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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 10 mars 1993, n° 92-2208

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Castaillet (Epoux)

Défendeur :

Egea (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vielles

Conseillers :

M. Guers, Mme Minini

Avoués :

Mes Auche Hedou, Garrigue

Avocat :

Me Delsol

TGI Perpignan, 1re ch., 1re sect., du 28…

28 novembre 1991

Faits et procédure :

Le 14 octobre 1986, Henri Egea vendait à Henri Castaillet un véhicule d'occasion Audi 100.

Ce véhicule a été assuré au nom de Marie-Thérèse Castaillet, sans profession.

Le 1er octobre 1988, ce véhicule était accidenté à Tarbes.

Confié à un garagiste pour être réparé, ce technicien constatait que ce véhicule avait déjà été accidenté et n'avait pas été remis en état dans les règles de l'art.

Considérant que son vendeur l'avait trompé, Henri Castaillet a alors assigné en référé Henri Egea devant le Président du Tribunal de grande instance de Perpignan pour faire ordonner une expertise.

Ne contestant pas que le véhicule avait été accidenté mais avait été réparé par son frère, Jean-Claude Egea, Henri Egea a assigné celui-ci pour que l'expertise sollicitée lui soit déclarée commune.

Le juge de référés, par ordonnance du 27 avril 1989 a institué la mesure d'instruction demandée confiée à Monsieur Fernand Ferrer.

Cet expert a rempli sa mission et a déposé son rapport a clos le 20 mars 1990.

Il résulte de ce rapport que :

- le bas de caisse droit du véhicule a été monté avec des rivets pop ce qui constitue un type de montage défectueux car il n'a pas les propriétés mécaniques nécessaires pour renforcer la caisse,

- il existe d'importantes déformations au niveau du tablier avant, des doublures du tablier avant, du plancher de caisse et du tunnel du plancher de caisse,

- le plancher de caisse arrière, traverse arrière et doublures sont déformés,

- toutes ces déformations sont la conséquence d'un sinistre antérieur à celui survenu le 1er octobre 1988,

- Henri Egea savait que son véhicule avait été fortement accidenté du côté droit avant qu'il ne le vende à Henri Castaillet et il reconnaît la légèreté de réparations effectuées par son frère, Jean-Claude Egea,

- ce véhicule n'a pas été réparé dans les règles de l'art,

- pour rendre ce véhicule conforme aux normes, le coût des réparations s'élève à 23 300 F.

En l'état de ce rapport d'expertise, les époux Castaillet ont assigné Henri Egea et Jean-Claude Egea, par acte du 7 novembre 1990, devant le Tribunal de grande instance de Perpignan pour les faire condamner à leur payer la somme de 76 746,52 F en compensation des divers préjudices subis (réparations, frais de location d'un véhicule de remplacement, intérêts d'emprunt, outre 8 000 F à titre de dommages-intérêts et 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Le tribunal, par jugement du 28 novembre 1991, a :

- déclaré l'action des époux Castaillet à l'encontre d'Henri Egea recevable et bien fondée,

- condamné Henri Egea à leur payer la somme de 20 000 F à titre de réduction du prix, celle de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC et tous les dépens (frais d'expertise compris),

- condamné Jean-Claude Egea à garantir Henri Egea de toutes les condamnations susvisées,

- ordonné l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne l'article 700 du NCPC.

Les époux Castaillet ont relevé appel de ce jugement à l'encontre d'Henri Egea. Celui-ci a formé un appel provoqué contre Jean-Claude Egea. Bien que régulièrement assigné à personne, Jean-Claude Egea n'a pas constitué avoué. Il convient donc de statuer par arrêt réputé contradictoire.

Les époux Castaillet critiquent le jugement entrepris en ce qu'il a admis que si Henri Egea savait que son véhicule avait été accidenté, il était en droit de penser qu'il avait été correctement réparé par son frère, garagiste professionnel. Or, si tel était le cas, Henri Egea n'aurait eu aucune raison de passer délibérément sous silence l'accident dont il avait été victime et aurait été en mesure de fournir la facture des réparations effectuées par son frère. En fait, Henri Egea ne pouvait ignorer l'importance des dégâts subis par son véhicule et, par voie de conséquence, le caractère sommaire des réparations relevé par l'expert judiciaire. Dans ces conditions, Henri Egea connaissait les vices de son véhicule et, sur le fondement de l'article 1645 du Code civil, est tenu d'indemniser entièrement l'acheteur du préjudice souffert. Les époux Castaillet concluent donc à la réformation du jugement entrepris et demandent à la cour de condamner Henri Egea à leur payer la somme de 76 746 52 F (réparations, gardiennage, troubles de jouissance, intérêts d'un emprunt) outre celle de 8 000 F à titre de dommages-intérêts et de 6 000 F en application de l'article 700 du NCPC

Henri Egea résiste à cet appel en soutenant que n'étant pas un professionnel, il n'avait aucune raison de douter des compétences de son frère et pouvait donc en toute bonne foi considérer que le véhicule avait été parfaitement réparé et qu'il était exempt de tout vice en affectant l'usage. Par ailleurs, à titre subsidiaire, les dommages-intérêts réclamés pour privation de jouissance sont excessifs alors que le véhicule litigieux n'était pas affecté à l'usage professionnel d'Henri Castaillet puisqu'il était assuré au nom de l'épouse de celui-ci laquelle n'exerce aucune profession. Enfin, Jean-Claude Egea n'ayant pas relevé appel du jugement entrepris, il est acquis qu'il doit relever et garantir Henri Egea. Si la cour aggravait les condamnations prononcées contre celui-ci, il aurait lieu de condamner Jean-Claude Egea à le relever et garantir en faisant droit à son appel provoqué.

Jean-Claude Egea, sur l'appel provoqué d'Henri Egea, n'a pas constitué avoué.

Motifs de l'arrêt :

Attendu qu'en l'état de l'appel principal des époux Castaillet et de l'appel provoqué d'Henri Egea, le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il a décidé qu'Henri Egea était tenu de la garantie à raison des défauts cachés du véhicule par lui vendu aux époux Castaillet et que Jean-Claude Egea était tenu de relever et garantir Henri Egea des condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci par le premier juge ;

Que la discussion en appel porte donc sur le point de savoir si Henri Egea connaissait ou non les vices de son véhicule et, dans l'affirmative, sur le montant de l'indemnité à allouer aux époux Castaillet ainsi que sur l'étendue de la condamnation de Jean-Claude Egea à relever et garantir Henri Egea, le principe de cette obligation de garantie étant acquis ;

Attendu qu'Henri Egea ne conteste pas avoir su que son véhicule avait été accidenté avant qu'il ne le vende aux époux Castaillet ;

Qu'Henri Egea n'a pu ignorer la violence de cet accident qui a causé, selon les constatations de l'expert judiciaire, d'importantes déformations au niveau du tablier avant de son véhicule, des doublures du tablier avant, du plancher de caisse, du tunnel du plancher de caisse, de la traverse et des doublures ;

Qu'ayant confié son véhicule à un garagiste professionnel, en l'occurrence son frère Jean-Claude Egea, celui-ci n'avait aucune raison de ne pas l'informer de la gravité de ces dégâts et du coût élevé des réparations ;

Que l'expert judiciaire évalue ledit coût à une somme supérieure à 20 000 F ;

Qu'en fait Henri Egea a bien confié la réparation de son véhicule à son frère mais il ne produit pas la facture de travaux ;

Que la non-production de cette facture s'explique parce qu'elle ferait apparaître ce que l'expert judiciaire a constaté c'est-à-dire qu'il a été procédé à une réparation sommaire, le bas de caisse étant monté à l'aide de simples rivets pop sans que les règles de l'art soient respectées ;

Qu'ainsi, la réparation était peu coûteuse mais n'assurait pas la remise en état du véhicule litigieux ;

Qu'Henri Egea, par le simple rapprochement de la violence du choc et de l'importance des déformations subies par son véhicule avec le faible coût de réparations, ne pouvait ignorer les défauts cachés subsistants ;

Qu'il convient donc d'appliquer l'article 1645 du Code civil ;

Attendu que le véhicule d'occasion Audi 100 était assuré au nom de Marie-Thérèse Castaillet laquelle n'exerce pas de profession ;

Qu'il ne s'agissait donc pas d'un véhicule utilitaire ;

Que, compte tenu du coût des réparations, des frais de gardiennage et de la perte de jouissance, la somme de 45 000 F indemnisera complètement les époux Castaillet du préjudice subi ;

Qu'une somme de 5 000 F leur sera allouée sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

Attendu que les réparations exécutées par Jean-Claude Egea l'ont été de façon sommaire et sans respect des règles de l'art ;

Qu'il doit donc relever et garantir Henri Egea, sa responsabilité étant engagée en raison de la mauvaise exécution du contrat d'entreprise le liant à celui-ci ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire, Reçoit, en la forme, l'appel principal des époux Castaillet-Pairet contre Henri Egea et l'appel provoqué d'Henri Egea contre Jean-Claude Egea ; Au fond, réforme le jugement entrepris ; Condamne Henri Egea à payer aux époux Castaillet-Pairet la somme de quarante cinq mille francs (45 000 F), toutes causes de préjudice confondues ; Le condamne, en outre, à leur payer la somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise ; Condamne Jean-Claude Egea à relever et garantir Henri Egea de toutes ces condamnations ; Dit que les dépens d'appel seront recouvrés par Maître Auche Hedou, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.