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Décisions

CA Bordeaux, 5e ch., 6 juin 2005, n° 04-04339

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Du Pont de Nemours (SAS)

Défendeur :

Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés, GFA du Château Cantegric, Charlassier (EARL), Château Lamothe (SCI), GAEC de la Tonnelle, Lartigue, De Muret (SCA), Tiffon (Epoux), Société civile Les grands crus réunis (Sté), Lamarque, Pommeraud, Salellas (SA), Société d'approvisionnement des deux rives, Etablissements Vias et Fils (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaboriau

Conseillers :

Mmes Coll, Gillet

Avoués :

SCP Michel Puybaraud, SCP Fournier, SCP Rivel & Combeaud, SCP Michel Puybaraud

Avocats :

Mes Viollet, Martin, Detre, Bellaiche, Veyssière

TGI Bordeaux, du 29 juin 2004

29 juin 2004

L'ADAPEI, le GEA du Château Cantegric, l'EARL Charlassier, la SCI du Château Lamothe, le GAEC de La Tonnelle, Monsieur Jean-Claude Lartigue, la SCA du Muret, Monsieur Albert Tiffon, Madame Jeanne Tiffon, la société civile Les Grands Crus Réunis, Madame Danielle Lamarque et Monsieur Jean-François Pommeraud, propriétaires et exploitants de vignobles dans les appellations Haut-Médoc et Pauillac pour onze d'entre eux et dans l'appellation Premières Côtes de Blaye pour le dernier ont tous traité leurs vignes au cours des mois de juillet et août 2001 avec un produit anti-mildiou dénommé "Equation Pro" fabriqué par la SA Dupont de Nemours et distribué par la SA Salellas, la Société d'approvisionnement des Deux Rives et la société Etablissement Vias et Fils.

Ayant constaté quelques jours après l'application de ce produit, un brunissement du feuillage suivi d'une défoliation importante ou totale, un défaut de maturité des baies consécutif à la chute des feuilles et un retard ou un défaut d'aoûtement de certains bois avec des conséquences vraisemblables sur la qualité du vin, les intéressés qui imputaient ces dommages à l'action d'Equation Pro ont obtenu la désignation d'un expert par quatre ordonnances de référé du 1er, 15, 29 octobre et 5 novembre 2001.

Monsieur Bernard Granchamp, ingénieur agronome, oenologue, a été désigné en cette qualité d'expert et a déposé son rapport le 27 octobre 2003.

Par acte d'huissier du 16 avril 2004, les intéressés ont fait assigner à jour fixe devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux la SA Dupont de Nemours, la SA Salellas, la Société d'approvisionnement des Deux Rives et la société des Etablissements Vias et Fils aux fins de voir retenir leur responsabilité dans le sinistre ayant affecté leurs vignobles à la suite de l'utilisation du produit "Equation Pro" et d'obtenir réparation de leur entier préjudice.

Ils ont fondé leur action sur les dispositions :

- des articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil organisant la responsabilité du producteur en présence d'un défaut du produit,

- des articles 1147, 1641 et 1604 du Code civil en raison d'un manquement à l'obligation d'information de la SA Dupont de Nemours et de ses trois distributeurs concernés, en raison du vice caché qui a rendu le produit "Equation Pro" impropre à l'usage auquel il était destiné et enfin d'un manquement à leur obligation de délivrance en ne fournissant pas un produit en tout point conforme au but recherché, c'est-à-dire apte à prémunir leurs vignobles d'une attaque du mildiou.

Par jugement du 29 juin 2004, le Tribunal de grande instance de Bordeaux a rendu sa décision conformément au dispositif suivant :

"Dit que la société Dupont de Nemours et la société des Etablissements Vias et Fils sont tenues in solidum à la garantie des vices cachés à raison du produit Equation Pro vendu à Monsieur Jean-François Pommeraud.

Dit que la société Dupont de Nemours et la société d'approvisionnement des Deux Rives sont tenues in solidum à la garantie des vices cachés au titre du produit vendu à la société Les Grands Crus Réunis.

Dit que la société Dupont de Nemours et la société Salellas sont tenues in solidum à la garantie des vices cachés au titre du produit vendu aux autres demandeurs.

Déclare la société Dupont de Nemours responsable sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil des dommages causés aux vignobles des demandeurs du fait de l'application en 2001 de son produit Equation Pro.

Dit que la société Dupont de Nemours et la société des Etablissements Vias et Fils seront tenues in solidum au paiement de la somme de 2 881,29 euro (deux mille huit cent quatre vingt un euro vingt neuf) envers Monsieur Pommeraud.

Dit que la société Dupont de Nemours et la Ssociété d'approvisionnement des Deux Rives seront tenues in solidum au paiement de la somme de 2 462,05 euro (deux mille quatre cent soixante deux euro cinq) envers la Société Civile Les Grands Crus Réunis.

Dit que la société Dupont de Nemours et la société Salellas seront tenues in solidum au paiement des sommes de :

- 596,33 euro (cinq cent quatre vingt seize euro trente trois) envers l'Association ADAPEI Château Villambis,

- 420,94 euro (quatre cent vingt euro quatre vingt quatorze) envers le GFA du Château Cantegric,

- 210,38 euro (deux cent dix euro trente huit) envers L'EARL Charlassier Château Beyzac,

- 2 012,33 euro (deux mille douze euro trente trois) envers la SCI Château Lamothe,

- 1 006,16 euro (mille six euro seize) envers le GAEC La Tonnelle,

- 701,57 euro (sept cent un euro cinquante sept) envers Monsieur Jean-Claude Lartigue,

- 876,58 euro (huit cent soixante seize euro cinquante huit) envers la SCA du Muret,

- 280,63 euro (deux cent quatre vingt euro soixante trois) envers Monsieur Albert Tiffon,

- 771,93 euro (sept cent soixante et onze euro quatre vingt treize) envers Madame Jeanne Tiffon.

Dit que la société des Etablissements Via et Fils, la société Salellas et la Société d'approvisionnement des Deux Rives seront relevées et garanties des condamnations prononcées contre elles par la société Dupont de Nemours.

Dit que la société Dupont de Nemours devra payer en réparation du préjudice causé par un défaut de son produit :

- à l'ADAPEI la somme de 340 028,93 euro (trois cent quarante mille vingt huit euro quatre vingt treize),

- au GFA Château Cantegric la somme de 26 978,15 euro (vingt six mille neuf cent soixante dix huit euro quinze),

- à l'EARL Charlassier Château Beyzac la somme de 19 304,43 euro (dix neuf mille trois cent quatre euro quarante trois),

- à la SCI Château Lamothe, la somme de 719 263,49 euro (sept cent dix neuf mille deux cent soixante trois euro quarante neuf),

- au GAEC La Tonnelle, la somme de 267 341,94 euro (deux cent soixante sept mille trois cent quarante et un euro quatre vingt quatorze),

- à Monsieur Jean-Claude Lartigue la somme de 20 960,06 euro (vingt mille neuf cent soixante euro six),

- à la SCA de Muret la somme de 185 786,08 euro (cent quatre vingt cinq mille sept cent quatre vingt six euro huit),

- à Monsieur Albert Tiffon la somme de 94 279,13 euro (quatre vingt quatorze mille deux cent soixante dix neuf euro treize),

- à Madame Jeanne Tiffon, la somme de 162 365,31 euro (cent soixante deux mille trois cent soixante cinq euro trente et un),

- à la SCI Les Grands Crus Réunis la somme de 18.418,45 euro (dix huit mille quatre cent dix huit euro quarante cinq),

- à Madame Lamarque, la somme de 361,77 euro (trois cent soixante et un euros soixante dix sept),

- à Monsieur Jean-François Pommeraud la somme de 206 245,08 euro (deux cent six mille deux cent quarante cinq euro huit).

Dit que ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication du présent jugement.

Dit que la société Dupont de Nemours sera tenue au paiement d'une somme de 10 000 euro (dix mille euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile envers les demandeurs.

Rejette les autres demandes relatives à I'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dit que la société Dupont de Nemours sera tenue aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

Vu l'appel interjeté contre cette décision par la SA Dupont de Nemours le 9 août 2004,

Vu les conclusions de l'appelante en date du 15 février 2005.

Vu les conclusions d'intimée de la SA Etablissements Vias et Fils en date du 16 novembre 2004,

Vu les conclusions d'intimées de la SA Salellas et de la SA SA2R (Société d'approvisionnement des Deux Rives) en date du 30 novembre 2004,

Vu les conclusions d'intimées :

- de l'Association Départemental des Amis et Parents d'Enfants Inadaptés (ADAPEI Gironde)

- du Groupement Foncier Agricole du Château Cantegric (GFA Château Cantegric),

- de l'EARL Charlassier,

- de la société civile immobilière du Château Lamothe,

- du Groupement Agricole d'Exploitation en commun reconnu de La Tonnelle (GAEC de La Tonnelle),

- de Monsieur Jean-Claude Denis Lartigue.

- de la société civile agricole de Muret (SCA de Muret),

- de Monsieur Albert Tiffon,

- de Madame Jeanne Tiffon,

- de la Société Civile Les Grands Crus Réunis (SC Les Grands Crus Réunis),

- de Madame Danielle Deles épouse Lamarque,

- de Monsieur Jean-François Pommeraud,

En date du 2 février 2005,

Vu l'ordonnance de clôture du 11 mars 2005.

La cour demeure saisie du litige dans les mêmes termes et sur les mêmes fondements juridiques qu'en premier ressort.

* Sur la responsabilité de la SA Dupont de Nemours du fait des produits défectueux.

1) En droit

Il résulte des dispositions de la loi du 19 mai 1998 prise en application de la directive européenne du 25 juillet 1985 et codifiée sous les articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil,

- que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit (article 1386-1 du Code civil),

- que ces dispositions s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte notamment à un bien autre que le produit défectueux lui-même (article 1386-2 du Code civil),

- qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation (article 1386-4 du Code civil).

- que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage (article 1386-9 du Code civil).

2) En l'espèce:

Les demandeurs à l'action sont donc tenus de prouver:

- le dommage,

- le défaut,

- le lien de causalité entre les deux.

Ils font valoir pour cela :

Que selon les constatations de l'expert les 2 et 3 octobre 2001, non contestées par les parties, l'ensemble des parcelles traitées avec "Equation Pro" présente les mêmes symptômes à l'exception remarquable et systématique de situations ou pour diverses raisons, "Equation Pro" n'ayant pas été appliqué, les symptômes observés sur les parcelles traitées sont absents pour celles non traitées.

Que ces symptômes consistent en une défoliation plus ou moins intense des rameaux, une perte complète des feuilles au sommet des rameaux insuffisamment aoûtés et qui présentent sur la partie restée verte des ponctuations noirâtres anormales, que sur les feuilles demeurées en place on constate, avec une intensité variable un flétrissement accompagné de dessèchement d'une partie du limbe,

Que l'intensité des symptômes observés parait plus marquée sur :

- les vignes traitées plus d'une fois avec "Equation Pro",

- les vignes vigoureuses,

- les vignes jeunes,

- le cépage Cabernet Sauvignon comparé au Merlot.

Ils estiment en conséquence à partir du dommage constaté sur leurs vignobles traités avec "Equation Pro" et non observé sur les autres qu'il existe une corrélation certaine entre ce dommage et l'application du produit,

Que ce dommage ne peut s'expliquer que par la défectuosité du produit compte tenu de la systématisation des dégâts, que ce produit s'est révélé toxique et nocif contrairement à l'effet qui en était attendu contre le mildiou puisqu'il s'est révélé inefficace.

Que l'expert en l'absence de constatation de toute erreur dans l'application du produit, de toute incompatibilité avec les autres produits utilisés avant et après l'application d' "Equation Pro" a retenu qu'il existait sur un lien factuel entre l'utilisation du produit, les symptômes décrits et les dégâts constatés.

Que Monsieur Granchamp par rigueur scientifique, dans la mesure où il ne pouvait, en raison de la disparition accidentelle des végétaux recueillis, disposer d'analyses lui permettant de dégager avec une certitude suffisante la cause de ce dommage, a présenté ses conclusions sous formes d'hypothèses après avoir étudié les préconisations d'emploi recommandées par le fabricant et constaté une restriction des applications préconisées en vue d'un meilleur traitement contre le mildiou en concluant très justement :

"Finalement en l'état de nos investigations conduites dans le cadre de la présente mission d'expertise et même si un doute persiste quant à la possibilité d'établir un lien de causalité formel entre l'utilisation du produit "Equation Pro" par les demandeurs et l'apparition des symptômes décrits et la présence des dégâts constatés, nous croyons pouvoir conclure dans cette affaire que :

- les symptômes décrits et les dégâts constatés dans les vignes des demandeurs ont très probablement été dus à une perte d'efficacité du produit "Equation Pro" suite à l'apparition de souches de mildiou résistant à l'action normalement attendue de ce produit,

- cette perte d'efficacité constitue dès lors le lien de causalité le plus probable entre l'utilisation du produit "Equation Pro" et l'apparition des symptômes décrits et des dégâts constatés".

Que cette hypothèse correspond à la réalité des dégâts provoqués par l'application du produit défectueux, qui doit engager la totale responsabilité de la SA Dupont de Nemours.

Il convient, cependant, de relever :

Qu'à l'issue de ses constatations Monsieur Granchamp n'a jamais évoqué une attaque de mildiou sur les vignes traitées par application d' "Equation Pro".

Qu'il ne l'a retenu qu'à titre d'hypothèse dans ses conclusions,

Qu'il apparaît difficile de retenir, en effet que les vignes traitées par "Equation Pro" ont été atteintes par le mildiou alors que les vignes avoisinantes à proximité immédiate de ces parcelles, parfois, ne l'ont pas été,

Qu'il est utile pour s'en convaincre de reprendre les constations de l'expert, incontestées et incontestables page 7 du rapport.

- Château Lamothe GAEC de La Tonnelle, un traitement "Equation Pro" sur l'ensemble du vignoble le 17/8 redoublé le 27/8 sur certaines parcelles,

"Mêmes symptômes que ceux observés précédemment avec défoliations plus intenses et aoûtement des rameaux plus en retard ..."

"A noter remarquablement qu'une parcelle (lieudit La Bastide) n'a pas été traitée avec "Equation Pro" bien qu'ayant reçu les mêmes traitements tout au long de la campagne viticole : très bon état sanitaire...aucun des symptômes observés sur les parcelles traitées avec "Equation Pro"."

- pages 8 et page 9 les observations sont identiques pour le vignoble de Monsieur Albert Tiffon et de Madame Jeanne Tiffon, le Château Cantegric, le Château de Viliambis (ADAPEI) à propos duquel l'expert note un traitement "Equation Pro" sur l'ensemble du vignoble le 23/8 ; mêmes symptômes que ceux observés précédemment "à noter remarquablement que par suite d'un oubli, une partie d'une parcelle de Merlot (parcelle E 80) n'a pas été traitée : cette partie non traitée ne présente aucun des symptômes décrits".

Ce lien de causalité proposé par l'expert entre le dommage et l'application du produit "Equation Pro" n'est, cependant pas déterminant pour établir l'existence d'un produit défectueux.

Il apparaît, en effet, à la lecture des revues professionnelles produites par les parties, des écritures et de l'expertise :

Que le produit "Equation Pro" est très implanté sur le marché français, en tout cas connu des professionnels et couramment utilisé pour la lutte contre le mildiou,

Que selon l'appelante, en 2001, les superficies de vignobles traitées au produit "Equation Pro" ont été d'environ 200 000 ha dont à peu près 33 000 ha en région bordelaise et sur ces surfaces 188 ha 63 ares et 34 ca pour celles des intimés représentant 0,094 % de la totalité des surfaces traitées au cours de l'année 2001,

Que sans prendre à son compte ces données non véritables par elle, la cour constate, cependant, que les surfaces traitées en France par "Equation Pro" ont été importantes et n'ont pas subi des dégâts tels que relevés dans la présente espèce,

Que si tel avait été le cas, les revues professionnelles alertées par les associations et syndicats de viticulteurs l'auraient porté à la connaissance de la profession,

Que, donc, le phénomène des dégradations constatées est très limité,

Que Monsieur Granchamp a pu recenser auprès des demandeurs et des distributeurs parties à ce litige les lots d' "Equation Pro" utilisés par les viticulteurs concernés.

Qu'il a ainsi pu établir que sur les lots commerciaux utilisés et référencés, trois lots étaient encore disponibles sous forme d'emballages fermés et scellés sous les références suivantes :

- Oct 00 CE17

- Oct 00 CE 24

- Oct 00 CE 26

Que ces trois échantillons commerciaux ont été analysés par l'institut Européen de l'Environnement de Bordeaux en comparaison avec les mêmes trois lots provenant du stock de témoins de fabrication conservés par la SA Dupont de Nemours,

Que des analyses pratiquées sur les échantillons de produit "Equation Pro" non mises en cause par les parties, il ressort que la composition en matières actives des produits commerciaux livrés aux demandeurs est conforme à celle des témoins issus de la SA Dupont de Nemours et à la formule centésimale du produit résultant de son homologation en 1998,

Que cette conformité du produit doit être analysée au regard du produit homologué en 1998 et mis sur le marché depuis cette date sans que sa défectuosité ait été relevée,

Que de plus, Monsieur Granchamp après une étude in situ des procédés de production et de conditionnement du produit "Equation Pro" non contestée par les parties, a conclu très précisément "en l'état des investigations conduites sur les lots utilisés par les requérants, il n'y a pas eu d'erreur de formulation ni de mélange du produit "Equation Pro" avec un autre en cours de fabrication et de conditionnement".

Il résulte de l'ensemble de ces éléments :

Que le produit "Equation Pro" utilisé en juillet et août 2001 par les viticulteurs demandeurs à l'action était conformé à celui du produit témoin fourni par la SA Dupont de Nemours et à la formule centésimale du produit résultant de son homologation,

Qu'aucune erreur n'a pu être commise dans la formulation.

Qu'aucun mélange de produits n'a pu avoir lieu.

Que la défectuosité du produit "Equation Pro" ne peut être établie,

Que le lien entre le dommage et l'application du produit "Equation Pro" résulte de constatations et de présomptions insuffisamment probantes pour établir la défectuosité du produit au regard des analyses non contestées dudit produit parfaitement conforme au produit homologué en 1998 et dépourvu de nocivité ou de phytotoxicité.

Les dispositions de l'article 1386 alinéa 1 du Code civil ne peuvent, donc, recevoir application en l'espèce.

Au surplus, et même si le produit "Equation Pro" a perdu de son efficacité dans la lutte contre le mildiou, cette perte d'efficacité ne saurait être assimilée à une défectuosité du produit dont la composition et la structure n'ont pas été modifiées.

En tout état de cause, cette perte d'efficacité n'est pas en cause dans la réalisation du dommage des vignobles des demandeurs à l'action.

* Sur la responsabilité de la SA Dupont de Nemours et des distributeurs pour vice caché du produit "Equation Pro"

Conformément aux dispositions de l'article 1641 du Code civil "Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus".

En l'espèce, il est retenu par les demandeurs à l'action :

Que l'expert a relevé après l'examen des étiquettes d' "Equation Pro" donnant toutes infirmations sur les préconisations d'emploi, que l'évolution restrictive tant pour le nombre maximum d'applications que pour le nombre maximum de traitements consécutifs serait due selon lui à une prise en compte par la SA Dupont de Nemours d'un risque grandissant d'apparition de races résistantes de mildiou consécutivement à l'utilisation répétée de produits anti-mildiou à base de Famoxate parmi lesquels se trouve "Equation Pro", conduisant à une perte d'efficacité du produit,

Que cette analyse est corroborée par les notes d'avertissement émises par l'INRA en 2002 et par la décision de retrait des produits à base de Famoxate par le ministre de l'Agriculture en 2003.

Il convient, cependant, d'observer qu'en application des dispositions de l'article 1641 du Code civil le vice caché doit être inhérent à la chose elle-même.

En l'espèce, il ne peut être établi que le produit "Equation Pro" utilisé durant la campagne 2001 était défectueux d'une part, que son inefficacité était avérée sans intervention extérieure, d'autre part,

Qu'au contraire et ce n'est qu'une hypothèse de l'expert si le produit avait diminué d'efficacité, ce n'était qu'en certaines circonstances de lieux et de temps et en raison de l'apparition d'un mildiou résistant qui n'a fait son apparition qu'en 2001,

Qu'ainsi cette diminution d'efficacité n'était pas liée au produit lui-même mais à un phénomène extérieur qui rend inapplicables les dispositions de l'article 1641 du Code civil au cas d'espèce.

* Sur la responsabilité de la SA Dupont de Nemours et des distributeurs pour manquement aux obligations de délivrance et d'information

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le manquement aux obligations de délivrance et d'information invoqué par les demandeurs n'était pas établi, les produits livrés étant conformes aux spécifications de la commande et les vendeurs ayant normalement relayé les informations générales à caractère d'avertissement émises par le fabricant.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de réformer la décision déférée et de débouter les demandeurs à l'action de l'ensemble de leurs réclamations.

* Sur les demandes de remboursement de frais de procédure

Il apparaît justifié d'allouer en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

À la SA Dupont de Nemours une somme de 8 000 euro,

Aux SA Salellas et SA 2R une somme de 3 000 euro,

À la SA Etablissement Vias et Fils une somme de 3 000 euro,

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge des demandeurs à l'action qui succombent.

Par ces motifs, LA COUR, Vu l'expertise de Monsieur Bernard Granchamp, Vu les dispositions des articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil, 1604, 1641 et 1147 du Code civil, Réforme la décision déférée en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau : Déboute les demandeurs à l'action à savoir : l'ADAPEI, le GEA du Château Cantegric, l'EARL Charlassier, la SCI du Château Lamothe, le GAEC de La Tonnelle, Monsieur Jean-Claude Lartigue, la SCA du Muret, Monsieur Albert Tiffon, Madame Jeanne Tiffon, la société civile Les Grands Crus Réunis, Madame Danielle Lamarque et Monsieur Jean-François Pommeraud de leurs demandes, Les condamne à payer : - à la SA Dupont de Nemours la somme de 8 000 euro, - aux SA Salellas et SA 2R la somme globale de 3 000 euro, - à la SA Etablissement Vias et Fils la somme de 3 000 euro, En application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Les condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.