CA Versailles, 3e ch., 22 octobre 1999, n° 97-00002575
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Garage de la Gare de Beauchamp (SA)
Défendeur :
Brochard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Falcone
Conseillers :
Mmes Simonnot, Prager Bouyala
Avoués :
SCP Keime Guttin, SCP Lissarrague Dupuis & Associés
Avocats :
Mes Soudri, Farge
Faits, procédure et moyens des parties
Le Garage de la Gare de Beauchamp est appelant d'un jugement rendu le 2 avril 1997 par le Tribunal de grande instance de Pontoise qui a :
- dit que le consentement de Monsieur Brochard, lors de la signature de la vente conclue le 15 mars 1990 portant sur un véhicule Alpine, a été vicié par le dol du Garage Beauchamp,
- prononcé la nullité du contrat de vente,
- condamné le Garage Beauchamp à restituer à Monsieur Brochard le prix de la vente, soit 96 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 1995,
- débouté Monsieur Brochard de ses autres demandes,
- condamné le Garage Beauchamp à payer à Monsieur Brochard une indemnité de 12 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Garage de la Gare de Beauchamp (ci-après le Garage) demande à la cour de
- dire que l'action en résolution pour vice caché est irrecevable et mal fondée,
- dire que l'action en annulation pour dol est prescrite,
- dire que cette action est irrecevable et mal fondée,
- débouter Monsieur Brochard de ses demandes,
- le condamner au paiement d'une indemnité de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Après avoir soutenu que l'action résolutoire n'avait pas été engagée à bref délai et que le véhicule n'était pas impropre a l'usage auquel il était destiné, le Garage a contesté l'existence d'un dol car, s'il est exact que le véhicule avait été accidenté et réparé en 1986, le service commercial du Garage l'ignorait, et ne pouvait en informer l'acquéreur.
Il soutient également que le véhicule n'était atteint d'aucune anomalie et que le consentement de Monsieur Brochard n'a pas été vicié.
Il fait valoir enfin que l'action est prescrite car engagée le 22 mars 1996 alors que l'acheteur a pu déceler le dol en avril 1990.
Monsieur Brochard conclut à la confirmation du jugement et au paiement d'une somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de 12 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRET
Attendu que le tribunal, par le jugement dont la confirmation est demandée par l'intimé, a prononcé la nullité de la vente pour dol ;
Qu'il convient d'abord de statuer sur ce chef de demande ;
Attendu sur la prescription invoquée par l'appelant que l'article 1304 du Code civil dispose que dans le cas de dol l'action en nullité dure cinq ans à compter du jour où il a été découvert ;
Attendu que Monsieur Brochard a eu connaissance que le véhicule avait été accidenté avant la vente en 1994 ;
Qu'aucun des professionnels qui ont examiné le véhicule avant cette date n'ont signalé ce fait ;
Que dès lors le point de départ du délai de prescription quinquennale se situe en 1994 ;
Que la demande en nullité pour dol, formulée le 22 mars 1996, est incluse dans ce délai et est recevable ;
Attendu, sur le fond, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;
Qu'il doit être prouve ;
Que pour être constitutif d'un dol par réticence, le défaut d'information de l'acquéreur d'un véhicule doit avoir été fait intentionnellement pour tromper le cocontractant et le déterminer à conclure la vente ;
Attendu que Monsieur Brochard reproche au Garage de lui avoir volontairement caché que le véhicule vendu le 15 mars 1990 avait été accidenté en 1986 ;
Attendu qu'il est établi que le véhicule Alpine Renault vendu à Monsieur Brochard a été accidenté et réparé par le Garage de la Gare de Beauchamp le 6 mai 1986 à 16 358 kms ;
Qu'après cette réparation il a parcouru 47 442 kms pendant 4 ans jusqu'à la vente à Monsieur Brochard sans que le moindre dysfonctionnement ne soit signalé et sans que le précédent propriétaire ne se plaigne de quoique ce soit ;
Attendu qu'en présence d'un véhicule en bon état de fonctionnement, il n'est pas établi que le service commercial du Garage de la Gare de Beauchamp ait été informé de l'accident survenu quatre années auparavant et ait eu l'intention de tromper Monsieur Brochard pour l'inciter à acquérir le véhicule litigieux ;
Que la preuve du caractère intentionnel du comportement du Garage, élément constitutif du dol, n'est pas rapportée ;
Que dès lors, la nullité du contrat n'est pas encourue ;
Attendu, sur la résolution du contrat pour vices cachés, que l'expert Hazan relève qu'au jour de la vente si le véhicule présentait quelques séquelles de l'accident de 1986, cela ne l'empêchait pas de rouler alors surtout que le véhicule avait parcouru plus de 45 000 kms ;
Qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a constaté que les défauts mineurs ne rendaient pas le véhicule impropre à son usage et n'en diminuaient pas le prix ;
Que Monsieur Brochard sera débouté de son action en résolution de la vente pour vices cachés ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris, Déboute Monsieur Brochard de l'ensemble de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Brochard aux dépens de première instance et d'appel. Dit que ceux-ci seront recouvrés par la SCP Keime Guttin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.