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Décisions

CA Pau, 1re ch., 23 novembre 1999, n° 97-003714

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AIG Europe (Sté), Sace (Sté)

Défendeur :

Leroy Somer (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larque

Conseillers :

Mme Massieu, Poque

Avoués :

SCP Longin, Me Vergez

Avocats :

Mes Tekin, Cathelineau

T. com. Tarbes, du 15 sept. 1997

15 septembre 1997

Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Tarbes, le 15 septembre 1997, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé des faits, de la procédure suivie en première instance, comme des moyens et prétentions initiaux des parties et par lequel le tribunal a principalement;

- dit la société Leroy Somer responsable de la panne intervenue sur l'alternateur qu'elle avait fourni, mais constaté qu'elle avait satisfait à ses obligations contractuelles relatives à la garantie,

- débouté en conséquence la société Sace et la société AIG Europe de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la société Sace et la société AIG Europe à payer à la société Leroy Somer la somme de 5 000 F, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme de 1 000 F étant mise à la charge de la société Sace et celle de 4 000 F, à celle de la société AIG Europe,

- condamné la société Sace et la société AIG Europe aux dépens, chacune pour moitié.

Vu la déclaration d'appel émanant de la société AIG Europe et de la société Sace, reçue au greffe de la cour le 16 octobre 1997 et inscrite au rôle le même jour, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées et à l'égard desquelles les seuls éléments portés à la connaissance de la cour ne font pas ressortir qu'elles seraient contraires à l'ordre public.

Vu les conclusions déposées par la société AIG Europe et la société Sace le 4 février 1998.

Vu celles prises par la société Leroy Somer le 16 juin 1998

Vu l'ordonnance de clôture rendue par le magistrat de la mise en état le 20 octobre 1998.

Au soutien de leur recours, la société AIG Europe et la société Sace prétendent principalement:

- que pour les motifs retenus par le premier juge, la société Leroy Somer doit être tenue pour responsable de la panne d'alternateur qui est intervenue par l'effet d'un défaut qui l'affectait au jour de sa livraison,

- que la clause limitative de responsabilité portée par la société Leroy Somer au dos de l'accusé de réception de la commande de la société Sace ne saurait recevoir application, nonobstant le fait que la société Sace soit un professionnel de même spécialité, alors que seules des vérifications exceptionnelles, qui auraient exigé en l'espèce le démontage de l'appareil, auraient permis à la société Sace de découvrir ce vice du bobinage qui doit donc être retenu comme ayant été indécelable,

- que la société Leroy Somer, fabricant, ne saurait être admise à se décharger sur l'acquéreur professionnel de la quasi-totalité des risques liés à la vente d'un produit défectueux et ce contre toute équité et en contradiction avec les prévisions des parties, alors qu'il était clairement spécifié dans la clause de garantie que celle-ci ne se substituait pas à la garantie légale qui oblige le vendeur professionnel à garantir l'acheteur contre tous les défauts ou vices cachés de la chose vendue,

- que la société Leroy Somer, vendeur professionnel, doit être jugée tenue en application de l'article 1645 du Code civil d'assumer, outre la restitution du prix (en l'espèce le remplacement de la pièce, tel qu'il a été exécuté), la prise en charge de tous dommages et intérêts envers l'acheteur,

- qu'elle ne saurait être fondée à invoquer le caractère non-contradictoire de l'expertise à son égard, alors qu'il y avait urgence et qu'elle n'a pas réagi à la demande qui lui a été adressée d'y participer,

- que le préjudice occasionné par cette défectuosité doit être admis et indemnisé sur les bases suivantes:

* frais de dépose de réfection et de repose du matériel 28 246 F répartis entre:

- la société AIG Europe : 25 421,40 F

- la société Sace : 2 824,60 F

* pénalités EDF remboursées à la société Microcast 54 962,38 F répartis entre:

- la société AIG Europe : 44 962,38 F

- la société Sace : 10 000 F

La société AIG Europe et la société Sace demandent donc à la cour de :

- confirmer partiellement le jugement entrepris, en ce qu'il a dit que la société Leroy Somer était responsable de la panne intervenue sur l'alternateur fourni par elle,

- pour le surplus, statuant à nouveau sur leurs prétendons,

- confirmant sur ce point la motivation du jugement, dire et juger indécelable par la société Sace, nonobstant sa qualité de professionnel de même spécialité, le vice dont était affecté l'alternateur fabriqué et vendu sous sa marque par la société Leroy Somer,

- dire et juger non applicable ou non efficace en l'espèce la clause limitative de responsabilité figurant dans les conditions générales de vente de la société Leroy Somer,

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Sace et la société AIG Europe de leurs demandes,

- condamner, sur le fondement des articles 1641 et 1645 du Code civil, la société Leroy Somer à payer à la société AIG Europe les sommes de 44 962,38 F et 25 421,40 F,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance,

- condamner la société Leroy Somer à payer à la société Sace les sommes de 10 000 F et 2 824,60 F,

- condamner en sus la société Leroy Somer à payer à la société AIG Europe les sommes de 20 000 F, pour résistance abusive, et 20 000 F, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner la société Leroy Somer aux entiers dépens de première instance et d'appel,

La société Leroy Somer conclut quant à elle:

- que sont valides entre professionnels les clauses excluant ou limitant les conditions de garantie, comme celles excluant ou limitant les effets de la garantie, dès lors que l'acheteur professionnel qui en a accepté la stipulation a été mis en état de le faire en toute connaissance de cause, le vice du consentement étant alors exclu,

- que cette situation implique, s'agissant des clauses excluant ou limitant les conditions de garantie, qu'il soit recherché si l'acquéreur professionnel avait pu ou aurait dû se convaincre de l'existence du vice, et, s'agissant des clauses excluant ou limitant les effets de la garantie, qu'il soit recherché si l'acquéreur professionnel avait pu ou aurait dû évaluer les charges financières qui demeureraient les siennes, lorsque les conditions de la garantie se trouvant réunies l'indemnisation se trouverait réduite par l'effet du contrat,

- que la clause intégrée en l'espèce dans le contrat de vente constitue une clause limitant les seuls effets de la garantie, ceux-ci se trouvant ainsi réduits au remplacement de la chose défectueuse, les frais de transport restant à la charge exclusive de l'acquéreur,

- que c'est à bon droit que les premiers juges, s'étant livrés à cette recherche, ont retenu que la société Sace avait pu "évaluer les risques restant à sa charge et s'en garantir auprès de son assureur, notamment dans le cadre précis de sa transaction avec la société Microcast",

- que le moyen, pris par la société Sace et la société AIG Europe du caractère inéquitable de cette clause, est quant à lui infondé, du fait que l'économie de la charge financière de l'assurance qui couvrirait le risque d'une garantie élargie bénéficie à l'acheteur, par l'effet de sa répercussion dans le prix de vente.

La société Leroy Somer réclame donc le débouté de la société Sace et de la société AIG Europe de leur appel, la confirmation du jugement et toutes ses dispositions et, y ajoutant, la condamnation solidaire des sociétés appelantes à lui payer la somme de 8 000 F, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, comme à prendre en charge les entiers dépens.

Attendu que n'est pas contestée la réalité de la défaillance de l'alternateur acquis par la société Sace auprès de la société Leroy Somer, laquelle en a d'ailleurs effectué l'échange dans le cadre de sa garantie;

Attendu, sur la validité de la clause de garantie, que ne saurait être retenue la simple objection, incidemment présentée, selon laquelle la clause afférente à la garantie figurerait seulement au dos de l'accusé de réception de la commande passée par la société Sace, alors que cette disposition normalement incluse dans l'énoncé des conditions générales de vente et selon un graphisme en tous points comparable, doit être tenue comme ayant réalisé une information suffisamment claire et loyale de la société Sace, quant à l'ensemble des conditions contractuelles auxquelles la société Leroy Somer entendait soumettre la vente;

Attendu que cette clause contenait notamment les indications suivantes:

"Nos matériels sont garantis à un an à dater de la mise à disposition, contre tout vice de fabrication ou défaut de matière. Cette garantie peut être ramenée à six mois, dans le cas de certains matériels spéciaux proposés sur devis."

"Si le matériel est utilisé jour et nuit, la garantie est obligatoirement réduite de moitié.

"La garantie se borne au remplacement ou à la réparation en nos ateliers de la pièce reconnue défectueuse..."

"En cas de retour en nos usines, les frais de port et d'emballage sont à la charge de l'expéditeur..."

"En tout état de cause, notre garantie contractuelle ne se substitue pas à la garantie légale qui oblige le vendeur professionnel à garantir l'acheteur contre tous les défauts au vices cachés de la chose vendue. Cependant, la garantie contractuelle n'implique en aucun cas la possibilité d'une demande dommages et intérêts ou d'indemnités. Nous ne sommes pas responsables en cas de destination particulière du matériel ou de sujétion non déclarée par l'acheteur dans le bon de commande",

Attendu que la société Sace apparaît être un professionnel de même spécialité que la société Leroy Somer, son objet social étant constitué par "l'étude, la fabrication, la fourniture et l'installation de groupes électrogènes",

Mais attendu que, nonobstant ce fait que la société Sace soit un professionnel de même spécialité, cette clause limitative de responsabilité ne saurait recevoir application en l'espèce, alors que seules des vérifications exceptionnelles, qui auraient exigé en l'espèce un démontage de l'appareil qu'il n'est pas d'usage de réaliser, auraient permis à la société Sace de se convaincre de l'existence du vice constitué par le positionnement trop rapproché des entrefers, lequel a provoqué, selon l'analyse du désordre qui a été faite par la société Leroy Somer elle-même, un court-circuit du stator de l'alternateur, ledit vice devant donc être considéré comme ayant été indécelable;

Qu'il y a donc lieu de prononcer, en application de l'article 1645 du Code civil, la condamnation de la société Leroy Somer à réparer l'entier dommage subi par la société Sace son co-contractant, ainsi que par la société AIG Europe, dans la limite de la subrogation;

Attendu que l'appréciation du montant des réparations doit être faite en considération des indemnités qu'elles se sont trouvées légitimement contraintes de verser elles-mêmes à la Microcast à laquelle avait été livré le groupe électrogène dont le fonctionnement s'est trouvé affecté ensuite de la panne de l'alternateur ;

Que, conformément aux demandes qui en sont faites et selon les justifications qui sont produites, le préjudice occasionné par cette défectuosité doit ainsi être admis et indemnisé sur les bases suivantes:

* frais de dépose de réfection et de repose du matériel : 28 246 F, répartis entre :

- la société AIG Europe : 25 421,40 F

- la société Sace : 2 824,60 F

* pénalités EDF remboursées à la société Microcast : 54 962,38 F répartis entre :

- la société AIG Europe : 44 962,38 F

- la société Sace : 10 000 F

Que dans la limite encore des demandes, les condamnations prononcées au profit de la société AIG Europe porteront quant à elle intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, les frais et les dépens:

Attendu que la résistance opposée à une demande ne saurait dégénérer en faute susceptible d'entraîner une condamnation à des dommages et intérêts que si elle s'apparentait à un acte de malice ou de mauvaise foi, une attitude purement dilatoire ou une erreur équipollente au dol;

Qu'il n'est pas établi en l'espèce que la société Leroy Somer ait ainsi résisté de manière abusive;

Qu'il y a donc lieu de débouter la société AIG Europe de sa demande de dommages et intérêts;

Attendu que, succombant en son action, la société Leroy Somer doit être condamnée à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel;

Que l'équité ne commande pas de la dispenser de prendre en charge les frais non compris dans les dépens qui ont été exposés par la société AIG Europe pour faire valoir ses droits, devant le premier juge, comme en appel;

Qu'à ce titre et par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société Leroy Somer sera condamnée à lui payer la somme de 8 000 F;

Que doit être par contre rejetée la demande formée sur ce même fondement par la société Leroy Somer, condamnée aux dépens;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Reçoit comme réguliers en la forme l'appel de la société Sace et de la société AIG Europe, ainsi que les demandes incidentes, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Tarbes, le 15 septembre 1997, en ce qu'il a dit que la société Leroy Somer était responsable de la panne intervenue sur l'alternateur fourni par elle, Réformant pour le surplus et ajoutant, Dit et juge que se trouvait indécelable par la société Sace, nonobstant sa qualité de professionnel de même spécialité, le vice dont était affecté l'alternateur fabriqué et vendu sous sa marque par la société Leroy Somer, Déclare non applicable en l'espèce la clause limitative de responsabilité figurant dans les conditions générales de vente de la société Leroy Somer, En conséquence, Faisant droit aux demandes d'indemnisation de la société Sace et de la société AIG Europe, Condamne, sur le fondement des articles 1641 et 1645 du Code civil, la société Leroy Sommer à payer à la société AIG Europe les sommes de 44 962,38 F et 25 421,40 F, avec intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance, - Condamne la société Leroy Somer à payer à la société Sace les sommes de 10 000 F et 2 824,60 F, Déboute la société AIG Europe de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, Condamne en sus la société Leroy Somer à lui payer la somme de 8 000 F, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette la demande formée par la société Leroy Somer sur ce même fondement, La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, la SCP Claude et Patrick Longin, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.