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Décisions

CA Lyon, ch. soc., 3 octobre 2005, n° 03-02919

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Martin

Défendeur :

Orapi (SARL), Orapi Europe (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fouquet

Conseillers :

Mmes Durand, Morin

Avocats :

Mes Lambert Vernay, Chauplannaz

Cons. prud'h. Lyon, du 17 avr. 2003

17 avril 2003

Exposé du litige

Valéry Martin a été engagé le 20/4/1998 par la société Orapi, aux droits de laquelle vient, en application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail, la société Orapi Europe intervenue volontairement, en qualité d'agent technico-commercial. Sa rémunération se composait d'une partie fixe mensuelle de 8 000 F et d'une partie variable, calculée à partir de 80 000 F de chiffre d'affaires mensuel sur la marge brute du chiffre d'affaires mensuel.

Le 29/6/2001, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant les motifs suivants:

"1) Etant chargé de vendre les produits de la société Orapi, sur un secteur géographique déterminé, il vous appartenait de me faire bénéficier du statut VRP exclusif ce dont vous vous êtes abstenu...

2) au début du mois de février 2000, j'ai découvert que vous aviez modifié mon système de rémunération. Je vous avais fait part de mon total désaccord. Vous m'aviez alors menacé de me licencier. En définitive, j'ai été contraint de signer un avenant à mon contrat le 23/2/2000, avec date d'effet le 1/1/2000, sans avoir la possibilité de bénéficier du délai de réflexion d'un mois applicable pour ce type de modification".

Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon, qui, dans son jugement rendu le 17/4/2003, a dit qu'il ne pouvait bénéficier du statut de VRP, qu'il avait valablement signé l'avenant à son contrat de travail modifiant son salaire, que la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission et qui l'a débouté de toutes ses demandes.

Il a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions écrites, reprenant ses observations orales, visées par le greffe le 5/9/2005, il demande l'infirmation du jugement. Il maintient que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le statut de VRP doit lui être appliqué, et que l'avenant modifiant son salaire, signé le 23/2/2000, lui est inopposable.

Il réclame le paiement des sommes suivantes:

- rappel de salaire : 3 312,57 euro, outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- indemnité de clientèle : 26 663,45 euro,

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 28 945,95 euro,

- indemnité conventionnelle de licenciement: 868,38 euro,

- contrepartie financière de la clause de non-concurrence: 41 612 euro, subsidiairement 20 806,05 euro, outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

- article 700 du NCPC: 2 000 euro.

Dans leurs écritures venant au soutien de leurs observations orales, visées par le greffe le 5/9/2005, les sociétés Orapi et Orapi Europe sollicitent la confirmation du jugement, sauf sur leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive. Elles réclament à ce titre, chacune, la somme de 15 000 euro, ainsi que la somme de 1 600 euro en application de l'article 700 du NCPC.

Discussion

Sur la revendication du statut de VRP:

Il résulte de la description contractuelle des fonctions exercées par Valéry Martin et de l'exercice effectif de celles-ci qu'il était chargé de démarcher une clientèle à l'extérieur de l'entreprise pour prendre et transmettre des commandes, la nécessité de leur acceptation par l'entreprise ne modifiant pas la nature de son activité. La recherche de distributeurs pour organiser un réseau n'est aussi qu'une modalité de son travail de prospection.

La zone de prospection était définie dans le contrat de travail. Elle n'a pas été modifiée, même si l'employeur s'en était réservé la possibilité. L'exercice par celui-ci d'un contrôle très strict de l'activité du salarié donnant lieu à des observations et des directives est sans incidence sur la qualité de VRP.

Ce contrat répondant parfaitement aux exigences des dispositions des articles L. 751-1 à L. 751-3 du Code du travail, l'appel est fondé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail:

Dans la lettre de prise d'acte de la rupture, Valéry Martin reproche à la société Orapi Europe de s'être abstenue de lui reconnaître le statut de VRP. Or, il n'établit même pas avoir formulé une telle revendication au cours des relations de travail. La seule "abstention" de l'employeur n'est pas constitutive d'un comportement fautif justifiant l'initiative de rompre celles-ci.

Le second grief n'est pas plus sérieux, dès lors qu'il s'est écoulé plus d'une année entre la prise d'acte de la rupture et la prétendue contrainte exercée sur Valéry Martin lors de la signature de l'avenant modifiant sa rémunération.

Le salarié ne s'étant plaint ni avant la rupture, ni au moment de celle-ci, des conditions de travail difficiles existant au sein de la société Orapi Europe, ce grief ne peut être pris en considération.

C'est pourquoi, en l'absence de tout fait justifiant la prise d'acte de la rupture, celle-ci produit les effets d'une démission, comme l'a justement décidé le premier juge.

Le salarié doit par conséquent être débouté de toutes ses demandes liées à la rupture du contrat de travail, et notamment de celle en paiement d'une indemnité de clientèle, qui n'est due que si la rupture du contrat de travail est le fait de l'employeur.

Sur la demande en paiement de rappel de salaire:

Valéry Martin prétend que la société Orapi Europe a manqué à son obligation de loyauté en lui imposant le 23/2/2001 un avenant remettant en cause l'accord du 15/12/1999 qui lui octroyait la moitié du secteur 38, sans lui laisser un délai de réflexion suffisant.

Il n'invoque donc plus, comme dans la lettre de rupture ou dans ses écritures de première instance, la modification de sa rémunération.

Dans sa lettre du 15/12/1999, l'employeur a proposé au salarié de lui attribuer, en plus de son secteur initial, la moitié du secteur 38 ainsi que la modification de sa rémunération fixe et variable. Valéry Martin n'établit pas avoir donné son accord à cette proposition. Si tel avait été le cas, l'employeur n'aurait pas ressenti la nécessité de lui faire une nouvelle proposition le 23/2/2000, dans laquelle la modification du secteur de prospection a disparu tandis que les conditions de sa rémunération sont nettement améliorées. Cette proposition a été signée par Valéry Martin. Le temps qui s'est écoulé entre les deux propositions démontre que des négociations ont eu lieu entre les parties et interdit à Valéry Martin de prétendre que son consentement aurait été forcé ou surpris sur étendue de son secteur de prospection ou sa rémunération.

La demande en paiement d'un rappel de salaire sur la base du contrat de travail initial ne peut qu'être rejetée comme mal fondée.

Sur la clause de non-concurrence:

La clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail n'est pas assortie d'une contrepartie financière. Elle est donc nulle. L'inexistence de cette clause ne rend pas pour autant applicables les dispositions de l'accord conventionnel.

En tout état de cause, il est établi par le certificat de travail versé aux débats que Valéry Martin a retrouvé un travail dès le 10/9/2001 en qualité d'animateur extérieur de secteur au sein de la société KDI Bloch. La société Orapi Europe démontre que cette entreprise exerce au moins pour partie une activité concurrente (vente des produits consommables destinés aux industriels selon ses pièces 32 et 33) puisqu'elle faisait même partie de ses distributeurs.

Valéry Martin qui n'a pas respecté son obligation de non-concurrence, n'est pas fondé à invoquer l'existence d'un préjudice méritant réparation. Il doit par conséquent être débouté aussi de sa demande au titre de la clause de non-concurrence.

L'appel de Valéry Martin s'avérant infondé sur la quasi-totalité de ses demandes, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande en application de l'article 700 du NCPC

La volonté de nuire de Valéry Martin n'étant pas caractérisée, les demandes de la société Orapi et de la société Orapi Europe en dommages-intérêts doivent être rejetées, ainsi que leurs demandes en application de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs, LA COUR, Prononce la mise hors de cause de la société Orapi, Infirme le jugement critiqué uniquement en ce qu'il a dit que Valéry Martin ne bénéficiait pas du statut de VRP, Le confirme dans ses autres dispositions, Rejette la demande de Valéry Martin en application de l'article 700 du NCPC, Déboute la société Orapi et la société Orapi Europe de leurs demandes en dommages-intérêts et en application de l'article 700 du NCPC, Condamne Valéry Martin aux dépens d'appel.