CA Bourges, ch. civ., 7 décembre 2005, n° 03-01940
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Formuplast (SARL), Ateliers de Beaulieu (SA), Plasti-Tremp (SAS)
Défendeur :
Synthène (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Magdeleine
Conseillers :
M. Lachal, Mme Ladant
Avoués :
Me Le Roy des Barres, Tracol
Avocats :
Mes Gerigny, Roume
Exposé du litige
La SA Synthène exerce dans la chimie pour les polyuréthanes, les détergents et les plastisols, le métier de "formulateur" consistant à élaborer des formules adaptées aux besoins de "transformateurs" et à leur livrer un produit prêt à l'emploi pour la fabrication de tout ou partie d'objets solides répondant à des propriétés spécifiques, par exemple la dureté, l'aspect, la couleur, le prix...
Le formulateur ne vend pas, sauf exception, ses formules qui restent confidentielles y compris pour son client, transformateur.
Les plastisols sont fabriqués à partir d'une dispersion stable de fines particules de polychlorure de vinyle désigné par l'abréviation issue de l'anglais PVC, dans un plastifiant qui est un liquide visqueux. Ces deux produits chauffés à 180-250° fusionnent pour former une masse homogène qui devient solide sans perte de poids et sans changement notable. Les plastisols comprenant de nombreux additifs (plastifiants secondaires-stabilisants-pigments et colorants ...) ont des applications multiples (revêtement du manche d'un outil-poignées-gants-joints-prothèse-tissus-toiles-ballons-poupées...) et répondent donc à des cahiers des charges précis et mettent en œuvre les connaissances de la rhéologie (branche de la physique qui étudie la viscosité, la plasticité, l'élasticité et l'écoulement de la matière).
Le 9 janvier 1989, Synthène a embauché au sein de son laboratoire de recherches un aide-chimiste, M. Denis Pierlay, âgé de 20 ans, qui est devenu responsable de projets jusqu'à son départ le 25 août 2000 à la suite de sa démission intervenue le 25 mai 2000.
Synthène ayant noté que peu après le départ de M. Pierlay, deux clients importants avec lesquels elle réalisait un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 300 000 euro, à savoir la SA Ateliers de Beaulieu et la SAS Plasti-Tremp, ne se fournissaient plus chez elle en plastisols, a appris que son ancien salarié avait été embauché le 11 septembre 2000 par la SARL Formuplast exerçant l'activité de formulateur, créée en mai 2000 par les dirigeants de ses clientes infidèles et qui, en quelques mois, a été en mesure de livrer des plastisols aux Ateliers de Beaulieu et à Plasti-Tremp.
Procédure :
Synthène estimant que M. Pierlay avait divulgué ses formules à son concurrent, a assigné Formuplast devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Nevers pour obtenir la désignation d'un expert. Le juge des référés a débouté Synthène de ses prétentions:
La société Synthène a ensuite assigné au fond Formuplast, les Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en considérant que les agissements de ces trois sociétés relèvent de la concurrence déloyale;
Vu le jugement rendu le 12 novembre 2003 par le Tribunal de commerce de Nevers qui a, pour l'essentiel:
- dit qu'il y a bien eu concurrence déloyale entraînant pour Synthène un préjudice qui doit être réparé,
- dit que les sociétés Formuplast, Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp en sont solidairement responsables,
- condamné solidairement les sociétés Formuplast, Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp à payer à Synthène la somme de 298 095 euro à titre d'indemnité compensatrice, avec intérêts au taux légal à dater du prononcé du présent jugement,
- condamné solidairement les sociétés Formuplast, Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp à payer à Synthène la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire.
Les sociétés Formuplast, Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp ont relevé appel de cette décision.
Vu l'arrêt avant-dire droit de cette cour en date du 2 février 2004 désignant M. Fraissard en qualité d'expert judiciaire.
Vu le rapport d'expertise déposé le 13 mai 2005 au greffe de la cour,
Vu les conclusions signifiées le 31 août 2005 par les sociétés appelantes qui après avoir rappelé que l'action en concurrence déloyale ne saurait avoir pour effet de porter atteinte à la liberté de la concurrence et à la liberté du travail et ne saurait non plus être un substitut à l'action en contrefaçon spécialement pour les formules de fabrication qui ne sont ni protégées ni protégeables, précisent que seuls pourraient être retenus comme fautifs, la divulgation de secrets de fabrique ou le détournement de documents confidentiels de l'entreprise, la preuve certaine de faits fautifs étant à la charge du demandeur à l'action.
Les appelantes s'étonnent que M. Pierlay, visé par les accusations de Synthène, n'ait pas été cité devant le conseil de prud'hommes et critiquent l'expert judiciaire, qui se serait affranchi de sa mission en ne décrivant pas les plastisols fabriqués par les sociétés Synthène et Formuplast, en n'ayant pas vérifié leurs formules qu'il n'a ni analysées, ni comparées, se bornant à critiquer de manière superficielle les dires des parties, en n'évaluant pas le temps de recherches nécessaire à l'élaboration des formules et en procédant à une évaluation subjective du préjudice.
Les Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp exposent plus particulièrement qu'elles étaient les clientes de Synthène et ne se trouvaient pas en situation de concurrence et qu'elles pouvaient donc librement changer de fournisseur ou même susciter la création d'une entreprise concurrente, ce qu'elles ont fait dès 1998 en étudiant la faisabilité d'une telle création et que l'on ne saurait leur reprocher comme le fait l'expert Fraissard d'avoir accepté d'apporter un soutien logistique à Formuplast et d'avoir sollicité des devis pour les prix des matières premières, avant même l'embauche de M. Pierlay.
Selon les trois sociétés appelantes, Synthène ne rapporte pas la preuve que son ancien salarié a détourné les formules alors qu'il est établi que celui-ci ne les a ni imitées ni copiées servilement ainsi que l'expert judiciaire a été obligé d'en convenir.
Il serait de surcroît établi selon elles que:
- tous les plastisols, à travers le monde, sont analogues et que tous les composants utilisés sont connus de tous les techniciens qui les mettent en œuvre puisqu'ils sont publiés dans des ouvrages,
- la fabrication de plastisols ne nécessite pas la compétence d'un chimiste hautement qualifié puisque la société Synthène n'en employait aucun dans son département plastisols,
- les équipements techniques utilisés par les deux formulateurs ne sont pas sophistiqués,
- le nombre de formules créées par Formuplast au début de son activité étant limité à 4 pour atteindre 9 en fin d'année 2001, M. Pierlay disposait du temps nécessaire,
- les formules étaient différentes du fait de l'utilisation de pâtes pigmentées achetées prêtes à l'emploi au lieu de pâtes colorées élaborées,
- les composants n'avaient pas tous les mêmes natures chimiques, ne provenaient pas tous des mêmes fournisseurs,
- les paramètres de transformation étaient différents puisqu'un gain de productivité était recherché.
Les sociétés appelantes soutiennent enfin que la preuve d'un lien de causalité avec le préjudice n'est pas rapportée dans la mesure où Synthène pratiquait des prix très élevés et que les sociétés Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp étaient condamnées à changer de fournisseur, sauf à disparaître, pour solliciter l'infirmation de la décision déférée et la condamnation de Synthène à leur verser des dommages et intérêts, la brutalité et la rapidité de l'exécution forcée ayant manifestement eu pour but de les pousser au dépôt de bilan.
Vu les conclusions de la société Synthène déposées le 19 août 2005 qui s'appuyant sur les conclusions de l'expert judiciaire, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé les Ateliers de Beaulieu - Plasti-Tremp et Formuplast coupables de concurrence déloyale et l'infirmation sur le préjudice par l'allocation de la somme de 996 047 euro à titre de dommages et intérêts et subsidiairement que soit retenu le montant de 383 030 euro fixé par l'expert judiciaire.
Vu les demandes et les moyens contenus dans ces écritures.
Sur ce, LA COUR,
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision entreprise et aux conclusions déposées;
Attendu qu'il sera simplement rappelé que l'action en concurrence déloyale fondée sur l'article 1382 du Code civil ne saurait avoir pour effet de porter atteinte à la liberté de la concurrence et à la liberté du travail;
Que celui qui agit en concurrence déloyale doit rapporter la preuve d'un acte de concurrence fautif, d'un préjudice et d'un lien de causalité;
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que les formules de plastisols mises au point par Synthène n'étaient pas protégées et que le contrat de travail de M. Pierlay ne comportant pas de clause de non-concurrence, il ne peut lui être fait reproche ni de valoriser l'expérience acquise au service de Synthène ni de chercher à progresser.
La critique de l'expertise judiciaire
Attendu que personne ne peut sérieusement contester la compétence, l'indépendance, l'objectivité et la neutralité du Professeur J. Fraissard, expert près la Cour d'appel de Paris et expert agréé par la Cour de cassation; que les conclusions contradictoires des experts privés, viennent nécessairement au soutien d'une thèse et ne peuvent pas être assorties des mêmes qualités;
Attendu que M. Fraissard, commis par décision du 2 février 2004, a réuni les parties et leurs conseils dans un lieu neutre le 26 mars 2004, s'est rendu dans les locaux de la société Synthène le 1er juillet 2004 et dans ceux de la société Formuplast le 19 juillet 2004 où il a, à chaque fois, visité les laboratoires et organisé à l'issue une table ronde au cours de laquelle chaque partie a défendu son point de vue;
Attendu que si l'on peut regretter le caractère tardif du dire du 9 mai 2005, déposé par Maître Roume, conseil de Synthène, avec annexé un rapport de M. Rosset du même jour, ces documents auxquels les sociétés appelantes n'ont pas pu rétorquer, ne font que répondre au dire de Maître Gerigny du 22 mars 2005 et aux avis de MM. Rochas et Michel et n'ont pas modifié le rapport de l'expert judiciaire qui a été clôturé le 10 mai 2005 et dont les conclusions se situent dans la continuité du pré-rapport déposé le 29 janvier 2005;
Que M. Fraissard a d'ailleurs expliqué dans une lettre d'envoi de son rapport qu'il avait annexé le dire de Synthène sans le discuter;
Qu'il échet de constater par ailleurs que l'avoué des sociétés appelantes a saisi à plusieurs reprises le conseiller de la mise en état (lettres de Maître Le Roy des Barres des 22 mars et 9 mai 2005) pour exiger le dépôt du rapport d'expertise et que M. Fraissard était tenu de clôturer ses opérations en l'état;
Attendu en définitive que les sociétés appelantes étant en mesure de discuter devant la cour les moyens et arguments tardifs déposés par Synthène, le principe de la contradiction a été respecté;
Attendu que si M. Fraissard s'est affranchi de décrire l'ensemble des plastisols fabriqués par Synthène et Formuplast et n'a pas personnellement procédé à des analyses, il convient de relever que M. Rochas, conseil de Formuplast, dans un premier rapport a choisi 9 plastisols fabriqués par sa cliente pour les comparer à certains produits élaborés par Synthène, que M. Rochas s'est expliqué sur ces choix dans son rapport en annexe n° 8 et a élargi la comparaison à un nombre plus important de plastisols (annexe 10);
Que Synthène a répondu aux travaux de M. Rochas sans que jamais la composition exacte des produits considérés soit discutée; que dans un souci d'économie et de rapidité, l'expert judiciaire n'a pas estimé utile de refaire personnellement les analyses;
Que c'est à tort que les appelantes critiquent la méthode de l'expert qui en définitive a repris à son compte les travaux de leur expert privé qui n'étaient pas contestés par la partie adverse quant à la composition exacte des plastisols concernés;
Attendu en définitive que les critiques concernant la méthode suivie par l'expert judiciaire ne sont pas justifiées et la qualité de son travail ne peut pas être sérieusement remise en cause alors que les parties ont à tour de rôle retardé voire entravé les opérations d'expertise, ce dont M. Fraissard a rendu compte au conseiller de la mise en état (lettres des 9 août et 4 novembre 2004-du 5 mai 2005);
Les conclusions de l'expert judiciaire:
Attendu que M. Fraissard a pris en compte les principaux points suivants:
- M. Pierlay a été engagé le 11 septembre 2000 par Formuplast et entre le 11 septembre et fin décembre 2000, il a mis au point diverses formules de plastisols à l'origine exclusivement destinés aux Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp, ces deux sociétés étant les deux principaux transformateurs pour lesquels il travaillait quand il était salarié de Synthène. Les deux transformateurs précités ont alors cessé d'être clients de Synthène,
- la liste des plastisols spécifiquement préparés par M. Pierlay pour les Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp ainsi que les tonnages et les chiffres d'affaires se trouvent dans le rapport de M. Rosset du 13 septembre 2004 et démontrent que M. Pierlay connaissait parfaitement la composition des plastisols nécessaires à ces deux transformateurs,
- Synthène qui est l'un des leaders français des plastisols, ne fait pas breveter ses formules en raison du prix des brevets et surtout parce que le brevet impose la révélation des caractéristiques du produit,
- M. Sehnal a reproché à M. Pierlay d'avoir emporté la documentation sur la colorimétrie correspondant au stage qu'il avait effectué lorsqu'il était chez Synthène,
- dans le laboratoire Formuplast : présence d'appareils anciens et récents, les anciens ont été fournis par les Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp,
- la société Formuplast a été créée le 15 mai 2000 par les PDG des Ateliers de Beaulieu et de Plasti-Tremp, même si l'idée de cette création est plus ancienne, afin de diminuer les prix de revient et résister à la concurrence. M. Pierlay devait rationaliser les formules en diminuant le nombre de leurs composants,
- M. Pierlay a fourni à l'expert, divers documents, entre autres des factures et des cahiers de laboratoire, ces derniers malheureusement inexploitables tant ils sont désordonnés et brouillons,
- M. Pierlay a toujours affirmé avoir établi pour Formuplast de nouvelles compositions de plastisols, réalisé de nombreux essais parfois infructueux mais les trois carnets de laboratoire sont inexploitables (presque illisibles, sans date à quelques rarissimes exceptions). L'expert est surpris de trouver dans le dossier fourni par M. Pierlay des demandes d'informations faites alors qu'il était encore en période de préavis, certaines demandes de prix portant sur des quantités de plusieurs tonnes, ce qui est surprenant pour des essais, même si les prix sont ainsi plus faibles et si certains produits sont des bases classiques des plastisols,
- M. Pierlay a passé des commandes en grandes quantités dès sa prise de fonctions (septembre-octobre 2000)- parmi les produits commandés, plusieurs sont des produits utilisés par Synthène et commandés au même fournisseur. Il fallait que M. Pierlay soit sûr de sa formulation même s'il a fait certains essais. C'est parce qu'il connaissait parfaitement à partir de ses études chez Synthène, les caractéristiques des produits nécessaires aux Ateliers de Beaulieu et à Plasti-Tremp qu'il a pu les fournir aussi rapidement (dès le mois de novembre 2000),
- sur les analyses réalisées par M. Rochas, conseil de Formuplast, M. Fraissard constate que les concentrations des composants principaux PVC, plastifiants et liquéfiants sont très voisines. Il estime que si M. Pierlay n'a pas préparé des plastisols ayant exactement les mêmes compositions que ceux de Synthène, il a pu obtenir rapidement des plastisols similaires quant aux propriétés principales en changeant des composants ayant les mêmes propriétés et en faisant varier un peu quelques concentrations. Les formules obtenues ne sont pas identiques mais elles sont totalement inspirées de ses travaux antérieurs,
- répondant principalement aux dires de M. Michel, l'expert judiciaire estime que si M. Pierlay a changé de fournisseur pour le PVC par exemple, un fabricant important comme Hydro Polymers, est à même de fournir dans sa large gamme, celui qui répond exactement aux exigences du client,
- selon l'expert, M. Pierlay avait au moins au début la charge de nombreuses autres tâches et s'étonne que dans un rapport de M. Rochas, il soit fait état des moyens très importants mis à la disposition de M. Pierlay alors qu'il avait compris le contraire lors de sa visite du laboratoire;
Attendu qu'à partir de ces données, l'expert judiciaire conclut de façon claire et nette que M. Pierlay a préparé tout seul, en un temps record, des plastisols de qualité et atteint un degré de production élevé, en utilisant ses connaissances acquises chez son ancien employeur, même si les caractéristiques des plastisols ainsi synthétisés ne sont pas des copies conformes de ceux préparés chez Synthène pour ces mêmes clients. Les composants de ces produits ne proviennent pas tous des mêmes fournisseurs et ils n'ont pas tous le même nom, mais ils ont des fonctions identiques;
Attendu que contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, le rapport d'expertise judiciaire qui rejoint l'analyse faite par les premiers juges, établit l'existence des actes de concurrence déloyale;
Que si Formuplast recherche un gain de productivité en utilisant des pâtes pigmentées achetées prêtes à l'emploi au lieu de pâtes colorées élaborées et si les composants n'avaient pas tous les mêmes caractéristiques chimiques, ne provenaient pas des mêmes fournisseurs et étaient présents dans des ratios différents, si les équipements techniques utilisés par Synthène et par Formuplast ne sont pas sophistiqués et ne demandent pas la compétence d'un chimiste hautement qualifié, la preuve du pillage des secrets de fabrication par Formuplast est suffisamment rapportée et constitue un comportement fautif imputable à Formuplast;
Qu'en particulier si les PDG des sociétés Ateliers de Beaulieu et à Plasti-Tremp avaient depuis plusieurs années le projet légitime de se passer des services de Synthène pour réduire leur coût, la concomitance de la création de Formuplast avec l'embauche de M. Pierlay et la rapidité avec laquelle celui-ci a pu mettre au point les formules de plastisols et en assurer la production, ne laisse aucun doute sur le fait que M. Pierlay a détourné, au bénéfice des appelantes, le savoir-faire obtenu par son ancien employeur après de nombreuses années de recherches et d'investissements coûteux;
Que M. Pierlay n'a même pas été en mesure de justifier de ses travaux, essais et recherches pour le compte de Formuplast en fournissant des cahiers de laboratoire probants; que les documents fournis qualifiés d'inexploitables, illisibles, sans date ... par l'expert judiciaire, qui sur ce point précis n'a pas été contredit, suffit à démontrer le caractère fautif du comportement de Formuplast;
Que la cour adoptant les motifs pertinents et exacts retenus par le tribunal de commerce et homologuant le rapport d'expertise judiciaire, confirme la décision déférée sur ce point;
Sur les responsabilités des Ateliers de Beaulieu et de Plasti-Tremp:
Attendu que si les deux personnes morales précitées sont différentes des personnes physiques qui les dirigent et qui sont à l'origine de la création de Formuplast et si ces deux transformateurs étaient libres de changer de fournisseur, force est de constater que la société Formuplast a, à l'origine, été créée exclusivement pour leurs besoins et dans leur intérêt;
Que les Ateliers de Beaulieu et Plasti-Tremp ont fourni du matériel et l'une d'elle a prêté un local nécessaire au démarrage de l'activité de Formuplast;
Que les premiers juges ont également constaté à bon droit, les liens étroits existant entre ces trois sociétés pour dire qu'elles doivent être solidairement déclarées responsables de l'acte de concurrence déloyale commis au préjudice de Synthène ; que la décision sera également confirmée de ce chef;
Sur le préjudice et le lien de causalité
Attendu que les prétentions de la société Synthène d'obtenir le paiement d'une somme de 996 047 euro en réparation de son préjudice calculé par le recoupement de trois méthodes qui consistent à tenir compte du développement des formules, du coût horaire moyen de laboratoire ou du développement des formules, du coût horaire moyen de laboratoire ou de la vente du savoir-faire sur la base de la disparition du chiffre d'affaires, ne tiennent pas compte des réalités économiques et du fait que Synthène ne rapporte pas la preuve en particulier que ses anciennes clientes étaient tenues par "une négociation qui s'établissait à 3 ans de chiffre d'affaires avec contractualisation d'une obligation de confidentialité et de non-concurrence par l'acheteur" ;
Qu'en l'état des pièces versées au débat, rien n'interdisait aux Ateliers de Beaulieu et à Plasti-Tremp de changer de fournisseur de plastisols ; que bien plus les sommes réclamées aux appelantes sont sans lien direct avec les fautes retenues qui ont certes permis à Formuplast de gagner du temps et aux transformateurs de cesser brutalement leurs commandes, sans toutefois atteindre le délai de trois ans que Synthène prend en compte pour former ses demandes;
Que surtout si le chiffre d'affaires de Synthène était de l'ordre de 8 000 000 euro, celui réalisé avec les sociétés appelantes était de l'ordre de 300 000 euro, ce qui relativise les conséquences de la perte de ces deux clientes pour Synthène;
Attendu que l'expert judiciaire retient pour sa part la disparition du chiffre d'affaires pendant deux ans, période qui selon lui aurait pu correspondre à une clause de non-concurrence pour ce type de produit, mais en appliquant une méthode de calcul très aléatoire et approximative, qui ne peut pas être entérinée par la cour;
Attendu par contre que la démonstration qui est faite par les premiers juges à partir de la pièce 26 de Synthène (cotation première instance) est au plus proche de la réalité tant en ce qui concerne la perte de chiffre d'affaires que la marge brute et aboutit à un préjudice de 298 095 euro, en estimant qu'en l'absence de concurrence déloyale, Formuplast aurait mis deux ans à provoquer la chute d'activité constatée par Synthène;
Que les premiers juges ayant fait une exacte appréciation du préjudice de Synthène, leur décision sera également confirmée sur ce point;
Sur les autres demandes
Attendu que les sociétés Formuplast, Plasti-Tremp et Ateliers de Beaulieu qui succombent seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts et d'indemnités de procédure; qu'elles devront verser ensemble la somme de 3 000 euro à la société Synthène sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré, conformément à la loi. Déclare les appels recevables mais non fondés, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 12 novembre 2003 par le Tribunal de commerce de Nevers, Y ajoutant, Condamne les sociétés Formuplast, Plasti-Tremp et Ateliers de Beaulieu à verser à la société Synthène la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires, Condamne les sociétés Formuplast, Plasti-Tremp et Ateliers de Beaulieu aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.