CA Montpellier, 1re ch. a sect. 2, 10 juin 2003, n° 02-00538
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Formenty (SA)
Défendeur :
Lheritier, Automobiles Citroën (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Toulza
Conseillers :
Mme Besson, M. Chassery
Avoués :
Mes Garrigue, Rouquette
Avocats :
Mes Auche-Hedou, Couchies, Aurengo
Procédure et prétentions des parties
Vu le jugement rendu le 27 novembre 2001 par le Tribunal de grande instance de Perpignan, qui a, vu le rapport de Monsieur Alain Tomas et les articles 1641 et suivants du Code civil:
* prononcé la résolution de la vente du véhicule de marque Citroën Xantia n° 6008 SD 66, conclue entre Monsieur Jean Lheritier et la société Formenty le 4/09/97, condamné la société Formenty à rembourser à Monsieur Jean Lheritier le prix de 10 000 F et dit que celui-ci devra restituer le véhicule à cette dernière, en son établissement de Saint Laurent de la Salanque, dès qu'il aura reçu paiement de cette somme;
* condamné in solidum la société Formenty et la société Citroën à payer à Monsieur Jean Lheritier une somme de 18 873 F ou 2 877 euro au titre des débours et des dommages et intérêts et condamné la société Citroën à relever et garantir la société Formenty du montant de cette condamnation;
* condamné in solidum les défenderesses aux dépens comprenant les frais d'expertise et au paiement à Monsieur Jean Lheritier d'une somme de 8 000 F ou 1 220 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et condamné la société Citroën à relever et garantir la société Formenty du montant de ces condamnations;
Vu l'appel régulièrement interjeté par la SA Formenty;
Vu les conclusions notifiées le 12 juin 2002 par l'appelante, qui demande à la cour de débouter M. Lheritier de sa demande tendant à la résolution de la vente, dire et juger qu'il peut prétendre tout au plus au paiement de la somme de 1 184,68 euro dégagée par l'expert, et que la société des automobiles Citroën sera tenue de la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge, et de condamner la partie succombante au paiement de la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les écritures notifiées le 18 juillet 2002 par la SA Automobiles Citroën, qui conclut au débouté de la demande de Monsieur Lheritier en résolution de la vente, expose qu'il ne peut prétendre, tous préjudices confondus et conformément au rapport d'expertise, qu'à la somme de 1 184,68 euro, et s'oppose à toute condamnation au profit de la société Formenty;
Vu les conclusions notifiées le 5 mai 2003 par Monsieur Jean Lheritier, qui demande à la cour de prononcer la résolution de la vente du véhicule litigieux aux torts de la société Formenty vendeur professionnel; tenant la co-responsabilité de la SA Citroën en qualité de constructeur, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à faire droit à son appel incident en paiement des intérêts au taux légal sur le prix du véhicule à compter du jour de la vente le 4 septembre 1997 jusqu'à la date de son parfait remboursement, et condamner in solidum les sociétés Formenty et Citroën au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Motivation
Pour prononcer la résolution de la vente, condamner la société Formenty à rembourser à Monsieur Lheritier le prix du véhicule en contrepartie de sa restitution, et condamner in solidum les sociétés Formenty et Citroën à lui payer les sommes de 2 877 euro à titre de dommages-intérêts, le premier juge a considéré en substance:
* que l'expertise judiciaire révèle l'existence de vices que ni l'acquéreur ni le vendeur ne pouvaient déceler, soit, d'une part, un vice de fabrication des supports élastiques de la suspension lié à une non-conformité de la vulcanisation de la matière caoutchouteuse, et d'autre part un vice de conception du fait qu'en l'absence de système mécanique permettant de limiter les conséquences de la rupture possible de cette matière, le véhicule peut devenir totalement incontrôlable en cas de rupture du silentbloc,
* que si les réparations préconisées représentent un coût modéré et permettent un usage normal, il n'en demeure pas moins que si Monsieur Lheritier avait connu l'existence de ces vices et leurs conséquences, il n'aurait pas acquis ce véhicule dont les conditions de sécurité active n'étaient pas assurées et dont la conduite présentait un risque majeur;
Le premier juge a par ailleurs condamné la société Citroën à garantir la société Formenty de sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, aux motifs qu'en qualité de constructeur, elle est responsable tant du vice de fabrication que du vice de conception; qu'elle ne peut s'en exonérer en reprochant à la société Formenty une absence de contrôle effectif sur la provenance du véhicule dont l'année modèle est 1996 et non 1997 et ne peut invoquer des moyens sans incidence sur la garantie; qu'elle est tenue de mettre sur le marché des véhicules qui présentent des conditions de sécurité maximales et sont dépourvus de vices; qu'en revanche la société Formenty ne peut obtenir la garantie de la perte du prix, auquel elle n'a plus droit du fait de la restitution du véhicule, laquelle ne constitue pas pour elle un préjudice indemnisable.
La cour partage entièrement cette analyse, qui procède d'une étude pertinente des pièces produites et en particulier du rapport d'expertise qui ne fait l'objet d'aucune critique sérieuse, et d'une application exacte de la loi.
Les sociétés Formenty et Citroën soutiennent que le faible coût de la réparation rend injustifiée et excessive la résolution de la vente et que le véhicule, une loi réparé, offrira toutes les garanties de sécurité requises et sera exempt de tout défaut de nature à le rendre impropre à sa destination.
Or il convient de rappeler que l'article 1644 du Code civil permet à l'acquéreur qui agit en garantie contre son vendeur en raison des vices cachés de la chose vendue, de choisir entre les deux actions rédhibitoire et estimatoire, sans qu'il ait à justifier les motifs de son choix.
Par ailleurs, l'expert a non seulement constaté un défaut de fabrication des pièces litigieuses, mais également souligné une carence dans la conception-même de la suspension. Ainsi, alors que l'essentiel de la sécurité active dépend d'un support élastique, il n'a été prévu aucun système mécanique permettant de limiter les conséquences de la rupture possible du caoutchouc qui constitue une partie de ce support.
Il en résulte que le remplacement des pièces défectueuses n'est pas de nature à supprimer le danger lié à l'absence de butée mécanique puisque, si un incident semblable venait à se reproduire, aucune protection ne viendrait empêcher que le vérin de suspension défonce le capot moteur et que le véhicule devienne alors "totalement inconduisible", risque objectif majeur touchant à la sécurité de ses occupants et le rendant par là-même impropre à sa destination.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, sauf à ajouter que le prix de vente que la société Formenty devra rembourser à Monsieur Lheritier, sera assorti des intérêts au taux légal à compter du jour de la vente jusqu'à la date de son parfait remboursement.
Succombant en son appel, la SA Formenty paiera en équité à M. Lheritier, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et en sus de la somme allouée par le premier juge, une indemnité complémentaire de 2 000 euro et supportera tous les dépens, et elle sera relevée de ces condamnations par la SA Automobiles Citroën.
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré. Y ajoutant, dit que la somme correspondant au prix du véhicule sera assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la vente jusqu'à la date de son parfait remboursement. Condamne la SA Formenty à payer à Jean Lheritier la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et dit que la SA Automobiles Citroën devra la relever et garantir de cette condamnation. Condamne la SA Formenty aux dépens, avec garantie de la SA Automobiles Citroën. Ordonne l'application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit des avoués de la cause.