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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 26 juillet 2005, n° 02-04573

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Grasset

Défendeur :

Fic (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gall

Conseillers :

Mme Filhouse, M. de Guardia

Avocats :

Me Jullien, SCP Sarlin & Chabaud

Cons. prud'h. Nîmes, du 29 sept. 2000

29 septembre 2000

René Grasset a été engagé par la société Nîmes Fer le 6 décembre 1972.

Après la mise en redressement judiciaire, le 11 avril 1984, de la société Nîmes Fer, la SARL Nîmes Fic constituée le 5 octobre 1984, reprenait le fonds de commerce en location-gérance avant de racheter celui-ci le 1er janvier 1989.

La relation de travail avec René Grasset se poursuivait au sein de ladite société, devenue par la suite SA Nîmes Fic, puis SA Fic.

Le 29 juin 1998, la SA Fic lui faisait connaître son intention de le mettre à la retraite le 30 septembre 1998 à l'issue de son préavis.

Contestant cette mesure et estimant qu'en sa qualité de VRP, il lui était dû une indemnité de clientèle ainsi que divers rappels de salaires, le 12 novembre 1998, il saisissait le Conseil de prud'hommes de Nîmes qui, par jugement rendu le 29 septembre 2000, le déboutait de l'ensemble de ses demandes et, rejetait la demande reconventionnelle de la société Fic.

Le 20 octobre 2000, René Grasset a interjeté appel pour voir :

- dire qu'il avait bien la qualité de VRP

- condamner la SA Fic à lui payer les sommes suivantes:

* 80 493,08 euro à titre d'indemnité de clientèle

* 1 143,37 euro au titre des commissions dues pour les mois de juillet, août et septembre 1998

* 9 550,93 euro à titre de rappel de salaires

* 955,09 euro au titre des congés payés afférents à ce rappel de salaires

* 114,34 euro à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur commissions

* 762,25 euro à titre d'indemnité compensatrice de congés payés complémentaire sur commissions

* 3 353,88 euro à titre d'indemnité compensatrice complémentaire de préavis

* 2 286,74 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Fic conclut à la confirmation du jugement entrepris et au débouté de René Grasset de l'ensemble de ses demandes.

Elle demande à la cour de dire qu'en toute hypothèse, aucune indemnité de clientèle ne peut être allouée sur la base de la rémunération fixe perçue et que le cumul entre indemnité de clientèle et indemnité de mise à la retraite est impossible.

Formant appel incident, elle réclame la condamnation de René Grasset au paiement de la somme de 6 185,39 euro au titre d'un trop perçu sur l'indemnité de mise à la retraite et d'une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Subsidiairement et, avant dire droit sur l'indemnité de clientèle, elle sollicite l'organisation d'une mesure d'expertise.

Pour un plus ample exposé les faits, de la procédure, les moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

Sur quoi

Sur la demande principale

Attendu qu'il convient d'observer, en premier lieu, que si l'ancien employeur (la SA CAPIB) de René Grasset a pu craindre un détournement de sa clientèle lorsque ce dernier a été embauché le 6 décembre 1972 par le concurrent de ladite société, la société Nîmes Fer, il ne peut en être déduit comme le fait René Grasset que celui-ci aurait apporté à la société Nîmes Fer tout ou partie de la clientèle de la société CAPIB;

Attendu que lorsque René Grasset a été embauché par la société Nîmes Fer en 1972, aucune convention écrite n'est venue préciser les activités de ce dernier au sein de l'entreprise; que, compte tenu des indications portées sur les bulletins de salaire d'une qualification de VRP ainsi que des attestations produites et de l'engagement de rémunération pris par l'employeur, le 10 mai 1974, les premiers juges en ont exactement déduit que les fonctions exercées par René Grasset étaient alors celles d'un VRP;

Attendu que, à supposer que ses fonctions de VRP relevaient alors du statut des articles L. 751-1 et suivants du Code du travail, René Grasset a accepté la modification de son contrat selon convention du 31 décembre 1980 par laquelle il était engagé en qualité de collaborateur commercial - 3e échelon - aux conditions générales du statut du personnel de la force de vente pour une rémunération mensuelle fixe de 7 400 F avec intéressement par le moyen le primes d'objectifs conjoncturelles;

Attendu que l'examen des bulletins de salaire met la cour en mesure de vérifier que ces primes d'objectifs n'avaient pas le caractère de commissions ; que la convention des parties ne déterminait pas de manière fixe, ni les prétentions offertes à la vente, ni un secteur d'exercice de l'activité, ni une catégorie de clients, ni un taux de rémunération;

Attendu qu'en l'état de cette nouvelle convention, René Grasset ne pouvait donc plus prétendre au statut de VRP quand bien même les conditions générales du statut du personnel de la force de vente accordaient certains avantages empruntés, soit au statut de cadre, soit au statut de VRP, notamment en ce qui concerne le régime de retraite complémentaire pour ce même statut ;

Attendu que certes, le 7 décembre 1989, René Grasset signait un avenant à son contrat de collaborateur commercial lui confiant la promotion et le développement des ventes dans le département de l'Hérault avec détermination d'un certain nombre de clients de son ancien secteur dont il devait continuer à assurer le suivi;

Attendu que cependant, la convention prévoyait que ce suivi des clients de l'ancien secteur était temporaire tandis que la désignation du secteur de l'Hérault était faite sous condition du maintien de l'activité de l'entreprise sur ce département ; que, par ailleurs, la prime d'intéressement à établir en fonction de la marge brute à réaliser sur le département de l'Hérault avait un caractère évolutif et ne présentait pas les caractéristiques d'un taux de commission;

Attendu que d'autre part, les premiers juges retiennent exactement que seule l'activité réelle doit être prise en considération pour rechercher dans quelle mesure le statut de VRP doit s'appliquer;

Attendu que de ce point de vue, outre le caractère fixe de la rémunération déjà examiné, il a été exactement relevé que René Grasset ne justifiait pas de primes d'ordres nonobstant les listings produits qui permettaient de connaître les ventes réalisées;

Attendu que ces listings sont à rapprocher des bons de préparation établis par le salarié lesquels ne s'analysent pas en prises d'ordres de ventes;

Attendu qu'ainsi, René Grasset qui ne justifie pas, par ailleurs, de la création ou du développement d'une clientèle spécifique, s'est vu refuser à bon droit le statut de VRP par le conseil de prud'hommes do la décision doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les prétentions au paiement d'une indemnité de clientèle;

Attendu que s'agissant des rappels de salaires, n'ayant pas signé les propositions de modification de son contrat de travail soumises par son employeur, le 30 janvier 1992, puis, le 26 décembre 1997, cette dernière convention destinée à régulariser de nouvelles fonctions exercées à compter du mois d'août 1996, René Grasset soutient à juste titre que son silence ne saurait être analysé comme une acceptation des modifications apportées à son contrat de travail, notamment en ce qu'elles portaient atteinte à la structure de sa rémunération;

Attendu que cependant, quand bien même la partie fixe de sa rémunération a été réduite à compter du 1er mars 1992, le nouveau mode de calcul de la prime d'intéressement venait compenser la diminution de cette rémunération fixe, la cour étant en mesure de vérifier que la rémunération globale perçue annuellement par le salarié était supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre en vertu de son contrat avant modification;

Attendu que, dès lors, René Grasset qui ne s'est jamais prévalu de la modification de son contrat de travail, ne saurait réclamer paiement de rappels de salaires au regard des conditions de rémunérations antérieures moins avantageuses ;

Attendu que s'agissant des primes d'objectifs improprement qualifiées par René Grasset de commissions, elles sont réglées le mois suivant la date de référence pour le calcul (prime de juin payée en juillet, prime de juillet payée en août, etc...) ;

Attendu que l'examen des bulletins de salaire révèle que, s'agissant du mois de juillet 1998 correspondant au premier mois de préavis au cours duquel René Grasset était absent pour cause de maladie, la prime d'objectif se rapportant au mois de juin 1998 a été réglée pour un montant de 3 210 F;

Attendu que s'agissant du mois d'août 1998 correspondant au deuxième mois de préavis dont l'employeur a dispensé son salarié de l'exécution, il a été réglé la prime d'objectif du mois de juillet 1998 pour un montant de 2 810 F;

Attendu que pour le mois de septembre 1998, correspondant au troisième mois de préavis avec dispense d'exécution, l'employeur s'est contenté le verser le salaire de base, soit 1 950 F ;

Attendu qu'il en résulte que René Grasset n'a pas perçu de son employeur les primes d'objectifs correspondant aux mois d'août et de septembre 1998 respectivement de 2 000 F et de 2 980 F;

Attendu que dans la mesure où il résulte des courriers échangés entre René Grasset et la SA Fic que la dispense de préavis est la conséquence de la volonté de l'employeur, ce denier ne saurait se prévaloir de l'absence du salarié pour lui refuser tout ou partie des éléments de la rémunération alors qu'au surplus, les dispositions contractuelles ne stipulent pas de restriction de versement de la prime en cas d'absence;

Attendu que dès lors, ces sommes de 2 000 F et 2 980 F sont bien dues à René Grasset pour les mois considérés outre les indemnités de congés payés afférentes à ces sommes ;

Attendu que s'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés portée au bulletin de salaire du mois de septembre 1998, il ne résulte pas des éléments soumis à la cour qu'elle aurait été affectée d'une quelconque erreur de calcul au regard des droits acquis au titre de la période de référence et des rémunérations auxquelles le salarié pouvait prétendre; que la demande de rappel formée de ce chef sera donc rejetée;

Attendu qu'enfin, même si le bulletin de salaire du mois de juillet 1998 ne précise pas qu'il s'agissait d'une période de préavis, René Grasset a bien bénéficié de trois mois de préavis entre le 1er juillet et le 30 septembre 1998;

Sur la demande reconventionnelle

Attendu que la société Fic qui s'abstient de soumettre à la cour les éléments qu'elle a retenus pour calculer l'indemnité de départ à la retraite et qui seraient, selon elle erronés, se contente d'indiquer que cette indemnité serait d'un montant moindre au motif que le salaire de référence devrait correspondre à la moyenne des trois derniers mois de salaire qui, selon elle s'élèverait à 22 386,67 F;

Attendu que cependant, contrairement aux affirmations de cette dernière, l'indemnité ne saurait être inférieure au montant de l'indemnité légale de licenciement laquelle est calculée par référence à la moyenne des douze derniers mois de salaire dès lors que, comme en l'espèce, celle-ci est plus favorable;

Attendu que dans la mesure où la démonstration n'est pas faite que la somme que l'employeur a accepté de verser serait indue, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont débouté de sa demande;

Sur les frais

Attendu que René Grasset qui succombe sur le principal devra supporter les dépens de première instance et d'appel; que, néanmoins, l'équité justifie de le dispenser de l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit les appels en la forme; Au fond, Confirmant le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions; Le réforme uniquement en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de primes d'objectifs au titre les mois d'août et septembre 1998, Condamne la SA Fic à payer, à ce titre, à René Grasset la somme brute de 759,20 euro (soit 4 980 F) outre la somme brute de 75,92 euro à titre d'indemnité de congés payés afférente à ce rappel de salaire; Dit que René Grasset supportera les dépens de première instance et d'appel; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.