CA Douai, 1re ch. sect. 1, 20 octobre 2003, n° 01-03220
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Le Glaz
Défendeur :
Fouque, Vasseur, CCTAC (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Roussel
Conseillers :
Mmes Laplane, Guieu
Avoués :
SCP Cocheme-Kraut, SCP Deleforge-Franchi, SCP Masurel-Thery-Laurent
Avocats :
SCP Delhaye Capelle, Me Chroscik, Robert, SCP Lamoril-Robiquet-Delevacque
Par jugement rendu le 13 avril 2001, le Tribunal d'instance d'Arras a débouté Mademoiselle Virginie Le Glaz de sa demande en résolution de vente et en paiement de dommages et intérêts.
Mademoiselle Virginie Le Glaz a relevé appel de cette décision.
Il est fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions devant la cour déposées le:
- 17 juin 2003 pour Mademoiselle Virginie Le Glaz;
- 3 février 2003 pour la SARL CCTAC - Centre de Contrôle Technique Automobile;
- 2 février 2002 pour Monsieur Marcel Vasseur;
- 25 mars 2002 pour Monsieur Robert Fouque, lequel a également déposé des conclusions procédurales le 30 janvier 2003.
Il convient de rejeter des débats les conclusions déposées par Mademoiselle Virginie Le Glaz le 4 juillet 2003, postérieurement à l'ordonnance de clôture rendue le 30 juin 2003, date dont les parties étaient avisées.
Aucune circonstance spécifique ne justifie le rabat de l'ordonnance de clôture alors que Mademoiselle Virginie Le Glaz disposait antérieurement à la clôture du temps et des éléments nécessaires à formuler l'ensemble de ses demandes.
Rappel des données du litige
Le 17 juin 1999, Monsieur Robert Fouque a vendu à Mademoiselle Virginie Le Glaz un véhicule Opel Corsa, mis en circulation le 29 octobre 1991 et indiquant 59 139 kms au compteur, pour le prix de 20 000 F.
Se plaignant de l'état du véhicule, Mademoiselle Virginie Le Glaz a fait effectuer le 31 août 1999 une expertise amiable par Monsieur Chopin qui a conclu au caractère impropre à son usage.
Par lettre du 21 octobre 1999, elle a proposé au vendeur d'annuler la vente.
Par courrier du 29 octobre 1999, l'assurance protection juridique de Monsieur Robert Fouque indiquait à Mademoiselle Virginie Le Glaz que celle-ci avait été avisée lors de la vente que le véhicule avait subi un choc à l'avant droit.
Par assignation du 30 mai 2000, Mademoiselle Virginie Le Glaz a fait assigner Monsieur Robert Fouque afin d'obtenir la résolution de la vente pour vices cachés.
Elle a obtenu l'aide juridictionnelle le 27 juin 2000, suite à la demande par elle présentée le 12 janvier 2000.
Monsieur Robert Fouque a appelé en garantie Monsieur Marcel Vasseur qui lui avait vendu le véhicule litigieux le 18 décembre 1998 pour un prix de 6 000 F et le Centre de Contrôle Technique qui avait établi un procès-verbal de contre-visite le 14 janvier 1999.
La décision déférée a été rendue dans ces conditions.
Sur la recevabilité de la demande fondée sur l'article 1641 Code civil
Il ne peut être valablement soutenu que le premier juge ait soulevé d'office le moyen tiré de la tardiveté de la demande au regard de l'article 1648 du Code civil, alors que la SARL CCTAC avait soulevé expressément ce moyen dans ses conclusions déposées en première instance.
Aucune violation des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile n'est donc caractérisée en l'espèce.
Il est constant par ailleurs que Mademoiselle Virginie Le Glaz a introduit son action par assignation du 30 mai 2000, soit un peu plus de sept mois après avoir eu connaissance des résultats de l'expertise technique diligentée à sa demande, qui lui ont été notifiés par lettre rédigée le 18 octobre 1999.
Seule cette expertise a permis à Mademoiselle Virginie Le Glaz de connaître l'état réel du véhicule acheté le 17 juin 1999, présenté par l'expert comme impropre à son usage en raison "d'un défaut important du 1/2 bloc avant droit", le rendant potentiellement dangereux.
Il ne peut être valablement soutenu que Mademoiselle Virginie Le Glaz avait connaissance dès l'achat de l'état du véhicule du fait qu'elle ait alors signé un document indiquant avoir été informée que le véhicule avait pris un choc avant droit latéral, dans la mesure où elle n'avait pas connaissance des conséquences de ce choc sur l'état du véhicule et où il lui avait été remis lors de la vente:
- un procès-verbal de contrôle technique relevant des défauts à corriger avec contre-visite (feu de stationnement et feu de croisement) et des défauts à corriger sans contre-visite, notamment une déformation mineure à l'avant droit,
- un procès-verbal de contre-visite précisant que les points soumis à contre visite étaient conformes.
Ces procès-verbaux lui permettaient légitimement de penser que le choc avant droit n'avait eu que des conséquences mineures au niveau de la coque, sans retentissement sur la propriété du véhicule à son usage.
Dans ces conditions, le fait pour Mademoiselle Virginie Le Glaz d'avoir introduit son action en mai 2000 après s'être rapprochée de Monsieur Robert Fouque pour tenter de trouver une solution amiable, avoir reçu un courrier de l'assureur de Monsieur Robert Fouque mentionnant une possibilité de nouvelle réunion d'expertise et avoir déposé en janvier 2000 une demande d'aide juridictionnelle, s'avère conforme aux dispositions de l'article 1648 du Code civil imposant que l'action soit intentée dans un bref délai.
Il convient, dans ces conditions, de déclarer recevables les démarches formées par Mademoiselle Virginie Le Glaz et de réformer en ce sens le jugement déféré.
Sur la demande en résolution de vente
Au vu des considérations sus énoncées et des éléments de la cause, il apparaît que le véhicule vendu était atteint d'un vice caché le rendant impropre à son usage.
Comme il a été relevé la décharge signée par Mademoiselle Virginie Le Glaz relativement au choc avant droit s'avère sans incidence sur le caractère caché des vices alors que Mademoiselle Virginie Le Glaz n'avait pas connaissance des conséquences de ce choc et pouvait, au contraire, légitimement penser, compte-tenu des procès-verbaux de contrôle technique remis, que ce choc ne compromettait pas l'usage normal du véhicule.
S'il est par ailleurs exact que le rapport d'expertise de Monsieur Chopin n'a pas été dressé contradictoirement, ce rapport a été communiqué à Monsieur Robert Fouque et à son assureur dès son établissement et aucune contre-expertise n'a été sollicitée par eux.
Ce rapport constitue, dans ces conditions, un élément d'appréciation soumis à la cour, suffisamment précis et circonstancié pour caractériser la réalité des défectuosités relevées, rendant le véhicule impropre à son usage.
Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande en résolution de vente présentée par Mademoiselle Virginie Le Glaz en raison de l'existence de vices cachés affectant le véhicule lors de la vente.
Sur les conséquences de la résolution
En application de l'article 1644 du Code civil, il convient d'ordonner la restitution du prix par Monsieur Robert Fouque et la restitution du véhicule par Mademoiselle Virginie Le Glaz.
Il n'est pas établi que Monsieur Robert Fouque connaissait les conséquences du choc avant droit sur l'usage du véhicule au moment de la vente, alors qu'il appartient à celui qui l'allègue de prouver la mauvaise foi du défendeur et que les éléments de la cause ne permettent pas de caractériser quand est survenu le choc à l'origine de l'impropriété, des chocs successifs ayant pu se produire.
En conséquence, et en application de l'article 1646 du Code civil, seuls les frais occasionnés par la vente sont susceptibles d'être remboursés à Mademoiselle Virginie Le Glaz.
Celle-ci ne justifie cependant d'aucun frais spécifiques et doit donc être déboutée de sa demande en dommages et intérêts.
Sur les appels en garanties
Monsieur Robert Fouque sollicite garantie à l'encontre de Monsieur Marcel Vasseur et de la SARL CCTAC.
Il apparaît cependant que la vente entre Monsieur Robert Fouque et Monsieur Marcel Vasseur est intervenue le 18 décembre 1998 au prix de 6 000 F, que le véhicule a alors été vendu en l'état, sans contrôle technique et que la facture portait la mention d'un léger choc latéral droit.
Au vu de ces considérations et de la revente à Mademoiselle Virginie Le Glaz, six mois plus tard avec contrôle technique effectué à la seule diligence de Monsieur Robert Fouque en janvier 2000, il n'est pas établi que le véhicule litigieux était atteint d'un vice caché le 18 décembre 1998, un second choc ayant pu provoquer postérieurement à cette date l'impropriété retenue.
De même, lors du contrôle technique effectué cinq mois et demi avant la vente à Mademoiselle Virginie Le Glaz, il n'est pas établi que le véhicule était atteint d'un vice rédhibitoire.
Dans ces conditions, Monsieur Robert Fouque doit être débouté de ses appels en garantie.
Sur les autres demandes
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mademoiselle Virginie Le Glaz, qui ne bénéficie que de l'aide juridictionnelle au taux de 15 %, la somme de 650 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de ce texte au profit des autres parties.
Monsieur Robert Fouque qui succombe dans ses demandes doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs, Donne acte à la SCP d'avoués constituée sur les intérêts de Monsieur Robert Fouque de sa nouvelle dénomination sociale; Rejette des débats les conclusions déposées par Mademoiselle Virginie Le Glaz postérieurement à l'ordonnance de clôture; Constate que le tribunal d'instance n'a pas soulevé d'office le caractère tardif de l'action engagée par Mademoiselle Virginie Le Glaz et que le principe du contradictoire n'a ainsi pas été violé; Réforme le jugement déféré; Déclare recevable l'action en garantie des vices cachés initiée par Mademoiselle Virginie Le Glaz; Prononce la résolution de la vente intervenue entre Monsieur Robert Fouque et Mademoiselle Virginie Le Glaz portant sur le véhicule Corsa 4391 PL 62; Ordonne la restitution du véhicule en cause par Mademoiselle Virginie Le Glaz à Monsieur Robert Fouque ; Condamne Monsieur Robert Fouque à payer à Mademoiselle Virginie Le Glaz la somme de 20 000 F, correspondant au prix d'achat du véhicule et la somme de 650 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute Mademoiselle Virginie Le Glaz de sa demande en dommages et intérêts; Déboute Monsieur Robert Fouque de ses appels en garantie dirigés contre Monsieur Marcel Vasseur et la SARL CCTAC; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions; Condamne Monsieur Robert Fouque aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Masurel-Thery-Laurent et la SCP Cocheme-Kraut conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, étant précisé que Mademoiselle Virginie Le Glaz la bénéficie de l'aide juridictionnelle au taux partiel de 15 %.