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Décisions

CJCE, 5e ch., 25 octobre 2001, n° C-493/99

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République fédérale d'Allemagne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jann

Avocat général :

M. Ruiz-Jarabo Colomer

Juges :

MM. Edward, La Pergola, Sevón, Timmermans

CJCE n° C-493/99

25 octobre 2001

LA COUR (cinquième chambre),

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 décembre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en prévoyant dans sa législation que les entreprises de l'industrie du bâtiment établies dans d'autres États membres

a) ne peuvent proposer des services transfrontaliers dans le cadre d'une association momentanée sur le marché allemand que lorsqu'elles ont leur siège ou, à tout le moins, un établissement en Allemagne employant du personnel propre et qu'elles concluent pour celui-ci une convention collective d'entreprise,

b) ne peuvent mettre de la main-d'œuvre d'un autre pays à la disposition d'autres entreprises de l'industrie du bâtiment que lorsqu'elles ont leur siège ou, à tout le moins, un établissement en Allemagne employant du personnel propre et qu'elles sont couvertes par une convention collective fixant un cadre général et une convention collective portant sur les caisses sociales en leur qualité de membre d'une organisation allemande d'employeurs,

c) ne peuvent créer, en Allemagne, une succursale considérée comme une entreprise de l'industrie du bâtiment lorsque son personnel est exclusivement chargé de tâches de gestion, de vente, de planification, de contrôle ou de travaux à façon, mais doivent, pour qu'une succursale soit considérée comme telle, employer dans cette succursale, sur le marché du travail allemand, des ouvriers qui réalisent sur des chantiers plus de 50 % du temps de travail global du personnel, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 49 CE).

2. Par requête déposée le 18 mai 2000, le royaume des Pays-Bas a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission. Ayant été admis à intervenir dans la présente affaire par ordonnance du président de la Cour du 19 juin 2000, il a toutefois retiré son intervention par lettre parvenue au greffe de la Cour le 24 août 2000.

La législation nationale mise en cause par la Commission

3. Par son recours, la Commission met en cause les articles 1er, paragraphe 1, et 1er ter du Gesetz zur Regelung der gewerbsmäßigen Arbeitnehmerüberlassung (loi sur la mise à disposition de main-d'œuvre intérimaire), du 7 août 1972 (BGBl. 1972 I, p. 1393), tel que modifié par l'article 63 du Gesetz zur Reform der Arbeitsförderung (loi sur la réforme de la promotion du travail), du 24 mars 1997 (BGBl. 1997 I, p. 594, ci-après l'"AÜG").

4. L'article 1er, paragraphe 1, de l'AÜG dispose:

"Les employeurs désirant, en tant que fournisseurs de main-d'œuvre, mettre, à titre professionnel, des travailleurs (travailleurs intérimaires) à la disposition de tiers (utilisateurs de main-d'œuvre) ont besoin d'une autorisation. Le détachement de travailleurs auprès d'une association momentanée d'entreprises constituée aux fins de la fabrication d'un ouvrage ne représente pas une mise à disposition de main-d'œuvre lorsque l'employeur est membre de l'association momentanée, que les conventions collectives de la même branche de l'économie s'appliquent à tous les membres de l'association et que ces derniers sont tous obligés de s'acquitter des prestations contractuelles, à titre indépendant, en vertu du contrat relatif à l'association momentanée."

5. L'article 1er ter de l'AÜG énonce:

"La mise à disposition, à titre professionnel, de main-d'œuvre dans l'industrie du bâtiment pour des travaux réalisés normalement par des ouvriers est interdite. Elle est autorisée entre entreprises de ce secteur lorsque celles-ci sont couvertes par les mêmes conventions collectives fixant un cadre général et conventions collectives portant sur les caisses sociales ou par l'extension générale du caractère obligatoire de ces dernières."

La procédure précontentieuse

6. Considérant que la législation allemande citée aux points 4 et 5 du présent arrêt était contraire aux articles 52 et 59 du traité, la Commission a engagé la procédure en manquement. Par lettre du 17 septembre 1997, elle a mis la République fédérale d'Allemagne en demeure de lui présenter ses observations à ce sujet.

7. La réponse donnée par les autorités allemandes le 21 novembre 1997 à cette mise en demeure n'a pas convaincu la Commission. Celle-ci a donc adressé, le 22 décembre 1998, un avis motivé à la République fédérale d'Allemagne, laissant à cet État membre un délai de deux mois pour s'y conformer. Les autorités allemandes n'ayant pas répondu à cet avis dans le délai imparti et la communication ultérieure par celles-ci d'un projet d'amendements de la législation litigieuse n'ayant pas été considérée comme suffisante par la Commission, cette dernière a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le fond

Sur les deux premiers griefs, relatifs à la liberté de prestation des services

Arguments des parties

8. La Commission estime que la législation litigieuse est incompatible avec la libre prestation des services pour deux raisons. Selon elle, cette législation empêche les entreprises de l'industrie du bâtiment qui ne sont pas établies en Allemagne et ne sont donc pas soumises aux conventions collectives allemandes relatives à ce secteur, en premier lieu, de participer à une association momentanée d'entreprises constituée aux fins de la fabrication d'un ouvrage et, en second lieu, de pratiquer en Allemagne des détachements de main-d'œuvre vers d'autres entreprises de ce secteur.

9. La Commission fait valoir que tant l'article 1er, paragraphe 1, seconde phrase, de l'AÜG que son article 1er ter, seconde phrase, requièrent que les conventions collectives allemandes relatives au secteur de l'industrie du bâtiment s'appliquent à toutes les entreprises voulant participer à une association momentanée ou détacher de la main-d'œuvre vers d'autres entreprises de l'industrie du bâtiment. Or, seules les entreprises qui sont établies en Allemagne et qui y emploient des ouvriers pourraient être couvertes par lesdites conventions. Selon la Commission, les entreprises non établies sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne ne sont donc pas en mesure de détacher des travailleurs depuis leur siège ou depuis des établissements situés dans d'autres États membres vers une association momentanée constituée en Allemagne ou vers des entreprises allemandes de l'industrie du bâtiment sans que cette association momentanée ou ces entreprises perdent la possibilité d'invoquer l'article 1er, paragraphe 1, seconde phrase, ou l'article 1er ter, seconde phrase, de l'AÜG.

10. Pour cette raison, les entreprises non établies en Allemagne, auxquelles ne s'appliquent pas les conventions collectives allemandes relatives au secteur de l'industrie du bâtiment, seraient d'emblée écartées dans les associations momentanées constituées ou à constituer en Allemagne. En conséquence, elles ne pourraient pas bénéficier, à cet égard, de la liberté de prestation des services garantie par l'article 59 du traité.

11. Le gouvernement allemand confirme que la législation litigieuse impose l'assujettissement aux conventions collectives allemandes pour la participation à une association momentanée aux fins de la fabrication d'un ouvrage ainsi que pour le détachement de personnel vers des entreprises de l'industrie du bâtiment. Il confirme également que, en raison de leur champ d'application territorial, ces conventions ne s'appliquent pas aux entreprises qui ne disposent pas d'un établissement en Allemagne et concède que l'obligation de disposer d'un établissement en Allemagne pour que ces conventions puissent s'appliquerconstitue une exigence plus lourde pour les entreprises des États membres autres que la République fédérale d'Allemagne. Il estime toutefois que la législation litigieuse n'est pas contraire aux libertés fondamentales garanties par le traité.

12. Il fait valoir, à cet égard, d'une part, que l'obligation de disposer d'un établissement en Allemagne ne constitue pas une discrimination envers les entreprises de l'industrie du bâtiment établies dans d'autres États membres que la République fédérale d'Allemagne puisque les entreprises allemandes dudit secteur doivent remplir cette même exigence. D'autre part, la législation litigieuse serait justifiée par la raison impérative d'intérêt général que constitue la protection sociale des travailleurs de l'industrie du bâtiment.

13. Selon le gouvernement allemand, l'objectif de la législation litigieuse est d'empêcher les abus en matière de travail précaire dans l'industrie du bâtiment et de garantir la protection sociale des travailleurs qui y sont employés. Il ajoute que ladite législation est conforme à la jurisprudence de la Cour, notamment à l'arrêt du 23 novembre 1999, Arblade e.a. (C-369/96 et C-376/96, Rec. p. I-8453, point 41). Il soutient en outre que cette législation est proportionnée, en ce qu'elle permettrait la réalisation de l'objectif visé, serait nécessaire pour atteindre celui-ci et serait appropriée quant aux moyens mis en œuvre.

Appréciation de la Cour

14. Il ressort de la législation litigieuse que la mise à disposition de main-d'œuvre dans l'industrie du bâtiment est en principe interdite en Allemagne. Par exception, elle est autorisée, moyennant la réunion de certaines conditions, lorsqu'elle consiste en un détachement de travailleurs auprès d'une association momentanée d'entreprises ou est effectuée entre entreprises de ce secteur.

15. Ainsi, d'une part, en vertu de l'article 1er, paragraphe 1, de l'AÜG, le détachement de travailleurs dans le cadre d'une association momentanée constituée aux fins de la fabrication d'un ouvrage n'est pas considéré comme une mise à disposition de main-d'œuvre lorsque l'employeur qui détache ses travailleurs est membre de l'association momentanée, que les conventions collectives d'un même secteur s'appliquent à tous les membres de cette association et que ces derniers sont tous obligés de s'acquitter de prestations contractuelles, à titre indépendant, en vertu du contrat relatif à ladite association.

16. D'autre part, en vertu de l'article 1er ter de l'AÜG, la mise à disposition de main-d'œuvre est autorisée, par exception, lorsqu'elle est réalisée entre des entreprises de l'industrie du bâtiment qui sont couvertes par les mêmes conventions collectives fixant un cadre général et conventions collectives portant sur les caisses sociales ou qui sont soumises à ces conventions en raison de leur caractère obligatoire.

17. Pour bénéficier de l'une ou l'autre de ces dispositions, l'entreprise concernée doit donc en principe être soumise dans une certaine mesure aux conventions collectives allemandes ce qui suppose, toujours selon la législation allemande, qu'elle possède un établissement en Allemagne.

18. La mise à disposition de main-d'œuvre étant une prestation de services au sens du traité (voir arrêt du 17 décembre 1981, Webb, 279/80, Rec. p. 3305, point 9), il est constant que l'exigence d'un établissement sur le territoire de l'État membre de prestation des services prévue par la législation litigieuse entrave la libre prestation des services.

19. Ainsi que la Cour l'a itérativement jugé, l'exigence d'un établissement stable est en fait la négation même de la liberté fondamentale de prestation des services en ce qu'elle a pour conséquence d'enlever tout effet utile à l'article 59 du traité, dont l'objet est précisément d'éliminer les restrictions à la libre prestation des services de la part de personnes non établies dans l'État sur le territoire duquel la prestation doit être fournie. Pour qu'une telle exigence soit acceptée, il faut donc établir qu'elle constitue une condition indispensable pour atteindre l'objectif recherché (voir, notamment, arrêt du 9 juillet 1997, Parodi, C-222/95, Rec. p. I-3899, point 31).

20. Il est vrai que la protection sociale des travailleurs de l'industrie du bâtiment figure parmi les raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation des services (voir arrêt du 28 mars 1996, Guiot, C-272/94, Rec. p. I-1905, point 16). Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour que les raisons impérieuses d'intérêt général qui justifient les dispositions matérielles d'une réglementation peuvent également justifier les mesures de contrôle nécessaires pour en assurer le respect (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 1990, Rush Portuguesa, C-113/89, Rec. p. I-1417, point 18).

21. Toutefois, la Cour a toujours souligné que des considérations d'ordre purement administratif ne sauraient rendre licite une restriction à la libre prestation des services (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 26 janvier 1999, Terhoeve, C-18/95, Rec. p. I-345, point 45). La Cour a ainsi jugé que l'État membre de prestation de services ne peut pas imposer à une entreprise la tenue de documents spécifiques à cet État si ladite entreprise est déjà soumise, dans l'État membre où elle est établie, à des obligations comparables, en raison de leur finalité tenant à la sauvegarde des intérêts des travailleurs, du chef des mêmes travailleurs et pour les mêmes périodes d'activité, à celles édictées par la réglementation du premier État membre (voir, notamment, arrêt Arblade e.a., précité, point 80).

22. En ce qui concerne la présente affaire, force est de constater que l'exigence d'un établissement dans l'État membre de prestation de services, telle qu'elle découle de la législation litigieuse, va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de protection sociale des travailleurs de l'industrie du bâtiment.

23. En effet, il n'a pas été établi qu'une telle exigence imposée indifféremment à toute entreprise voulant mettre de la main-d'œuvre à la disposition d'une association momentanée ou d'autres entreprises de l'industrie du bâtiment est, en soi, nécessaire pour atteindre l'objectif de protection sociale des travailleurs de l'industrie du bâtiment.

24. Il s'ensuit que les deux premiers griefs de la Commission doivent être accueillis.

Sur le troisième grief, relatif à la liberté d'établissement

Arguments des parties

25. La Commission fait valoir que, en droit allemand, seules les entreprises où plus de 50 % du temps de travail est réalisé par des ouvriers sur des chantiers peuvent être reconnues comme des entreprises de l'industrie du bâtiment. Elle soutient que cette condition rend la création de succursales en République fédérale d'Allemagne inintéressante pour les entreprises de l'industrie du bâtiment établies dans d'autres États membres qui souhaiteraient n'affecter à leur succursale allemande que du personnel administratif ou technique ou du personnel commercial chargé d'assurer la publicité ou le lancement de projets. En effet, en cas de commande, une telle succursale n'étant pas considérée comme une entreprise de l'industrie du bâtiment et, partant, ne pouvant pas bénéficier des dispositions des articles 1er, paragraphe 1, et 1er ter de l'AÜG, elle ne serait pas en mesure de réaliser les travaux requis par la mise à disposition de travailleurs employés auprès d'autres succursales ou du siège social de l'entreprise dès lors que celles-ci sont établies dans d'autres États membres que la République fédérale d'Allemagne.

26. En revanche, selon la Commission, les succursales allemandes d'entreprises allemandes de l'industrie du bâtiment sont toujours considérées comme des entreprises relevant de ce secteur, même si elles ne remplissent pas à proprement parler la règle d'un minimum de 50 % du temps de travail réalisé par des ouvriers sur des chantiers. La Commission ajoute que cette différence de traitement résulte de l'application des articles 1er, section IV, point 4, du Bundesrahmentarifvertrag für das Baugewerbe (convention collective de l'industrie du bâtiment fixant un cadre général) et 1er, section IV, du Tarifvertrag über das Sozialkassenverfahren im Baugewerbe (convention relative au régime des caisses sociales de l'industrie du bâtiment). Ces dispositions prévoiraient, en substance, que sont également considérées comme des entreprises de l'industrie du bâtiment les entreprises qui, dans le cadre d'une association avec des entreprises de ce secteur, exécutent, exclusivement ou principalement, des tâches de gestion, de vente, de planification ou de comptabilité ou réalisent des analyses de laboratoire pour le compte des membres de cette association.

27. La Commission estime que ce traitement discriminatoire envers les entreprises établies dans d'autres États membres que la République fédérale d'Allemagne etleurs succursales en Allemagne viole la liberté d'établissement garantie par l'article 52 du traité.

28. Le gouvernement allemand reconnaît que, pour être considérée comme relevant de l'industrie du bâtiment, une entreprise doit employer des ouvriers du bâtiment et réaliser, à raison de plus de 50 % du temps de travail global de son personnel, des activités propres au secteur de l'industrie du bâtiment. Il soutient cependant que la Commission méconnaît le sens et la portée des dispositions des conventions collectives mentionnées au point 26 du présent arrêt.

29. En effet, selon le gouvernement allemand, lesdites dispositions n'ont pas été adoptées dans le but de réglementer la mise à disposition de main-d'œuvre mais en vue d'éviter que des travailleurs de l'industrie du bâtiment soient exclus des conventions collectives de ce secteur en raison d'une réorganisation de leur entreprise.

Appréciation de la Cour

30. Il est constant que, en droit allemand, la succursale allemande d'une entreprise de l'industrie du bâtiment établie dans un autre État membre que la République fédérale d'Allemagne n'est considérée comme relevant de ce secteur que si plus de 50 % du temps de travail global de son personnel est réalisé par des ouvriers sur des chantiers.

31. Sans qu'il soit nécessaire de décider si, ainsi que le soutient la Commission, les dispositions des deux conventions collectives mentionnées au point 26 du présent arrêt ont un effet discriminatoire au détriment des entreprises de l'industrie du bâtiment établies dans d'autres États membres que la République fédérale d'Allemagne, il convient de constater que la condition rappelée au point précédent entrave la liberté d'établissement par voie de création de succursales pour lesdites entreprises.

32. D'une part, cette condition complique l'accès au marché allemand desdites entreprises de l'industrie du bâtiment en ce qu'elle fait dépendre la qualification de leurs succursales allemandes en entreprises relevant de ce secteur de critères que ces succursales ne remplissent qu'avec difficulté.

33. En effet, ainsi que l'a relevé à juste titre la Commission, pour les entreprises de l'industrie du bâtiment établies dans d'autres États membres que la République fédérale d'Allemagne, l'intérêt de créer une succursale allemande trouve souvent son origine dans la nécessité économique de disposer en Allemagne d'un personnel administratif, technique et commercial, notamment pour assurer la publicité ou le lancement de projets. En revanche, le personnel chargé de la réalisation des travaux en vue d'exécuter des commandes peut être employé ailleurs, auprès d'autres succursales ou du siège social de l'entreprise.

34. D'autre part, ladite condition est susceptible de s'avérer moins onéreuse pour les entreprises de la République fédérale d'Allemagne que pour les entreprises d'autres États membres, dans la mesure où il est moins important pour les premières d'affecter du personnel administratif, technique et commercial à leurs succursales allemandes parce que de telles tâches peuvent être assumées par le personnel employé auprès du siège social de l'entreprise sur le territoire allemand.

35. S'agissant de la justification de l'entrave constatée, le gouvernement allemand invoque en substance les mêmes arguments que ceux qu'il avait présentés en réponse aux deux premiers griefs, notamment les raisons impérieuses tenant à la répression des abus sur le marché de l'industrie du bâtiment et à la protection sociale des travailleurs concernés.

36. Toutefois, ces arguments se référant à la condition d'assujettissement aux conventions collectives allemandes et non à la condition rappelée au point 30 du présent arrêt qui est à l'origine de l'entrave constatée, ils ne sauraient justifier celle-ci.

37. En l'absence d'autres raisons impérieuses d'intérêt général invoquées pour justifier l'entrave constatée, le troisième grief de la Commission doit également être accueilli.

Sur les dépens

38. En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1. En prévoyant dans sa législation que les entreprises de l'industrie du bâtiment établies dans d'autres États membres

a) ne peuvent proposer des services transfrontaliers dans le cadre d'une association momentanée sur le marché allemand que lorsqu'elles ont leur siège ou, à tout le moins, un établissement en Allemagne employant du personnel propre et qu'elles concluent pour celui-ci une convention collective d'entreprise,

b) ne peuvent mettre de la main-d'œuvre d'un autre pays à la disposition d'autres entreprises de l'industrie du bâtiment que lorsqu'elles ont leur siège ou, à tout le moins, un établissement en Allemagne employant du personnel propre et qu'elles sont couvertes par une convention collective fixant un cadre général et une convention collective portant sur les caisses sociales en leur qualité de membre d'une organisation allemande d'employeurs,

c) ne peuvent créer, en Allemagne, une succursale considérée comme une entreprise de l'industrie du bâtiment lorsque son personnel est exclusivement chargé de tâches de gestion, de vente, de planification, de contrôle ou de travaux à façon, mais doivent, pour qu'une succursale soit considérée comme telle, employer dans cette succursale, sur le marché du travail allemand, des ouvriers qui réalisent sur des chantiers plus de 50 % du temps de travail global du personnel,

la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 49 CE).

2. La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.