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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 24 octobre 2002, n° 01-06590

RENNES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boivin

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Bohuon

Avoués :

SCP Guillou & Renaudin, SCP Gauvain & Demidoff

Avocats :

Mes Soulas, Guillemot

TI Rennes, du 20 sept. 2001

20 septembre 2001

Madame X qui exploite sous l'enseigne XX, rue saint George à Rennes un commerce de lingerie féminine a signé le 22 novembre 2000 avec la société Y un bon de commande portant sur la vente et mise en service d'une configuration matérielle et pack internet, la création et maintenance sur site marchand client sur internet pour un coût mensuel global de 1 542,84 F pendant 48 mois, avec versement à la commande d'un chèque de garantie de 9 000 F.

Elle a signé le même jour avec la société Y un contrat de participation commerciale moyennant la rétrocession d'une participation de 5 % à son chiffre d'affaires réalisé par commerce électronique.

Par courrier du 25 novembre 2000 Madame X a dénoncé les deux contrats ; le 18 mai 2001 elle a assigné la société Y en annulation des contrats, restitution du chèque de garantie, et paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 20 septembre 2001 le Tribunal d'instance de Rennes a constaté que Madame X avait usé de son droit de renonciation dans le délai de 7 jours, a annulé les contrats, condamné la société Y à payer la somme de 1 372,04 euro, en restitution du chèque de garantie et la somme de 1 524,49 euro à titre de dommages-intérêts.

La société Y a interjeté appel pour solliciter la réformation du jugement, la condamnation de Madame X au paiement de la somme de 2 014,90 euro au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure, outre 1 500 euro au titre des frais irrépétibles.

Elle fait grief au premier juge de na pas avoir retenu les deux exceptions d'irrecevabilité soulevées in limine litis, d'avoir ignoré la qualité de commerçant de madame X, de retenir le démarchage sur son lieu de travail pour faire application des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation.

Elle fait valoir que la galerie central " Europe Shopping Com " qui réunit 200 commerçant, constitue pour chacun d'eux une continuation de leur activité entraînant l'application de l'article L. 121-22 du Code de la consommation.

Madame X conclut à la confirmation du jugement, sollicite au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civiles la somme de 1 830 euro.

Elle rappelle le principe d'oralité des débats devant le tribunal d'instance, l'irrecevabilité des écritures adressées par courrier alors que leur auteur ne se présente ou ne se fait pas représenter.

Elle réplique qu'elle exerce une activité de vente de sous-vêtements féminins, qu'elle n'est ni internaute, ni informaticienne, que la prestation fournie concernait les matériels et fournitures de prestations informatiques, que faute de moyens logistiques de commercialisation, et distribution "La Galerie Marchande" est sans intérêt ; la prestation Y n'a aucun rapport direct avec son activité.

Elle dénonce la déloyauté du procédé commercial utilisé, démarchage sur le lieu de travail, altération du consentement, caractère exorbitant et abusif de la clause de dédit ayant pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre entre les droits et obligations des parties.

Discussion:

Sur le moyen de procédure:

Le 6 juin 2002 Madame X a déposé des conclusions aux fins de rejet des débats de nouvelles écritures de la société Y en date du 5 juin 2002, veille de l'ordonnance de clôture faute de temps pour recueillir ses observations et répondre aux écritures de la société Y.

La société Y qui avait reçu une injonction de conclure au 30 avril 2002, n'a pas satisfait à cette obligation, a attendu la veille de la clôture pour dénoncer à son adversaire de nouvelle écritures contenant des demandes complémentaires auxquelles l'intimé ne pouvait être en mesure de répondre avant le 6 juin 2002, jour de l'ordonnance de clôture ; en conséquence les écritures de la société Y déposées le 5 juin 2002 en violation manifeste du principe du contradictoire seront rejetées des débats;

Sur le fond:

Attendu que la cour relève que le premier juge a statué par jugement réputé contradictoire en l'absence de la société Y qui n'a pas comparu, ne s'est pas fait représenter, et il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir retenu le courrier de la société Y, en son absence;

Attendu que l'article L. 121-21 du Code de la consommation soumet aux dispositions de ce Code le démarchage à domicile d'une personne physique, ou sur son lieu de travail pour lui proposer achat, vente ou location de biens et fournitures de services; l'article L. 121-22 exclut de ces dispositions les ventes, locations ou prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale;

Attendu que les deux contrats soumis à la signature de Madame X, portant sur la location de matériels informatiques et la création de site marchand client dans la galerie marchande "Europe Shopping - Com" avec notamment mise en page de 5 à 10 produits à vendre et espace client pour opération promotion, sont en relation directe avec l'activité commerciale de Madame X commerçante en lingerie féminine, que par application des dispositions de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, les dispositions protectrice du Code de la consommation ne sont pas applicables;

Attendu que Madame X, qui se prévaut d'un vice du consentement, produit un certificat médical établi le 5 mars 2001 aux termes duquel Madame A présentait depuis les derniers mois de l'année 2000 des troubles psychiques ayant pu altérer ses facultés de jugement ; que toutefois si Madame A n'avait pas été en possession de toutes ses facultés de jugement, elle n'aurait pas été en mesure d'exercer son activité de commerçante, comme ayant été démarchée sur son lieu de travail; qu'aucun autre élément ne permet de consacrer l'existence d'un vice du consentement, pas autrement caractérisé par l'intimé ;que Madame X sera déboutée de sa demande d'annulation des contrats;

Attendu que la clause du contrat qui prévoit qu'en cas de résolution du contrat le client devra verser une indemnité égale à 30 % du montant total de la location est une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans la mesure où elle impose au client qui n'exécute pas son obligation une indemnité d'un montant particulièrement élevé créant un déséquilibre significatif entre les parties en l'absence de contre partie au bénéfice du client ; que cette clause est réputé non écrite, la société Y sera déboutée de sa demande en paiement de ce chef;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles;

Décision :

Par ces motifs, LA COUR, Rejette des débats les écritures de la société Y en date du 5 juin 2002;

Infirme le jugement du 5 juillet 2001; Déboute Madame X de sa demande d'annulation des contrats et de sa demande de dommages-intérêts et restitution du chèque de garantie; Dit que la clause de dédit est réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation; Déboute la société Y de sa demande d'indemnité de résiliation; Déboute les parties de leurs autres demandes; Dit que chacune des parties supportera ses propres frais de première instance et d'appel.