CA Bordeaux, 1re ch. A, 25 octobre 2005, n° 04-02742
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sygma Banque (SA)
Défendeur :
Coste, Centre de confort et de mobilité (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Costant
Conseillers :
M. Sabron, Mme Larsabal
Avoués :
SCP Labory-Moussie & Andouard, SCP Arsene-Henry, Lancon
Avocats :
Mes Tonnet, Guyon-Lesprit, Veaux Pointivy, Court, Rhodius
Exposé du litige:
Contactée à son domicile par un représentant de la société Centre de confort et de mobilité. Madame Coste, personne âgée de 76 ans à mobilité réduite, a, selon bon de commande en date du 15 mai 2003, fait l'acquisition auprès de cette dernière d'un monte-escalier à commande électrique pour le prix de 6 160 euro, financé à hauteur de 6 400 euro par prêt consenti par la société Sygma Banque, le surplus, soit 2 760 euro étant réglé par chèque.
Le monte-escalier a été livré et installé le 16 juillet 2003.
Le 3 septembre 2003 a été établi un constat d'huissier au terme duquel l'officier ministériel constatait : "après m'être assis sur le fauteuil, avoir rabattu la protection avant, vérifié que la batterie de l'installation était chargée, lorsque je tourne la clé, le contact ne se fait pas"
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 10 septembre 2003 par la société venderesse, Madame Coste protestait contre le dysfonctionnement et la dangerosité de l'appareil.
Un technicien de la société intervenait à son domicile le 16 septembre 2003 et procédait au meulage du rail, Madame Coste ayant constaté des sauts au passage du dit rail au cours de la brève période de fonctionnement de l'appareil.
Les dysfonctionnements persistant, un technicien de la société intervenait à nouveau le 26 septembre chez Madame Coste, puis, celle-ci faisait procéder au démontage du monte-escalier qu'elle faisait livrer au siège de la SARL venderesse, laquelle refusait la livraison.
Le 16 octobre 2003, Madame Coste assignait la société Centre de confort et de mobilité devant le Tribunal d'instance d'Angoulême aux fins de voir résoudre la vente sur le fondement des vices cachés, et assignait parallèlement la société Sygma en résolution du contrat de prêt accessoire, laquelle société ne comparaissait pas devant cette juridiction.
Par jugement du 24 mars 2004, le Tribunal d'instance d'Angoulême ordonnait la jonction des procédures, procédait à la résolution de la vente sur le fondement du vice caché, condamnait la société Centre de confort et de mobilité à reprendre possession à ses frais du matériel vendu à Madame Coste, annulait le prêt consenti par la société Sygma Banque à Madame Coste, condamnait la société Centre de confort et de mobilité à payer à Madame Coste la somme de 500 euro à titre de dommages et intérêts, rejetait les demandes de cette société, ordonnait l'exécution provisoire et condamnait la société Centre de confort et de mobilité au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à Madame Coste ainsi qu'aux dépens.
La société Centre de confort et de mobilité et la SA Sygma Banque ont interjeté appel de cette décision dans des conditions de régularité non contestées.
Aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives du 8 septembre 2005, la société Centre de confort et de mobilité Practiconfort demande à la cour :
- de rabattre l'ordonnance de clôture rendue le 6 septembre 2005,
- de juger la demande en résolution de la vente infondée,
- de juger que c'est de manière intempestive que Madame Coste a procédé à l'enlèvement du matériel litigieux, se faisant ainsi justice à elle-même,
- de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Madame Coste.
- de la condamner au paiement de la somme de 9 600 euro correspondant au manque à gagner de la société Practiconfort, soit le prix de vente de l'appareil,
- de statuer ce que de droit sur les demandes de la société Sygma Banque.
- de dire néanmoins qu'en cas de condamnation de la société Practiconfort à rembourser à la Sygma Banque le montant accordé au titre du crédit, les intérêts légaux ne commenceront à courir qu'à compter du jour de la notification des conclusions d'appel de la société Sygma Banque, par application de l'article 1153 du Code Civil, étant à cet égard rappelé que la société Sygma Banque n'avait pas comparu en première instance,
- de condamner Madame Coste au paiement d'une somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et d'une indemnité de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions du 2 août 2005, la société Sygma Banque demande à la cour :
- de dire que Madame Coste ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché inhérent à la chose, antérieur à la vente,
- de dire n'y avoir lieu à annulation du contrat de vente et de l'offre préalable de crédit.
- à titre subsidiaire, en cas de confirmation, de condamner Madame Coste au paiement à la banque de la somme de 7 076,65 euro avec intérêt au taux de 5,50 % sur la somme de 6 646,13 euro à partir du 24 avril 2004 jusqu'au jour du règlement effectif,
- de condamner la SARL Centre de confort et de mobilité à garantir Madame Coste des sommes qu'elle sera condamnée à payer à la société Sygma Banque,
- en tant que de besoin, de dire que la société Sygma Banque pourra récupérer le versement des sommes directement auprès de la SARL Centre de confort et de mobilité en cas de défaillance de l'emprunteur,
- de condamner Madame Coste ou la SARL Centre de confort et de mobilité au paiement d'une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions du 6 septembre 2003, soit le jour de l'ordonnance de clôture, Madame Coste demande à la cour:
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- de dire et juger la société Sygma Banque irrecevable en ses nouvelles demandes à son encontre,
- subsidiairement de condamner la société Centre de confort et de mobilité à restituer à la société Sygma Banque l'ensemble des sommes qu'elle a reçu de cette dernière au titre de prêt annulé ainsi que la totalité des intérêts à valoir sur les dites sommes,
- de condamner en outre la société Centre de confort et de mobilité à la relever indemne de toutes les condamnations en principal, intérêts et frais qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société Sygma Banque,
- en toute hypothèse, de condamner la société Centre de confort et de mobilité à lui payer la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et en raison du caractère abusif de sa résistance.
- de condamner les appelants au paiement d'une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2005.
A l'audience, les parties ont fait part de leur accord pour sa révocation et son prononcé à la date de l'audience afin de tenir compte des conclusions postérieures.
Motifs:
Les appels sont recevables comme réguliers en la forme.
Il y a lieu, au vu de l'accord des parties, de révoquer l'ordonnance de clôture du 6 septembre 2005, d'ordonner la réouverture des débats et de prononcer une nouvelle ordonnance de clôture à la date de l'audience.
S'agissant de la recevabilité des demandes de la société Sygma Banque à l'encontre de Madame Coste, dans la mesure où cette société n'était pas représentée en première instance, ces demandes ne sauraient être considérées comme nouvelles et elles sont en conséquence recevables.
- Sur la résolution du contrat de vente
Au terme de l'article L. 211-1 du Code de la consommation, dans les contrats de consommation, les règles relatives à la garantie des vices cachés sont fixées par les articles 1641 à 1648 du Code civil.
En l'espèce, il importe de rappeler que le vendeur est un professionnel, et que l'acquéreur est une personne âgée de santé fragile et que le matériel acquis est précisément destiné à compenser les difficultés inhérentes à son âge et, que s'agissant d'un monte-escalier, il doit présenter toutes les garanties de sécurité et fiabilité et pouvoir être utilisé en permanence, sans que son utilisation soit soumise aux interventions intermittentes et répétées du vendeur.
En l'espèce, force est de constater que l'huissier a fait état de ce que le matériel ne fonctionne pas à la date du 3 septembre 2003, alors qu'il a été installé le 17 juillet 2003, que lors même de l'installation, le marche-pied ne fonctionnait pas, comme indiqué par l'installateur, qu'une première intervention du 16 septembre 2003 au cours de laquelle le réparateur, qui avait procédé à l'installation, a effectué un meulage, n'a pas permis d'assurer un fonctionnement satisfaisant de l'appareil, qui continuait à effectuer des soubresauts notamment au passage d'un rail à l'autre, lesquels étaient de nature à générer de l'angoisse pour Madame Coste, que lors d'une deuxième intervention du 26 septembre 2003, le même réparateur a constaté qu'il ne pouvait effectuer sur place la réparation, de sorte que l'appareil devait être enlevé pour être réusiné, ainsi qu'il ressort de l'attestation de Monsieur Xavier Martin, présent lors de la dite intervention ; dans ces conditions, il apparaît que l'appareil présentait un vice caché le rendant impropre à son usage, et il ne saurait être fait grief à Madame Coste d'avoir fait procéder à son enlèvement, par le réparateur de la société, ainsi qu'attesté toujours par Xavier Martin, dès lors que, au regard du temps écoulé et des interventions déjà faites par la société, il apparaît que l'appareil ne pouvait fonctionner normalement et de façon permanente.
C'est en conséquence à bon droit par motifs adoptés que le premier juge a considéré qu'il y avait lieu à résolution du contrat en raison du vice caché dont était atteint l'appareil.
C'est également à juste titre que la société Centre de confort et de mobilité a été condamnée à reprendre possession à ses frais du matériel vendu, étant rappelé qu'elle avait jugé bon d'en refuser la restitution le 29 septembre 2003.
Il n'y a donc pas lieu à condamnation de Madame Coste au paiement d'une quelconque somme à la société Centre de confort et de mobilité, dont il y a lieu de rappeler qu'elle a perçu une somme de 6 400 euro versée par la société Sygma Banque en exécution du contrat de prêt accessoire, le chèque de 2 760 euro de Madame Coste s'étant quant à lui avéré sans provision.
- Sur le contrat de prêt :
En application de l'article L. 311-21 du Code de la consommation, le contrat de prêt, accessoire à la vente, consenti par la société Sygma Banque le 15 mai 2003 pour un montant de 6 400 euro est résolu de plein droit, et non annulé comme indiqué par le premier juge, le contrat accessoire suivant le sort du contrat principal, lequel n'est pas annulé mais résolu.
L'article L. 311-22 du Code de la consommation prévoit que si la résolution judiciaire du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l'emprunteur.
En application de ce texte, il y a lieu de condamner Madame Coste à rembourser à la société Sygma Banque le montant du prêt, avec intérêt au taux contractuel à compter du 24 avril 2004 et la SARL Centre de confort et de mobilité à garantir Madame Coste indemne de l'intégralité des sommes dues au titre de cette condamnation.
La société Sygma Banque demande le paiement de la somme de 7 076,65 euro, ainsi décomptée au regard de sa pièce numéro trois:
- mensualités impayées au 23 décembre 2003 : 1 169,90 euro
- intérêts et indemnités de retard sur les mensualités impayées : 94,72 euro
- capital à échoir : 5 381,51 euro
- indemnité légale à 8 % : 430,52 euro
Compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article 1152 du Code civil, de réduire à néant l'indemnité légale, le non- paiement par Madame Coste étant explicable par la restitution du matériel, et ce, quand bien même elle n'a pas usé de la possibilité ouverte par l'article L. 311-21 du Code de la consommation prévoyant qu'en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal, pourra jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit, étant en outre rappelé que la société Sygma Banque n'a pas jugé utile de comparaître en première instance,
En conséquence, la somme à payer s'établit à 6 646,13 euro, avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 6 551,41 euro.
- Sur les dommages et intérêts sollicités par Madame Coste:
Il apparaît que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice de Madame Coste en fixant à 600 euro le montant des dommages et intérêts qui lui sont dus, étant rappelé qu'elle n'a jamais réglé le montant du chèque sans provision de 2 760 euro.
- Sur les dommages et intérêts sollicités par la société Centre de confort et de mobilité:
Le jugement étant confirmé en ce qu'il constate la résolution de la vente sur le fondement du vice caché, la demande de dommages et intérêts du vendeur est dépourvue de fondement et elle sera rejetée.
- Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Les dépens seront partagés par moitié entre les deux sociétés appelantes, qui seront condamnées à verser chacune une somme de 500 euro à Madame Coste, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement, Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 6 septembre 2005. Prononce la réouverture des débats, Prononce la clôture à la date de l'audience le 20 septembre 2005. Reçoit les sociétés Sygma Banque et Centre de confort et de mobilité en leur appel, Déclare recevables les demandes de la société Anonyme Sygma Banque à l'encontre de Madame Janine Coste, Au fond, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à dire que le prêt consenti par la société Sygma Banque à Madame Janine Coste le 15 mai 2003 est résolu et non annulé, Y ajoutant, Condamne Madame Janine Coste à payer la société Sygma Banque la somme de 6 646,13 euro avec intérêt au taux contractuel sur la somme de 6 551,41 euro à compter du 24 avril 2004, Condamne la société Centre de confort et de mobilité à garantir Madame Janine Coste indemne de la condamnation prononcée à son encontre au bénéficie de la société Sygma Banque, Condamne chacune des sociétés Sygma Banque et Centre de confort et de mobilité à verser à Madame Coste une somme de 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre la société Anonyme Sygma Banque et la SARL Centre de confort et de mobilité, avec distraction au profit de la SCP Arsene-Henry et Lancon, avoués à la cour, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.