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Décisions

CA Metz, 4e ch., 21 novembre 2002, n° 00-01528

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Feller

Défendeur :

Bouchareb

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Staechele

Conseillers :

Mme Fichter, M. Marquis

Avocats :

Mes Vanmansart Haxaire Salanane, Henaff

TI Hayange, du 19 mai 2000

19 mai 2000

Madame Bouchareb a acquis un véhicule d'occasion immatriculé 4104 XT 57 auprès de Monsieur Aichouba, à un kilométrage indiqué de 87 191 Km et l'a revendu à Mademoiselle Djedai, qui, à la suite d'une expertise, découvrait que le compteur kilométrique avait été falsifié.

Par jugement confirmé par la cour d'appel. La résolution de la vente a été prononcée et Madame Bouchareb a été condamnée au remboursement du prix et des frais occasionnés par la vente.

Soutenant qu'il résultait de l'enquête pénale, qu'elle ne pouvait connaître ce vice et que Monsieur Feller (qui s'appelait avant décret de changement de nom du 5 décembre 1994 Chwalizwski) garagiste et vendeur du véhicule avait pu modifier les données du compteur pour obtenir un meilleur prix du véhicule , Madame Aïcha Bouchareb a introduit, le 1er octobre 1999 une demande tendant à la condamnation de Monsieur Hubert Feller à la garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle par le jugement n° 11.95.1275 du 30 avril 1996 et par l'arrêt n° 1482-97 du 16 octobre 1997 de la Cour d'appel de Metz et à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Feller a conclu au rejet de cette demande et reconventionnellement a sollicité paiement de la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en faisant valoir qu'il n était pas prouvé que le véhicule avait 73 000 Km au compteur lors de la première vente, que les acquéreurs successifs auraient pu faire appel à des tiers pour falsifier le compteur, que l'enquête pénale n'a tiré aucune conclusion définitive, que le véhicule a été acheté initialement aux Domaines, sans précision de kilométrage, que lors de la vente du véhicule à Monsieur Aichouba le certificat de cession mentionnait que le kilométrage n'était pas garanti, et que sur le fondement de l'article 1643 du Code civil, il ne pouvait être, en tout état de cause, tenu de garantir Madame Bouchareb, venant aux droits de Monsieur Aichouba.

Par jugement rendu le 19 mai 2000, le Tribunal d'instance de Hayance a:

¤ Déclaré les demandes de Madame Bouchareb parfaitement recevables;

¤ Condamné en conséquence Monsieur Hubert Feller à:

* Garantir Madame Bouchareb des condamnations prononcées à son encontre, en principal, intérêts et frais, par le jugement n° 11.93.01275 du Tribunal d'instance de Thionville du 30 avril

1996 confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Metz le 16 octobre 1997 décision A II 1482-97,

* Régler à Madame Bouchareb une somme de 1219,59 euro outre intérêts légaux à compter du présent jugement

* Débouté Monsieur Hubert Feller de ses demandes reconventionnelles;

* Condamné Monsieur Hubert Feller à régler à Madame Bouchareb une somme de 304,90 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

* Laissé les dépens à la charge de Monsieur Feller, partie succombante.

Monsieur Hubert Feller a interjeté appel de ce jugement le 15 juin 2000 et demande à la cour:

* Recevoir l'appel;

* Intimer le jugement entrepris;

* Et statuant à nouveau;

* Débouter Madame Bouchareb de sa demande;

* Condamner Madame Bouchareb à payer à Monsieur Feller la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Condamner Madame Bouchareb aux dépens.

Madame Bouchareb conclut:

* Dire recevable mai mal fondé l'appel interjeté le 15 juin 2000 par Monsieur Feller contre le jugement rendu la 29 mai 2000 par le Tribunal d'instance de Hayange;

* Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

* Condamner Monsieur Feller an tous les frais et dépens d'instance et d'appel,

* Condamner Monsieur Feller à verser à Madame Bouchareb une somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Sur ce

Vu les conclusions récapitulatives en date du 18 mars 2002 pour l'appelant et du 27 mai 2002 pour l'intimée et les pièces régulièrement produites auxquelles il convient de se référer expressément pour plus ample exposé du litige, des moyens et arguments respectifs des parties;

Attendu que Monsieur Feller fait valoir, au soutien de son appel, qu'au vu des dispositions de l'article 1641 du Code civil, la demande de Madame Bouchareb est irrecevable, le sous acquéreur pouvant exercer directement l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire, à la condition qu'il agisse dans le bref délai prévu par la loi, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ajoutant que Madame Bouchareb ne rapporte pas la preuve de manœuvres frauduleuses caractérisant le dol lui permettant de ne pas se voir opposer le bref délai, contestant formellement avoir falsifié le compteur du véhicule litigieux;

Qu'il précise que le véhicule qui appartenait auparavant à France Télécom lui a été vendu par les Domaines pour la somme de 6 458 F. sans que lui soit remis le contrôle technique établi par France Télécom, sans indication de kilométrage, et qu'il a procédé à sa remise en état, l'a passé au contrôle technique et l'a revendu 10 000 F à Monsieur Aichouba pour sa compagne Madame Bouchareb en l'informant de la provenance du véhicule et en mentionnant sur le certificat de cession que le kilométrage n'était pas garanti, ajoutant que Monsieur Aichouba et Madame Bouchareb l'ont revendu bien plus cher à Madame Djedai en garantissant le kilométrage, ce qu'ils n'auraient pas dû faire ;

Qu'il conteste formellement avoir falsifié le compteur kilométrique et rappelle qu'il n'a jamais fait l'objet d'aucune poursuite pénale;

Attendu que Madame Bouchareb maintient que sa demande est parfaitement recevable, puisqu'on se trouve dans un cas de cumul d'un vice caché et d'un dol ce qui lui permet d'agir sur le fondement du dol sans se voir opposer le bref délai de l'article 1648 du Code civil, ajoutant qu'en tout état de cause, si l'on se place sur le seul fondement de la garantie des vices cachés, les condamnations prononcées par l'arrêt de la cour du 16 octobre 1997 ont substitué au bref délai une prescription trentenaire courant à compter du jour de la conclusion du contrat;

Attendu qu'elle soutient également que sa demande est parfaitement fondée, Monsieur Feller, vendeur professionnel, tenu de connaître les vices, ne pouvant se prévaloir d'une clause de non garantie et alors que le procès verbal de synthèse établi par la Gendarmerie précise que le garagiste aurait pu falsifier le compteur kilométrique afin d'augmenter le prix de vente et ce après examen des documents présentés, et met hors de cause les acheteurs successifs;

Qu'elle fait encore remarquer que Monsieur Feller n'a pas été en mesure de certifier le kilométrage du véhicule par la production de ses livres de police dont la tenue est pourtant obligatoire;

Sur la recevabilité de la demande

Attendu que Monsieur Feller ne conteste pas que le sous acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire, mais oppose à Madame Bouchareb les dispositions de l'article 1648 du Code Civil qui prévoit que cette action doit être intentée dans un bref délai;

Attendu qu'il convient de rappeler que Madame Bouchareb fonde son appel en garantie non seulement sur le vice caché (kilométrage considérablement minoré) mais également sur le dol qui porte non seulement sur les caractéristiques de la chose vendue mais suppose une tromperie, des manœuvres, ici le silence du garagiste pour dissimuler le véritable kilométrage du véhicule;

Que dès lors, agissant sur le fondement du dol, elle ne peut se voir opposer le bref délai de l'article 1648 du Code civil;

Qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Madame Bouchareb;

Sur le fond,

Attendu qu'il n'est pas contesté par Monsieur Feller, vendeur professionnel qui a acquis des Domaines le véhicule Litigieux (mis en circulation le 29 mai 1986) le 2 juillet 1992, que le contrôle technique effectué le 22 avril 1992 par l'ancien propriétaire du véhicule. France Télécom, mentionnait à cette date un kilométrage de 173 627 Km, et qu'il a lui-même revendu ce véhicule à Monsieur Aichouba le 1er décembre 1992, après l'avoir remis en état, en indiquant sur l'acte de cession, un kilométrage de 76 050 Km;

Que c'est en vain qu'il soutient qu'il ne connaissait pas le kilométrage exact du véhicule lorsqu'il en a fait l'acquisition, parce que le tableau de bord et le compteur kilométrique étaient démontés, alors d'une part, que le certificat de vente établi par le Service des Domaines, le 6 juillet 1992 mentionne que le véhicule était en état de marche au jour de la vente, ce qui n'aurait pas été le cas si le tableau de bord avait été démonté, et que d'autre part, un vendeur professionnel ne peut se prévaloir d'une stipulation excluant à l'avance sa garantie;

Attendu dès lors que c'est à bon droit que le premier juge a fait droit à la demande de Madame Bouchareb;

Que la confirmation du jugement déféré s'impose en toutes ses dispositions;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Bouchareb la totalité de ses frais engagés en cause d'appel, non compris dans les dépens;

Qu'il convient de lui allouer la somme de 400 euro u titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement ; Déclare l'appel recevable en la forme; Au fond Dit cet appel mal fondé et le rejette; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Condamne Monsieur Hubert Feller aux dépens d'appel et à verser à Madame Aïcha Bouchareb la somme de 400 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.