CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 10 janvier 2005, n° 03-04802
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Zago (Epoux)
Défendeur :
Testud (Epoux), Catala
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mas
Conseillers :
MM. Coleno, Fourniel
Avoués :
Me de Lamy, SCP Nidecker Prieu, SCP Sorel Dessart Sorel
Avocats :
Mes Turella Bayol, Marin, SCP Larroque, Rey, Schoenacker-Rossi
Faits et procédure
Par acte du 24 avril 2001, passé en l'étude de Me François Catala notaire à Villemur-sur-Tarn, les époux Testud ont vendu aux époux Zago un terrain cadastré à Nohic section ZH n° 144 d'une contenance de 36 ares 78 ca pour le prix de 12 598,17 euro.
Cette parcelle provient de la division d'une parcelle ZH n° 3 en deux parcelles ZH 143 et ZH 144.
L'acte indique que la parcelle vendue est constructible sur la base d'un certificat d'urbanisme délivré le 8 décembre 2000 concernant la parcelle ZH 31 annexé à l'acte de vente.
Les époux Zago ayant sollicité un nouveau certificat d'urbanisme, pour la parcelle ZK 144 la commune de Nohic a délivré un certificat négatif le 28 septembre 2001.
Les époux Zago ont alors fait assigner leur vendeur devant le Tribunal de grande instance de Montauban en résolution de la vente, remboursement du prix et des frais et paiement de 1 220 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les époux Testud ont appelé en cause et en garantie Me Catala, notaire et Michel Armand, géomètre expert, en exposant que ceux-ci avaient affirmé le caractère constructible de la parcelle vendue sur la base d'un certificat d'urbanisme visant cette parcelle.
Ils ont par ailleurs soutenu que la commune de Nohic avait commis une erreur et que le permis de construire aurait été délivré aux époux Zago s'ils l'avaient déposé compte tenu de la validité du certificat d'urbanisme joint à l'acte.
Me Catala a conclu au rejet en exposant que l'action principale ne pouvait aboutir du fait de la clause de non garantie des vices cachés insérée à l'acte, qu'en toute hypothèse le terrain vendu était bien constructible au jour de la vente et qu'il n'a commis aucune faute.
Le géomètre Michel Armand n'a pas comparu.
Par jugement du 14 octobre 2003, le Tribunal de grande instance de Montauban a débouté les époux Zago de leurs demandes, rejeté les demandes des époux Testud à l'égard de Me Catala et condamné les époux Zago à payer aux époux Testud et à Me Catala 750 euro chacun par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en retenant que le vice d'inconstructibilité non connu des vendeurs au égard aux termes du certificat d'urbanisme positif joint à l'acte ne pouvait être invoqué par les acquéreurs en l'état de la clause de non garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente.
Les époux Zago ont régulièrement fait appel de cette décision.
Ils demandent à la cour de retenir l'existence d'uni vice caché et d'écarter la clause de non garantie du fait de la mauvaise foi des vendeurs.
Ils réclament la restitution du prix de vente et des frais et l'octroi de 6 500 euro à titre de dommages-intérêts.
Ils invoquent subsidiairement l'erreur sur les qualités de la chose vendue et recherchent la responsabilité du notaire pour défaillance dans son devoir de conseil ainsi que sa condamnation sur les chefs susvisés.
Plus subsidiairement, ils demandent la condamnation de Me Catala à payer à titre de dommages-intérêts la différence de valeur entre le prix payé pour un terrain constructible et celle d'un terrain agricole ainsi que les frais de la vente et 6 500 euro à titre de dommages-intérêts complémentaires outre 2 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ils soutiennent que les vendeurs avaient nécessairement conscience de l'obligation d'inclure dans la partie de parcelle vendue au moins 2 000 m2 situés en zone NB pour assurer la constructibilité du terrain et qu'ayant caché ce point en profitant de l'ambigüité du certificat d'urbanisme, ils ne peuvent utilement invoquer la clause de non garantie des vices cachés,
Ils ajoutent que le notaire qui ne pouvait ignorer la difficulté dans la mesure où les documents remis ne prévoyaient pas 2000 m2 en zone NB pour la parcelle ZH 144 vendue a commis une faute en affirmant sans restriction le caractère constructible de la parcelle, et qu'il ne peut leur être reproché d'avoir sollicité un nouveau certificat d'urbanisme dès lors qu'ils n'envisageaient pas de construire immédiatement et qu'en toute hypothèse le permis de construire n'aurait pu être délivré.
Les époux Testud concluent à la confirmation et à la condamnation des appelants à leur payer 2 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ils sollicitent subsidiairement la garantie du notaire Catala.
Ils soutiennent que tant le géomètre que l'expert avaient affirmé le caractère constructible de la parcelle vendue résultant du certificat d'urbanisme délivré au vu de la division en deux lots de la parcelle ZH 3 ; qu'il est certain que le permis de construire aurait été obtenu s'il avait été demandé moins d'un an après la date de délivrance du certificat d'urbanisme et qu'ils ne sont pas tenus à garantir perpétuellement la constructibilité du terrain.
Ils ajoutent que leur mauvaise foi ne peut être retenue et qu'en conséquence la clause de non garantie devrait jouer.
Ils font valoir à l'égard du notaire que si l'existence d'un vice est retenue, celui-ci aurait dû être signalé parle notaire qui devrait alors les garantir du préjudice subi.
Maître Catala, notaire, conclut à l'irrecevabilité pour défaut du droit d'agir en justice des époux Zago, au rejet des demandes formées par ceux-ci en contestant l'existence même du vice allégué, à l'opposabilité de la clause de non garantie, à l'absence de faute de sa part et à l'irrecevabilité de la demande en garantie visant sa condamnation à garantir le remboursement du prix de vente.
Il expose que l'inconstructibilité alléguée ne résulte que d'un revirement imprévisible de l'administration qui avait par le biais du certificat d'urbanisme positif délivré le 8 décembre 2000, admis la constructibilité des deux lots issus de la division de la parcelle ZH 3 sans exiger que chaque lot dispose d'au moins 2 000 m2 en zone NB et que dans ces conditions le terrain étant constructible au jour de la vente, aucune faute ne peut lui être reprochée d'autant que les acquéreurs avaient renoncé à tout recours.
Motifs de la décision:
- Sur la recevabilité:
Attendu que la présence dans l'acte de vente d'une clause de non garantie et de renonciation à recours ne prive pas les acquéreurs du droit d'agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'un vice caché et l'inopposabilité de la clause de non garantie alléguée, que l'exception d'irrecevabilité est infondée;
- Sur le fond:
Attendu qu'il est admis par les parties que l'inconstructibilité du terrain est susceptible de constituer un vice caché, qu'en l'état de l'invocation d'un tel vice l'action ne peut être appréciée que sur le fondement spécifique de la garantie légale des vices cachés et non sur celui de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue;
Attendu que l'existence du vice doit s'apprécier au moment de la vente;
Attendu qu'il résulte de l'acte de vente passé en l'étude de Maître Catala le 24 avril 2001 que le notaire a visé et joint à l'acte un certificat d'urbanisme positif demandé par les époux Testud pour la parcelle ZH a maie faisant expressément référence à la division de la parcelle en deux lots dont l'un dénommé lot B destiné à la vente;
Attendu que le certificat d'urbanisme délivré le 8 décembre 2000 précise pour le lot B destiné à être vendu et qui devait être de 2 000 m2 que celui-ci est à cheval sur les zones NB et NC du POS alors applicable et que toute construction devra être implantée en zone NB du POS sur une parcelle d'au moins 2 000 m2;
Attendu qu'il est incontestable au vu de ce document que dans la mesure où l'administration était informée que le lot B devait être de 2 000 m2 et qu'il était situé en zone NB et NC elle ne pouvait considérer que la superficie de 2 000 m2 devait être entièrement située en zone NB ; qu'elle entendait au contraire nécessairement exiger que la construction projetée soit édifiée en zone NB sur une parcelle détachée de la parcelle ZH 3 ayant une superficie d'au moins 2 000 m2;
Attendu qu'il est établi que la parcelle détachée vendue aux époux Zago cadastrée ZH n° 144 est d'une superficie globale de 36 ares 78 ca dont une partie en zone NB de 979 m2 suffisante pour supporter l'assiette d'une construction;
Attendu que même s'il est possible de soutenir que l'administration a commis une erreur en délivrant dans les termes précités un certificat d'urbanisme positif visant la division de la parcelle ZH 3 il n'en reste pas moins que la délivrance de ce certificat rendait constructible la partie de la parcelle vendue au moins pour la durée de validité du certificat d'urbanisme;
Attendu que le certificat d'urbanisme était en cours de validité au moment de la cession ; que rien ne permet d'établir que les vendeurs ou le notaire pouvaient à la date de la vente prévoir le revirement de position de l'administration qui n'a été établi qu'à la suite de la demande par les époux Zago avant la date d'expiration de validité du certificat d'urbanisme joint à leur acte d'acquisition d'un nouveau certificat d'urbanisme visant la parcelle ZH 144;
Attendu que les époux Zago n'ont pas formé de recours contre ce nouveau certificat d'urbanisme, qu'en tout état de cause aucune faute ne peut être reprochée aux vendeurs ou au notaire qui n'avaient pas à apprécier la cohérence du certificat délivré par rapport aux dispositions du POS en vigueur;
Attendu qu'au jour de la vente le bien vendu n'était pas atteint d'un vice caché décelable par les vendeurs ou le notaire;
Attendu que l'action engagée par les époux Zago sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'égard des vendeurs n'est pas justifiée, que l'action en responsabilité pour manquement à son devoir de conseil à l'encontre du notaire ne l'est pas plus ; que la décision déférée doit donc être confirmée;
Attendu qu'il n'apparaît cependant pas équitable do faire application en l'espèce de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que les dépens seront à la charge des époux Zago;
Par ces motifs, LA COUR, Déclare l'appel recevable; Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par Me Catala; Confirme la décision déférée; Dit n'y avoir lieu à application complémentaire de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne les époux Zago aux dépens distraits au profit de la SCP Nidecker-Prieu Philippot et de la SCP Sorel-Dessart-Sorel.