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Décisions

Cass. 1re civ., 14 décembre 1999, n° 97-21.321

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Fougère

Défendeur :

Le Terrier, Montastier, Veysset

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Renard-Payen

Avocat général :

Mme Petit

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Boré, Xavier, Boré, Me Copper-Royer, SCP Ghestin

Bordeaux, 1re ch., sect. A, du 25 sept. …

25 septembre 1997

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 septembre 1997), que M. Le Terrier a acheté le 12 juillet 1991, à M. Fougère, garagiste, une voiture R21 ayant parcouru 58 000 kms ; qu'à la suite de pannes successives intervenues quelques semaines plus tard, le garagiste Coignard a relevé des malfaçons sur ce véhicule et constaté qu'il avait été accidenté et mal réparé ; que l'acquéreur a alors découvert que la voiture, gravement accidentée alors qu'elle appartenait à une dame Rigo, avait ensuite été la propriété de deux "casseurs" successifs, avant d'être achetée par M. Montastier, ouvrier carrossier du garage Fougère, lequel, après l'avoir réparée, l'avait vendue à M. Bonnefon, qui l'avait lui-même revendue au garage Fougère ; que M. Le Terrier a fait expertiser son véhicule par M. Le Bail, qui a relevé un choc important et des réparations faites en dépit du bon sens et constaté que M. Veysset, qui avait effectué le contrôle technique du véhicule le 18 décembre 1990, à la demande de M. Montastier, avait mentionné dans son rapport la nécessité d'importantes réparations ; que l'acquéreur a obtenu en référé une expertise confiée à M. Leroy, au vu de laquelle il a fait assigner M. Fougère devant le Tribunal de grande instance de Périgueux en résolution de la vente avec restitution du prix, outre des dommages-intérêts ; que M. Fougère a appelé en garantie MM. Montastier et Veysset ; que l'arrêt attaqué a prononcé la résolution de la vente, ordonné la restitution du véhicule à M. Fougère et condamné celui-ci à payer à M. Le Terrier, la somme de 60 000 francs, assortie des intérêts légaux, ainsi que 31 000 francs à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice financier et 5 000 francs en réparation du trouble de jouissance ; qu'il a également rejeté les appels en garantie formés par M. Fougère ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal : - Attendu que M. Fougère fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Le Terrier des dommages-intérêts, en réparation du préjudice financier de celui-ci et 5 000 francs au titre du trouble de jouissance qu'il a supporté, alors, selon le moyen, que le vendeur d'une chose atteinte d'un vice caché, n'est tenu à des dommages-intérêts envers l'acquéreur, autres que ceux correspondant aux frais de la vente, que s'il connaissait le vice ; qu'en l'espèce, M. Le Terrier avait expressément reconnu dans ses conclusions d'appel que M. Fougère, comme celui-ci le faisait valoir dans ses écritures d'appel, avait été définitivement relaxé du chef de tromperie, au motif qu'il ignorait, au moment de la vente du véhicule, qu'il s'agissait d'un véhicule accidenté ; qu'en le condamnant à payer à M. Le Terrier des dommages-intérêts en réparation de préjudices distincts des frais occasionnés par la vente, ce qui supposait sa mauvaise foi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. Fougère était un vendeur professionnel, a méconnu le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, et a violé les articles 1351, 1645, et 1646 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que M. Fougère était garagiste, constatation qui l'assimilait à un vendeur professionnel, sans que sa relaxe au pénal puisse avoir une incidence sur l'instance civile le concernant ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche et le moyen unique du pourvoi incident de M. Montastier, pris en sa première branche : - Vu les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que l'arrêt attaqué a alloué à M. Le Terrier une somme de 31 000 francs, en réparation du préjudice subi par lui du fait qu'il a été contraint de poursuivre le paiement des échéances de l'emprunt qu'il avait contracté pour acquérir son véhicule ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'intéressé qui s'était borné, dans ses conclusions d'appel, à réclamer une somme de 31 604 francs "à titre de dommages-intérêts liés au mauvais fonctionnement du véhicule" n'invoquait aucun autre préjudice, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article 1641 du Code civil ; - Attendu que, pour débouter M. Fougère de son appel en garantie dirigé contre M. Montastier, l'arrêt attaqué énonce que le recours exercé par M. Fougère contre l'intéressé, trouve son fondement dans les éléments d'une expertise judiciaire qui n'était pas opposable à celui-ci ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, indépendamment des constatations de l'expert, il ne résultait pas de la condamnation pénale de M. Montastier, pour tromperie à l'égard de M. Bonnefon auquel il avait revendu le véhicule sans l'avertir qu'il avait été accidenté, invoquée en conclusions par M. Fougère, que les vices affectant ce véhicule étaient imputables à M. Montastier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour débouter M. Fougère de sa demande en garantie dirigée contre M. Veysset, l'arrêt attaqué énonce que le recours exercé par M. Fougère contre l'intéressé trouve son fondement dans les éléments d'une expertise judiciaire qui n'est pas opposable à celui-ci ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, indépendamment du rapport d'expertise, M. Veysset n'avait pas commis une faute en délivrant les pièces nécessaires à la mise en circulation du véhicule, malgré les anomalies relevées lors du contrôle technique qu'il avait effectué, comme le soutenait M. Fougère dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que, pour débouter M. Fougère de sa demande en garantie dirigée contre MM. Montastier et Veysset, l'arrêt attaqué énonce qu'il apparaît surprenant que l'intimé recherche la mise en cause des deux intéressés, sur le fondement d'une faute délictuelle qu'ils auraient commis à son égard avant la vente litigieuse, tout en prétendant que les faits générateurs de sa propre responsabilité sont postérieurs à cette vente ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des conclusions de M. Fougère que celui-ci soutenait, à titre principal, pour dégager sa responsabilité, que l'antériorité des vices n'était pas établie et, à titre subsidiaire, dans le cas où la cour d'appel jugerait l'acquéreur bien fondé en ses demandes, la thèse contraire, à laquelle était subordonnée l'efficacité de son recours en garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxièmes branches du premier moyen du pourvoi principal et du moyen unique du pourvoi incident : Casse et annule, sauf en ce qu'il a résolu la vente, ordonné la restitution du prix et condamné M. Fougère à payer à M. Le Terrier une somme de 5 000 francs, en réparation du dommage qu'il a subi du fait de la privation de jouissance de son véhicule, l'arrêt rendu le 25 septembre 1997, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.