TPICE, 5e ch. élargie, 23 octobre 2003, n° T-255/01
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Changzhou Hailong Electronics & Light Fixtures Co. Ltd, Zhejiang Yankon Group Co. Ltd
Défendeur :
Conseil de l'Union européenne, Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. García-Valdecasas
Juges :
Mme Lindh, MM. Cooke, Pirrung, Legal
Avocats :
Mes Bentley, Ragolle, Berrisch.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),
Cadre réglementaire
1. L'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 384-96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 56, p. 1, ci-après le "règlement de base"), prévoit que peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice. Conformément à l'article 1er, paragraphe 2, du règlement de base, un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d'opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur.
2. La méthode principale de détermination de la valeur normale d'un produit est exposée à l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base. Selon cette disposition, "la valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d'opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur".
3. Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer la valeur normale des produits selon la méthode principale, cette valeur est calculée, conformément à l'article 2, paragraphe 3, du règlement de base, sur la base du coût de production dans le pays d'origine, majoré d'un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les "frais VAG") et d'une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l'exportation pratiqués au cours d'opérations commerciales normales, vers un pays approprié, à condition que ces prix soient représentatifs.
4. L'article 2, paragraphe 7, du règlement de base prévoyait une règle particulière pour les importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché. Dans sa version antérieure aux modifications exposées au point 5 ci-après, cette disposition se lisait comme suit:
"Dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché, et en particulier de ceux auxquels s'applique le règlement (CE) n° 519-94 du Conseil[, du 7 mars 1994, relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers (...) (JO L 67, p. 89)], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d'un tel pays tiers à destination d'autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n'est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire dûment ajusté, si nécessaire afin d'y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.
Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d'une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l'objet de la même enquête est retenu.
[...]"
5. L'article 2, paragraphe 7, du règlement de base a été modifié par le règlement (CE) n° 905-98 du Conseil, du 27 avril 1998 (JO L 128, p. 18), puis par le règlement (CE) n° 2238-2000 du Conseil, du 9 octobre 2000 (JO L 257, p. 2). Cette disposition, telle que modifiée, se lit comme suit:
"a) Dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché, la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d'un tel pays tiers à destination d'autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n'est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d'y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.
Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d'une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l'objet de la même enquête est retenu.
Les parties à l'enquête sont informées rapidement après l'ouverture de celle-ci du pays tiers à économie de marché envisagé et disposent de dix jours pour présenter leurs commentaires.
b) Dans le cas d'enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la Fédération de Russie, de la République populaire de Chine, d'Ukraine, du Viêt Nam, du Kazakhstan et de tout pays dépourvu d'une économie de marché qui est membre de l'OMC [Organisation mondiale du commerce] à la date d'ouverture de l'enquête, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s'il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l'objet de l'enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d'une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n'est pas le cas, les règles du point a) s'appliquent.
c) La requête présentée au titre du point b) doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d'une économie de marché, à savoir si:
- les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d'œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l'offre et la demande et sans intervention significative de l'État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,
- les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l'objet d'un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,
- les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l'objet d'aucune distorsion importante, induite par l'ancien système d'économie planifiée, notamment en relation avec l'amortissement des actifs, d'autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,
- les entreprises concernées sont soumises à des lois concernant la faillite et la propriété, qui garantissent aux opérations des entreprises sécurité juridique et stabilité, et
- les opérations de change sont exécutées aux taux du marché.
[...]"
Antécédents du litige
6. Les parties requérantes sont des entreprises établies dans la République populaire de Chine (ci-après la "RPC") qui fabriquent et exportent vers la Communauté européenne des lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré.
7. À la suite d'une plainte déposée par la European Lighting Companies Federation (ci-après le "plaignant") le 4 avril 2000, la Commission a, conformément à l'article 5 du règlement de base, engagé une procédure antidumping concernant les importations de lampes fluorescentes à ballast électronique intégré originaires de la RPC. L'avis d'ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel des Communautés européennes du 17 mai 2000 (JO C 138, p. 8). Cet avis indiquait notamment que la Commission envisageait d'utiliser le Mexique comme "choix approprié de pays à économie de marché aux fins de l'établissement de la valeur normale pour la [RPC]".
8. Les requérantes ont présenté leur point de vue à la Commission à la suite de cette publication, ont coopéré durant l'enquête, ont soumis des informations et ont fait l'objet d'une visite de vérification de la part d'agents de la Commission dans leurs locaux en RPC.
9. Le 7 février 2001, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 255-2001 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré originaires de la RPC (JO L 38, p. 8, ci-après le "règlement provisoire"). Ce règlement imposait un droit antidumping provisoire de 59,6 % sur les produits de la première requérante et de 35,4 % sur ceux de la seconde requérante.
10. Il ressort des considérants 26 à 32 du règlement provisoire que, pour la détermination de la valeur normale pour les producteurs-exportateurs de la RPC, dont les requérantes, la Commission a confirmé le choix du Mexique comme pays tiers à économie de marché approprié. Elle a ainsi écarté les objections soulevées à l'encontre de ce choix par certains de ces producteurs-exportateurs, dont les requérantes. La détermination de la valeur normale a été basée sur les prix des produits fabriqués par Philips Mexicana SA et vendus sur le marché mexicain.
11. Dans le cadre de la procédure devant la Commission, dix producteurs-exportateurs, dont les requérantes, ont demandé à bénéficier du traitement d'économie de marché conformément à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Le bénéfice de ce traitement a été refusé aux requérantes au motif qu'elles ne remplissaient pas les critères visés à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.
12. Le 16 juillet 2001, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1470-2001 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré (CFL-i) originaires de la RPC (JO L 195, p. 8, ci-après le "règlement attaqué"). Ce règlement a imposé un droit antidumping définitif de 59,5 % pour ce qui est des produits de la première requérante et de 35,3 % pour ce qui est de ceux de la seconde requérante.
Procédure et conclusions des parties
13. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2001, les requérantes ont introduit le présent recours.
14. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 février 2002, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil.
15. Par ordonnance du Président de la cinquième chambre élargie du Tribunal du 16 mai 2002, la Commission a été admise à intervenir. La Commission a renoncé à déposer un mémoire en intervention.
16. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 27 mars 2003.
17. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
- annuler le règlement attaqué dans la mesure où il s'applique à elles;
- condamner le Conseil aux dépens.
18. Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours;
- condamner les requérantes aux dépens.
En droit
19. Au soutien de leur recours, les requérantes soulèvent deux moyens. Le premier est tiré d'une violation de l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base et du principe de non-discrimination. Le second, avancé à titre subsidiaire, est tiré d'une violation de l'article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et du principe de non-discrimination.
Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base et du principe de non-discrimination
Arguments des parties
20. Les requérantes soutiennent que, en déterminant la valeur normale de leurs produits selon les dispositions de l'article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et non selon celles de l'article 2, paragraphes 1 à 6, de ce règlement, le Conseil a violé l'article 2, paragraphe 7, sous b), du même règlement et le principe de non-discrimination.
21. Elles font valoir que, dans une enquête antidumping concernant des importations de produits provenant de la RPC, la règle générale est de déterminer la valeur normale sur la base de la valeur normale dans un pays tiers à économie de marché approprié. La Commission aurait pour politique bien établie de fixer la même valeur normale pour tous les producteurs-exportateurs de la RPC.
22. L'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, tel que modifié, prévoirait une dérogation à la méthode normale de détermination de la valeur normale dans le cas d'importations en provenance de pays tiers n'ayant pas une économie de marché, dérogation applicable dans le cas d'enquêtes antidumping concernant les importations en provenance, notamment, de la RPC et de tout pays dépourvu d'une économie de marché et membre de l'OMC à la date d'ouverture de l'enquête. Dans un tel cas, la valeur normale serait déterminée "conformément aux paragraphes 1 à 6, s'il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l'objet de l'enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d'une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné" et que, si "tel n'est pas le cas, les règles du point a) s'appliquent".
23. Selon les requérantes, le législateur communautaire reconnaît ainsi que les producteurs-exportateurs en RPC opèrent parfois dans les conditions d'une économie de marché et que, en conséquence, la méthode normale et plus juste visée à l'article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base pourrait être appliquée afin de déterminer si ces producteurs-exportateurs pratiquent le dumping.
24. Elles font valoir que le refus de la Commission et du Conseil de considérer comme élément de comparaison le plus proche un producteur de la RPC reconnu comme opérant dans les conditions d'une économie de marché au motif que la référence, dans l'article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, à "un pays tiers à économie de marché" exclut nécessairement la RPC résulte d'une lecture très simpliste de ce règlement et est incompatible avec l'objectif évident poursuivi par le législateur communautaire, qui est d'obtenir une valeur normale raisonnable afin de déterminer l'existence éventuelle d'une pratique de dumping. En l'espèce, la situation de Philips Mexicana serait clairement plus éloignée de celle des requérantes que la situation d'une autre société de la RPC sans liens avec les membres du plaignant.
25. Elles relèvent que, en l'espèce, deux producteurs-exportateurs de la RPC, à savoir Lisheng Electronic & Lighting (Xiamen) Co. Ltd (ci-après "Lisheng") et Philips & Yaming Lighting Co. Ltd (ci-après "Philips-Yaming"), ont bénéficié du traitement d'économie de marché, c'est-à-dire que la Commission a reconnu qu'ils remplissaient les critères énoncés à l'article 2, paragraphe 7, sous c). En conséquence, la Commission aurait considéré que les conditions d'une économie de marché prévalaient pour un ou plusieurs producteurs de la RPC. Les requérantes en concluent que l'article 2, paragraphe 7, sous b), s'appliquait et que la valeur normale aurait donc dû être déterminée pour tous les producteurs-exportateurs de la RPC sur la base de l'article 2, paragraphes 1 à 6. Selon les requérantes, ce n'est que "si tel n'est pas le cas", en d'autres termes, que lorsque les conditions d'une économie de marché ne prévalent pour aucun producteur, que la méthode normale de l'article 2, paragraphe 7, sous a), s'applique et qu'une valeur normale unique doit être déterminée pour tous les producteurs-exportateurs sur la base de la valeur normale dans un pays analogue approprié.
26. Les requérantes font valoir qu'il était donc tout à fait possible d'appliquer l'article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base en l'espèce et que la Commission l'a d'ailleurs fait en partie, comme le démontre le considérant 25 du règlement provisoire. Il ressortirait de ce considérant que, pour l'un des producteurs-exportateurs bénéficiant du traitement d'économie de marché, les frais VAG et la marge bénéficiaire ont été établis sur la base des chiffres relatifs à l'autre producteur-exportateur bénéficiant du même traitement, au motif que le premier producteur-exportateur n'avait pas réalisé de ventes intérieures représentatives du produit concerné.
27. Elles admettent que la méthode principale pour la détermination de la valeur normale exposée à l'article 2, paragraphe 1, du règlement de base ne s'appliquait pas à leur cas, considérant que la Commission avait constaté qu'elles n'opéraient pas dans les conditions d'une économie de marché. Elles estiment, toutefois, que la Commission aurait pu appliquer la méthode visée à l'article 2, paragraphe 3. La "valeur normale construite" comprendrait deux éléments, à savoir, d'une part, le coût de production dans le pays d'origine et, d'autre part, une marge raisonnable pour les frais VAG et les bénéfices. Les requérantes exposent que la Commission aurait pu établir le premier de ces éléments soit en retenant les coûts réels de production des requérantes, soit, si elle estimait que ces coûts n'étaient pas fiables, en recherchant une mesure objective des coûts de production dans le pays d'origine, en prenant, par exemple, pour référence les coûts de production d'autres producteurs dont les coûts sont fiables (par exemple, les coûts de production de l'un des deux producteurs-exportateurs bénéficiant d'un traitement d'économie de marché). En ce qui concerne le second élément, à savoir les frais VAG et la marge bénéficiaire, les requérantes estiment que la Commission pouvait, conformément à l'article 2, paragraphe 6, utiliser la moyenne pondérée des montants réels établis pour les producteurs-exportateurs bénéficiant du traitement d'économie de marché. Les requérantes soutiennent, par conséquent, que l'article 2, paragraphe 7, sous b), exigeait de la Commission qu'elle détermine la valeur normale de leurs produits sur la base de l'article 2, paragraphes 1 à 6, ce qui s'avérait tout à fait possible.
28. De plus, ce refus de déterminer la valeur normale sur la base de l'article 2, paragraphes 1 à 6, pour les producteurs-exportateurs qui obtiennent le traitement individuel conduirait à une discrimination disproportionnée de ces derniers par rapport aux producteurs-exportateurs qui obtiennent le statut de société d'économie de marché.
29. Les requérantes avancent que, contrairement à ce que soutient le Conseil, l'article 2, paragraphe 7, sous b), n'établit aucun lien entre les producteurs pour lesquels les conditions d'une économie de marché prévalent et ceux pour lesquels la méthode visée à l'article 2, paragraphes 1 à 6, pourrait être utilisée. L'article 2, paragraphe 7, sous b), énoncerait simplement une condition qui, si elle est remplie, permet l'application de l'article 2, paragraphes 1 à 6, d'une manière générale et à l'exclusion de l'article 2, paragraphe 7, sous a). En outre, même si les conditions établies par l'article 2, paragraphe 7, sous c), doivent être examinées par référence à des producteurs individuels, rien dans le texte ne permettrait d'affirmer que l'application des paragraphes 1 à 6 doit être limitée à ces producteurs individuels.
30. Les requérantes reconnaissent que la Commission pourrait décider que les prix intérieurs qu'elles pratiquaient n'étaient pas établis "au cours d'opérations commerciales normales" et que leurs coûts n'étaient pas fiables parce qu'ils n'opéraient pas dans les conditions d'une économie de marché. Toutefois, cela ne s'opposerait pas à ce que la valeur normale soit déterminée sur la base de l'article 2, paragraphes 1 à 6, puisqu'il existerait d'autres producteurs dans le pays qui opèrent dans les conditions d'une économie de marché. Dès lors qu'il est établi que de tels producteurs-exportateurs existent, il serait à la fois possible et obligatoire de déterminer la valeur normale pour tout producteur-exportateur en application de l'article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base.
31. Le Conseil rappelle, tout d'abord, l'objectif et l'évolution de l'article 2, paragraphe 7, du règlement de base. En particulier, il souligne que, dans sa version antérieure au règlement n° 905-98, l'article 2, paragraphe 7, du règlement de base définissait les pays n'ayant pas une économie de marché comme étant ceux auxquels s'appliquait le règlement (CE) n° 519-94 du Conseil, du 7 mars 1994, relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers et abrogeant les règlements (CEE) n° 1765-82, (CEE) n° 1766-82 et (CEE) n° 3420-83 (JO L 67, p. 89), en ce compris, notamment, la RPC et la Russie. Il relève que, conformément à l'ancienne version de l'article 2, paragraphe 7, la valeur normale devait être calculée en recourant à la méthode dite du "pays analogue", celle-ci signifiant que, pour tous les producteurs des pays n'ayant pas une économie de marché, la valeur normale était déterminée sur la base du prix de vente ou de la valeur normale construite dans un pays tiers à économie de marché. Dès lors, selon le Conseil, la situation individuelle du producteur n'était pas prise en compte.
32. Il précise que, en conséquence de l'évolution de la situation économique en RPC et en Russie, les institutions communautaires ont estimé qu'il n'était plus possible de supposer que les prix et les coûts de tous les producteurs ne reflétaient pas, ipso facto, les conditions d'une économie de marché. Dès lors, des amendements auraient été apportés à l'article 2, paragraphe 7, sous b), introduisant une évaluation individualisée spécifique applicable aux producteurs-exportateurs de la RPC et de la Russie. Ainsi, pour ces producteurs, la valeur normale pourrait être calculée selon la méthode prévue à l'article 2, paragraphes 1 à 6 du règlement de base, à savoir la même méthode que celle qui s'applique aux importations en provenance de pays à économie de marché, mais à condition qu'un ou plusieurs producteurs présentent une requête dûment documentée établissant, conformément aux critères et procédures énoncés à l'article 2, paragraphe 7, sous c), que "les conditions d'une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs".
33. Le Conseil fait valoir que la structure d'ensemble du nouveau texte de l'article 2, paragraphe 7, ne laisse aucun doute sur le fait que la RPC et la Russie ne doivent pas encore être considérées comme des pays à économie de marché. Cela serait confirmé par le préambule du règlement n° 905-98, qui fait référence à l'"émergence d'entreprises soumises aux conditions d'une économie de marché".
34. Le Conseil souligne que la demande des requérantes de se voir accorder le traitement d'économie de marché a été examinée par la Commission et que celle-ci a conclu qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 2, paragraphe 7, sous c). Il relève que les requérantes ne reprochent pas à la Commission d'avoir commis une quelconque erreur à cet égard. Les prétentions des requérantes se fonderaient sur le seul postulat que, dès lors que deux producteurs-exportateurs déterminés de la RPC ont été considérés comme remplissant les critères de l'article 2, paragraphe 7, sous c), tous les producteurs-exportateurs de la RPC sont en droit de se voir accorder le traitement d'économie de marché, et ce qu'ils remplissent ou non eux-mêmes ces critères.
35. Le Conseil soutient que l'interprétation des requérantes est erronée et incompatible avec le libellé de l'article 2, paragraphe 7, sous b). Le traitement d'économie de marché ne pourrait être accordé à un ou plusieurs producteurs que s'il est démontré que "les conditions d'une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs". L'interprétation avancée par les requérantes contredirait ce texte en ce qu'elle impose que le traitement d'économie de marché soit accordé dès que ces conditions prévalent pour au moins un autre producteur. En outre, elle ne serait pas compatible avec les termes de l'article 2, paragraphe 7, sous b), selon lequel il doit être établi que les conditions d'une économie de marché prévalent "conformément aux critères et aux procédures énoncés au point (c)". Selon le Conseil, tous ces critères trouvent à s'appliquer à chaque entreprise individuellement. Il serait dépourvu de sens d'alléguer, comme le font les requérantes, que le règlement de base exige une évaluation détaillée de ces critères individuels à l'égard d'un producteur pour appliquer ensuite aveuglément le résultat de cette évaluation à tous les producteurs, y compris à ceux qui ne remplissent aucun des critères.
36. Le Conseil avance que l'article 2, paragraphe 7, sous b), exige une évaluation individualisée de la demande de chaque producteur de se voir accorder le traitement d'économie de marché. Il soutient que lorsqu'il n'est pas établi que les conditions d'une économie de marché prévalent pour le ou les producteurs particuliers présentant la demande, la dernière phrase de l'article 2, paragraphe 7, sous b), oblige les institutions communautaires à appliquer les règles prévues par l'article 2, paragraphe 7, sous a). Étant donné qu'il n'est pas contesté que les requérantes ne remplissaient pas les critères énoncés à l'article 2, paragraphe 7, sous c), le Conseil n'aurait pas violé l'article 2, paragraphe 7, sous b), en refusant d'accorder aux requérantes le traitement d'économie de marché.
Appréciation du Tribunal
37. Par le premier moyen, les requérantes font valoir qu'il aurait été conforme à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, et permis par l'article 2 du même règlement, de déterminer la valeur normale de leurs produits selon les règles relatives aux pays à économie de marché, prévues aux paragraphes 1 à 6 de cet article 2, plutôt que selon les dispositions de l'article 2, paragraphe 7, sous a).
38. Cet argument ne saurait être accueilli.
39. À titre liminaire, il convient de relever que la méthode de détermination de la valeur normale visée à l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base est une exception à la méthode spécifique prévue à l'article 2, paragraphe 7, sous a), et applicable dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché. Or, il est de jurisprudence constante que toute dérogation ou exception à une règle générale doit être interprétée strictement (arrêts de la Cour du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a, C-399-93, Rec. p. I-4515, point 23; du 18 janvier 2001, Commission/Espagne, C-83-99, Rec. p. I-445, point 19, et du 12 décembre 2002, Belgique/Commission, C-5-01, Rec. p. I-11991, point 56).
40. En premier lieu, il convient de constater qu'il ressort du libellé et de la structure de l'article 2, paragraphe 7, du règlement de base, en particulier à la lumière des considérants du règlement n° 905-98, que la détermination de la valeur normale des produits en provenance de la RPC en application des règles énoncées à l'article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base est limitée à des cas individuels spécifiques, dans lesquels les producteurs concernés ont, chacun pour ce qui le concerne, présenté une requête dûment documentée conformément aux critères et aux procédures énoncés à l'article 2, paragraphe 7, sous c). Cela découle de la référence, figurant à l'article 2, paragraphe 7, sous b), à l'obligation de démontrer que les conditions d'une économie de marché prévalent pour "ce ou ces producteurs". Cette interprétation est confirmée par le sixième considérant du règlement n° 905-98, qui fait référence aux requêtes des producteurs "souhaitant bénéficier de la possibilité de voir la valeur normale déterminée en fonction des règles applicables aux pays à économie de marché", à savoir les règles énoncées à l'article 2, paragraphes 1 à 6. En outre, le quatrième considérant du règlement n° 905-98, bien qu'il expose que les réformes entreprises en RPC ont fondamentalement modifié l'économie de ce pays, indique toutefois clairement que, si cela a conduit à l'apparition de certaines conditions de marché, ce n'est que par rapport à des entreprises spécifiques et non au pays dans son ensemble. Le législateur communautaire entendait donc clairement que l'application des règles relatives aux pays à économie de marché aux produits en provenance de la RPC requière la présentation d'une requête dûment documentée et conforme aux critères et aux procédures énoncés à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base par chaque entreprise individuellement concernée.
41. En deuxième lieu, l'argument avancé par les requérantes est incompatible avec l'application des règles de l'article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base qui présuppose la disponibilité de certaines données, telles que les prix payés ou à payer, le coût de production et les ventes au cours d'opérations commerciales normales dans une économie de marché et se rapportant principalement au produit faisant l'objet de l'enquête. Les critères visés à l'article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, qui doivent être remplis pour pouvoir bénéficier du traitement d'économie de marché, à savoir les dispositions de l'article 2, paragraphes 1 à 6, requièrent que les entreprises souhaitant ce bénéfice opèrent selon les conditions d'une économie de marché et que les prix, les coûts et le jeu de documents comptables de base soient fiables. Or, en l'espèce, les requêtes présentées par les requérantes en application de l'article 2, paragraphe 7, sous b), ont été rejetées.
42. En troisième lieu, étant donné que les institutions communautaires compétentes en matière d'antidumping sont obligées, dans chaque cas, de déterminer la valeur normale d'un produit en se fondant sur les règles applicables, l'interprétation de l'article 2, paragraphe 7, sous b), proposée par les requérantes aurait une conséquence incompatible avec l'objectif de la réglementation, à savoir, que, dès qu'un producteur de ce produit en RPC présente une requête dûment documentée en application de cette disposition, ces institutions seraient obligées d'appliquer les dispositions des paragraphes 1 à 6 de l'article 2 à tous les autres producteurs de ce pays faisant l'objet de l'enquête, y compris ceux qui s'étaient délibérément abstenus de présenter une telle requête au motif que le recours au pays et au producteur analogues sélectionnés pour l'établissement de la valeur normale leur était plus favorable.
43. S'agissant du grief tiré de la prétendue violation du principe de non-discrimination (voir point 28 ci-dessus), celui-ci doit être rejeté comme non fondé pour les motifs exposés au point 60 ci-après.
44. Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base et du principe de non-discrimination
Arguments des parties
45. Les requérantes soutiennent, à titre subsidiaire, que, à supposer même que, dans les circonstances de la présente affaire, l'article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base n'exclue pas le recours à l'article 2, paragraphe 7, sous a), le Conseil aurait violé cette dernière disposition et le principe de non-discrimination en choisissant Philips Mexicana comme producteur d'économie de marché analogue.
46. Elles avancent qu'il est fait usage du critère du pays analogue afin de trouver une mesure objective de la valeur normale dans des conditions de marché ouvert non faussées. Conformément à la pratique de la Commission et à une jurisprudence constante, deux critères devraient, plus particulièrement, être pris en considération dans ce contexte, à savoir, d'une part, la comparabilité des produits concernés et, d'autre part, la comparabilité du processus de production ou de la structure des coûts de production. En outre, l'emploi des termes "ou, lorsque cela n'est pas possible, sur toute autre base raisonnable" à l'article 2, paragraphe 7, sous a), démontrerait que l'objectif de toutes les méthodes prescrites par cette disposition est d'obtenir une mesure "raisonnable" de la valeur normale dans le pays d'exportation. En choisissant le pays analogue, l'objectif devrait être de se rapprocher le plus possible de la situation qui existerait dans le pays d'exportation s'il s'agissait d'un pays à économie de marché (conclusions de l'avocat général M. Van Gerven sous l'arrêt de la Cour du 22 octobre 1991, Nölle, C-16-90, Rec. p. I-5163, I-5172, point 15).
47. Les requérantes prétendent que la Commission, lorsqu'elle a déterminé une valeur normale sur la base d'une entreprise établie au Mexique et a reconnu que des ajustements devaient être faits pour tenir compte des différences dans la tension de fonctionnement des lampes, le niveau des échanges et les types de produits, aurait du constater que la valeur normale ajustée était encore considérablement plus élevée que celle d'au moins l'un des exportateurs qui pouvait bénéficier du traitement d'économie de marché. Cela aurait dû conduire la Commission à conclure que la valeur normale analogue déterminée au Mexique, même après ajustement, était manifestement inappropriée et déraisonnable. Elle aurait dû, dès lors, utiliser une méthode alternative raisonnable pour le calcul de la valeur normale appropriée soit en faisant des ajustements supplémentaires, soit en utilisant un autre pays analogue ou toute autre base raisonnable "aussi comparable que possible" à la valeur normale dans des conditions d'exploitation d'économie de marché en RPC.
48. Les requérantes font valoir que le fait que l'application simultanée des dispositions de l'article 2, paragraphe 7, sous a) et b), dans des affaires antidumping, produit des effets discriminatoires, à moins que la valeur normale déterminée dans le pays analogue fasse l'objet d'ajustements adéquats, est très clairement illustré par l'affaire du ferromolybdène ayant donné lieu au règlement (CE) n° 1612-2001 de la Commission, du 3 août 2001, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de ferromolybdène originaires de la RPC (JO L 214, p. 3, considérant 52). Elles prétendent que ce règlement démontre le désavantage constant subi par les entreprises qui obtiennent le traitement individuel parce que la valeur normale dans le pays analogue n'a pas été ajustée de manière adéquate afin d'être "aussi comparable que possible" que la valeur normale dans les conditions d'exploitation d'économie de marché en RPC. En outre, ce désavantage serait discriminatoire en ce sens que les sociétés qui obtiennent le traitement individuel et celles qui obtiennent le statut d'économie de marché sont en concurrence les unes avec les autres sur le marché des autres exportations vers la Communauté.
49. Les requérantes soutiennent que l'expression "lorsque [ces méthodes ne sont] pas possible[s]", qui figure à la première phrase de l'article 2, paragraphe 7, sous a), ne fait pas référence à une impossibilité arithmétique, mais à la question de savoir si les méthodes se rapprochent "le plus possible" de la situation qui existerait dans le pays d'exportation s'il s'agissait d'un pays à économie de marché. Ainsi, le recours à la valeur normale dans un pays tiers à économie de marché serait toujours soumis à l'exigence impérative d'un résultat raisonnable. Selon les requérantes, "[l]e fait que la valeur normale a été déterminée pour certains exportateurs en [RPC] fournit une mesure ou indication de ce qui est raisonnable qui est meilleure que la valeur normale déterminée pour une entreprise au Mexique qui est liée à l'un des plaignants". Elles prétendent que l'argument du Conseil selon lequel elles ont confondu les marges de dumping et la valeur normale est dénué de fondement.
50. S'agissant de l'allégation du Conseil selon laquelle, même si les institutions communautaires avaient commis une erreur en calculant la valeur normale, la détermination du dumping ne serait pas affectée, les requérantes considèrent qu'elle doit être rejetée comme irrecevable et non fondée en ce qu'elle se base sur une appréciation faite par les institutions communautaires après l'adoption du règlement attaqué et qui n'a jamais fait l'objet d'un examen au cours de la procédure d'enquête. En particulier, cette appréciation n'aurait pas fait l'objet de consultations avec les représentants des États membres au sein du Comité consultatif ni d'une divulgation aux requérantes en application de l'article 20 du règlement de base.
51. Le Conseil estime que l'article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base est relativement facile à interpréter. La méthode principale de détermination de la valeur normale dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas d'économie de marché serait celle "du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d'un tel pays tiers à destination d'autres pays, y compris la Communauté". Une méthode secondaire de détermination de la valeur normale serait définie par la suite, mais la disposition concernée limiterait les circonstances dans lesquelles les institutions communautaires peuvent recourir à cette méthode. En d'autres termes, lorsque l'emploi de la méthode principale n'est pas possible, il serait permis de recourir à "toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d'y inclure une marge bénéficiaire raisonnable". Il s'ensuit, selon le Conseil, que l'expression "lorsque cela n'est pas possible" signifie que la méthode qui se fonde sur "toute autre base raisonnable" n'est valable qu'en dernier recours.
52. Le Conseil estime avoir correctement appliqué en l'espèce les dispositions de l'article 2, paragraphe 7, sous a). Il relève que la RPC n'est ni un pays "à économie de marché" ni un "pays tiers" au sens de l'article 2, paragraphe 7, sous a), et que les requérantes l'admettent, puisqu'elles soutiennent que les prix du producteur chinois qui a bénéficié du traitement d'économie de marché constituent "toute autre base raisonnable" au sens de cette disposition. Toutefois, les institutions communautaires n'auraient pu recourir à cette méthode secondaire que s'il n'avait pas été possible de se référer aux prix pratiqués dans un pays tiers analogue à économie de marché. Le Conseil estime que, dans le présent cas, il était tout à fait possible d'utiliser les prix pratiqués dans un pays tiers à économie de marché, à savoir le Mexique, pour calculer la valeur normale. Le fait qu'il ait fallu procéder à des ajustements ne signifierait pas qu'il n'était pas possible d'utiliser les prix mexicains. Le Conseil relève que les requérantes ne font pas valoir qu'il n'a pas procédé aux ajustements appropriés et qu'elles ne précisent aucun cas dans lequel des ajustements auraient été incorrectement apportés ou omis.
53. Le Conseil considère que l'argument des requérantes selon lequel il était déraisonnable et inapproprié d'établir la valeur normale en prenant le Mexique comme pays de référence parce que la valeur normale après ajustement était encore considérablement plus élevée que celle d'un des exportateurs de la RPC bénéficiant du traitement d'économie de marché n'a pas de sens. Il reproche aux requérantes de confondre les marges de dumping et le concept de la valeur normale. En outre, il relève que les différences de marge de dumping entre les exportateurs bénéficiant d'un traitement d'économie de marché et ceux qui n'en bénéficient pas ne peuvent aucunement indiquer que le choix du pays analogue est déraisonnable et, a fortiori, impossible. Le Conseil fait observer qu'un des producteurs qui a bénéficié du traitement d'économie de marché avait la marge de dumping la plus élevée de toutes les marges relevées et qu'il y avait une différence considérable entre les marges de dumping des producteurs n'ayant pas bénéficié du traitement d'économie de marché, s'étendant de 8,4 à 59,5 %. Bien que la liste des critères pertinents pour le choix d'un pays analogue telle qu'énoncée par la Cour dans l'arrêt Nölle, précité, ne soit pas exhaustive, selon le Conseil, il est incontestable que le montant de droit de dumping finalement institué ne saurait être un critère pertinent.
54. Le Conseil estime que le pouvoir d'appréciation dont disposent les institutions communautaires dans le choix d'un pays analogue ne les autorise pas à ne pas tenir compte de l'exigence de choisir un pays tiers à économie de marché dans tous les cas où cela est possible. Il relève que ni la Commission ni les requérantes ne sont parvenues à trouver un autre pays analogue, plus approprié que le Mexique, remplissant cette exigence.
55. Le Conseil conteste avoir violé le principe de non-discrimination. Il relève que le considérant 20 du règlement attaqué contredit en soi l'allégation des requérantes selon laquelle l'affaire du ferromolybdène démontre un désavantage constant pour les entreprises bénéficiant d'un traitement individuel. Ce considérant indiquerait que les marges de dumping pour les entreprises qui se voient accorder le traitement d'économie de marché allaient de 61,8 % (Philips-Yaming) à un niveau de minimis (Lisheng), tandis que les marges pour les entreprises bénéficiant de traitement individuel allaient de 59,5 % (Hailong) à 8,4 % (Zuoming). Il n'y aurait, dès lors, pas de désavantage constant pour les seules entreprises bénéficiant du traitement individuel, et ces dernières ne feraient l'objet d'aucune discrimination.
56. Le Conseil avance que, même si les institutions avaient commis une erreur dans le calcul de la valeur normale, une telle erreur serait sans incidence sur la conclusion relative à l'existence de dumping en tant que telle. Il expose que, à titre d'hypothèse, la Commission a calculé les marges de dumping auxquelles il aurait abouti s'il avait établi la valeur normale sur la base des ventes des exportateurs de la RPC ayant bénéficié du traitement d'économie de marché, ainsi que le suggéraient les requérantes; aux fins de ce calcul, il a été supposé que les requérantes auraient bénéficié d'un ajustement généreux s'élevant à 21,5 % de la valeur normale. Ce calcul aurait abouti à une marge de dumping de 64,9 % pour la première requérante et de 45,3 % pour la seconde requérante, marges qui sont en fait plus élevées que celles établies dans le règlement attaqué.
Appréciation du Tribunal
57. Par le second moyen, les requérantes font valoir, à titre subsidiaire, que les institutions compétentes, ayant déterminé la valeur normale des produits en cause sur la base des règles applicables dans les conditions d'économie de marché dans le cas de deux producteurs chinois, à savoir les règles énoncées aux paragraphes 1 à 6, de l'article 2 du règlement de base, auraient dû constater que le fait de retenir Philips Mexicana était manifestement inapproprié et déraisonnable en ce qu'il en résultait la fixation de valeurs normales qui, même après ajustements, étaient considérablement plus élevées que celle concernant à tout le moins un des deux producteurs chinois bénéficiant du traitement d'économie de marché. Les institutions compétentes auraient dû en conséquence avoir recours à "toute autre base raisonnable", en application de l'article 2, paragraphe 7, sous a).
58. Cet argument doit être rejeté.
59. En effet, ces institutions compétentes ne sauraient écarter l'application de la règle générale, énoncée à l'article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base pour la détermination de la valeur normale des produits en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché, en se fondant sur une autre base raisonnable, que dans l'hypothèse où cette règle générale ne peut être appliquée. Le Tribunal estime qu'une telle impossibilité ne peut se présenter que lorsque les données requises pour la détermination de la valeur normale ne sont pas disponibles ou non fiables. Le fait qu'il soit nécessaire d'ajuster ces données afin de les adapter le plus possible aux conditions qui s'appliqueraient à des producteurs chinois si la RPC était un pays d'économie de marché ne démontre pas que l'utilisation des données relatives à Philips Mexicana était impossible ou même inappropriée.
60. L'argument des requérantes selon lequel l'approche des institutions compétentes produit des effets discriminatoires, en ce sens qu'elle désavantage de manière constante les producteurs qui obtiennent le traitement individuel par rapport à ceux qui "obtiennent le statut d'économie de marché" en application de l'article 2, paragraphe 7, sous b), ne saurait être accepté. Il est de jurisprudence constante que la violation, par les institutions communautaires, du principe de non-discrimination suppose qu'elles aient traité d'une façon différente des situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d'autres, sans que cette différence de traitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaine importance (arrêt du Tribunal du 12 mai 1999, Moccia Irme e.a./Commission, T-164-96 à T-167-96, T-122-97 et T-130-97, Rec. p. II-1477, point 188, et la jurisprudence citée).
61. Or, en l'espèce, les requérantes, qui n'opèrent pas dans les conditions d'une économie de marché, n'étaient pas dans la même situation que les deux producteurs chinois qui opèrent dans ces conditions et qui ont présenté des requêtes dûment documentées à cet égard. En outre, comme les institutions compétentes l'ont constaté, la grande diversité entre les marges de dumping imposées par le règlement attaqué pour les deux entreprises qui se voyaient accorder le traitement d'économie de marché démontre que les producteurs pour qui la valeur normale est déterminée en application de la règle énoncée à l'article 2, paragraphe 7, sous a), ne subissent pas nécessairement de désavantage par rapport à ceux dont la valeur normale est déterminée en application de la règle énoncée à l'article 2, paragraphe 7, sous b).
62. Il s'ensuit que ce second moyen est non fondé et que le recours doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
63. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé et le Conseil ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner les requérantes aux dépens du Conseil.
64. Selon l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. La Commission supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie),
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Les parties requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil.
3) La Commission supportera ses propres dépens.