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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 27 janvier 2005, n° 03-01994

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Richart (Epoux)

Défendeur :

Bouduin (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Bouly de Lesdain

Conseillers :

MM. Zanatta, Reboul

Avoués :

Me Lensel, SCP Cocheme-Kraut

Avocats :

Mes Richard, Hardeman

TGI Béthune, du 12 févr. 2003

12 février 2003

Vu le jugement rendu le 12 février 2003, par le Tribunal de grande instance de Béthune, statuant commercialement;

Vu l'appel formé le 28 mars 2003, par Monsieur Jean-Pierre Richart et Mme Marylène Denis, épouse Richart;

Vu les conclusions déposées par Monsieur Jean-Pierre Richart et Mme Marylène Denis, épouse Richart, le 3 août 2004;

Vu les conclusions déposées par M. Charles Bouduin et Mme Nicole Lamare, épouse Bouduin, le 5 octobre 2004;

Vu l'ordonnance de clôture du 28 octobre 2004;

Par contrat du 22 septembre 2000, les époux Bouduin ont vendu aux époux Richart un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie-confiserie, situé dans le Pas-de-Calais à Rouvroy, au prix de 243 918,43 euro (1 600 000 F).

- Les éléments incorporels ont été évalués à la somme de 213 428,62 euro (1 400 000 F).

- L'agencement, l'installation matérielle, et le mobilier commercial ont été évalués à la valeur de 30 489,80 euro (200 000 F).

- Le contrat du 22 septembre 2000 a prévu que les marchandises existant en stock, au jour de la prise de possession, fixé au 1er octobre 2000, devaient être inventoriées contradictoirement entre les parties, et reprises par l'acquéreur (les époux Richart) au prix des factures, ou à défaut, à dire d'expert.

Les acquéreurs s'obligeaient à payer le prix de ces marchandises:

- au comptant, la somme de 3 811,23 euro (25 000 F);

- le surplus, le cas échéant, au moyen de versements mensuels de 381,12 euro (2 500 F), à compter du 1er novembre 2000.

Les acquéreurs, les époux Richart, soutiennent que les vendeurs (les époux Bouduin) n'ont pas respecté leur obligation de délivrance, et invoquent la garantie des vices cachés, pour ce qui concerne le matériel vendu.

Le jugement du 12 février 2003, du Tribunal de grande instance de Béthune, statuant commercialement, a débouté les époux Richart de l'ensemble de leurs demandes.

Il a également condamné les époux Richart, à payer aux époux Bouduin:

- la somme de 3 808,74 euro, correspondant au solde du prix du stock et de la taxe professionnelle, avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2001;

- la somme de 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'exécution provisoire a été ordonnée.

Monsieur Jean-Pierre Richart et Mme Marylène Denis, épouse Richart, font appel du jugement déféré.

Ils soutiennent que leur action visant les défauts affectant le matériel vendu, est fondée sur l'obligation de délivrance d'une chose conforme à sa destination, ou sur la garantie des vices cachés.

Ils demandent à cet égard les sommes de:

- 9 482,40 euro, pour la réfection du matériel vendu,

- 19 335,15 euro, du fait de l'impossibilité d'utiliser le camion de livraison,

- 15 244,90 euro de dommages et intérêts, en raison du préjudice financier et commercial qu'ils ont subi.

ils sollicitent la condamnation des époux Bouduin à leur payer la somme de 7 622,45 euro, de réparation locative, et que soit ordonnée la déconsignation de cette somme, séquestrée entre les mains de Me Chrétien, notaire à Vimy.

Ils demandent 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Charles Bouduin et Mme Nicole Lamare, épouse Bouduin, sollicitent la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qui concerne la demande de remboursement du dépôt de garantie et du constat d'huissier.

Ils demandent également la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs

1) Sur le fondement juridique applicable: obligation de délivrance d'une chose conforme à sa destination, ou garantie des vices cachés;

Les vices cachés se définissent comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination normale.

Les époux Richart exposent que le four Bongard a cessé de fonctionner normalement au mois d'octobre 2000; que le véhicule de livraison est impropre à l'usage auquel il était destiné à partir du 22 septembre 2000; et que le groupe froid est tombé en panne au mois d'octobre 2000.

Les époux Richart soutiennent que des désordres affectent le four Bongard, le véhicule de livraison, et le groupe froid.

Ces éventuelles impropriétés résultent non pas de ce que les produits vendus sont différents de ceux objet du contrat, mais de ce qu'ils sont éventuellement affectés d'un vice, au sens de l'article 1641 du Code civil.

L'action des époux Richart ne peut se fonder sur les articles 1603 et 1604 du Code civil, mais seulement sur les articles 1641 et suivants du même Code.

2) Sur le bref délai:

Les premiers juges ont motivé leur décision, en indiquant que: le fait de délivrer l'assignation le 21 juin 2001 après la découverte des vices au mois d'octobre 2000, ne permet pas de considérer que l'action a été intentée dans un bref délai, au sens de l'article 1648 du Code civil; et que l'ignorance de l'adresse des époux Bouduin, n'empêchait pas de délivrer l'assignation entre les mains du négociateur et rédacteur de l'acte.

En réponse à cette motivation, les époux Richart se contentent de répliquer que le fait que l'assignation a été délivrée à la personne des cédants, sept mois après la découverte de la non-conformité ou des vices des divers matériels, répond aux exigences du bref délai, tel que prévu par l'article 1648 du Code civil.

En l'espèce un délai d'action inférieur à un an, doit être considéré comme un bref délai au sens de l'article 1648 du Code civil.

Il n'est pas contesté que l'assignation a été délivrée à la personne des cédants, sept mois après la découverte de la non-conformité ou des vices des divers matériels.

Le jugement déféré ne peut qu'être réformé en ce qu'il a retenu que le bref délai était expiré.

3) Sur l'existence d'une exclusion conventionnelle de garantie:

Dans l'hypothèse d'une vente conclue entre professionnels de la même spécialité, la clause exonératoire de garantie stipulée par le contrat de vente est valable.

L'acte de vente sous seing privé du 22 septembre 2000, stipule en page 10: "...1° il prendra le fonds de commerce vendu et ses accessoires dans leur état actuel, sans pouvoir réclamer au vendeur aucune indemnité ou diminution du prix pour cause de vétusté ou de mauvais état du matériel des locaux ou du matériel... ".

En l'espèce, la vente du fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie-confiserie a été conclue entre professionnels de la même spécialité.

Le four Bongard, le véhicule de livraison, et le groupe froid pour lesquels des désordres sont invoqués, sont tous du matériel d'occasion.

Du fait de l'existence de la clause exonératoire de garantie, les époux Richart ne peuvent qu'être déboutées de leurs demandes en paiement des sommes de:

- 9 482,40 euro, pour la réfection du matériel vendu,

- 19 335,15 euro, du fait de l'impossibilité d'utiliser le camion de livraison,

- 15 244,90 euro de dommages et intérêts, en raison du préjudice financier et commercial qu'ils ont subi.

4) Sur les travaux de remise en état;

Lors de la cession du droit au bail par les époux Bouduin aux époux Richart, les époux Bouduin ont consigné entre les mains du notaire une somme de 7 622,45 euro (50 000 F), destinée à garantir les éventuels travaux de remise en état qui seraient rendus nécessaires, à la suite de l'établissement d'un constat d'état des lieux.

Les époux Bouduin contestent que des travaux doivent être effectués.

Faute de faire la preuve que des travaux de remise en état sont nécessaires, les époux Richart ne peuvent qu'être déboutés de leur demande en déconsignation de la somme de 7 622,45 euro.

Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté les époux Richart de cette demande.

4) Sur la demande reconventionnelle :

Le tribunal s'est expliqué sur le solde du prix du stock, la taxe professionnelle, les raisons du non-remboursement du dépôt de garantie et du constat d'huissier; et ni les époux Richart, ni les époux Bouduin, n'ont contredit la motivation des premiers juges, que la cour adopte.

Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné les époux Richart, à payer aux époux Bouduin la somme de 3 808,74 euro, correspondant au solde du prix du stock et de la taxe professionnelle, avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2001.

5) Sur les autres demandes:

Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Les époux Bouduin, ayant gain de cause, il convient de débouter les époux Richart de leur demande en paiement des frais irrépétibles engagés; et de les condamner à payer aux époux Bouduin la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Réforme le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le bref délai était expiré; Dit que l'action en garantie des vices cachés, intentée par Monsieur Jean-Pierre Richart et Mme Marylène Denis, épouse Richart, est recevable; Déboute Monsieur Jean-Pierre Richart et Mme Marylène Denis, épouse Richart, de leurs demandes en paiement; Confirme le jugement déféré pour le surplus; Déboute Monsieur Jean-Pierre Richart et Mme Marylène Denis, épouse Richart, de leur demande en paiement des frais irrépétibles engagés; Condamne les époux Richart à payer aux époux Bouduin, la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Monsieur Jean-Pierre Richart et Mme Marylène Denis, épouse Richart, aux dépens, avec le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'avoué adverse.