés de la société Jolimax ne réside pas dans un phénomène de concurrence mais dans le fait d'une trop faible fréquentation du Centre Commercial, et ce, en se fondant sur le motif suivant des conclusions de la société Jolimax et de la société Jackson Développement : "L'expert a pu relever par ailleurs des documents produits par la SCI Naka (ignorés par la société Jolimax avant l'expertise) qu'il existait une stagnation manifeste du chiffres d'affaires du Centre Leclerc ne permettant pas à la cafeteria Eris (prédécesseur de la société Jolimax) de maintenir un niveau d'activité suffisant"; que si la cafeteria Eris a cessé d'exploiter son activité sur une surface de 675 m2 sans vendre son fonds, c'est bien que son activité ne dégageait aucun profit;
Mais considérant que les faits cités ne démontrent nullement que la société Jolimax avait connaissance de la stagnation du Centre Commercial de Dammarie-les-Lys que le rapport Fruchaud a mis en lumière (p. 21) ; que dans ces conditions, la société Jolimax a pu légitimement croire à une mauvaise gestion du fonds "Eris"; que la SCI Naka ne démontre nullement qu'elle ait appelé l'attention de la société Jolimax sur le caractère peu attractif voir déclinant du centre commercial dont elle est propriétaire et que le rapport d'expertise de Monsieur Fruchaud a fait apparaître avec netteté (p. 21);
Que, surtout, le technicien Fruchaud constate que l'impact de l'ouverture du restaurant Hot Stuff, le 9 novembre 1999, a entraîné l"'écroulement" de l'activité "ventes sur place", c'est-à-dire de la quasi-totalité de ses ventes;
Qu'il s'ensuit que le lien de cause à effet entre la baisse d'activité de la société Jolimax et la violation de la clause d'exclusivité par la SCI Naka est indubitablement démontrée;
B) Sur le chiffre du préjudice:
Considérant que la cour prononcera plus loin la résiliation du bail à la date du prononcé du présent arrêt; que cette décision a une conséquence directe quant au chiffrage du préjudice de la société Jolimax;
Considérant en effet que la cour indemnisera ledit préjudice sur une période comprise entre le 9 novembre 1999, date d'ouverture du restaurant Hot Stuff, qui marque le début de la violation de la clause d'exclusivité par la bailleresse jusqu'au 30 septembre 2001 ; que ce laps de temps est l'addition de deux périodes : celle du 9 novembre 1999 au 28 février 2001 au cours de laquelle la société Hot Stuff a exploité le fonds concurrent, puis celle du 1er mars au 31 août 2001, qui est un laps de temps de six mois au terme duquel les effets négatifs de la concurrence de ladite société Hot Stuff sont réputés avoir complètement cessé ; qu'en effet, il fallait plusieurs mois après la fermeture du restaurant Hot Stuff pour que la société Jolimax puisse prétendre revenir dans une situation d'exploitation dans des conditions normales;
Considérant qu'en délimitant ainsi le préjudice, la cour rejette l'indemnisation de la cessation d'activité de la société Jolimax, qui est l'une des branches de l'alternative envisagée par l'expert Fruchaud ; que selon cette hypothèse écartée par la cour mais soutenue par la société Jolimax, la violation de la clause de non-concurrence par la SCI Naka aurait eu une seconde conséquence, - la première devant être indemnisée ainsi qu'il vient d'être dit -, à savoir que les effets de la violation de la clause de non-concurrence ont été si importants qu'ils ont irrémédiablement compromis la poursuite de l'activité par ladite société Jolimax ; que l'expert Fruchaud, dans ce cas de figure, estime que compte tenu des pertes accumulées au cours de l'exercice 2000 et d'une exploitation déficitaire en 2001, il lui semble qu"'économiquement parlant", la société Jolimax aurait dû cesser son activité au plus tard le 31 décembre 2001 ; que la société Jolimax n'apporte pas la preuve que la non-reprise persistante de ses activités au delà de huit mois après la cessation de la violation de la clause de non-concurrence soit la conséquence de cette violation ; qu'il s'ensuit que la disparition du fonds n'a pas à faire l'objet d'une évaluation, qu'il s'ensuit notamment que la société Jolimax sera déboutée de sa demande tendant à l'indemniser de la perte du fonds ; que cela conduit en toute hypothèse à faire rejeter comme inopérantes la demande de la société Jolimax au paiement de la somme de 145 000 euro, représentant la valeur nette des immobilisations, et celle en remboursement d'une somme de 60 000 F en paiement d'une facture de formation;
Considérant qu'il s'agit donc de déterminer le montant du préjudice subi par la société Jolimax du 9 novembre 1999 au 31 août 2001 en fonction d'un taux de perte de marge brute sur coûts variables appliqué au chiffre d'affaires;
Considérant que la société Jolimax conteste le taux de 33 % de cette marge retenue par l'expert Fruchaud ; qu'elle produit un rapport amiable qu'elle a fait rédiger par le Cabinet Glais Concurrence et Stratégie, de Rennes, du 13 février 2003 au terme duquel celui-ci suggère de retenir un taux de marge de 40 %;
Mais considérant que la société Jolimax ainsi que le montre le tableau synoptique de la page 22 et 23 du rapport judiciaire elle-même propose de fixer ce taux à 33 %, son plan financier tablant sur 34 %;
Que le taux de 33 % est parfaitement adapté à la situation de la société Jolimax, qui exploite un établissement de restauration rapide et qui contrairement à un restaurant traditionnel n'a pas un personnel fixe et dont l'effectif change selon les heures et les jours de la semaine ; que les frais de personnel assimilables à des charges variables concourant à retenir un taux de 33 % de son chiffre d'affaires paraît normal; que la SCI Naka ne l'a pas contesté pour sa part;
Que par ailleurs, il convient de retenir un chiffre d'affaires "reconstitué" de 3,5 millions de francs par an car il faut admettre que l'addition du chiffre d'affaires réel de la société Hot Stuff et de celui de la société Jolimax ne donnent pas une idée exacte de ce que celle-ci pouvait faire comme chiffre d'affaires si elle n'avait été concurrencée, la dynamique née de sa bonne marche l'aurait entraîné jusqu'à 3,5 millions de francs de chiffre d'affaires par an;
Considérant que la cour, qui adopte les calculs de l'expert Fruchaud, condamnera la SCI Naka à verser à la société Jolimax la somme de 102 000 euro pour la période comprise entre le 9 novembre 1999 et le 28 février 2001 ; qu'il faut ajouter à cette somme, celle portant sur la période du 1er mars 2001 au 31 août 2001 soit:
589 000 F (perte de marge brute sur coûts variables 2001 X 6 / 12 = 294 449,99 F), soit 44 896 euro
d'où:
102 000 + 44 896 = 146 896 euro;
Sur les loyers dus et la résiliation du bail
A) Sur les loyers dus :
Considérant que la SCI Naka demande que la société Jolimax soit condamnée à lui payer la somme de 317 070,35 euro au titre des loyers et charges arrêtés au 1er janvier 2003 date de facturation du premier trimestre de l'année, en ce non compris la clause pénale de 1 % par mois de retard mais y compris le droit d'entrée (intitulé "surloyer") resté impayé, sauf à parfaire;
Considérant que la SCI Naka rappelle que la société Jackson Développement n'a pas été capable de produire une étude de marché de sorte que le marché potentiel avancé par celle-ci était dénué de toute pertinence qu'en conduisant ainsi la société Jolimax à conclure le contrat de bail destiné à exploiter la franchise, elle a commise une faute quasi-délictuelle à l'égard d'elle, bailleresse, puisque la société Jolimax s'est trouvée dans l'impossibilité de régler les loyers qui lui étaient dus de sorte qu'elle doit être condamnée in solidum avec la société Jolimax au paiement des loyers;
Mais considérant que la SCI Naka n'a pas notifié de bonne foi son commandement de payer visant la clause résolutoire puisqu'ayant mis en péril la société Jolimax en violant la clause fondamentale de non-concurrence incluse dans le bail, elle ne pouvait que s'attendre à en supporter les conséquences quant à la régularité du paiement de ses loyers;
Considérant que la société Jolimax, qui ne conteste pas devoir un loyer, demande que celui-ci soit réduit des 2/3 au motif que selon le rapport d'expertise amiable qu'elle a fait établir par Monsieur Glais, la bailleresse n'aurait jamais du lui louer 520 m2 mais le tiers de cette surface compte tenu du fait qu'elle connaissait la situation du précédent preneur et qu'elle ne pouvait donc ignorer qu'en exigeant un loyer fondé sur une surface tout à fait surdimensionnée par rapport à l'activité prévisible, elle grevait de façon importante le compte de résultat de sa locataire;
Considérant, ceci étant, que si la SCI Naka, qui n'était pas l'associée de la société Jolimax, ne peut se voir reprocher la faute ainsi dénoncée par la société Jolimax, il n'en reste pas moins que la demande dirigée contre elle tend à sanctionner le fait qu'elle n'a pas rempli son obligation d'assurer à celle-ci la jouissance des lieux telle qu'entendue par la clause d'exclusivité de l'activité de fast-food et restauration rapide au bénéfice de la société Jolimax ; que cette violation contractuelle de cette garantie a entraîné pour celle-ci une perte de revenus telle qu'elle a entraîné une jouissance partielle des lieux certes non délimitable dans l'espace mais quantifiable abstraitement par le fait qu'il aurait suffi à la société Jolimax d'un tiers de la surface des lieux loués pour avoir une activité sinon rentable, du moins non déficitaire ; que les loyers seront donc réduits des deux tiers (2/3) de leur montant du 9 novembre 1999 au 31 août 2001, date à laquelle la violation de la clause de non-concurrence est réputée par la cour avoir cessé de produire ses effets néfastes ; qu'en revanche, à compter du 1er septembre 2001, la société Jolimax devra régler l'intégralité du loyer contractuel jusqu'au prononcé du présent arrêt;
b) Sur la demande de condamnation solidaire de la société Jackson Développement avec la société Jolimax au paiement des loyers et charges
Considérant que la société Jackson Développement, qui ne peut ignorer en sa qualité de franchiseur sur qui pèse une obligation de conseil, le fait que la société Jolimax n'ait pas progressé rapidement vers une situation bénéficiaire dans le délai de six mois de la cessation de l'infraction, montre qu'elle n'avait ni été capable de redéfinir un nouveau plan financier ni de conseiller la société Jolimax pour prendre la décision qui s'imposait, arrêter au 31 août la poursuite de l'activité ; qu'elle a ainsi commis une faute quasi-délictuelle à l'égard du tiers au contrat de franchise qu'est la SCI Naka, bailleresse ; qu'en conséquence, elle sera condamnée in solidum avec la société Jolimax à supporter le coût des loyers à compter du 1er septembre 2001 ;
c) Sur la résiliation du bail:
Considérant que les parties sont d'accord pour que la résiliation du bail soit prononcée mais chacune d'elle demandant que ce soit aux torts de l'autre, la SCI Naka en raison du non-paiement des causes du commandement visant la clause résolutoire délivré le 28 février 2000, la société Jolimax se fondant implicitement sur les dispositions de l'article 1184 du Code civil;
Considérant, ceci étant, que la SCI Naka ne peut se prévaloir de l'acquisition de clause résolutoire dès lors qu'elle a délivré le commandement de payer demeuré infructueux de mauvaise foi ; qu'en effet au 28 février 2000, date à laquelle il a été notifié, la SCI Naka avait violé la clause d'exclusivité depuis début novembre 1999, la société Hot Stuff ayant ouvert son établissement le 9 novembre 1999 ; qu'en ayant sciemment fait cette violation de la clause d'exclusivité, elle savait qu'elle mettait nécessairement la société Jolimax dans l'impossibilité d'avoir une exploitation équilibrée, ce qui ne pourrait qu'entraver de graves risques de non-paiement du loyer;
Considérant que la résiliation ne peut cependant intervenir aux torts de la SCI Naka dès lors que la société Jolimax a fait choix de rester dans les lieux après le 1er septembre 2001, date à laquelle la violation de la clause de non-concurrence a cessé de produire ses effets néfastes ; que la cour prononcera en conséquence la résiliation du bail à la date du prononcé du présent arrêt, la SCI Naka ne s'opposant pas sérieusement à cette solution, ce qui dispense de rechercher sa faute dans cette rupture anticipée du bail;
II Sur le préjudice invoqué par le franchiseur, la société Jackson Développement:
Considérant que cette société prétend qu'elle subit un double préjudice du fait de la faute de la SCI Naka : d'une part, elle aura des pertes de redevances, au moins celles dues jusqu'au terme du contrat de franchise ; d'autre part, elle subit une atteinte à son image ;
Mais considérant que la société Jackson Développement ne démontre nullement le lien entre la faute de la SCI Naka et le préjudice qu'elle allègue, et ce, d'autant plus que sa franchisée, la société Jolimax aurait dû continuer une exploitation normale à compter du 1er septembre 2001 ainsi qu'il a été dit plus haut;
III Sur les autres demandes:
a) Sur la compensation:
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre la somme due à la société Jolimax à titre de dommages-intérêts et celle dont celle-ci est redevable envers la SCI Naka au titre des loyers et charges;
B) Sur l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que l'équité commande de condamner la SCI Naka à verser à la société Jolimax la somme de 7 600 euro en paiement de ses frais irrépétibles de procédure;
Considérant qu'en revanche ni la société Jackson Développement ni ladite SCI Naka ne sauraient équitablement se voir allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, Vu l'arrêt de cette chambre du 23 mai 2001, Donne acte aux parties de leur accord pour dire que la SARL Jackson Développement est régulièrement dans la cause, I - Sur l'indemnisation de la société Jolimax : Condamne la SCI Naka à verser à la société Jolimax la somme de 146 896 euro en réparation du préjudice sur perte de marges afférent à la période du 9 novembre 1999 au 31 août 2001, Déboute la société Jolimax de sa demande d'indemnisation pour perte de son fonds de commerce, Dit que le loyer au paiement duquel la société Jolimax est tenue sera réduit des deux tiers de son montant contractuel par suite de la violation de la clause d'exclusivité par la SCI Naka pendant la période du 9 novembre 1999 au 31 août 2001. II - Sur les loyers dus : Condamne la société Jolimax à verser à la SCI Naka les loyers afférents à la période du 9 novembre 1999 au 31 août 2001 à raison du tiers de leur montant contractuel, Condamne la société Jolimax à verser à la SCI Naka les entiers loyers contractuels dus entre le 1er septembre 2001 et la date du prononcé du présent arrêt, III - Sur la faute de la société Jackson Développement : Dit que la société Jackson Développement a manqué gravement à son engagement de conseil à l'égard de la société Jolimax, et ce, en violation du contrat de franchise, Dit que ce fait a causé un préjudice à la SCI Naka, En conséquence, condamne la société Jackson Développement in solidum avec la société Jolimax à verser les loyers afférents à la période du 1er septembre 2001 à la date du prononcé du présent arrêt. IV - Sur la compensation : Ordonne la compensation entre les sommes dues à titre de dommages-intérêts et le montant des loyers dus, V - Sur la résiliation : Déboute la SCI Naka de sa demande tendant à voir déclarer acquise la clause résolutoire, Dit que le bail liant la SCI Naka et la société Jolimax est résilié à la date du prononcé du présent arrêt, VI - Sur les autres demandes : Condamne la SCI Naka à verser à la société Jolimax la somme de 7 600 euro au paiement de ses frais irrépétibles de procédure, Déboute la SCI Naka et la société Jackson Développement de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, VII - Sur les dépens : Condamne d'une part, la SCI Naka aux 3/4 des dépens de première instance et d'appel, et d'autre part, la société Jackson Développement et la société Jolimax au 1/4, sauf en ce qui concerne les frais d'expertise qui seront à la seule charge de la SCI Naka; autorise les avoués de la cause à les recouvrer, chacun en ce qui le concerne, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.