CA Bordeaux, 2e ch., 19 septembre 2005, n° 03-01019
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Atem (SA)
Défendeur :
Coveris (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Saint-Arroman
Conseillers :
MM. Guillout, Ors
Avoués :
SCP Casteja-Clermontel & Jaubert, SCP Gautier & Fonrouge
Avocats :
Mes Dejean, Lief
La SA Atem a pour objet la réalisation et la pose de façades architecturales. Elle employait depuis le mois d'avril 1989 M. Colombani. Il était devenu actionnaire puis administrateur de cette société.
La SA Atem convoquait M. Colombani le 27 septembre 2000 pour un entretien préalable en vue de son licenciement, licenciement qui intervenait le 9 octobre 2000.
Le 2 octobre 2000, M. Colombani démissionnait de son poste d'administrateur et le 9 janvier 2001 il créait la SAS Coveris.
Après plusieurs actions judiciaires, par acte du 11 février 2002, la SA Atem a saisi le Tribunal de commerce de Bordeaux pour qu'après qu'il ait été jugé que M. Colombani s'était livré à des actes de concurrence déloyale, il soit condamné à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 457 347euro
A titre subsidiaire, elle sollicitait qu'une expertise soit ordonnée.
Par une décision du 4 février 2003, les premiers juges ont débouté la SA Atem de l'ensemble de ses demandes.
Le 25 février 2003, la SA Atem a relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions de l'appelante du 31 mai 2005.
Vu les conclusions de l'intimée du 10 juin 2005.
L'affaire devait être plaidée le 30 novembre 2004, à la demande des parties elle a été renvoyée.
Sur quoi LA COUR:
Attendu qu'après avoir soutenu que le constat d'huissier réalisé à sa demande était parfaitement régulier, l'appelante avance que la SAS Coveris a procédé à sa désorganisation par le débauchage de son personnel, qu'il a été procédé à un détournement de clientèle et qu'elle a été dénigrée.
Qu'elle sollicite 460 000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ou la désignation d'un expert pour chiffrer ce préjudice.
Attendu, en ce qui concerne sa désorganisation par le débauchage de ses employés, que la SA Atem avance les noms de Messieurs Capdessus, Combasteix, Thierry Preuilh, Laurent, Moreau et Patrick Preuilh, soit 6 salariés sur 21.
Attendu qu'en ce qui concerne M. Capdessus, ce dernier a quitté la SA Atem en décembre 2000, qu'il a ensuite travaillé pour la société Eccta avant de rejoindre la SAS Coveris en janvier 2003, qu'il ne peut donc être retenu l'existence d'un débauchage de la part de l'intimée, qu'en outre si cette personne a été vue chez un fournisseur en mai 2001 en compagnie de M. Colombani, cela ne signifie rien puisqu'il était chargé chez Eccta de la relation avec la clientèle, ce qu'il a fait au profit de la SA Atem.
Attendu, en ce qui concerne M. Combasteix, qu'il résulte des pièces produites que depuis 1975 cette personne et M. Colombani ont travaillé dans les mêmes entreprises, que M. Combasteix, ainsi que cela résulte d'une attestation non arguée de faux, a fait l'objet d'une rétrogradation dans ses fonctions, étant supplanté par une personne selon lui moins qualifiée, que M. Combasteix ne détenait aucune prérogative sur les autres chargés d'affaires.
Que de plus, ce dernier, ayant pris connaissance des écritures de la SA Atem, a écrit à cette dernière pour indiquer que son départ n'était dû qu'à l'attitude mesquine et au comportement odieux dont il avait été victime.
Attendu, en ce qui concerne les frères Preuilh, que ces deux personnes ont quitté la SA Atem mais pas pour la SAS Coveris mais pour la société Qualiver, de même que M. Moreau, entreprise qui travaille tant avec Atem qu'avec Coveris.
Attendu qu'en ce qui concerne M. Laurent, ce dernier a bien quitté la SA Atem, mais pour aller travailler pour la société Décoglace jusqu'en mars 2003, avant de venir travailler pour la SAS Coveris.
Attendu qu'en ce qui concerne la tentative de débauchage de Mme Prieu, la SAS Covenis conteste cette tentative rapportée par une attestation relatant des faits s'étant déroulés dans un lieu clos sans témoin, qu'au surplus, à supposer cette tentative établie, il appartiendrait à l'appelante de rapporter la preuve de la désorganisation que ce débauchage aurait induit, ce qu'elle ne fait pas.
Attendu que de même rien ne démontre que les débauchages imputés à la SAS Coveris aient désorganisé la SA Atem, M. Combasteix en particulier, contestant l'importance qui lui est donnée a posteriori dans cette entreprise.
Attendu que de plus, la SA Atem ne conteste pas le roulement de ses employés avancé par l'intimée depuis le 1er janvier 2000, 25 personnes (non ouvriers) ont quitté l'entreprise sur 33, et en réalité ce sont 49 personnes (non ouvriers) qui ont quitté cette société pendant cette période.
Attendu qu'ainsi le grief de désorganisation ne peut être retenu.
Attendu, sur le détournement de clientèle, que rien ne s'oppose à ce qu'un employé d'une entreprise lorsqu'il crée sa propre société utilise les connaissances qu'il a acquises pour se développer, en particulier en ce qui concerne la clientèle, ses besoins et même le coût auquel son ancien employeur facturait ses prestations.
Attendu qu'en ce qui concerne les griefs se rapportant à l'ordinateur portable remis par M. Colombani, il faut constater que celui-ci a remis ce matériel et ses accessoires le 17 octobre 2000, qu'il ne lui a jamais été fait de remarques quant à l'existence de pièces ou de documents manquants, que ce n'est que dans le cadre de l'assignation introductive d'instance soit en juin 2002 que ce grief est apparu.
Attendu que ces faits sont contestés, qu'en l'absence de toute contestation dans un temps proche de la remise et devant l'impossibilité de déterminer ce qui a été remis ou non, ce grief ne peut être retenu.
Attendu, en ce qui concerne les fichiers qui auraient été détournés, étant relevé qu'un grief se rapporte à la découverte d'une photo dans un ordinateur de la SAS Covenis, photo qui a été publiée pour la première fois en novembre 2001, soit largement après le départ de M. Colombani de la SA Atem.
Qu'en ce qui concerne les autres fichiers, il appartient à la SA Atem de rapporter la preuve non que la SAS Coveris s'est intéressée aux mêmes clients, qui étaient les siens avant le départ de M. Colombani, puisqu'il avait la possibilité au nom de la liberté du travail et du commerce de le faire, mais qu'il avait emporté une copie de ses fichiers ou que les fichiers découverts n'étaient qu'une copie servile de ses propres fichiers.
Attendu que compte tenu des conditions dans lesquelles s'est déroulée cette saisie, en particulier en dehors de la présence d'un informaticien indépendant, et non d'un salarié de la société ayant requis l'huissier, ce grief ne peut être retenu.
Attendu, en ce qui concerne le dénigrement dont se serait rendu coupable la SAS Coveris, que rien ne démontre que dans le chantier du "Musée de l'Orangerie" ce soit M. Colombani qui ait dénigré la SA Atem, cette attestation démontrant au surplus l'absence de désorganisation de l'entreprise.
Qu'en ce qui concerne le Château Latour, la SAS Coveris n'était pas présente sur ce chantier pour lequel elle n'avait pas soumissionné, et si M. Combasteix était présent en juin 2001, ce qu'il conteste, ce ne pouvait être que pour représenter son employeur à l'époque.
Attendu que la SA Atem n'apporte aucune preuve à l'appui de ces allégations concernant l'usine Man.
Attendu, en ce qui concerne les rapports de gestion, qu'ils répondent à une obligation égale pour le Président d'une SAS et ne font que rapporter des faits incontestables, même si leur présentation peut déplaire.
Attendu que ce grief ne peut être retenu.
Attendu qu'au surplus, la concurrence déloyale suppose une désorganisation et une perte, or il résulte de la lecture du site internet de la SA Atem que son chiffre d'affaires a crû de 40 % en 2001 et de 30 % en 2002 par rapport à 2001.
Attendu qu'ainsi la décision déférée ne peut être que confirmée.
Attendu que la SAS Coveris ne démontre pas l'existence d'une atteinte à son image commerciale, qu'il n'y a donc lieu à allocation de dommages et intérêts.
Que pour la même raison il ne sera pas fait droit à sa demande de publication, la décision déférée étant aussi confirmée de ces deux chefs.
Attendu que chacune des parties étant déboutée de son appel principal ou incident, il n'apparaît pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare la SA Atem mal fondée en son appel principal et l'en déboute. Déclare la SAS Coveris mal fondée en son appel incident et l'en déboute. En conséquence confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions. Y ajoutant en cause d'appel, Dit qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Met les dépens exposés devant la cour à la charge de la SA Atem, application étant faite de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.