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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 13 octobre 2005, n° 04-01823

AMIENS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

BASF Coatings (SA), Marcet (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Bonnet

Conseillers :

MM. Bougon, Fauquenot

Avoués :

SCP Millon Plateau, Me Lemal

Avocats :

Mes Pinet, Lemal, Conte

T. com. Beauvais, du 11 mars 2004

11 mars 2004

Vu le jugement rendu le 11 mars 2004 par le Tribunal de commerce de Beauvais qui a :

- reçu la société Etablissements Marcet en sa demande et l'y a dit bien fondée pour partie,

- reçu la société BASF Coatings en sa demande reconventionnelle, l'y a dit mal fondée et l'en a déboutée,

- constaté que le contrat souscrit par les parties en date du 1er novembre 1973 est un contrat de distribution exclusive et non d'agence commerciale,

- condamné la société BASF Coatings à payer à la société Etablissement Marcet la somme de 300 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation des dommages commerciaux subis,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- rejeté toute demande contraire ou supplémentaire,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

- fait masse des dépens et les a partagés par moitié entre chacune des parties.

Vu l'appel de cette décision interjeté par la société BASF Coatings selon déclaration remise au secrétariat-greffe de la cour le 22 mars 2004.

Vu les conclusions de l'appelante du 18 janvier 2005 demandant à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que les relations des parties étaient régies par un contrat de distribution renouvelable par tacite reconduction dont elle pouvait refuser le renouvellement sans avoir à justifier des motifs et l'infirmant pour le surplus, de dire qu'elle n'a pas commis d'agissements déloyaux pendant la durée des relations contractuelles ni après le 11 mai 2001, date de rupture de ces relations, de dire que la présentation à la vue de la clientèle de produits de marque concurrente aux siens par la société Etablissements Marcet constituait une violation grave des prescriptions du contrat du 1er novembre 1973 justifiant la résiliation anticipée du préavis, de dire que la continuation de la commercialisation de ses produits par la société Etablissements Marcet après la résiliation du préavis réalisait un acte de concurrence déloyale, en conséquence de débouter la société Etablissements Marcet de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 20 000 euro au titre du préjudice moral et commercial causé par les actes de concurrence déloyale qui lui sont imputables, celle de 67 314,67 euro au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2001 date de la mise en demeure et capitalisation, outre une indemnité de 10 000 euro pour procédure abusive et encore la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les écritures de la société Etablissements Marcet du 5 novembre 2004, comportant appel incident, demandant à la cour, à titre principal, de dire qu'elle bénéficiait du statut d'agent commercial et de condamner la société BASF Coatings à lui payer la somme 1 350 000 euro, à titre subsidiaire, de dire que la rupture imposée par la société BASF Coatings est abusive dans son motif et ses modalités, que la société BASF Coatings a commis des fautes à l'origine d'un préjudice commercial important et la condamner à lui payer 600 800 euro pour manque à gagner, 100 000 euro au titre de la politique de communication, 48 599 euro représentant les stocks de marchandises et de matériels non amortis, 10 671 euro représentant la reprise des stocks de marchandises RM, 130 000 euro pour constitution de nouveaux équipements nécessaires à la reconversion et 150 000 euro pour préjudice moral résultant de l'atteinte à son image, en tout état de cause, de débouter la société BASF Coatings de ses demandes en paiement, ou octroi d'intérêts et en capitalisation et de la condamner à lui verser la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 1er mars 2005.

Sur ce,

Attendu que par contrat du 1er novembre 1973 intitulé "Contrat de distribution exclusive" la société Inmont, Division Rinshed-Mason (RM), devenue depuis la société BASF Coatings, a confié à M. Georges Marcet, aux droits duquel vient la société Etablissements Marcet, le droit exclusif de vendre dans le département du Var pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction la gamme des produits - carrosserie RM ; qu'un accord commercial concernant la force de vente que la société Marcet devrait consacrer à la commercialisation de ces produits, conclu pour l'année 1995 a notamment prévu une ristourne supplémentaire de fin d'année sur le montant des livraisons effectuées par le distributeur aux constructeurs directement facturés par le concédant;

Attendu que par courriers des 20 septembre et 11 octobre 2000 la société Etablissements Marcet, ayant eu connaissance du projet de la société BASF Coatings de restructurer son réseau de vente en adoptant une politique de distribution directe, lui a demandé, en évoquant de possibles actions judiciaires, de lui préciser le montant des indemnités qu'elle entendait lui verser ou de lui indiquer si elle était susceptible d'acquérir son fonds de commerce ; que, par courrier du 2 novembre 2000 la société BASF Coatings a notifié à son distributeur la rupture de leurs relations contractuelles avec effet au 30 octobre 2001 ; que par acte judiciaire du 14 mai 2001 la société BASF Coatings a mis fin au préavis ainsi accordé en invoquant un comportement déloyal de la société Etablissements Marcet;

Attendu que la société Etablissements Marcet, revendiquant la qualité d'agent commercial, contestant les termes de la rupture comme les conditions d'exécution du préavis et encore les actes de démarchage de sa clientèle commis par le concédant au cours de celui-ci, a, par acte d'huissier du 11 mai 2001, fait assigner la société BASF Coatings devant le Tribunal de commerce de Toulon auquel elle demandait de condamner la requise à lui payer la somme de 7 000 000 F (1 067 143,12 euro) en réparation de ses préjudices; que le Tribunal de commerce de Toulon s'étant par jugement du 17 octobre 2001, déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Beauvais, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur contredit, a confirmé cette décision par arrêt du 24 avril 2002;

Attendu que la société Etablissements Marcet a demandé au Tribunal de commerce de Beauvais, à titre principal, de lui reconnaître le bénéfice du statut d'agent commercial et de condamner la société BASF Coatings à lui payer à ce titre la somme de 1 350 000 euro, à titre subsidiaire dans le cadre de l'application d'une convention de concession exclusive, de lui allouer diverses indemnités d'un montant total de 1 040 070 euro et, en tout état de cause, de débouter la société BASF Coatings de ses demandes et de la condamner à lui verser une somme de 7 600 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que la société BASF Coatings s'est opposée à ces demandes en soutenant que les relations contractuelles s'inscrivaient dans le cadre d'un contrat de distribution, que la société Etablissements Marcet avait violé les dispositions de ce contrat en cours de préavis et commis des actes de concurrence déloyale après la résiliation de celui-ci et a sollicité la condamnation de la société Etablissements Marcet à lui payer la somme de 20 000 euro en réparation de son préjudice et celle de 10 000 euro pour procédure abusive ; qu'elle a également demandé paiement de factures impayées à hauteur de 6 787 513 euro et l'octroi d'une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que c'est en cet état des prétentions des parties que le jugement frappé d'appel a été rendu ;

Sur la qualification du contrat liant les parties.

Attendu que la société Etablissements Marcet, alors que l'article 10 du contrat du 1er novembre 1973 dénommé par les parties "Contrat de distribution exclusive" écarte expressément l'application du statut d'agent commercial au distributeur auquel est concédée la seule faculté, en qualité de commerçant indépendant, d'acheter et de revendre pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, soutient que l'accord commercial conclu pour l'année 1995 a modifié les conditions contractuelles et lui a conféré la qualité d'agent commercial aux motifs qu'il met à sa charge "des conditions de vente impératives" et qu'il prévoit un commissionnement à son profit "pour toutes les livraisons faites par le fabricant directement auprès des constructeurs" ce qu'excluait l'article 3 de la convention initiale;

Attendu que cependant, d'une part, l'accord commercial de 1995 ne vise pas à remplacer le contrat de distribution exclusive de 1973, lequel reste applicable entre les parties, ni à imposer des conditions de vente impératives mais à promouvoir au sein de la société Etablissements Marcet une force de vente conforme aux exigences de l'article 7 intitulé "Promotion des Ventes" du contrat de 1973 et, d'autre part, "la ristourne supplémentaire de fin d'année égale à 2 % " qu'il prévoit à son paragraphe 6 ne s'applique pas comme l'écrit la société Etablissements Marcet aux "livraisons faites par le fabricant directement auprès des constructeurs" mais aux "livraisons faites par le Distributeur aux Constructeurs que RM facture directement" de sorte que cet aménagement du contrat de 1973 n'a pour effet que d'accorder à la société Etablissements Marcet une rétribution pour la préparation et l'acheminement des commandes, simples opérations de logistique, auprès des constructeurs, lesquels demeurent une clientèle réservée au profit de la société BASF Coatings, sans lui conférer le pouvoir "de façon permanente, de négocier et, éventuellement, conclure des contrats de vente ... au nom et pour le compte" du fabricant, nécessaire au regard des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce pour que soit caractérisée la qualité d'agent commercial;

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les relations des parties étaient régies par un contrat de distribution exclusive ;

Sur les conditions de la rupture

Attendu que l'article 13 du contrat du 1er novembre 1973 stipule que chaque partie peut y mettre fin, en avisant l'autre de son intention par lettre recommandée trois mois avant la date d'expiration ; qu'en l'occurrence la société BASF Coatings, laquelle était libre de modifier sa politique commerciale et l'organisation de son réseau de distribution et n'était pas tenue d'exposer les motifs de sa décision a notifié à la société Etablissements Marcet la rupture du contrat de distribution liant les parties par courrier du 2 novembre 2000 avec effet au 30 octobre 2001 accordant ainsi à sa co-contractante un préavis d'un an excédant son obligation contractuelle et dont il n'est pas démontré, qu'il soit contraire au usages commerciaux propres au domaine d'activité concerné ni qu'il ait été insuffisant pour permettre à la société Etablissements Marcet, de trouver un autre partenaire commercial dès lors qu'il est établi par les énonciations du procès-verbal de constat dressé le 10 mai 2001, soit plus de cinq mois avant le terme du préavis, par Me Beluffi, huissier de justice, commis par ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Toulon du 4 mai 2001, que dès cette date elle détenait un stock important de produits d'une marque concurrençant celle de la société BASF Coatings, notifiée le 2 novembre 2000, de mettre fin aux relations contractuelles le 30 octobre 2001 ne présente aucun caractère abusif;

Attendu que la société BASF Coatings a, par acte extra-judiciaire du 14 mai 2001, fait notifier la rupture immédiate du préavis à la société Etablissements Marcet en se prévalant de la violation par cette dernière telle que résultant du procès-verbal de constat précité des stipulations de l'article 4 du contrat du 1er novembre 1973 selon lesquelles le distributeur s'interdisait de vendre ou représenter des produits similaires à ceux faisant l'objet de la convention ou susceptibles de les concurrencer et de s'intéresser d'une façon quelconque, directement ou indirectement, à une affaire de fabrication ou de commercialisation de tels produits similaires ou concurrents;

Attendu que cependant, n'étant pas établi que la clause de non-concurrence instaurée par l'article 4 du contrat du 1er novembre 1973 dont l'application est nécessairement limitée à la durée de celui-ci en l'absence de disposition contraire est prohibée en application des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce faute que soit démontrée l'existence d'une position dominante, d'un abus de dépendance économique et d'une affectation sensible du marché, le procès-verbal de constat du 10 mai 2001 s'il relève la présence dans une partie visible par la clientèle l'entrepôt de la société Etablissements Marcet de produits de marque Lechler, concurrents de ceux de la société BASF Coatings, d'une part, distingue entrepôt et locaux de réception de la clientèle et, d'autre part, précise qu'il n'y a aucune publicité de marque Lechler dans ces derniers ni à l'extérieur du bâtiment ; que par ailleurs, alors que le terme " représenter " employé à l'article 4 précité doit s'entendre d'une activité soit en qualité d'agent commercial soit en celle de représentant de commerce et non d'une simple possibilité pour la clientèle d'entrevoir des produits pour lesquels aucune promotion et aucun acte positif de commercialisation ne sont effectués, la société BASF Coatings ne démontre pas que la société Etablissements Marcet a, au cours de l'exécution du préavis, procédé à la vente ou à une tentative de vente de produits de marque Lechler ; qu'au contraire les attestations produites aux débats par l'intimée établissent qu'elle n'a proposé de tels produits à sa clientèle que postérieurement à la rupture du préavis à l'initiative de la société BASF Coatings ; qu'il apparaît en conséquence qu'en l'absence d'autres éléments de preuve, les énonciations du procès-verbal de constat du 10 mai 2001 sont insuffisantes à établir un manquement de la société Etablissements Marcet à ses obligations contractuelles justifiant la rupture immédiate du préavis;

Sur les fautes imputées à la société BASF Coatings distinctes de la rupture des relations contractuelles en elle-même.

Attendu que la société Etablissements Marcet fait grief à la société BASF Coatings d'agissements fautifs commis tant cours d'exécution du contrat (absence de mention la concernant sur la liste des carrossiers adhérents au réseau Axial établie à l'automne 2001 - démarchage de sa clientèle en cours de préavis) que postérieurement à la rupture des relations contractuelles (débauchage d'un salarié - facturation pour la location de matériels qu'elle avait mis en place chez ses clients) ;

Attendu qu'il est établi par la production aux débats de la liste arrêtée au 10 septembre 2000 des carrossiers adhérents au réseau Axial dressée par la société BASF Coatings à la date du 13 octobre 2000 que cette dernière n'y a pas, s'agissant de l'indication de ses distributeurs, porté mention de la société Etablissements Marcet; que l'appelante ne peut utilement soutenir que cette omission résulte d'une malencontreuse erreur d'inattention alors, d'une part, qu'elle est intervenue en un temps où les parties avaient d'ores et déjà envisagé depuis plusieurs semaines (cf. réunion du 13 septembre 2000 visée à l'échange de courriers entre les parties) la rupture de leurs relations commerciales et, d'autre part, que l'erreur du même type qu'elle prétend avoir commise concernant la société Doris et qu'elle invoque pour démontrer sa bonne foi est parfaitement inopérante dès lors que le contrat de distribution exclusive qu'elle a conclu avec cette société porte la date du 31 décembre 2001 et est donc postérieur de plus d'un an à l'établissement de la liste critiquée de sorte que la société Doris ne pouvait y figurer;

Attendu qu'aux termes de son courrier du 2 novembre 2000 notifiant la rupture du contrat liant les parties la société BASF Coatings a pris l'engagement jusqu'au terme du préavis de ne pas prospecter, ni laisser prospecter par un autre distributeur de ses produits, le secteur concédé à la société Etablissements Marcet et il résulte de quatre attestations rédigées par des clients et des fournisseurs de la société Etablissements Marcet que ceux-ci ont reçu le 3 avril 2001 la visite de deux commerciaux de la société BASF Coatings hors la présence d'un représentant de l'intimée; que cependant ces attestations, dont deux portent la date du 4 avril 2001 les autres n'étant pas datées, ne mentionnant pas l'objet des entretiens dont elles précisent qu'ils restent confidentiels, il n'est pas établi que ceux-ci avaient pour but d'inciter les entreprises visitées à nouer des relations commerciales avec l'appelante ou un distributeur de ses produits autres que la société Etablissements Marcet; qu'il peut au contraire être retenu au regard de la qualité de fournisseur en peintures de la société Etablissements Marcet de deux des rédacteurs d'attestation que comme le soutient l'appelante sa démarche avait pour but de tenter de se réserver la preuve des manquements à ses obligations qu'elle suspectait l'intimée de commettre en procédant à la commercialisation de produits concurrents pendant la durée du préavis ce que confirme l'obligation de conserver un caractère confidentiel à la teneur des entretiens dans l'attente de l'exécution de sa mission par l'huissier de justice que la société BASF Coatings a fait ultérieurement désigner aux termes d'une requête du 4 mai 2001 ; que le démarchage par la société BASF Coatings de la clientèle de la société Etablissements Marcet au cours du préavis n'est pas établi ;

Attendu que la société Etablissements Marcet reproche à la société BASF Coatings d'avoir engagé M. Panivello, l'un de ses salariés exerçant une fonction commerciale démissionnaire le 21 avril 2001 ; que cependant, alors même d'une part, que l'embauche d'un salarié d'une entreprise concurrente libre de tout engagement à l'égard de son ancien employeur ne constitue un acte de concurrence déloyale que si elle est accompagnée de manœuvres visant à désorganiser l'entreprise, que ne suffit pas à caractériser la seule circonstance que certains clients aient suivi l'ancien salarié au contrat duquel ils avaient été antérieurement au sein de la société concurrente ni le fait que postérieurement à la rupture du préavis la société BASF Coatings a informé la clientèle de la société Etablissements Marcet de l'identité du nouveau distributeur exclusif de ses produits que l'intimée n'était plus en mesure de leur fournir ou encore une politique de prix dont il n'est pas établi qu'elle soit contraire aux usages normaux du commerce et, d'autre part, que la société Etablissements Marcet ne démontre pas de telles manœuvres imputables à l'appelante, il apparaît que le salarié en cause a été engagé par la société Auto Make Up, nouveau distributeur exclusif, personne morale distincte de la société BASF Coatings qui n'est pas partie à la procédure; que le grief de débauchage imputé à l'appelante ne peut être retenu ;

Attendu que la société Etablissements Marcet se prévaut de la facturation aux carrossiers par la société Auto Make Up du prix de locations de matériels qu'elle avait mis en place chez ses clients pour l'application des peintures RM dont elle prétend qu'elle exclut pour elle la possibilité de facturer cette mise à disposition ou de reprendre ces matériels; que, d'une part, il appartenait à la société Etablissements Marcet dès la rupture du préavis dont elle bénéficiait d'entreprendre les démarches nécessaires auprès de ses clients afin soit de convenir des conditions de location des matériels en cause soit de reprendre ces derniers ce qu'elle ne démontre pas avoir fait et, d'autre part, seuls sont concernés par ce grief de l'intimée des actes de la société Auto Make Up laquelle n'est pas partie à l'instance ; qu'aucune faute ne peut être imputée à la société BASF Coatings au titre de la facturation critiquée;

Sur le préjudice de la société Etablissements Marcet.

Attendu que le présent arrêt retient à la charge de la société BASF Coatings deux fautes commises, l'une, en omettant la société Etablissements Marcet du nombre de ses distributeurs dans la liste des carrossiers adhérents au réseau Axial qu'elle a établi à l'automne 2000, l'autre, en mettant un terme au préavis le 14 mai 2001 sans juste motif;

Attendu que la société Etablissements Marcet ne démontre pas que l'omission de la mention devant la concerner dans la liste précitée, laquelle ne comportait pour le secteur qui lui était attribué que deux carrossiers adhérents au réseau Axial (Francis Richard à Brignolles et Provençal Carrosserie Automobile à Toulon) lui a occasionné un préjudice propre dès lors qu'elle n'allègue pas, et a fortiori n'établit pas, que ceux-ci ont cessé toute relation commerciale avec elle à compter de l'établissement de la liste litigieuse et jusqu'à la rupture du préavis;

Attendu que la brusque rupture du préavis à l'initiative de la société BASF Coatings survenue le 14 mai 2001, soit cinq mois et demi avant le terme prévu, a causé à la société Etablissements Marcet un préjudice égal au manque à gagner résultant de la perte de la commercialisation des produits faisant l'objet du contrat du 1er novembre 1973 à la date de la rupture anticipée jusqu'au 30 octobre 2001 ; qu'au regard, d'une part, du bilan de la société Etablissements Marcet pour l'année 2000, dernière année complète d'application du contrat de distribution, faisant état de ventes de marchandises pour 8 825 068 F (1 345 372,74 euro) et de 4 787 024 F (729 777,10 euro) d'achats de marchandises, d'autre part, de la part des produits de la société BASF Coatings s'élevant à plus de 60 % selon l'indication non contestée de l'intimée, la réparation du préjudice commercial de cette dernière lié à la brusque rupture du préavis doit être fixée à la somme de 170 000 euro;

Attendu que la brusque rupture du préavis dont elle bénéficiait et l'intervention préalable de la société BASF Coatings auprès des clients et fournisseurs de l'intimée dans le but reconnu par l'appelante " de vérifier que les Etablissements Marcet ne proposaient pas à la vente des produits concurrents des produits RM au mépris de leurs engagements contractuels " sont la source d'un préjudice causé à la société Etablissements Marcet, laquelle avait la qualité de distributeur exclusif des produits de la société BASF Coatings depuis une trentaine d'années par l'atteinte qu'elles induisent à son image de marque et à sa réputation; que ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une somme de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts;

Attendu que la rupture elle-même du contrat de distribution ne revêtant pas un caractère abusif la société Etablissements Marcet ne peut prétendre à indemnisation au titre de l'actualisation de sa politique de communication ou de frais de reconversion ; qu'en effet, l'impossibilité pour le distributeur d'amortir ses investissements et l'obligation dans laquelle il se trouve de consentir de nouveaux efforts financiers pour assurer sa reconversion sont, en cas de rupture ou de non-renouvellement du contrat de distribution intervenues dans le respect de la convention des parties la conséquence de l'indépendance juridique dont il bénéficie;

Attendu que pour la même raison mais aussi parce que les agissements critiqués concernant la société Auto Make Up non partie à l'instance et encore en toute hypothèse parce qu'il lui appartenait lors de la rupture définitive du contrat de prendre les initiatives nécessaires auprès de ses clients pour décider du sort des matériels qu'elle avait mis à la disposition de ceux-ci, ce qu'elle s'est abstenue de faire, la société Etablissements Marcet qui s'est ainsi montrée particulièrement négligente, ne peut prétendre à indemnisation au titre de ces matériels demeurés en place chez ses clients;

Attendu que la société Etablissements Marcet entend également obtenir dédommagement pour le stock de produits restant en sa possession lors de la cessation des relations contractuelles et non repris par la société BASF Coatings ; que l'article 13 du contrat du 1er novembre 1973 stipule que les stocks de produits détenus par le distributeur au moment de l'expiration ou de la résiliation du contrat sont laissés à sa disposition pour qu'il les écoule dans un délai raisonnable fixé par accord des parties et qu'à défaut de cet accord ils sont repris par le concédant à leur valeur vénale évaluée en fonction des cours en vigueur et de l'état de conservation et de présentation des marchandises ; que selon la notification de la rupture du préavis la société BASF Coatings rappelle ces stipulations et propose un délai de trois mois pour écouler les stocks détenus par la société Etablissements Marcet au terme duquel elle reprendrait le reliquat étant prévu qu'à défaut d'accord dans un délai de trois mois elle reprendrait les stocks à une date qu'elle déterminerait ; qu'en l'espèce, il ressort d'un procès-verbal de constat dressé le 8 mars 2002 par Me Gongora, huissier de justice, qu'un accord est intervenu pour la reprise du stock de produits restant en possession de la société Etablissements Marcet selon un inventaire physique approuvé par les parties; que la reprise de ce stock a donné lieu à l'émission par la société BASF Coatings le 2 juillet 2002 d'un avoir de 19 522,70 euro ; que la société Etablissements Marcet n'établit pas que l'appelante a refusé de reprendre des marchandises en bon et loyal état de vente; qu'elle doit être déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre;

Sur les agissements déloyaux postérieurs à la rupture effective du contrat imputés à la société Etablissements Marcet.

Attendu que la société BASF Coatings fait grief à la société Etablissements Marcet d'avoir continué à vendre ses produits en septembre 2001 soit postérieurement à l'expiration du délai de trois mois qui lui avait été accordé pour écouler son stock ; que s'il est établi par les bons de livraison produits aux débats que la société Etablissements Marcet a fourni les 1er et 3 septembre 2001 des produits de la société BASF Coatings à deux de ses clients pour un montant global de 1 757,58 F (267,94 euro), d'une part, il n'est pas démontré que les livraisons critiquées correspondent à des ventes conclues postérieurement au 14 août 2001, terme du délai de trois mois fixé pour l'écoulement du stock ou que d'autres ventes soient intervenues après cette date et, d'autre part, il n'apparaît pas que la société BASF Coatings qui dans le silence de la société Etablissements Marcet avait souscrit l'obligation de fixer une date pour la reprise du stock à défaut d'accord dans le délai de trois mois de la rupture du préavis, ait pris une initiative en ce sens avant le 10 janvier 2002 laissant à la charge de l'intimée la conservation d'un stock devenu improductif; que dans ces circonstances aucun acte de concurrence déloyale ne peut être retenu à l'encontre de la société Etablissements Marcet;

Sur les factures impayées

Attendu que la société BASF Coatings verse aux débats vingt-cinq factures émises entre le 22 février et le 17 mai 2001 d'un montant total de 587 782,93 F (89 606,93 euro) que la société Etablissements Marcet ne démontre pas avoir payé bien qu'elle ne conteste pas les livraisons correspondantes ; que par ailleurs la société BASF Coatings est débitrice de la société Etablissements Marcet de deux factures émises par cette dernière le 15 juin 2001 représentant ensemble la somme de 14 787,88 F (2 254,40 euro), d'une somme de 3 674,35 F (560,15 euro) au titre des ristournes consenties au mois de janvier 2001 dont l'intimée qui avait la charge de livrer les clients réservés à la société BASF Coatings ne démontre pas qu'elle est inexacte et de la valeur du stock repris ayant donné lieu à l'établissement d'un avoir de 19 522,70 euro ; que la société Etablissements Marcet sera condamnée au paiement de la somme de 67 269,98 euro avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2001 date de la mise en demeure de payer et application des dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter du 12 décembre 2002 date des conclusions déposées devant le Tribunal de commerce de Beauvais formalisant cette demande;

Sur les autres demandes

Attendu que la société Etablissements Marcet triomphant en sa demande d'indemnisation au titre de la rupture du préavis, son action ne présente aucun caractère abusif; que la société BASF Coatings sera déboutée de la demande de dommages-intérêts qu'elle forme à ce titre;

Attendu que la société BASF Coatings, partie perdante à titre principal sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société Etablissements Marcet la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, La COUR, Statuant par arrêt contradictoire, Reçoit l'appel principal et l'appel incident en la forme; Confirme le jugement en ce qu'il a retenu que le contrat du 1er novembre 1973 constitue un contrat de distribution exclusive, le débouté la société Marcet de sa demande relative à la reprise du stock et la société BASF Coatings de sa demande d'indemnisation pour concurrence déloyale; L'infirme pour le surplus; Et statuant à nouveau; Condamne la société BASF Coatings à payer à la société Etablissements Marcet la somme de 200 000 euro à titre de dommages-intérêts pour brusque rupture du préavis; Condamne la société Marcet à payer à la société BASF Coatings la somme de 67 269,98 euro avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2001 et dit que les intérêts dus pour au moins une année entière se capitaliseront à compter du 12 décembre 2001 et produiront eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil; Y ajoutant; Déboute la société BASF Coatings de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; Condamne la société BASF Coatings aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP Lemal et Guyot, avoué; La condamne également à payer à la société Etablissement Marcet la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.