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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 25 mars 2003, n° 02-00382

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Amiar

Défendeur :

Hauw, Masson, Fabre (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guichard

Conseillers :

MM. Armingaud, Blanc-Sylvestre

Avoués :

SCP Salvignol-Guilhem, Me Rouquette

Avocats :

Mes Gouedard, Alle

TGI Montpellier, du 13 nov. 2001

13 novembre 2001

Faits, procédure, prétentions des parties:

Philippe Amiar a acheté à Pierrette Hauw un véhicule camping-car de marque Volkswagen le 29 septembre 1996.

Après avoir obtenu la désignation d'un expert par ordonnance de référé du 27 février 1997, à la suite du dépôt du rapport d'expertise, suivant exploit du 28 août 1998, Philippe Amiar a fait assigner Pierrette Hauw en résolution de la vente avec restitution du prix, outre dommages- intérêts et intérêts; Pierrette Hauw a appelé en garantie Michel Masson en sa qualité de mécanicien garagiste, ainsi que Me Olivier Fabre en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de M. Masson, au motif que ce garagiste avait effectué peu de temps avant la vente, des réparations sur le moteur et a remplacé le turbo du véhicule.

Par jugement rendu le 13 novembre 2001, le Tribunal de grande instance de Montpellier a rejeté les demandes de Philippe Amiar et l'a condamné à payer à Pierrette Hauw la somme de 762,25 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Philippe Amiar, régulièrement appelant de cette décision, en sollicite l'infirmation ; il demande que soit prononcée la résolution de la vente, subsidiairement, que soit annulée la vente pour résistance dolosive, il sollicite la condamnation de Mme Hauw à lui payer la somme de 8 842,04 euro outre intérêts à compter de la vente du 29 septembre 1996, la somme de 822,42 euro à titre de dommages-intérêts, outre 242,89 euro, outre 83,85 euro, outre 762,25 euro, outre 5 840,20 euro, outre frais de gardiennage à échoir jusqu'à l'enlèvement du véhicule; il réclame paiement de la somme de 2 300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il soutient que le premier juge a mal apprécié la portée du rapport d'expertise soumis à son examen, alors que l'expert écrivait notamment qu'il est parfaitement établi que le moteur est hors d'usage, que compte tenu du faible kilométrage effectué après la vente par M. Amiar, l'état du moteur était quasi-semblable au moment de la transaction, pour un profane les désordres constatés constituant des vices cachés; il indique également que l'expert a retenu que la culasse avait été ressoudée et n'était pas d'origine, que les cylindres présentaient une usure importante, que le turbo compresseur adapté au moteur n'était pas conforme au type de véhicule, que compte tenu de l'importance de l'usure des cylindres, le montage de segments neufs ne pouvait d'aucune façon pallier cette usure, si ce n'est pour le laps de temps nécessaire à la négociation du véhicule, l'expert relevant que l'annonce de vente libellée en ces termes "camping-car VW TD an 88, 4 places moteur turbo neufs", est particulièrement mensongère, le moteur n'étant bien sûr pas neuf et le turbo étant un échange standard, M. Amiar invoque les dispositions de l'article 1641 du Code civil, il soutient que l'expert judiciaire rapporte de façon absolument incontestable que le véhicule vendu était affecté de vices cachés et le moteur hors d'usage ; il fait valoir qu'il a été déterminé notamment par l'annonce publicitaire, à savoir que le moteur et son turbo étaient à l'état neuf, la venderesse produisant les factures de garagiste attestant des travaux, alors que l'expert s'est étonné de leur absence de qualité, puisque notamment le turbo n'était pas adapté au véhicule ; il fait valoir que le véhicule s'est immédiatement révélé impropre à l'usage auquel il était destiné; en outre, une importante fuite d'huile a été constatée, qu'il a été dans la nécessité de faire remplacer plusieurs durites dont les durites d'aspiration du turbo-compresseur, qu'il a dû faire également l'appoint d'huile; il estime dès lors que les sanctions de l'article 1641 du Code civil doivent être appliquées ; selon lui, l'annonce que Mme Hauw a fait paraître démontre qu'elle était au courant de l'état du véhicule ; il soutient que son préjudice résulte du paiement du prix de vente, des intérêts de ce prix, des frais de location pendant la durée de l'immobilisation, des frais de réparation de véhicule, des frais d'expertise; il réclame également des indemnités au titre du préjudice de jouissance, des frais de remorquage et de gardiennage.

Madame Hauw sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de M. Amiar au paiement de la somme de 1 525 euro au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour appel abusif; à titre subsidiaire, au vu de sa bonne foi, elle demande à être mise hors de cause et sollicite la condamnation du seul Masson et de ses organes représentatifs sur les demandes de Amiar; Madame Hauw explique qu'en 1996, elle a confié au mécanicien Masson son camping-car Volkswagen, que celui-ci lui a facturé la remise en état complète du moteur et le remplacement du turbo pour 12 903,35 F; elle précise qu'elle est profane en matière automobile et qu'elle a fait insérer une annonce de presse pour vendre un camping-car 4 places, moteur + turbo neuf 62 000 euro; elle indique que Amiar a acheté au prix de 58 000 F en ayant pris connaissance de la facture Masson et de son annexe (achat turbo) et du document de contrôle technique obligatoire ; sur le terrain de la garantie des vices cachés elle soutient que le juge a écarté à bon droit l'application de l'article 1641 du Code civil; elle estime que la garantie de l'article 1641 s'applique aux objets d'occasion mais avec une limitation appropriée, qu'il doit s'agir d'un défaut suffisamment grave, que tel n'est pas le cas de la consommation d'huile élevée d'un moteur; elle précise qu'Amiar ne conteste pas avoir acquis un véhicule de 8 ans et de plus de 130 000 km.

Elle soutient que la perte d'huile n'a pas empêché Amiar de parcourir 4 767 km pendant 5 mois et que le camping-car pourrait continuer à rouler si le moteur n'avait pas été démonté pour expertise, la fiche de contrôle technique obligatoire du 18 septembre 1996 ne signalant aucune anomalie; elle fait valoir en outre que l'acquéreur d'une voiture d'occasion doit procéder à un examen approfondi, ce que n'a pas fait Amiar ; elle souligne que le seul point retenu par l'expert est l'usure normale du moteur, affirmant que ni la prétendue non-conformité du turbo posé par Masson, ni la brasure d'un tube d'injecteur ne sont reconnus comme vices rendant l'auto impropre à l'usage.

Elle affirme que Amiar ne démontre pas le dol qu'il invoque ; elle soutient qu'elle ne pouvait se rendre compte du fait que le turbo n'était pas conforme au véhicule, faisant valoir que la facture n'évoque pas un échange-standard et laisse penser que le turbo est neuf; elle indique en outre que le turbo n'est pas cause d'un quelconque désordre ou panne; elle ne fait valoir qu'on ne peut lui reprocher sérieusement d'avoir engagé 12 903 F de réparations dans le seul but de tromper l'acquéreur par des réparations superficielles destinées à masquer la gravité de l'usure ; elle précise qu'elle n'a pas voulu vendre sans une réfection préalable du moteur et qu'elle a réglé une somme de 12 903 F, qu'elle était en droit de penser au vu de la facture du réparateur, que le moteur était correctement réparé et désormais en bon état ; elle soutient que si dol il y avait, il émanerait de Masson ; elle soutient que les termes d'une annonce de presse ne constituent pas les termes d'un contrat de vente, alors que les factures Masson ne permettent pas de savoir que le turbo ne serait pas neuf et lui permettaient de bonne foi de penser que le moteur est neuf puisque selon facture refait; à titre subsidiaire, elle demande à être mise hors de cause et que soit mis à la charge du seul mécanicien professionnel Michel Masson, toute condamnation, observation étant faite qu'il s'agit d'une créance article 40, la commande de réparation ayant été passée et exécutée après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 24 mai 1985,

Malgré acte d'appel provoqué signifiée à la requête de Mme Hauw, Michel Masson, assigné à personne et Me Olivier Fabre, pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Michel Masson, assigné à domicile, n'ont pas constitué avoué.

Discussion et décision:

Attendu qu'il résulte des éléments produits que M. Amiar a acheté un camping-car au vu de l'annonce ainsi conçue : "camping-car VWTD année 1988 4 places, moteur + turbo, neuf, 62 000 F";

Attendu que l'annonce permet de penser que le moteur et le turbo sont neufs, même si le terme neuf est mis au singulier, puisqu'il est indiqué moteur + turbo, que dans le cas où le moteur n'aurait pas été neuf, aucune raison ne commandait de mentionner le moteur dans l'annonce;

Attendu que Jacques Lavole, expert désigné par ordonnance de référé a constaté que le moteur au moment de la transaction était usé, que la culasse avait été ressoudée mais n'était pas d'origine, que les cylindres présentaient une usure importante, et que le turbo-compresseur adapté au moteur n'était pas conforme au type du véhicule, l'expert se demande pour quelles raisons le garage Masson a entrepris autant de travaux sur la culasse alors que la soudure réalisée était pour le moins aléatoire; l'expert a indiqué que compte tenu de l'importance de l'usure des cylindres, le montage de segments neufs ne pouvait d'aucune façon pallier cette usure, si ce n'est pour le laps de temps nécessaire à la négociation du véhicule, que l'expert a indiqué que la seule intervention viable consistait dans le remplacement pur et simple du moteur, qu'il estime que l'annonce parue est mensongère, cependant, dans la mesure où la garagiste est intervenu et a présenté à Mme Hauw une facture d'un montant de 12 903,35 F TTC, l'expert estime qu'elle était en droit de penser que le moteur était correctement réparé et désormais en bon état (mais de toute évidence pas neuf);

Attendu que l'expert a indiqué que le moteur du camping-car est hors d'usage ; que compte tenu du faible kilométrage effectué après la vente par M. Amiar, l'état du moteur était quasi-semblable au moment de la transaction, l'expert estimant que le garage Masson n'aurait jamais dû entreprendre de pareils frais sur le moteur, que la seule solution aurait été de remplacer ce dernier, l'expert indiquant que pour un profane, les désordres constatés constituent des vices cachés en raison de l'usure naturelle du moteur au fil des kilomètres, indiquant qu'au jour de la vente, le remplacement nécessaire et indispensable du moteur était d'environ 55 000 F, l'expert indiquant que d'une façon générale M. Amiar a été particulièrement trompé en se rendant acquéreur de ce véhicule, à commencer par le libellé de l'annonce de vente qui n'est absolument pas représentatif et loin s'en faut, de l'état réel du moteur;

Attendu que l'expert démontre ainsi des vices cachés et une présentation fausse de l'état du véhicule dans l'annonce de vente;

Attendu qu'il n'est pas contesté que Mme Hauw a remis, avant la vente, à M. Amiar, la facture du garage Masson, que sur cette facture il est mentionné remise en état complète du moteur et remplacement du turbo ; que la mention remise en état complète du moteur a pu légitimement faire croire à M. Amiar, acquéreur profane, de ce que le moteur était en état de marche alors que l'expertise a démontré que celui-ci était hors d'état; que si on peut attendre d'un véhicule d'occasion des services moindres que d'un véhicule neuf, le véhicule d'occasion est impropre à sa destination quand le moteur est hors d'usage, alors qu'au vu des factures présentées, il semble que le moteur a été refait et est en état de fonctionner parfaitement;

Attendu dès lors que M. Amiar est parfaitement recevable à invoquer la garantie du vendeur du véhicule à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ce qui est le cas en l'espèce;

Attendu qu'il n'est pas démontré que la venderesse ait été de mauvaise foi ; qu'en effet, si elle savait que le moteur était usé, elle a confié son véhicule avant la vente au garage Masson pour qu'il soit procédé à la remise en état ; qu'elle a pu estimer que le moteur était pratiquement neuf du fait de la remise en état complète ; qu'en ce qui concerne le turbo-compresseur dont il est démontré par l'expert qu'il n'est pas conforme à celui devant équiper le véhicule, Mme Hauw n'avait aucun moyen de connaître sa non-conformité dans la mesure où il est mentionné un turbo-compresseur dans la facture du garage, qu'il n'est nullement mentionné qu'il s'agit d'un échange standard et que le turbo-compresseur n'est pas conforme ; que la mauvaise foi de Mme Hauw n'est donc pas démontrée, qu'en vertu des dispositions de l'article 1646 du Code civil si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente;

Attendu que par application de cet article, la résolution de la vente étant prononcée, Mme Hauw n'est redevable que du remboursement du prix et des frais occasionnés par la vente, c'est-à-dire, changement de carte grise; que ne constituent pas des frais occasionnés par la vente, le coût des réparations imputables aux vices cachés non plus que l'ensemble des frais qu'a exposé l'acquéreur pour frais de location, frais d'expertise amiable, frais de remorquage et de gardiennage ; que ne peut être accordée la demande au titre du préjudice de jouissance;

Attendu sur l'appel en garantie formé par Mme Hauw contre M. Masson et Me Fabre, ès qualités, que Mme Hauw a exposé des frais pour la réparation de son véhicule qui se sont avérés inutiles, que mensongèrement M. Masson a fait croire dans sa facture que le moteur avait été remis en état et le turbo changé, qu'il devra relever et garantir Mme Pierrette Hauw, qu'il ne peut la garantir pour la totalité du prix du véhicule; qu'en effet, Mme Hauw n'aurait pu vendre ce véhicule qui avait un moteur hors d'usage; qu'il convient donc de dire que M. Masson relèvera et garantira Mme Hauw mais à concurrence du montant de sa facture;

Attendu que Mme Hauw sera condamnée à verser à M. Amiar la somme de 2 287 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, En la forme, reçoit l'appel; Au fond, réformant le jugement déféré et statuant à nouveau, Vu l'article 1641 du Code civil, Dit que Mme Pierrette Hauw est tenue à garantie en raison de défauts cachés du véhicule vendu à Philippe Amiar qui le rendent impropre à l'usage auquel il est destiné; - En conséquence, - Vu l'article 1644 du Code civil, Prononce la résolution de la vente; Condamne Mme Hauw à restituer le prix soit 8 842,04 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé; Condamne en outre Mme Hauw à rembourser le prix de la carte grise; Dit que Mme Pierrette Hauw devra récupérer le véhicule à ses frais; Vu l'article 1646 du Code civil, Déboute Philippe Amiar de sa demande en paiement de dommages-intérêts; Reçoit l'appel en garantie de Pierrette Hauw à l'encontre de Michel Masson et de Me Olivier Fabre, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Michel Masson; Dit que M. Masson sera tenu de garantir à hauteur du montant de sa facture; Condamne Mme Hauw à payer à Philippe Amiar la somme de 8 843 euro par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens de première instance qui comprendront les dépens de référé et le coût de l'expertise, et aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Salvignol-Guilhem, avoué, conformément aux dispositions l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.