CA Lyon, 3e ch. civ., 26 juin 2002, n° 01-00464
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sodifrance (SA)
Défendeur :
Propauto (SARL), Investly (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moussa
Conseillers :
MM. Simon, Kerraudren
Avoués :
Me Ligier de Mauroy, SCP Aguiraud-Nouvellet
Avocats :
Me Lafontaine, SCP Hamel, Parado
Exposé de l'affaire
Courant 1995 et 1996, les sociétés SGDP et Investly, qui exploitent des stations-services de lavage, ont acquis auprès de la société Pro Mos des automates de paiement par carte bancaire, espèces et carte de fidélité ainsi que des monnayeurs. Se plaignant de divers dysfonctionnements signalés à de nombreuses reprises, les sociétés SCPP et Investly ont saisi le Tribunal de commerce de Lyon qui, par un jugement du 20 octobre 2000 a :
- prononcé la résolution du contrat conclu entre les parties,
- condamné la société Pro Mos Monétique et Systèmes à leur payer la somme de 165 182 F,
- rejeté les demandes d'expertise et de condamnation de la société Pro Mos à titre provisionnel,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Pro Mos à leur payer la somme de 5 000 F chacune au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société Pro Mos aux dépens.
La société Sodifrance, venant aux droits de la société Pro Mos, a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures, en date du 5 février 2002, elle prie la cour de déclarer l'action de ses adversaires irrecevable comme tardive, par application de l'article 1648 du Code civil, de débouter les sociétés SGDP et Investly de toutes leurs demandes et de les condamner à lui payer 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les intimées, quant à elles, ont déposé des conclusions récapitulatives le 26 février 2002, aux fins de confirmation du jugement du chef de la résolution du contrat et de l'allocation de la somme de 165 182 F (25 181,83 euro), mais elles réclament en outre 100 000 F (15 244,90 euro) à titre de dommages et intérêts et 30 000 F (4 573,47euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
Discussion:
- Sur la recevabilité de l'action en garantie des vices cachés:
Attendu que la société appelante soutient que l'action n'a pas été engagée dans le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil;
Attendu qu'à la suite de l'installation des appareils litigieux, la société SGDP a commencé à se plaindre de défauts de fonctionnement dès le mois d'août 1996 ; que de très nombreuses lettres ont été ensuite échangées entre les parties qui révèlent que la société Pro Mos est intervenue à de multiples reprises pour effectuer des réparations, notamment le 8 août 1996, en septembre 1996, les 24 janvier, 7 février, 25 et 29 mars 1997, 17 et 19 février 1998, en juillet 1998;
Attendu que, dans sa lettre du 22 juillet 1998 adressée à la société Arvet, constructeur, et en copie à SGDP, la société Pro Mos a expressément reconnu que le matériel ne fonctionnait pas correctement et a demandé à la société Arvet d'intervenir, qu'enfin, par une ultime télécopie, en date du 5 février 1999, la société Sodifrance a indiqué à M. Touly, gérant des sociétés intimées, que la société Arvet refusait de réceptionner le matériel et qu'elle ne pouvait donc plus l'aider;
Attendu que les éléments sus-énoncés établissent ainsi que la société venderesse n'a pas contesté sa responsabilité en acceptant de procéder à de nombreuses interventions jusqu'au 5 février 1999; qu'il convient de considérer, par suite, que même si les vices étaient connus de l'acheteur depuis longtemps, le délai pour agir a été suspendu jusqu'à la date précitée, si bien que l'action, engagée par assignation du 30 août 1999, n'est pas tardive;
Attendu que l'action est recevable tant en ce qui concerne la société SGDP que la société Investly ; qu'en effet, même si cette dernière n'est intéressée que par le site de Trévoux, l'échange de lettres précité révèle que les trois sites concernés, soit Trévoux, Tassin et Sainte-Foy, étaient bien visés par les réclamations et interventions subséquentes;
- Sur le fond:
Attendu que la société appelante prétend qu'il n'existe pas en l'espèce de vices cachés mais des pannes d'origine extérieure ou liées à l'absence d'un contrat de maintenance ;
Attendu en effet que diverses interventions ont été pratiquées par la société Sodifrance pour remédier à des désordres ponctuels ayant pour origine le vandalisme ou une mauvaise utilisation des appareils (notamment en février et août 1996, février 1997), ces interventions pouvant correspondre à des opérations de maintenance;
Mais attendu que de nombreux documents émanant de la société Pro Mos elle-même font état de dysfonctionnements de la carte bancaire posant problème et d'appareil non opérationnel malgré l'intervention d'Arvet (télécopie du 11 avril 1997 et fiche d'intervention du 19 février 1998); que, surtout, dans une lettre adressée à la société Arvet le 22 juillet 1998, la société Pro Mos indiquait précisément que les trois automates de lavage de Trévoux, Tassin et Sainte-Foy nécessitaient une intervention de sa part puisque, malgré ses propres interventions, ils ne fonctionnaient toujours pas correctement;
Attendu que, contrairement à ce que soutient l'appelante, les défauts des appareils n'avaient donc pas une origine exclusivement extérieure mais correspondaient aussi à un vice inhérent aux appareils, qui ne s'est révélé qu'après la vente et pour lequel aucune solution n'a pu être trouvée, de sorte que les biens vendus sont demeurés impropres à leur usage;
Attendu qu'il importe peu que le prototype livré sur le site de Trévoux ait fonctionné un certain temps sans difficulté puisqu'il a fait l'objet d'un changement ensuite et que le nouvel appareil a présenté des désordres comme les autres installés à Tassin et Sainte-Foy;
Attendu en définitive que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente pour vices cachés et condamné le vendeur à restituer le prix, soit la somme non contestée de 165 182 F HT (25 181,83 euro) ; qu'il convient de préciser que cette restitution se fera contre remise des appareils vendus conformément à l'article 1644 du Code civil;
Attendu que la société Sodifrance, vendeur professionnel, était tenu de connaître les vices affectant la chose vendue ; qu'il est donc tenu envers l'acheteur de tous dommages et intérêts, en sus de la restitution du prix;
Attendu, sur le préjudice, que les sociétés intimées font justement valoir que les multiples défaillances des appareils ont entraîné pour elles une perte de clientèle et la présence ponctuelle de personnel pour assurer le fonctionnement des centres de lavage alors qu'ils devaient être entièrement automatisés; qu'en l'état des éléments dont la cour dispose, il convient d'accorder de ce chef aux intimées la somme totale de 6 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice commercial;
- Sur les frais:
Attendu qu'il est équitable d'indemniser les intimées pour leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel en leur accordant la somme totale de 2 500 euro; qu'au contraire l'appelante, qui succombe, sera déboutée de ce chef de prétention;
Par ces motifs et ceux non contraires du tribunal, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a: - prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre la société Pro Mos, devenue Sodifrance, et les sociétés SGDP et Investly, - condamné la société Sodifrance à payer aux sociétés SGDP et Investly la somme de 165 182 F, soit 25 181,83 euro, Le réformant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant, Dit que la restitution du prix se fera contre remise des appareils vendus, Condamne la société Sodifrance à payer aux sociétés SGDP et Investly la somme de 6 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice commercial et la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes demandes contraires ou plus amples, Condamne la société Sodifrance aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Aguiraud-Nouvellet, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.