CA Rennes, 5e ch. prud'homale, 15 mars 2005, n° 04-03210
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Laisis-Thireau
Défendeur :
Georges Franck (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Ploux
Conseillers :
Mme Citray, Van Ruymbeke
Avocats :
Mes de Morhery, Descamps
Par acte du 1er octobre 2003 Madame Laisis-Thireau interjetait appel d'un jugement rendu le 19 septembre 2003 par le Conseil de Prud'hommes de Dinan qui, dans le litige l'opposant à la société Georges Franck, la déboutait de toutes ses demandes tendant à obtenir un rappel de salaire, des dommages et intérêts pour non-respect d'une clause d'exclusivité et une indemnité de livraison.
Madame Laisis-Thireau maintient ses demandes telles qu'elles ont été présentées devant le conseil de prud'hommes, elle soutient qu'elle avait une activité à plein temps et devait recevoir une rémunération au moins égale au SMIC des VRP, elle réclame à ce titre un rappel de salaire de 73 943 34 euro, une provision pour frais de livraison, la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour non-respect du règlement intérieur et la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'employeur sollicite la confirmation du jugement et réclame la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été développées à l'audience des plaidoiries puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats
Motifs de la décision
Sur la rémunération de Madame Laisis-Thireau:
Considérant qu'il résulte de la combinaison du statut des VRP appliqué au salarié effectuant des ventes chez les particuliers à domicile et du contrat de travail du 22 février 1990 que, jusqu'au 28 août 2000 Madame Laisis-Thireau a travaillé à temps partiel en exclusivité pour la société Georges Franck, mais qu'à compter de cette date, compte tenu de la position de la Chambre sociale de la Cour de cassation, l'employeur a proposé à sa salariée l'annulation de l'article 4 de son contrat qui instaurait une clause d'exclusivité et son remplacement par une clause de non-concurrence, mais elle a refusé d'accuser réception de ce courrier qu'elle a pourtant reçu puisqu'elle le produit aux débats.
Considérant que si l'employeur a délié Madame Laisis-Thireau de son obligation d'exclusivité, il n'a pas modifié son temps de travail qui est resté à temps partiel, il lui appartient donc d'établir comme elle le prétend qu'elle avait une activité à plein temps, étant rappelé que selon son contrat de travail article 2 il est spécifié que :
"Madame Laisis-Thireau conserve la plus grande liberté dans l'organisation de son travail, qu'elle dispose de son temps à sa convenance et que le travail qui lui est demandé se situe dans le cadre d'un temps partiel, ce qui correspond également au souhait de l'intéressée pour l'organisation de sa vie personnelle et familiale".
Considérant que l'examen des rapports d'activité établis par Madame Laisis-Thireau permet d'établir que son taux d'activité était de l'ordre de 32 % et que son chiffre d'affaire en 2003 n'a jamais atteint le salaire minimum fixé par le statut de VRP à 520 fois le taux horaire du SMIC par trimestre et une seule fois au cours du 1er trimestre 2004 (5 989,85 euro).
Considérant que Madame Laisis-Thireau n'ayant pas consacré tout son temps, soit 39 heures par semaine puis 35 heures à présenter chez les particuliers les produits de la société pour obtenir des commandes, ne peut prétendre obtenir la rémunération minimale, mais doit percevoir une rémunération proportionnelle à son activité effective qui est déterminée par le montant des ordres livrés et encaissés ; or, la société a toujours versé à sa salariée la rémunération prévue par le contrat de travail compte tenu de son volume de vente.
Sur la portée de la clause d'exclusivité:
Considérant que contrairement à ce qu'elle soutient, Madame Laisis-Thireau ne bénéficiait pas d'une exclusivité de présentation sur la ville de Dinan et les villes proches, son contrat de travail ne prévoyant pas de secteur de prospection, il était donc possible à l'employeur de confier sur la même ville la représentation des produits à une autre personne sans que cela constitue une violation de la clause d'exclusivité, alors que les fichiers clients sont personnels et constitués par les VRP en fonction de leurs relations personnelles, la seule recommandation de l'employeur est que l'animatrice ne détourne pas les clients d'autres animatrices.
Sur les frais de livraison:
Considérant qu'il est constant que dans ce genre de ventes à domicile organisées chez une cliente qui accepte de prêter son concours pour la présentation des produits à ses amies et connaissances, c'est bien la représentante de la société qui anime la réunion et livre quelques semaines après les achats chez elle, par application de l'article 12 du contrat de travail Madame Laisis-Thireau est en droit d'obtenir l'indemnisation des frais qu'elle a engagés pour ces livraisons;
Considérant que faute pour l'employeur d'avoir communiqué les chiffres d'affaires permettant de calculer le montant des frais de livraison, compte tenu du rayon d'action de Madame Laisis-Thireau, la ville de Dinan, son domicile étant situé à proximité à Lehon, il lui sera accordé compte tenu du nombre de présentations par trimestre, en moyenne 8, pour la période travaillée de 2000 à 2004 la somme de 4 500 euro.
Considérant que compte tenu de la disparité de situation entre les parties il ne sera pas fait droit à leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les dépens étant partagés par moitié.
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, Infirme pour partie le jugement du 19 septembre 2003; Condamne la société Georges Franck à verser à Madame Laisis-Thireau au titre des frais de livraison la somme de 4 500 euro. Confirme les autres dispositions du jugement. Déboute les parties de leurs autres demandes. Partage les dépens par moitié.