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Décisions

CA Paris, 8e ch. A, 14 janvier 1997, n° 94-20313

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pichon

Défendeur :

Taieb

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sauteraud

Conseillers :

MM. Remond, Anquetil

Avoués :

SCP Menard-Scelle-Millet, SCP Valdelièvre-Garnier

Avocats :

Mes Favriau, Jonquois

TI Paris, du 25 mai 1994

25 mai 1994

Rappel de la procédure antérieure:

Par jugement contradictoire rendu le 25 mai 1994, le Tribunal d'instance de Paris 15e a condamné Monsieur Jean Pichon à payer à Monsieur Francis Taieb la somme de 6 800 F en remboursement du prix du matériel cinéma-tographique en remplacement de " l'avoir " émis le 28 septembre 1993, celle de 10 715,44 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 000 F en application de l'article 700 du NCPC;

Le premier juge avait été saisi par Francis Taieb, photographe, qui avait assigné Jean Pichon, commerçant exerçant sous l'enseigne Synchro Ciné Quartz, en raison de la vente d'une caméra le 16 septembre 1993 ayant cessé de fonctionner dès la 5e cassette; il indiquait qu'à cause de ce vice caché, il n'avait pu procéder à un reportage pour un client; Jean Pichon n'avait accepté que lui consentir un "avoir", refusant de lui restituer les sommes versées et de l'indemniser de son préjudice;

La procédure devant la cour:

C'est de ce jugement que Jean Pichon, vendeur, est appelant; il ne conteste pas la vente le 26 septembre 1993 à Francis Taieb d'une caméra vidéo d'occasion, super 8 marque Beaulieu avec le matériel complémentaire, pour un prix de 6 800 F TTC; il ne conteste pas davantage que l'achat de Francis Taieb était occasionné pour un besoin ponctuel, la réalisation d'un reportage pour Skydog International;

Mais il soutient que le problème de dysfonctionnement rencontré par l'acheteur n'est pas dû à une défectuosité de la caméra mais à la faute de l'utilisateur qui a omis de recharger la batterie, conçue pour permettre le tournage de 4 à 5 films; que cette faute a été reconnue par Francis Taieb;

Sur le problème soulevé par ce dernier et relatif à la compatibilité du défilement des images avec la synchronisation sonore, il ajoute qu'il aurait fallu que la caméra soit munie d'un quartz; que celle achetée n'en possédant pas, l'absence de synchronisation est normale; il précise que cet achat d'une caméra sans quartz, moins onéreux, a été le choix de Francis Taieb; Il rappelle que ce dernier est un photographe professionnel et qu'il a cependant acheté une caméra amateur, avec laquelle il ne pouvait que faire un mauvais reportage; que le client est donc de mauvaise foi;

Il précise que c'est dans un souci purement commercial qu'il a repris le matériel et consenti un avoir; qu'une expertise a montré le parfait état de la caméra;

Il demande l'infirmation du jugement entrepris et le débouté des demandes de Francis Taieb, ainsi que l'annulation de l'avoir consenti; il sollicite 15 000F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 7 000 F pour ses frais irrépétibles;

Francis Taieb, acheteur intimé, soutient que lorsqu'il a restitué le matériel à Jean Pichon, ce dernier a reconnu qu'il était défectueux; de plus, il précise qui lui-même photographe professionnel et non cinéaste, a acheté le matériel litigieux sur les conseils de Jean Pichon qui ira présenté comme un matériel très performant; il conteste que les difficultés rencontrées proviennent de l'absence de recharge de la batterie; il considère le vendeur de mauvaise foi, alors même que celui-ci se garde de verser l'expertise à laquelle il fait allusion;

Il fait appel incident sur le montant des dommages-intérêts accordés par le premier juge, car son préjudice comprend outre les frais engagés pour effectuer le reportage, la perte du client, la société Skydog International, qui ne lui a pas réglé les honoraires convenus, soit une perte de 20 000F;

Il demande la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence du vice du matériel acheté et condamné le vendeur à lui rembourser le prix de 6 800 F mais demande les intérêts légaux à compter de la date d'achat du 28 septembre 1993; il demande en outre 15 000F de dommages-intérêts en vertu de l'article 1645 du Code civil et 5 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive; il sollicite de plus 6 000 F au titre de l'article 700 du NCPC;

En réplique Jean Pichon vendeur appelant, interprétant le fait que Francis Taieb soit venu de la part de la société Immo Photo Vidéo Son, son concurrent qui ne fait pas de location de matériel non professionnel, alors que Taieb refusait de louer auprès de ce magasin une caméra professionnelle "Beaulieu 6008 Pro", soutient qu'en réalité l'intimé a voulu se faire octroyer une location sans frais du matériel dont il avait besoin; que c'est la raison pour laquelle il ne se satisfait pas d'un avoir;

Francis Taieb acheteur intimé, s'oppose à cette interprétation;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que Jean Pichon ne produit pas aux débats l'expertise de la caméra par Synchro Ciné Quartz, qu'il invoque dans ses écritures pour affirmer que le matériel vendu était en parfait état; que de toute façon, cette expertise serait sans valeur probante, émanant en réalité du vendeur lui-même, exerçant sous cette enseigne;

qu'il n'est pas crédible que Jean Pichon ait consenti à la restitution du matériel acheté et à l'octroi d'un avoir d'un montant égal au prix total, s'il avait été convaincu que la caméra vendue était en parfait état de marche lors de la vente et que son dysfonctionnement n'était dû qu'à l'absence de recharge de la batterie par l'acheteur;

que s'il avait voulu faire un geste commercial au client, au demeurant occasionnel puisque Francis Taieb est photographe professionnel et non cinéaste, il est vraisemblable qu'il n'aurait accordé qu'un avoir d'un montant plus faible, sans remettre en cause la vente elle-même;

qu'il convient de déduire du comportement du vendeur que le matériel avait réellement un vice caché de nature à faire prononcer la résolution de la vente; qu'en pareille hypothèse, la restitution du prix au client est de droit, sans que le vendeur puisse imposer à l'acheteur un "avoir" en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques; que le jugement sera confirmé sur ce point, les intérêts légaux étant de droit;

Considérant qu'il résulte d'une lettre de Skydog International que les frais engagés pour le reportage en vue duquel la caméra avait été achetée, ce qui n'est pas contesté, sont d'un montant de 13 257,74 F, qu'ils ont été déjà payés à Francis Taieb et que cette société en demande le remboursement;

que Francis Taieb ne verse aucun contrat conclu avec son client justifiant qu'il devait percevoir des honoraires pour le reportage envisagé; que la lettre susvisée ne fait pas allusion à un refus de verser de tels honoraires; que la réalité de la perte invoquée n'est donc pas prouvée;

que Jean Pichon, vendeur professionnel, était tenu de connaître les vices affectant la chose vendue; qu'il sera par application de l'article 1645 du Code civil, condamné à payer à Francis Taieb la somme de 13 257,74 F ;

Considérant que Jean Pichon n'a manifesté aucune intention de nuire à l'encontre de Francis Taieb, même s'il a cru pouvoir lui imposer un avoir, au lieu de lui restituer le prix de vente; qu'il n'y a pas procédure abusive;

qu'il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de Francis Taieb ses frais irrépétibles d'appel, à hauteur de 5 000 F;

Par ces motifs, et ceux non contraires du premier juge, Réformant partiellement le jugement entrepris, Dit que Jean Pichon devra payer à titre de dommages-intérêts à Francis Taieb la somme de 13 257,74F (et non 10 715,44F); Précise que la somme de 6 800 F représentant le prix de vente à restituer, produira intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1993, date de la restitution du matériel; Confirme par ailleurs le jugement déféré dans ses autres dispositions non contraires au présent arrêt; Condamne Jean Pichon à payer à Francis Taieb la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toutes autres demandes des parties; Condamne Jean Pichon aux dépens d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par la SCP Valdelievre-Garnier, avoué, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.