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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 27 mai 1997, n° 94-8500

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aix Automobile (SA), Canavese

Défendeur :

Riner

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fossorier

Conseillers :

MM. Hugues, Veyre

Avoués :

SCP de Saint Ferreol & Touboul, Mes Jauffres, Magnan

Avocats :

Mes Mimran-Valensi, Arnaud, Roux

CA Aix-en-Provence n° 94-8500

27 mai 1997

Faits et procédure

Par déclarations des 22 avril et 3 mai 1994 la SA Novo et Monsieur Canavese ont relevé appels d'un jugement rendu le 17 mars 1994 par le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence dans un procès qui les oppose à Monsieur Christian Riner.

Par arrêt avant dire droit du 8 août 1994 auquel il est fait référence pour l'exposé des faits de la cause et des prétentions des parties la cour a ordonné un expertise technique pour savoir si le véhicule litigieux, volé à Monsieur Canavese, retrouvé maquillé, puis remis en état normal d'identification par le représentant du constructeur Ford avant sa revente à Monsieur Riner pouvait être atteint d'un vice caché du fait d'un mauvaise exécution par le constructeur de la réparation du maquillage opéré par les voleurs.

Le 21 mars 1986 l'expert Biagioni a déposé son rapport.

Il conclut que la remise en état, après le vol des plaques d'identification de la voiture a été faite de façon déplorable et illisible par le représentant du constructeur chargé de cette remise en état du véhicule Ford, que ce vice rendait difficile la revente normale de la voiture, mais non pas son usage ultérieur, la maison Ford acceptant de refaire l'identification correcte dont elle avait la charge, que ce vice était matériellement caché aux yeux de Monsieur Riner l'acheteur, mais aussi de Monsieur Canavese, le vendeur, qui avait ignoré le caractère déplorable de la nouvelle identification placée sur une partie cachée du véhicule ; que la voiture, enfin était devenue une épave depuis lors, impossible à restituer, par suite d'un accident survenu à son nouveau propriétaire Monsieur Riner.

Monsieur Riner dans ses conclusions après expertise a choisi d'exercer finalement l'action estimatoire et non plus rédhibitoire pour vice caché ; et demande la condamnation in solidum de la société Novo et de Monsieur Canavese à lui payer au titre de la réduction du prix de la voiture 120 000 F avec intérêts de droit du jour de la transaction et 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de son action, nouvelle en son choix, Monsieur Riner fait valoir :

- que l'expertise a établi le vice "juridique" de la voiture et ses conséquences compte tenu de la déplorable remise en identification de celle-ci après vol et maquillage ;

- que la société Ford Novo responsable de cette mauvaise réparation et Monsieur Canavese, vendeur, qui ne pouvait ignorer le vice, doivent être tenus de lui payer la minoration du prix ;

- qu'en effet lui-même ne pouvait avant le contrôle technique qui a eu lieu lors de la vente connaître ce défaut portant sur une partie du châssis normalement cachée à l'utilisateur ;

- qu'il a opté pour l'action estimatoire compte tenu la destruction par accident de la voiture ; mais a droit à une sensible réduction de prix compte tenu de l'impossibilité où il était de revendre normalement la voiture s'il avait voulu le faire.

Monsieur Canavese demande à la cour d'écarter comme tardives les dernières écritures de Monsieur Riner ; au principal, de débouter Monsieur Riner ; subsidiairement de dire que la société Novo devra seule supporter le conséquences du préjudice subi par Monsieur Riner s'il était fait droit à son action ; d'ordonner sa mise hors de cause en condamnant Monsieur Riner à lui payer 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Au soutien de son appel et pour sa défense Monsieur Canavese fait valoir :

- au principal, que la nouvelle identification mal refaite de la voiture volée ne constituait pas un vice mais une erreur réparable du représentant de Ford ; et n'était pas cachée aux yeux de Monsieur Riner qui l'a découverte dès la vente lors de la visite technique opérée en vue de celle-ci ;

- subsidiairement, qu'il ignorait lui-même le défaut dans la remise en place des plaques d'identification ; que c'est la société Novo qui a fait procéder à la réimmatriculation de la voiture avant sa revente et qu'elle est donc seule responsable le cas échéant du dommage de Monsieur Riner.

La société Aix Automobiles est volontairement intervenue devant la cour aux droits et obligations de la SA Novo, demandant le débouté de Monsieur Riner de ses prétentions dirigées contre elle et la condamnation de ce dernier aux dépens ;

Au soutien de son appel la société intervenante fait à son tour valoir :

- que la voiture n'était atteinte d'aucun vice caché interdisant ou limitant son usage même sur le plan administratif ; la remise en ordre de son identification après vol et maquillage ayant été réalisée par un représentant qualifié du constructeur Ford même si on peut discuter la qualité du travail réalisé par ce dernier, non critiqué par l'administration qui a réimmatriculé normalement le véhicule ;

- que ce défaut ne pouvait même pas être ignoré de l'acquéreur Monsieur Riner ; car la voiture avait, avant la vente, subi un contrôle technique qui le signalait et dont les documents ont été tenus à la disposition de l'acheteur avec vignette sur le pare brise et papillon fixé à la carte grise ;

- qu'enfin la SA Novo n'a pas participé à la vente conclue directement entre Monsieur Canavese et Monsieur Riner.

MOTIFS DE LA DECISION DE LA COUR

Sur la procédure :

1) - Attendu qu'il convient de recevoir la société Aix Automobiles en son intervention volontaire devant la cour comme venant aux droits et obligations de la SA Novo appelante ;

2 - Attendu que le rapport d'expertise technique a été critiqué par les parties ; mais que la cour en retiendra que la voiture litigieuse a fait l'objet, après vol et maquillage, d'une reprise de ses plaques d'identification opérée par un représentant qualifié du constructeur Ford d'une manière juridiquement irréprochable mais matériellement déplorable, le constructeur ayant accepté de refaire correctement le travail si cela s'avérait nécessaire ; ce qui n'a pas été le cas, par suite de la destruction de la voiture dans un accident ayant rendu sa revente impossible et cette rectification inutile ;

Sur le fond :

Attendu qu'il convient de réformer le jugement entrepris et de débouter Monsieur Riner de ses prétentions pour les raisons suivantes :

1 - Attendu qu'en droit Monsieur Riner qui, dans le dernier état de ses écritures, a choisi d'exercer l'action estimatoire en garantie d'un vice caché de la chose vendue, contre Monsieur Canavese et la société Novo aux droits et obligations de laquelle intervient la société Aix automobiles, doit prouver que ses adversaires étaient son vendeur ou l'un des vendeurs antérieurs de la voiture Ford ; que celle-ci était, au moment de la vente qu'il a conclue comme acquéreur, atteinte de défaut cachés pour lui, qui la rendaient impropre à son usage ou qui diminuaient tellement cet usage qu'il ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; afin de pouvoir garder cette voiture mais se faire rendre une partie du prix telle qu'elle sera arbitrée par experts ;

2 - Attendu qu'en l'espèce Monsieur Riner ne prouve pas tout d'abord que la SA Novo lui ait vendu la voiture Ford ; ni qu'elle ait même auparavant vendu, après le vol et les réparations du maquillage, cette voiture à Monsieur Canavese qui la lui a revendue ; ni même que cette société ait été le représentant de la maison Ford, responsable de la mauvaise qualité de la remise en place des plaques d'identification de cette voiture, relevée par l'expert ;

Que son action contre ladite société était donc infondée ; et que la société Aix automobiles intervenante à sa place doit donc être, tout d'abord, mise hors de cause sans dépens ;

3 - Attendu que l'action estimatoire de Monsieur Riner est tout aussi mal fondée contre Monsieur Canavese ;

Que, certes, celui-ci lui a bien, par contre, directement vendu la voiture Ford en litige ;

Mais qu'au vu de l'expertise, celle-ci n'était pas atteinte de défauts pouvant la rendre impropre à son usage ni diminuer sa valeur vénale ; la nouvelle immatriculation ayant été obtenue de l'Administration sans difficulté au vu de la remise en état des plaques d'identification maquillées, par un représentant qualifié du constructeur Ford, même si l'élégance du travail de ce dernier restait discutable ; et ce constructeur se déclarant prêt à mieux refaire le travail si nécessaire ;

- qu'en outre Monsieur Riner lors de la vente n'ignorait même pas ce léger défaut de la voiture qui lui était au contraire signalé dans la visite de contrôle technique effectuée pour cette occasion et dont les documents lui ont été remis par le vendeur, en sorte qu'il ne pouvait même pas prouver qu'il s'agissait pour lui d'un vice caché ;

- qu'il est superflu dans ces conditions d'observer encore que Monsieur Riner n'a même pas demandé à l'expert d'évaluer la diminution du prix comme il aurait dû le faire dans le cadre de l'arbitrage que prévoit la loi en cas d'action estimatoire, n'ayant opté pour celle-ci qu'ensuite ;

Qu'enfin il ne justifie même pas d'un préjudice quelconque, ayant utilisé sans inconvénients la voiture et n'ayant pas eu l'occasion de la revendre du fait qu'elle a été détruite par accident ;

Qu'il convient aussi pour ces motifs de le débouter de ses demandes, dirigées contre Monsieur Canavese ;

Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que Monsieur Riner qui succombe doit supporter les dépens d'instance et d'appel et payer en équité à Monsieur Canavese 10 000 F au titre l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne pouvant lui-même prétendre au bénéfice de ce texte ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort, Vu l'arrêt du 8 août 1994 qui a jugé les appels recevables. Reçoit la société Aix Automobiles en son intervention volontaire comme venant aux droits et obligations de la société Novo. Homologue pour parties les conclusions du rapport d'expertise judiciaire. Réformant le jugement entrepris et statuant nouveau : Déboute Monsieur Christian Riner de ses demandes dirigées contre Monsieur Louis Canavese et contre la société Novo pour laquelle est intervenue la société Aix Automobiles. Condamne Monsieur Riner à payer à Monsieur Canavese la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et le déboute de la demande qu'il a lui-même présentée sur ce texte. Condamne Monsieur Riner aux dépens d'instance et d'appel. Dit que les avoués des autres parties peuvent recouvrer directement contre lui la part de ces dépens avancée sans provision.