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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 17 mars 2005, n° 03-07815

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Theret, AGF (SA)

Défendeur :

Métalux (SAS), Merieau (SAS), Axa Corporate Solutions Assurances, SMABTP (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boivin

Conseillers :

Mme Sillard, M. Bohuon

Avoués :

SCP Gautier-Lhermitte, SCP d'Aboville, de Moncuit Saint-Hilaire & Le Callonnec, SCP Gauvain & Demidoff

Avocats :

SCP Salaun Dore, associés, SCP Gauthier, Blandel-Bejermi, Martineau-Fondin, Me Morand

T. com. Saint-Nazaire, du 9 avr. 2003

9 avril 2003

Faits - procédure - moyens

M. Theret a été victime dans la nuit du 2 au 3 mai 2000 d'un cambriolage de son magasin d'optique et de lunetterie à Pornic.

La porte d'entrée, qui avait été forcée par les cambrioleurs, avait eu sa serrure posée à la fin du mois de mars précédent.

M. Theret et son assureur, la compagnie AGF, ont mis en cause une anomalie de la serrure et demandé à la société Merieau, l'installateur, et à la société Métalux, le fabricant, de prendre en charge le montant du vol.

Cette demande ayant été rejetée, ils ont obtenu par ordonnance de référé du 24 avril 2001 une expertise confiée à M. Lemaitre pour examen de la serrure.

M. Lemaitre a déposé son rapport fin septembre 2001.

Le 7 juin 2002 M. Theret et la compagnie AGF ont assigné la société Merieau et son assureur la SMABTP, la société Métalux et la compagnie AXA Corporate Solutions, pour les entendre condamner avec exécution provisoire au paiement de 9 908,88 euro aux AGF et 16 618,62 euro à M. Theret, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation, et à une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 9 avril 2003 le Tribunal de commerce de Saint-Nazaire a mis hors de cause la société Merieau, condamné la société Métalux et la société AXA à payer à M. Theret et à la compagnie AGF la somme de 6 936,21 euro, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, laissé les frais irrépétibles à la charge des parties, rejeté la demande d'exécution provisoire, et condamné la société Métalux et la compagnie AXA d'une part, et M. Theret et la compagnie AGF d'autre part, aux entiers dépens de l'instance.

M. Theret et la compagnie AGF ont fait appel le 15 décembre 2003. Ils demandent à la cour de condamner conjointement et solidairement la société Métalux, la société Merieau, la compagnie AXA et la SMABTP, au paiement de la somme de 9 908,88 euro aux AGF et de la somme de 16 618,62 euro à M. Theret, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation, à une indemnité de 1 500 euro au bénéfice de chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Ils font valoir que la serrure avait selon l'expert un défaut de fabrication, que la société Merieau avait une obligation de résultat, que la société Métalux est responsable sur un fondement quasi-délictuel, que le dommage subi ne peut s'analyser comme une perte de chance, que le cambriolage n'a été possible que du fait de la grande facilité de pénétration, qu'une serrure résistante avait été commandée et que si ce n'était pas le cas il appartenait à la société Merieau de le signaler, et qu'il n'existe aucune relation entre l'importance du dommage et le montant pour lequel il était garanti.

La société Metalux et la société AXA demandent à la cour de confirmer le jugement, et de condamner les appelants à 1 500 euro au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'appel.

Elles font valoir que la cause certaine et directe du dommage est l'action des cambrioleurs, que le fabricant de la serrure n'a pas d'obligation de résultat d'empêcher le vol, que le cambriolage aurait pu se produire avec une serrure différente, que M. Theret n'avait pas de protection sérieuse de son magasin, et que la garantie qu'il avait souscrite pour le vol était limitée à une valeur bien inférieure à celle de son stock.

La société Merieau et la SMABTP demandent à la cour de confirmer le jugement, à titre subsidiaire de dire n'y avoir lieu à réparation que d'une simple perte de chance, en tout état de cause de condamner la société Métalux et son assureur à le garantir de toute condamnation, et de condamner M. Theret et son assureur, ou à défaut la société Métalux et son assureur, à verser 1 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elles font valoir qu'il n'y a pas d'obligation de résultat pour de simples travaux d'entretien courant, qu'aucune faute n'a été commise dans la pose de la serrure, qu'il n'y a pas de relation directe entre la mauvaise qualité de la serrure et les préjudices subis, qu'en effet les cambrioleurs auraient tout de même réussi à pénétrer à l'intérieur du magasin, que l'expert ne s'est pas prononcé sur les préjudices, que la défectuosité de la serrure est imputable à un vice caché, et que la société Métalux en est la seule responsable.

Motifs

Sur la responsabilité de la société Merieau.

Il est constant que la serrure de la porte d'entrée du magasin de M. Theret présentait, selon l'expert judiciaire, un manque de résistance anormal.

Cette serrure avait été fournie et posée par la société Merieau, selon sa facture du 23 avril 2000, qui était donc engagée à la fois en qualité de vendeur et en qualité d'installateur.

Cependant sa responsabilité n'est recherchée que sur le fondement de son obligation de résultat en tant qu'installateur. Or l'obligation de résultat existant dans le contrat de louage d'ouvrage est une obligation de résultat allégée, en ce sens que l'entrepreneur peut se libérer en prouvant qu'il n'a pas commis de faute, et il apparaît que la société Merieau n'a commis aucune faute dans la pose de la serrure. En effet, selon les conclusions de l'expert, non contestées d'ailleurs " au plan du fait " par les appelantes, la société Merieau a posé une serrure " répondant bien à la fonction demandée ", et elle "ne pouvait pas se douter du problème de rétractation des pênes ".

La société Merieau et la SMABTP doivent donc être mises hors de cause.

Sur la responsabilité de la société Métalux.

Le défaut de fabrication de la serrure du magasin de M. Theret n'est pas contesté par la société Métalux.

Bien que les appelantes recherchent exclusivement la responsabilité quasi-délictuelle de cette dernière, il convient de rectifier la qualification de la demande. En effet le sous-acquéreur, donc M. Theret, dispose d'une action directe en garantie de vices cachés contre le vendeur originaire, soit la société Métalux, et en vertu de la règle du non-cumul des responsabilités résultant d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle.

En outre le fondement de la demande peut être modifié sans que son objet soit changé, et donc sans statuer ultra petita, puisque l'action en garantie des vices cachés est susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts.

Compte tenu que la serrure était affectée d'un vice, que celui-ci était caché même pour la société Merieau, et que la société Métalux, en qualité de professionnel, est censée avoir connu ce vice, des dommages et intérêts peuvent être demandés à cette dernière sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Or le défaut de la serrure a contribué à faire perdre à M. Theret ses chances d'éviter un cambriolage.

Certes, indépendamment du vice qui l'affectait, la serrure n'empêchait pas toute effraction, car elle n'offrait pas une protection renforcée. Il est dit en effet dans le rapport d'expertise que " les caractéristiques de l'ensemble serrure/porte/huisserie cités plus haut, rencontrés sur le site du magasin de Monsieur Theret à Pornic, sont des caractéristiques normales que nous rencontrons dans notre métier continuellement ".

En outre, en ne prenant aucune autre précaution en matière de rideau protecteur ou d'alarme, M. Theret a également facilité le cambriolage.

Mais le défaut de la serrure, en permettant aux cambrioleurs d'entrer par la pression d'un simple tournevis, a joué un rôle prépondérant dans la perte de chance de M. Theret.

Quant au fait de ne pas s'assurer en totalité, il n'a joué aucun rôle dans la réalisation du dommage, et n'a d'effet que dans la réparation de celui-ci.

Il apparaît ainsi que la société Métalux est responsable pour moitié du dommage subi par M. Theret, qui est de 26 527,50 euro selon l'expertise d'assurance, et qu'elle doit être condamnée en conséquence à payer la somme de 13 263,75 euro, dont 9 908,88 euro aux AGF qui ont supporté cette part du dommage et le surplus, soit 3 354,87 euro, à M. Theret.

Sur les frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Merieau les frais engagés par elle et non compris dans les dépens, et il a lieu en conséquence de condamner la société Métalux et la société AXA à lui verser à ce titre la somme de 1 500 euro.

Il est équitable de laisser à la charge des autres parties les frais engagés par elles et non compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, Déclare l'appel recevable; Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Merieau, et condamné la société Métalux et la société AXA envers M. Theret et la compagnie AGF; Mais réformant sur le montant de la condamnation, Condamne in solidum la société Métalux et la société AXA à payer à la compagnie AGF la somme de 9 908,88 euro et à M. Theret la somme de 3 354,87 euro; Condamne in solidum la société Métalux et la société AXA à verser à la société Merieau la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toutes les autres demandes; Condamne in solidum la société Métalux et la société AXA aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.