CA Douai, 2e ch. sect. 2, 13 novembre 2003, n° 03-05044
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Momeplan " La Scala " (SARL)
Défendeur :
Caves Gambrinus (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Bouly de Lesdain
Conseillers :
MM. Testut, Zanatta
Avoués :
SCP Cocheme-Kraut, Me Quignon
Avocat :
Me Tack
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Lille en date du 10 juillet 2003 qui a:
- sursis à statuer en l'attente de la décision à intervenir entre la société Momeplan et la société Brasserie Paulaner en ce qui concerne la convention du 5 décembre 1997
- ordonné à la société Momeplan de reprendre son approvisionnement en bières Paulaner pour la durée de 5 ans expirant le 12/12/2005 et à hauteur de 150 hl par an, le tout sous astreinte de 100 euro par hl de bière commandée à la concurrence
Vu l'appel formé contre cette décision par la société Momeplan le 18 août 2003
Vu les conclusions déposées le 10 octobre 2003 par la société Momeplan exerçant sous l'enseigne " La Scala " qui demande à voir:
- constater que la société Momeplan n'a pu respecter la convention du 5 décembre 1997 pour cas de force majeure en raison du sinistre survenu
- constater que la société Caves Gambrinus ne peut se prévaloir de la stipulation pour autrui pour avoir contracté directement le 12 décembre 2000 avec la société Momeplan un autre contrat d'approvisionnement
- constater la novation intervenue dans le contrat
- constater que la société Momeplan a respecté le contrat du 12 décembre 2000 et ce, pour l'année 2001
- constater qu'en application de l'article 1150 et de l'article 5 du contrat du 12 décembre 2000, il n'est dû que le prix du matériel de tirage de bière, c'est-à-dire la somme de 10 863,80 F soit 1 656,18 euro
- débouter la société Caves Gambrinus de ses autres demandes
Vu les conclusions déposées 13 octobre 2003 par la société Caves Gambrinus qui demande à voir:
- réformer partiellement le jugement
- condamner la société Momeplan à lui payer la somme de 56 514,69 euro avec intérêts à compter de la mise en demeure du 29 juillet 2002 au titre du contrat du 5 décembre 1997
- ordonner à la société Momeplan de reprendre son approvisionnement en bières Paulaner pour la durée de 5 ans expirant le 12/12/2005 et à hauteur de 150 hl par an, le tout sous astreinte de 100 euro par hl de bière commandée à la concurrence
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2003
La société Momeplan exploite un établissement de boissons à Lille sous l'enseigne "La Scala".
Par acte du 5 décembre 1997, elle a passé avec la société Brasserie Paulaner, une convention aux termes de laquelle, cette société l'aidait à s'installer en lui octroyant un prêt de 250 000 F tandis que la société Momeplan s'engageait à se fournir exclusivement en bières Paulaner pour une durée de 4 ans à compter du 1er octobre 1997.
Il y a été précisé que les contractantes désignaient la société Caves Gambrinus en qualité d'entrepositaire grossiste, pour assurer l'approvisionnement en bières Paulaner.
Le quota annuel de commandes de bière Paulaner ne sera pas respecté par la société Momeplan.
Avant qu'un contentieux ne s'engage entre la société Momeplan et la société Brasserie Paulaner sur le non-respect des quotas de bières, la société Caves Gambrinus et la société Momeplan ont signé le 12 décembre 2000, un accord de mise à disposition de matériel d'une valeur de 10 863,80 F pour du matériel de tirage de bière en contrepartie de la livraison de 150 hl de bières par an avec en cas de non-respect des engagements de vente, le paiement d'une indemnité égale à la valeur du matériel sauf à démonter l'installation si la société Momeplan préfère.
Ce contrat correspond dans les faits à l'ouverture d'une nouvelle salle dans les locaux commerciaux de la société Momeplan.
Par lettre du 10 octobre 2001, la société Brasserie Paulaner va reprocher à la société Momeplan de ne respecter ni le principe d'approvisionnement exclusif en bières Paulaner ni le montant des quotas contractuels et la mettre en demeure de reprendre l'approvisionnement en exclusivité.
Il résulte d'une lettre datée du 8 novembre 2001 adressée par la société Caves Gambrinus à la société Brasserie Paulaner que des bières autres que Paulaner sont vendues par la société Momeplan.
Une instance va être engagée devant le Tribunal de commerce de Lyon entre la société Momeplan et la société Brasserie Paulaner qui va donner lieu à une décision du 25 juin 2003 disant la société Brasserie Paulaner irrecevable faute d'avoir respecté les procédures contractuelles de résiliation.
Sur l'application de la convention de décembre 1997, la société Caves Gambrinus soulève la stipulation pour autrui en indiquant avoir un droit propre à agir en qualité de bénéficiaire à l'encontre du promettant, la société Momeplan, ce qui exclut tout sursis à statuer en raison de l'instance opposant la société Momeplan à la société Brasserie Paulaner.
Sur ce fondement de l'article 1121 du Code civil et rappelant le non-respect des engagements de la société Momeplan sur les quotas et l'exclusivité de fourniture auprès de la société Brasserie Paulaner, elle demande le paiement de la perte de gain résultant du volume de bière non distribué qu'elle chiffre à la somme de 56 514,69 euro.
Sur l'accord du 12 décembre 2000, la société Caves Gambrinus conteste toute novation et soutient sa demande de reprise sous astreinte des approvisionnements.
La société Momeplan soutient la novation des contrats, la société Caves Gambrinus se substituant à la société Brasserie Paulaner en décembre 2000, modifiant par là même la convention d'exclusivité et se déliant de la stipulation pour autrui.
Elle expose que pour le contrat de décembre 2000, il est dû le seul coût du matériel conformément au contrat.
Sur ce :
1) La convention du 5 décembre 1997
Il n'est pas contestable que la société Caves Gambrinus a bénéficié d'une stipulation pour autrui de la part de la société Brasserie Paulaner, stipulant.
Dans la mesure où l'engagement du promettant trouve sa source dans la convention, le promettant, la société Momeplan, peut opposer à la société Caves Gambrinus, bénéficiaire de la stipulation pour autrui, l'exception d'inexécution ou la résolution du contrat.
Si le stipulant, la société Brasserie Paulaner, est devenu irrecevable à engager toute action pour faire valoir ses droits vers le promettant, ceux-ci sont éteints et avec eux la convention.
Dans le cas d'espèce, par décision du 25 juin 2003 du Tribunal de commerce de Lyon, la société Brasserie Paulaner a été déclarée irrecevable à agir contre la société Momeplan sur le fondement du contrat du 5 décembre 1997.
Concernant cette décision du Tribunal de Lyon, il faut relever que :
- la société Caves Gambrinus ne soulève pas le moyen relatif à l'absence de force de chose jugée.
- la société Momeplan est irrecevable à agir en appel pour absence d'intérêt, ayant été satisfaite.
La société Caves Gambrinus, qui était parfaitement informée de cette instance en cours à Lyon pour avoir discuté en première instance de la nécessité d'un sursis à statuer, aurait pu intervenir volontairement dans la procédure pour faire valoir ses droits de bénéficiaire de la stipulation pour autrui. Elle n'a pas jugé utile de le faire.
Ce contrat principal étant échu dans sa durée et la société Brasserie Paulaner étant déchue de tous droits s'y rapportant, il faut le considérer comme terminé et devenu sans effets de sorte que la stipulation pour autrui qui en était l'émanation ou l'accessoire devient sans objet.
Le promettant est donc libéré de son engagement vers le bénéficiaire de la stipulation pour autrui qui ne peut plus exercer de droits propres.
2) L'accord du 12 décembre 2000
Il ne s'agit pas d'une novation du contrat précédent, la volonté de l'opérer ne résultant nullement de l'acte.
Cet accord précise d'une façon générale qu'en cas de non-respect des engagements de la société Momeplan, la société Caves Gambrinus pourra exiger le remboursement du matériel ou à défaut le démontage du matériel par la société Momeplan.
Le contrat s'interprète contre celui qui stipule.
Il n'est nulle part prévu qu'en cas de non-respect de l'accord, il peut être demandé sous astreinte la reprise des approvisionnements contractuels.
La société Momeplan ne conteste pas devoir le prix du matériel placé par la société Caves Gambrinus, soit la somme de 1 656,18 euro.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement ; Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Lille en date du 10 juillet 2003 ; Statuant à nouveau : Déboute la société Caves Gambrinus de toutes ses demandes ; Condamne la société Momeplan à payer à la société Caves Gambrinus la somme de 1 656,18 euro au titre de l'accord du 12 décembre 2000 ; Condamne la société Caves Gambrinus à payer à la société Momeplan la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Caves Gambrinus aux dépens dont distraction au profit de la SCP Cocheme Kraut conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.