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Décisions

CA Paris, 2e ch. A, 8 décembre 1998, n° 1996-18644

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alcalde Hernandez (Epoux)

Défendeur :

Gressani

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deslaugiers-Wlache

Conseillers :

Mmes Dintilhac, Timsit

Avoués :

SCP Mira-Bettan, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Meslem, Jacob

TGI Bobigny, 6e ch., du 6 mai 1996

6 mai 1996

LA COUR statue sur l'appel relevé par M. et Mme Alcalde Hernandez du jugement contradictoirement rendu le 6 mai 1996 par le Tribunal de grande instance de Bobigny qui a:

- prononcé la résolution partielle de la vente conclue le 21 novembre 1991 entre eux et Mlles Gressani et Andrieu en ce qu'elle porte sur le lot décrit ci-dessous :

Dans un ensemble immobilier sis à Aulnay-sous-Bois, 43 route de Bondy :

* lot numéro 14 :

Un parking n° 1, situé en sous-sol ;

Et les 13/1000èmes des parties communes générales,

- ordonné la publication du jugement au Bureau des Hypothèques compétent,

- en conséquence, prononcé leur condamnation solidaire à restituer à Mlle Gressani, prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de sa fille Krystel Andrieu, son prix évalué à 58 000 F et les charges de copropriété acquittées depuis la vente d'un montant de 1 407 F,

- débouté Mlle Gressani de sa demande de dommages-intérêts complémentaires,

- prononcé leur condamnation solidaire à payer à Mlle Gressani la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens qui comprendront les frais de modification du règlement de copropriété et le coût de l'expertise Richardot.

Référence expresse étant faite à cette décision pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, il sera seulement rappelé que par acte dressé le 21 novembre 1991 par Me Bourguet, notaire associé à Noisy-le-Sec, M. et Mme Alcalde Hernandez ont vendu à Mlle Laurence Gressani agissant tant en son nom personnel qu'au nom et comme administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille mineure, Krystel Andrieu née le 18 janvier 1987 et autorisée à cet effet par une ordonnance du juge des tutelles du 4 novembre 1991, les lots n° 6 (un appartement en duplex et les 161/1000èmes des parties communes générales), le lot n° 8 (une cave n° 1 située au sous-sol et les 1/1000èmes des parties communes générales) et le lot n° 4 (un parking n° 1, situé au sous-sol), Mlle Gressani ayant acquis ces biens pour elle-même à hauteur de 70 000 F et au nom de sa fille à hauteur de 700 000 F provenant de la succession de son père, Luc Andrieu décédé le 17 janvier 1990.

Le tribunal a prononcé la résolution partielle de la vente en ce qu'elle porte sur le lot correspondant au parking pour vice caché, relevant qu'il avait des cotes inférieures aux minima requis et que la rampe, qui ne permettait pas un accès normal, le rendait inutilisable.

Appelants les époux Alcalde Hernandez demandent:

- de déclarer l'action irrecevable faute d'autorisation du juge des tutelles,

- subsidiairement de dire la résolution partielle irrecevable et contraire à l'article 1184 du Code civil, de constater le caractère apparent du vice invoqué et de rejeter les demandes des intimées,

- plus subsidiairement de leur donner acte de leur accord pour un transfert de propriété à réaliser devant notaire aux termes duquel la propriété de l'un des deux emplacements de parking aériens serait conférée aux appelantes.

- de constater que Mlle Laurence Gressani ne justifie pas d'un préjudice liée à une perte de jouissance ni d'un préjudice futur, ni d'un préjudice propre de Krystel Andrieu,

- de dire que les charges de copropriété auraient été exposées dans les mêmes conditions si les appelantes avaient acquis le parking aérien utilisé actuellement,

- de rejeter toutes les demandes des appelantes et de leur accorder la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Intimée, Mlle Laurence Gressani agissant tant en nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal de sa fille mineure Krystel Andrieu soutient que l'action est recevable comme n'ayant pas exigé l'autorisation préalable du juge des tutelles.

Elle fait valoir qu'il est établi par l'expertise que le parking est impropre à sa destination, que le vice n'était pas décelable lors d'une simple visite des lieux et qu'une résolution partielle peut parfaitement être prononcée que ce soit par application des articles 1184 ou 1641 et suivants du Code civil.

Elle demande ainsi la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour privation de jouissance alors qu'elle s'est trouvée dans les faits privée de la jouissance de cet emplacement de parking, le coût mensuel d'une location étant de 450 F.

Elle demande l'allocation d'une somme de 18 000 F à ce titre ainsi que celle de 10 000 F pour ses frais irrépétibles en cause d'appel.

Ceci exposé, LA COUR,

Sur la recevabilité de l'action

Considérant que dans l'administration légale sous contrôle judiciaire, l'administrateur doit se pourvoir d'une autorisation du juge des tutelles pour accomplir les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec une autorisation et qu'un tuteur peut, sans autorisation, introduire en justice une action relative aux droits patrimoniaux du mineur;

Que le juge des tutelles l'a d'ailleurs indiqué dans une lettre du 10 mars 1997 versée aux débats en précisant que le magistrat à l'époque territorialement compétent avait été informé de cette action et avait donné tacitement son accord, elle-même y étant favorable

Sur le fond

Considérant que l'expert M. Richardot commis par ordonnance de référé du 7 juillet 1993 a relevé dans son rapport déposé le 29 mars 1994 :

- que les cotes relevées pour la rampe et le parking sont inférieures aux cotes minimales admises par les règles de l'art pour les voitures de tourisme,

- que compte tenu de l'implantation des éléments de structure, de la pente excessive (23 % environ au lieu de d'un maximum de 20 %) et du devers de la rampe, il était impossible d'utiliser l'emplacement vendu sauf avec un très petit véhicule et à condition qu'il y ait un moteur suffisamment puissant pour remonter la pente très raide,

- que lui-même n'a pu descendre et ressortir du parking avec sa voiture, une Audi 80, qu'avec beaucoup de difficultés et après de nombreuses manœuvres alors que le garage était complètement vide et qu'il n'y serait pas parvenu si les places contiguës avaient été occupées,

- qu'il n'existe aucune possibilité de modifier l'implantation existante;

Considérant que l'emplacement du parking en cause est ainsi impropre à sa destination et que ce vice n'était pas apparent à l'examen d'un plan ou même lorsque Mlle Gressani a visité les lieux contrairement à ce que soutiennent les appelants et que celle-ci qui n'avait aucune compétence particulière en la matière, n'a pu déceler les difficultés d'accès ;

Que les appelants ne peuvent se prévaloir de la clause excluant sa garantie figurant à l'acte alors qu'eux-mêmes étaient des promoteurs de métier ayant fait édifier l'immeuble sur le terrain qu'ils avaient acquis, la réception des travaux ayant eu lieu trois semaines avant la vente aux intimées et que M. Pedrosa, ancien salarié de la société Eurobat, l'entreprise de gros œuvre, indique dans une lettre du 15 octobre 1992 qu'il avait fait remarquer à M. Alcalde Hernandez que la rampe ne serait pas praticable de cette façon;

Considérant que Mlle Gressani fait remarquer avec raison qu'un emplacement à l'air libre par échange n'offrirait pas les mêmes garanties de sécurité et qu'en tout état de cause les appelants ne démontrent pas que l'un au moins de ces deux emplacements n'ait pas été vendu ;

Considérant que les appelants ne peuvent invoquer une absence de préjudice propre de Krystel Andrieu dans la mesure où les biens ont été acquis pour sa part indivise de ses fonds propres et qu'elle ne peut même maintenant utiliser ce parking avec sa mère sans compter les difficultés d'une revente ;

Considérant, que la résolution partielle de la vente pour vice caché en ce qu'elle ne concerne que le lot correspondant à l'emplacement de parking peut être prononcé puisqu'il s'agit d'un lot détachable des autres biens vendus, accessoire à l'appartement et qui aurait pu être cédé séparément;

Considérant que le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution partielle et ordonné la restitution de la somme de 58 000 F en remboursement du prix de ce lot, somme qui a été exactement appréciée en fonction des évaluations produites par les intimées et selon lesquelles un emplacement de parking eu sous-sol varie dans le quartier et dans la même rue de 55 000 à 60 000 F, les évaluations communiquées par les appelants et qui mentionnent un prix de 35 000 F, étant très sous-estimées;

Considérant que, les choses étant remises au même état que si les obligations n'avaient jamais existé, la restitution des charges de copropriété a été à juste titre ordonnée ;

Considérant que Mlle Gressani ne justifie pas avoir depuis la vente loué un emplacement de parking ou réglé des dépenses à cet effet et que sa demande de dommages-intérêts pour privation de jouissance ne pouvait donc être accueillie et ne peut l'être davantage devant la cour ;

Considérant que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il y a lieu d'allouer à l'intimée une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Rejette la demande de dommages-intérêts présentée par Mlle Gressani au titre de la privation de jouissance ; Condamne M. et Mme Alcalde Hernandez aux dépens et à payer une somme de 5 000 F à Mlle Gressani sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Admet la SCP Dubosq Pellerin au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.