CA Lyon, 1re ch. civ., 3 octobre 2002, n° 01-01579
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Saby
Défendeur :
Central Autos (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loriferne
Conseillers :
M. Jacquet, Mme Biot
Avoués :
SCP Junillon-Wicky, SCP Dutrievoz
Avocats :
Mes Loye, Humbert
Faits - procédure - prétentions des parties
Le 7 mars 1997, Monsieur Jean-Paul Saby a acquis de la société anonyme Central Autos un véhicule d'occasion Renault Safrane V6 au prix de 80 000 F qui avait été mis en circulation le 29 octobre 1992.
Faisant état de nombreux incidents survenus depuis la prise de possession de ce véhicule jusqu'en août 1997, Monsieur Saby a saisi le Tribunal de grande instance de Lyon d'une action en résolution de la vente, restitution du prix et paiement de la somme de 38 379,92 F en remboursement de son préjudice matériel outre 5 500 F à titre d'indemnité d'immobilisation et une indemnité de 10 000 en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 18 janvier 2001, le tribunal, statuant au vu du rapport de l'expert Eyrard désigné par ordonnance du Président du tribunal statuant en référé, constatant que Monsieur Saby avait immobilisé le véhicule pendant vingt mois et que celui-ci avait subi une dépréciation évidente, a considéré que l'acquéreur ne pouvait plus exercer une action rédhibitoire et l'a débouté de toutes ses prétentions.
Appelant, Monsieur Saby conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de constater l'accord intervenu entre les parties sur le principe de la résolution de la vente intervenue entre eux, de prononcer cette résolution et de condamner la société Central Autos à lui payer la somme de 82 967 F (12 648,24 euro) en échange de quoi il remettra ledit véhicule à son vendeur.
Subsidiairement, il prie la cour d'accueillir comme bien fondée son action estimatoire et de condamner en conséquence la société Central Autos à lui payer la somme de 46 967 F (7 160,07 euro) au titre de la différence de valeur.
En tout état de cause, il réclame les sommes de 38 379,92 F (5 850,98 euro) au titre de son préjudice matériel, 5 500 F (838,47 euro) à titre d'indemnité d'immobilisation et 20 000 F (3 048,98 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il explique que de nombreux incidents survenus durant les cinq mois d'utilisation ont entraîné une immobilisation du véhicule pendant plus de cinquante cinq jours et que les vices cachés affectant cet engin l'ont rendu impropre à sa destination.
Il estime que la vente doit être résolue puisque le véhicule même déprécié existe toujours et précise que la détérioration de celui-ci ne lui est pas imputable et qu'elle est en partie la conséquence de la résistance de la société venderesse qui, malgré un engagement écrit de sa part, n'a pas fait en sorte d'aboutir à une transaction.
Il indique enfin que la société Central Autos, vendeur professionnel supposé connaître les vices de la chose, est tenue, outre la restitution du prix, au paiement de dommages et intérêts.
Intimée, la société Central Autos conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur Saby, et réclame une somme de 2 600 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient que ce véhicule n'a été conservé dans son garage que pendant une quinzaine de jours et a subi, la veille de la vente à Monsieur Saby, un contrôle technique dans un centre agréé, lequel n'a relevé aucun défaut à corriger.
Elle fait valoir qu'en août 1997, Monsieur Saby a volontairement immobilisé sa voiture automobile pendant vingt mois au sein du Garage Ingecar, sans aucune précaution, à l'extérieur et aux intempéries, la laissant ainsi se dégrader de façon irrémédiable, alors que la garantie contractuelle était encore en cours.
Elle prétend que le caractère tardif des expertises n'est dû qu'au désintérêt de Monsieur Saby à qui il a fallu adresser différents courriers et le menacer d'établir un constat de carence pour relancer le dossier. Elle considère qu'il est aujourd'hui seul responsable de la situation dans laquelle il se trouve.
Elle soulève l'absence de tout accord des parties sur la résolution de la vente, Monsieur Saby n'ayant jamais donné suite à la proposition de Central Autos de résoudre la vente, conservant son véhicule et continuant à l'utiliser. Elle conclut surtout à l'irrecevabilité de cette demande nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile.
Elle expose également que la garantie de l'article 1641 du Code civil ne peut s'appliquer qu'à des défauts d'une particulière gravité. Elle considère que, ni le problème de pompe à eau, ni celui d'amortisseur avant, ne constituent des vices cachés rendant le véhicule impropre à son usage, le premier n'étant qu'un incident mécanique banal dont la réparation est prise en charge dans le cadre de la garantie, le second étant un problème d'usure et pouvant être décelé par un examen très rapide et ne demandant aucune compétence particulière.
Elle ajoute que la dépréciation du véhicule s'est opérée du seul fait de Monsieur Saby qui n'a pas agi en bon père de famille, négligeant dès la prise en possession d'entretenir son bien et d'effectuer les contrôles les plus élémentaires.
Elle relève enfin qu'une demande sur le fondement des vices cachés est en tout état de cause irrecevable puisque Monsieur Saby n'a pas agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil.
Motifs et décision
Attendu que l'action au fond engagée cinq mois après le dépôt du rapport de l'expert, lequel avait été désigné par une ordonnance de référé du 2 décembre 1997 alors que la vente remontait au mois de mars 1997 n'est pas tardive et qu'à bon droit le tribunal l'a déclarée recevable ;
Attendu que par d'exacts motifs le premier juge, se référant au rapport d'expertise de Monsieur Eyrard dont les conclusions ne sont pas sérieusement contredites, a constaté que la véhicule vendu le 7 mars 1997 était atteint de nombreux vices cachés qui le rendaient impropre à sa destination et justifiaient une résolution de la vente par application de l'article 1641 du Code civil;
Mais attendu qu'à tort cette juridiction, considérant que Monsieur Saby avait laissé cette voiture automobile immobilisée pendant vingt mois dans de mauvaises conditions, ce qui avait entraîné sa dégradation et fortement diminué sa valeur, a décidé que cet acheteur ne pouvait plus exercer une action rédhibitoire mais seulement une action estimatoire, action qu'il ne présentait pas, même à titre subsidiaire;
Attendu toutefois que l'acheteur est seul titulaire de l'option prévue à l'article 1644 du Code civil et sauf impossibilité de restitution du véhicule en raison de sa perte, la demande en résolution de la vente ne peut être écartée;
Attendu qu'il convient donc, réformant le jugement de prononcer la résolution de la vente et de condamner la société Central Autos à restituer le prix reçu en contrepartie de la remise du véhicule;
Que toutefois étant donné l'usure de cet engin imputable à la seule négligence de l'acheteur, telle que constatée par l'expert Eyrard, il y a lieu de limiter cette restitution à la somme de 50 000 F (7 622,45 euro);
Attendu que la société Central Autos vendeur professionnel est réputée avoir eu connaissance des vices de ce véhicule ; qu'elle devra en outre dédommager Monsieur Saby du préjudice matériel subi correspondant aux frais supportés, soit la somme de 5 850,98 euro (38 379,92 F);
Qu'il n'y a pas lieu d'accorder en outre une indemnité d'immobilisation, les frais de gardiennage, de train et de taxis ayant déjà été inclus dans les frais ci-dessus mentionnés;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'appelant la charge de l'intégralité de ses frais irrépétibles; qu'il lui sera alloué une somme de 800 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'action recevable et a constaté l'existence de vices cachés relevant de la garantie du vendeur, Le réforme pour le surplus, Fait droit à l'action en résolution de vente formée par Monsieur Jean-Paul Saby, Condamne la société Central Autos à, restituer à Monsieur Saby la somme de sept mille six cent vingt deux euro quarante cinq cents (7 622,45 euro) contre la remise du véhicule Renault Safrane, La condamne à payer à Monsieur Jean-Paul Saby la somme de cinq mille huit cent cinquante euro quatre-vingt dix huit cents (5 850,98 euro) à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de huit cents euro (800 euro) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la société civile professionnelle Junillon-Wicky, société d'avoués.