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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 7 juin 2005, n° 03-01675

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Transports Joyau (SAS)

Défendeur :

UCT (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

M. Barthélémy, Mme Contal

Avoués :

SCP Musereau & Mazaudon, SCP Alirol & Laurent

Avocats :

Mes Blanchard, Léonard

T. com. La Roche-sur-Yon, du 22 avr. 200…

22 avril 2003

LA COUR,

Vu le jugement contradictoire en date du 22 avril 2003 par lequel le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a:

- condamné la SAS Transports Joyau à payer à la SARL UCT la somme de 65 000 euro, tous préjudices confondus;

- débouté la SARL UCT de ses plus amples prétentions;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire;

- condamné la SAS Transports Joyau à payer à la SARL UCT la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

- condamné la SAS Transports Joyau aux dépens;

Vu l'appel de ce jugement interjeté par la SAS Transports Joyau selon déclaration au greffe de la cour en date du 22 mai 2003

Vu les conclusions récapitulatives de la SAS Transports Joyau enregistrées au greffe le 5 novembre 2004 aux termes desquelles elle sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter la SARL UCT de ses demandes, subsidiairement de dire que le préjudice allégué par la SARL UCT devra être limité à la somme de 9 130 euro et enfin de condamner la SARL UCT à lui verser la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions de la SARL UCT enregistrées au greffe le 17 juin 2004 demandant à la cour de déclarer mal fondé l'appel de la SAS Transports Joyau, de la recevoir en son appel et de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'un délai raisonnable n'avait pas été accordé à la SARL UCT et qu'en outre la SAS Transports Joyau avait agi avec une particulière mauvaise foi en débauchant ses salariés;

- condamner la SAS Transports Joyau à lui verser la somme de 128 329,52 euro à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture abusive du contrat;

- condamner la SAS Transports Joyau à lui verser la somme de 15 244,90 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage causé par le comportement fautif et déloyal et les pratiques anticoncurrentielles de la SAS Transports Joyau avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation

- condamner la SAS Transports Joyau à lui verser la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure de mise en état intervenue le 10 mars 2005

Sur ce

Le 17 mars 1998, la SAS Transports Joyau a signé avec la SARL UCT un contrat de location exclusive avec conducteur de véhicule automobile pour une durée d'un an à compter du 6 avril 1998.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 septembre 2000, la SAS Transports Joyau a résilié ce contrat pour le 2 octobre 2000. Par une seconde lettre recommandée avec avis de réception en date du 26 septembre 2000, la SAS Transports Joyau a reporté la date de la résiliation au 15 novembre 2000.

Sur le préavis

La SAS Transports Joyau affirme qu'elle n'était tenue de respecter qu'un préavis de deux mois ce qu'elle a fait dans son second courrier du 26 septembre 2000.

La SARL UCT reproche à la SAS Transports Joyau une rupture brutale du contrat et affirme que la SAS Transports Joyau devait respecter un préavis raisonnable supérieur à deux mois compte tenu de la durée de leurs relations contractuelles.

En droit, l'article 1737 du Code civil dispose qu'un bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé lorsqu'il a été fait par écrit sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

L'article 1738 précise que si à l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par l'article relatif aux locations faites sans écrit.

Enfin l'article 1736 stipule que si un bail a été fait sans écrit, l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux.

En l'espèce, le bail initial signé le 17 mars 1998 s'est poursuivi au-delà du 6 avril 1999.

Ce nouveau bail, désormais à durée indéterminée, s'est poursuivi avec les mêmes clauses et conditions que le bail précédent à la seule exception de la durée du bail.

Or le bail signé le 17 mars 1998 prévoyait qu'il était conclu pour une durée d'un an et qu'il pourrait être résilié à l'issue de cette période sans indemnité si un préavis de deux mois était respecté par l'une ou l'autre des parties.

Cette clause contractuelle est parfaitement claire et s'impose aux parties.

Il apparaît ainsi que les parties ont entendu conclure un contrat de location pour au moins une année entière et qu'à l'issue de cette année, l'une ou l'autre des parties avait la faculté de résilier ce contrat de location à tout moment, sans indemnité, si elle respectait un préavis de deux mois avant la date de résiliation.

Si la SAS Transports Joyau a, dans un premier temps, omis de respecter la durée de ce préavis, elle a, par son courrier du 26 septembre 2000, rectifié cette erreur et elle a, en reportant la date d'effet de la résiliation au 15 novembre 2000, parfaitement respecté le délai de préavis contractuellement convenu entre les parties.

En outre, la SARL UCT est mal venue à venir lui reprocher un non-respect de ce délai de préavis, dans la mesure où, par un courrier en date du 29 septembre 2000, elle a informé la SAS Transports Joyau de ce qu'elle entendait terminer leur collaboration à la date initialement indiquée par la SAS Transports Joyau, à savoir le 2 octobre 2000, limitant ainsi la durée du préavis fixée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, de constater qu'il ne peut être reproché à la SAS Transports Joyau une rupture abusive et brutale de son contrat de location d'autant qu'aucune autre condition n'était requise pour pouvoir résilier ce contrat et de débouter la SARL UCT de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.

Sur la concurrence déloyale

La SARL UCT soutient que la SAS Transports Joyau a manqué de loyauté à son égard en embauchant les deux salariés qu'elle mettait à sa disposition dans le cadre du contrat de location, provoquant ainsi une désorganisation de son entreprise.

Elle affirme que cette attitude constitue des agissements anticoncurrentiels de la part de la SAS Transports Joyau, prohibés par l'article L. 420-2 du Code du commerce.

La SAS Transports Joyau reconnaît avoir effectivement embauché les deux chauffeurs mis à sa disposition par la SARL UCT dans le cadre du contrat litigieux mais elle soutient que ces deux chauffeurs ont respecté les dispositions légales leur permettant de mettre fin à leur contrat de travail à durée indéterminée avec la SARL UCT. En outre, elle affirme que la SARL UCT ne justifie pas que son activité aurait été désorganisée par le départ de ces deux chauffeurs.

La SARL UCT fonde sa demande en dommages et intérêts sur les dispositions de l'article L. 420-2 du Code du commerce.

Cet article stipule qu'est prohibée, dans les conditions de l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Cet article précise que ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou pratiques discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

Or la notion de position dominante qui s'entend comme le pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective, suppose que l'entreprise considérée occupe sur le marché une place prépondérante que lui assure notamment l'importance des parts qu'elle détient dans celui-ci, la disproportion entre celle-ci et celle de l'entreprise concurrente, comme éventuellement son statut et ses modes d'action commerciale.

En l'espèce, la SARL UCT ne démontre nullement en quoi la SAS Transports Joyau aurait sur le marché une place prépondérante ni en quoi elle aurait exploité abusivement cette position. De même, la SARL UCT ne peut prétendre que la SAS Transports Joyau aurait rompu leurs relations commerciales au seul motif qu'elle aurait refusé de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

En fait, les parties étaient liées par un contrat de location. La SARL UCT ne justifie pas que la SAS Transports Joyau aurait été son seul client ou même son client le plus important et que la résiliation de ce contrat aurait généré pour elle des difficultés économiques.

En effet, la SARL UCT ne produit aux débats que les documents concernant la SAS Transports Joyau qui effectivement démontrent qu'après la rupture du contrat, le chiffre d'affaires concernant la SAS Transports Joyau a diminué dans de notables proportions. Mais elle ne donne aucun élément sur sa propre situation financière ni sur ses autres clients.

Aucun agissement anticoncurrentiel ne peut être valablement reproché à la SAS Transports Joyau.

En outre, la SARL UCT ne rapporte pas la preuve de l'existence de manœuvres de la part de la SAS Transports Joyau destinée à débaucher les deux salariés qui étaient mis à sa disposition qui aurait pu être constitutif d'une faute de la part de celle-ci.

Il y a lieu de débouter la SARL UCT de sa demande en dommages et intérêts pour comportement déloyal de la part de la SAS Transports Joyau.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS Transports Joyau les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer. Il échet de lui allouer une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Infirme le jugement entrepris. Statuant à nouveau, Déboute la SARL UCT de l'ensemble de ses demandes. Condamne la SARL UCT à verser à la SAS Transports Joyau la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SARL UCT aux dépens d'instance et d'appel. Autorise l'application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.