Livv
Décisions

CA Rouen, 1re ch. 1er cabinet, 31 octobre 2001, n° 99-05166

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vicking Auto (SA)

Défendeur :

Augras

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brunhes

Conseillers :

Mme Jourdan, Aymes-Belladina

Avoués :

SCP Colin Voinchet Radiguet Enault, Me Couppey

Avocats :

Mes Surbled, Morival-Chevalier

TGI Dieppe, du 11 août 1999

11 août 1999

Le 5 décembre 1996, la société anonyme Vicking Auto a vendu à Monsieur Augras un véhicule d'occasion, Peugeot modèle 405 SRDT, moyennant la somme de 71 500 F.

Six mois après, le 21 juin 1997, Monsieur Augras a revendu ce véhicule à Monsieur Argilaga moyennant le versement de la somme de 64 00 F.

L'acquéreur a fait effectuer, le 3 juillet 1997, un contrôle technique du véhicule qui a révélé un certain nombre de défauts.

Monsieur Argilaga a fait expertiser le véhicule par le cabinet Buirette, le 16 juillet 1997, et les conclusions de l'organisme de contrôle ont confirmé l'existence de défauts constatés lors du contrôle technique.

Par ordonnance de référé du 24 septembre 1997, le président du Tribunal de grande instance de Dieppe, saisi par Monsieur Argilaga, a désigné un expert aux fins de déterminer si le véhicule litigieux était affecté de désordres le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné lors de la vente conclue le 21 juin 1997, et s'ils constituaient des vices cachés pour l'acquéreur.

Le rapport d'expertise, déposé le 29 décembre 1997, a retenu l'existence de vices cachés lors de la seconde vente et par acte du 26 février 1998. Monsieur Argilaga a assigné Monsieur Augras en résolution de la vente et au remboursement de différents frais.

Monsieur Augras a alors assigné la société Vicking Auto, son vendeur, par acte du 5 mars 1998, aux fins de voir prononcer la résolution de la vente intervenue le 5 décembre 1996 et d'obtenir la restitution du prix de 71 500 F et subsidiairement, d'ordonner une seconde expertise afin de dire si les vices cachés révélés existaient au moment de la première vente.

Par jugement du 19 novembre 1998, le Tribunal de grande instance de Dieppe a prononcé la résolution de la vente pour vices cachés entre Monsieur Augras et Monsieur Argilaga et avant dire droit, sur la demande en résolution de la vente du même véhicule conclue entre Monsieur Augras et Vicking Auto, ordonné une mission d'expertise pour dire si les défauts relevés lors de la seconde vente existaient lors de la précédente et s'ils constituaient des vices cachés pour l'acquéreur.

L'expert a déposé son rapport le 22 mars 1999.

Par jugement en date du 11 août 1999, le Tribunal de grande instance de Dieppe a :

- ordonné la résolution de la vente réalisée entre la société anonyme Vicking Auto et Alain Augras le 5 décembre 1996,

- condamné la société Vicking Auto à payer à Alain Augras la somme de 71 500 F correspondant au prix du véhicule et la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sauf en ce qui concerne l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens,

- condamné la société Vicking Auto aux dépens comprenant le coût des deux expertises déposées les 29 décembre 1977 et 22 mars 1999.

La société Vicking Auto a fait appel de la décision et par dernières conclusions, signifiées le 10 avril 2000, sollicite la réformation de la décision, et en application de l'article 1648 du Code civil, l'irrecevabilité de la demande en résolution de vente, ou en tout cas le mal fondé d'une telle demande et la condamnation de l'intimé au paiement d'une indemnité de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant le coût des deux rapports d'expertise.

Au soutien de son appel, la société Vicking Auto fait valoir que la vente entre les parties est intervenue le 5 décembre 1996, et que ce n'est que par conclusions du 10 mai 1999 que l'acquéreur a, pour la première fois, sollicité la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ; que Monsieur Augras ayant toujours déclaré ne jamais avoir effectué de réparation sur le véhicule, l'existence de vices cachés lui a donc été révélée le jour du dépôt du premier rapport d'expertise du 29 décembre 1997; que le demande en résolution a donc été formée dix-sept mois après que l'acquéreur ait eu connaissance du prétendu vice affectant le bien vendu ; que son action ne peut être déclarée qu'irrecevable, étant atteinte par le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil

Elle prétend, en outre, que l'expert a répondu dans son rapport avec une grande précaution sur l'existence de vices cachés lors de la vente du 5 décembre 1996 et n'apporte aucune conclusion précise quant à l'état du véhicule à cette date, le rapport ne contenant que des suppositions et n'étant étayé par aucun élément objectif permettant de justifier cette hypothèse ; que l'état actuel du véhicule est dû non à l'existence d'un vice caché le jour de la vente mais plutôt une mauvaise utilisation du véhicule par son conducteur et à l'exécution de réparations de fortune par un non- professionnel ; que Monsieur Augras n'apporte pas la preuve certaine qui lui incombe de ce que le véhicule était atteint d'un vice caché lors de la vente du 5 décembre 1996 et que le véhicule aurait eu un kilométrage supérieur;

Monsieur Alain Augras sollicite dans ses dernières conclusions, en date du 31 janvier 2001, la confirmation du jugement rendu et la condamnation de la société Vicking Auto à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais des expertises.

Il prétend que c'est à juste titre que les premiers juges ont entériné le rapport d'expertise et prononcé la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du Code civil ; que le délai prévu à l'article 1648 du Code civil ne court que du jour de la découverte du vice par l'acquéreur et que s'agissant de l'exercice d'une action récursoire, le vendeur ne peut agir avant d'avoir été lui-même assigné par l'acquéreur; qu'il a été assigné par Monsieur Argilaga le 26 février 1998 et dès le 5 mars 1998, il a assigné la société Vicking Auto, agissant donc dans un très bref délai ; que le second rapport d'expertise a été déposé le 22 mars 1999 et dès le 10 mai 1999, il a sollicité la résolution de la vente à l'encontre de la société Vicking Auto ; que sa demande est donc parfaitement recevable.

Il soutient, concernant les vices cachés, que la preuve de l'existence de ceux-ci est amplement rapportée par les pièces versées aux débats, et notamment par le rapport d'expertise, mais également par les constatations établies par le cabinet Buirette le 16 juillet 1997, constatations établies seulement 7 mois après la vente du véhicule par la société Vicking Auto et confirmant en outre un problème de kilométrage réel du véhicule; qu'enfin la société Vicking Auto ne rapporte pas la preuve d'une mauvaise utilisation du véhicule.

Sur ce,

Vu les conclusions et les pièces produites,

Attendu que l'article 1648 du Code civil énonce que " l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite. "

Attendu que deux rapports d'expertises ont été diligentées pour l'examen du véhicule litigieux ; que le premier, déposé le 29 décembre 1997, concernant la seconde vente intervenue entre Monsieur Augras et Monsieur Argilaga, révélait des défauts constituant des vices cachés pour l'acquéreur ; que le 26 février 1998, Monsieur Argilaga assignait Monsieur Augra en résolution de vente ; que dès le 5 mars 1998, Monsieur Augras assignait la société Vicking Auto ; que le deuxième rapport d'expertise, déposé le 22 mars 1999, concernait la première vente intervenue entre la société Vicking Auto et Monsieur Augras ;

Que la société Vicking Auto prétend que la demande en résolution n'a été formée que 17 mois après que l'acquéreur ait eu connaissance du vice affectant le bien soit le 10 mai 1999 par voie de conclusions ;

Attendu que l'assignation à l'encontre de la société Vicking Auto par Monsieur Augras, en date du 5 mai 1998, sollicitait la garantie du garage et la résolution de la vente au vu des vices cachés révélés par la première expertise intervenue entre Monsieur Augras et Monsieur Argilaga, déposée le 29 décembre 1997, laquelle précisait que les défauts présentaient le caractère de vices cachés pour un acquéreur non professionnel ; que subsidiairement, Monsieur Augras demandait une deuxième expertise afin de dire si les vices cachés révélés par l'expertise existaient au moment de la vente intervenue entre la société Vicking Auto et lui-même ; que la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement de l'action exercée pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale et ne peut être fondée que sur l'article 1641 du Code civil.

Attendu que les conclusions du 10 mai 1999 de Monsieur Augras, n'avait pas pour but de préciser ses prétentions ou de justifier le fondement de son action mais de conclure sur le deuxième rapport d'expertise déposé le 22 mars 1999 confirmant que les vices cachés révélés dans le précédent rapport, existaient au moment de la vente intervenue entre Vicking Auto et Monsieur Augras.

Attendu qu'ainsi, seulement deux mois et demi s'étant écoulés entre la découverte des vices cachés affectant le véhicule litigieux lors de la vente entre le vendeur intermédiaire et le sous acquéreur et la mise en cause par le vendeur intermédiaire du vendeur initial, Monsieur Augras a agi à bref délai ; que son action est donc recevable.

Attendu que le vendeur professionnel doit garantie des vices cachés tant dans l'action principale que dans l'action récursoire ; que dans le cas de ventes successives d'un véhicule d'occasion, la garantie du vendeur initial peut être retenue si les vices cachés constatés alors que la chose vendue était la propriété du dernier acquéreur, existaient lors de la première vente ; que si l'action en garantie se transmet en principe avec la chose vendue au sous-acquéreur, le vendeur intermédiaire ne perd pas la faculté de l'exercer lorsqu'elle présente pour lui un intérêt direct et certain ; que la preuve du vice incombe à l'acheteur;

Que la société Vicking conteste l'existence de ces vices cachés lors de la vente à Monsieur Augras et le kilométrage supérieur à celui indiqué, élément révélé par les expertises ;

Attendu que le deuxième rapport d'expertise déposé le 22 mars 1999 conclut que l'ensemble des défauts, relevés par l'expert le 29 décembre 1997 sur le véhicule litigieux, existaient lors de la première vente en date du 5 décembre 1996 et constituaient des vices cachés pour l'acquéreur, en l'espèce, Monsieur Augras ;

Attendu qu'ainsi, l'expert a retenu des désordres, affectant le vérin d'assistance de direction, les jeux de silent-blocs de la suspension inférieure avant droite détruits ainsi que le moteur (fuite d'huile), comme des défauts rendant le véhicule litigieux impropre à l'usage auquel il était destiné ;

Que l'expert, comme le cabinet Buirette ayant réalisé un contrôle après la vente entre Monsieur Augras et Monsieur Argilaga, émettent des doutes sur le kilométrage réel du véhicule, en raison de l'anomalie d'une facture de Vicking Auto surchargée manuellement, du peu de kilomètres effectués après l'achat par la société MTI (6 360 kilomètres entre le 29 septembre 1994 et le 2 décembre 1995), et après l'achat effectué par Vicking Auto (2 327 kilomètres effectués entre le 2 décembre 1995 et le 5 décembre 1996) alors que ce véhicule avait parcouru 47 640 kilomètres entre le 15 décembre 1993 et le 29 septembre 1994 ; que l'expert note également le grand nombre d'interventions de la société Vicking Auto sur un véhicule qu'elle semble avoir peu utilisé, interventions concernant le joint spi de vilebrequin et d'arbre à cames, les plaquettes de frein, la courroie de distribution, les pneus, le carter de distribution et silent bloc, le remplacement du ressort de frein arrière, des travaux de peinture sur une grosse partie de la voiture, le palier de barre anti-devers et l'étanchéité du pare-brise, le remplacement de la pompe à eau, et à nouveau, en mars 1997 carter de distribution, support moteur, courroie de distribution, et freins arrière qu'il conclut que le cumul des interventions réalisées par le garage Vicking ne peut pas correspondre à celles qui doivent normalement être effectuées sur un véhicule de ce kilométrage et que certaines anomalies relevées sur ces postes ne correspondent pas au kilométrage affiché au compteur, après avoir relevé que la protection en caoutchouc de la prise de câble de compteur est déchaussée par défaut de positionnement lors d'un démontage précédent ce qui suppose une intervention sur cet organe ou sur les organes annexes ;

Que contrairement à ce que soutient la société Vicking Auto, l'expert n'a pas répondu avec une grande précaution, mais plutôt avec une grande précision ; qu'en outre les conclusions de l'expert judiciaire rejoignent celles de l'expert amiable, le cabinet Buirette qui a examiné le véhicule litigieux le 16 juillet 1997 soit seulement sept mois après la vente intervenue entre la société Vicking Auto et Monsieur Augras, alors que ce dernier n'avait parcouru que 10 000 kilomètres environ ; qu'enfin le garage Vicking a continué à entretenir le véhicule, après la vente à Monsieur Augras en décembre 1996, la dernière facture datant du 11 mars 1997 et le véhicule ayant alors 61 098 kilomètres, soit quatre mois seulement avant l'expertise du cabinet Buirette ;

Attendu que l'admission d'un vice caché suppose que l'acheteur ait fait de la chose un usage normal ;

Que la société Vicking Auto soutient que l'état actuel du véhicule est dû, non pas à l'existence d'un vice caché le jour de la vente mais plutôt à une mauvaise utilisation du véhicule par son conducteur et à l'exécution de réparations de fortune par un non professionnel ; qu'elles ne peuvent être de son fait car étant professionnel dé l'automobile, elle n'aurait pu faire montre d'une telle incompétence ;

Que la société Vicking Auto se contente d'affirmer que les éléments défectueux ne peuvent être que la conséquence de réparation d'un non- professionnel sans toutefois justifier ses dires ; qu'il apparaît, au contraire, que les éléments défectueux relevés par l'expert ont pourtant fait l'objet d'interventions du garage selon les factures produites à l'expertise ; qu'enfin elle a continué à entretenir le véhicule après la vente jusqu'en mars 1997, selon la dernière facture produite, la vente entre Monsieur Augras et Monsieur Argilaga étant intervenue le 21 juin 1997 et le véhicule ayant parcouru 6 000 kilomètres entre mars et juin 1997 ;

Attendu que le rapport d'expertise déposé par Claude Stefani Drome le 22 mars 1999 sera entériné, en ce qu'il a constaté que les défauts relevés sur le véhicule litigieux existaient lors de la vente réalisée le 5 décembre 1996 et constituaient des vices cachés pour l'acquéreur ; qu'en conséquence le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Augras, la totalité des frais hors dépens, exposés par lui en appel pour se défendre, qu'il convient de condamner la société Vicking Auto à lui verser la somme de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Attendu que succombant, la société Vicking Auto sera condamnée à supporter les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Recevant l'appel de la société Vicking Auto, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne la société Vicking Auto à payer à Monsieur Augras la somme de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Vicking Auto aux dépens avec droit de recouvrement an faveur de Maître Couppey, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.