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Décisions

CA Caen, ch. réunies, 17 novembre 1998, n° 9702070

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Chippey

Défendeur :

Marie, Auto 2000 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chilou

Conseillers :

MM. Letouze, Calle, Mme Beuve, Mlle Cherbonnel

Avoués :

Me Sebire, SCP Parrot Lechevallier Rousseau

Avocats :

Mes Leblanc, Terrade

Caen, du 22 juin 1995 ; TI Caen, du 18 j…

22 juin 1995

Le 4 mai 1991, Mademoiselle Bouferrou achetait un véhicule Volvo à Monsieur Le Chippey pour le prix de 13 000 F. Elle tombait en panne le jour même. Le Garage Moraine Automobiles à Evreux constatait un manque de compression sur un cylindre ainsi que la nécessité de changer le régulateur de charge, le tout pour une somme de 20 000 F. Monsieur Le Chippey avait acquis cette voiture en 1988 à Monsieur Marie, le garage Auto 2000 ayant ce véhicule en dépôt au moment de la vente.

Désigné comme expert, Monsieur Terpereau relevait deux vices une soupape d'admission "grillée" et une manipulation du compteur kilométrique.

Mademoiselle Bouferrou demandait alors la résolution de la vente de ce véhicule.

Par jugement du 18 janvier 1994, le Tribunal d'instance de Caen prononçait la résolution de ladite vente, ordonnait la restitution du véhicule à Monsieur Le Chippey, condamnait ce dernier à payer à Mademoiselle Bouferrou les sommes de 13 000 F au titre du prix d'acquisition, 1 544,81 F au titre des frais, outre intérêts, 5 000 F à titre de dommages et intérêts et 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, prononçait la mise hors de cause de Monsieur Marie et de la SARL Auto 2000, condamnait Monsieur Le Chippey à payer à Monsieur Marie les sommes de 2 000 F à titre de dommages et intérêts et 2 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à la SARL Auto 2000 la somme de 2 000 F sur le même fondement, déboutait les parties de leurs autres demandes et condamnait Monsieur Le Chippey aux entiers dépens.

Ce dernier interjetait appel de cette décision.

Par arrêt du 22 juin 1995, la Cour d'appel de Caen confirmait le jugement entrepris et, y ajoutant, condamnait Monsieur Le Chippey à payer à Mademoiselle Bouferrou la somme de 1 584,83 F, déboutait Monsieur Le Chippey de ses demandes à l'encontre de Monsieur Marie et de

la SARL Auto 2000, déboutait cette dernière de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et condamnait Monsieur Le Chippey à verser, sur ce dernier fondement, les sommes de 5 000 F à Mademoiselle Bouferrou et de 3 000 F à Monsieur Marie, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par arrêt du 27 février 1997, la Cour de cassation cassait et annulait cette décision, seulement en ce qu'elle a débouté Monsieur Le Chippey de son recours contre Monsieur Marie et le garage Auto 2000 au motif que n'avait pas été recherché, comme cela avait été demandé, si le consentement de Monsieur Le Chippey, lors de la vente intervenue en 1988, n'avait pas été vicié par un dol ou une erreur sur les qualités substantielles du véhicule.

Monsieur Le Chippey expose qu'il est de bonne foi, qu'il n'a jamais été en mesure de connaître le kilométrage réel du véhicule avant son acquisition en 1988, que le garage Auto 2000 a eu la maîtrise totale de la vente, y compris pour les formalités administratives. Il conteste avoir eu connaissance de l'existence de ce vice et évoque à son profit le dol et l'erreur sur les qualités substantielles. Il se fonde pour cela sur une analyse des différents documents retraçant la vie de la voiture en cause.

Il demande, en conséquence, la réformation du jugement du 18 janvier 1994 sur la mise hors de cause de Monsieur Marie et de la SARL Auto 2000, de prononcer la résolution de la vente intervenue en 1988, de condamner solidairement Monsieur Marie et la SARL Auto 2000 à le garantir de toutes condamnations prononcées contre lui en principal, intérêts et frais, et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié aux manœuvres dolosives commises par eux à son encontre, et la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Marie expose qu'aucune manœuvre dolosive ne peut être retenue contre lui alors que le problème du kilométrage provient d'une erreur de retranscription sur le bulletin de contrôle technique et que le certificat de cession mentionne le kilométrage réel. Il prétend qu'il n'y a aucune erreur de Monsieur Le Chippey sur les qualités substantielles du véhicule alors que le prix de 17.000 F était en relation avec le kilométrage réel de 142 000 kilomètres, ce que ne pouvait ignorer ce dernier.

Il demande, en conséquence, la confirmation du jugement et le débouté de Monsieur Le Chippey.

Subsidiairement, il sollicite de lui accorder recours et garantie à l'encontre de la société Auto 2000. Enfin, il réclame une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL Auto 2000 précise qu'elle n'est intervenue ni comme vendeur, ni comme revendeur, mais seulement comme intermédiaire, qu'elle n'a touché aucune commission et n'avait aucun intérêt à modifier le kilométrage du véhicule. Elle indique que, malgré l'erreur commise lors d'un contrôle technique effectué par le Cabinet Hache, le certificat de cession indiquait le kilométrage réel de 142 000 kilomètres, ce que ne pouvait ignorer Monsieur Le Chippey lorsqu'il a procédé aux formalités d'immatriculation du véhicule.

Elle demande, en conséquence, de confirmer le jugement et de condamner Monsieur Le Chippey à lui payer la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La clôture a été ordonnée le 24 août 1998.

SUR CE,

La résiliation de la vente du véhicule Volvo par Monsieur Le Chippey à Mademoiselle Bouferrou et ses conséquences dans leurs rapports entre eux sont définitives, la Cour de cassation, dans son arrêt du 27 février 1997, ayant cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Caen sur le seul recours exercé par Monsieur Le Chippey à l'encontre de son propre vendeur, Monsieur Marie, et du garage Auto 2000. Monsieur Le Chippey invoque le dol et l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue au motif essentiel qu'il n'a jamais connu le kilométrage réel dudit véhicule alors que le kilométrage au compteur était erroné.

Quelle que soit la cause de l'erreur commise par le Centre de contrôle technique B. Hache qui a indiqué sur le certificat de passage du véhicule en cause le chiffre de 41 651 kilomètres à la date du 14 juin 1988, Monsieur Le Chippey ne peut prétendre avoir ignoré le kilométrage réel de celui-ci lors de son acquisition, le 25 novembre 1988, alors :

- d'une part, que le certificat de cession indiquait précisément le chiffre de 142 000 kilomètres, étant précisé que Monsieur Le Chippey a nécessairement eu entre les mains ce document lors des formalités administratives qu'il a effectuées personnellement comme en justifie la demande de certificat d'immatriculation remplie et signée par lui, laquelle porte mention du certificat de cession joint et du versement effectué en espèces par celui-ci,

- d'autre part, que le prix réduit réglé par lui lors de l'acquisition du véhicule le 25 novembre 1988, soit 17 000 F, ne peut manifestement pas correspondre à un véhicule Volvo 242 DI deux portes 10 CV qui, bien qu'ayant 12 ans d'âge, était de première main et n'aurait parcouru que 42 000 kilomètres, étant précisé que Monsieur Le Chippey avait déjà possédé un véhicule de même marque, comme le précise l'expert judiciaire, et en connaissait donc la valeur.

Quant bien même Monsieur Le Chippey n'aurait pas eu entre les mains le carnet d'entretien du véhicule qui fait état des révisions régulières jusqu'à celle de 80 000 kilomètres (82 605 au compteur) à la date du 30 septembre 1981, ce dernier ne peut ainsi se prévaloir ni d'une erreur sur les qualités substantielles dudit véhicule dont il a fait l'acquisition ni d'un dol, aucune manœuvre n'étant démontrée tant à l'encontre de Monsieur Marie qu'à celle du garage Auto 2000, simple dépositaire qui n'a par ailleurs reçu aucune commission sur la vente dont objet.

Monsieur Le Chippey doit, en conséquence, être débouté de l'ensemble de ses demandes. Le recours en garantie de Monsieur Marie à l'encontre de la SARL Auto 2000 devient ainsi sans objet.

Il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge des sommes exposées par eux en appel et non comprises dans les dépens. Il leur sera alloué à chacun la somme de 6 000 F de ce chef, celles déjà fixées au même titre par le Tribunal d'instance de Caen étant confirmées.

Débouté de ses demandes, l'appelant doit conserver la charge des entiers dépens.

Par ces motifs, - Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 27 février 1997 - La Cour d'appel de Caen Chambres réunies ayant été régulièrement saisie, - Déboute Monsieur Jean-Marc Le Chippey de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - Confirme, dans les limites de la saisine, le jugement rendu le 18 janvier 1994 par le Tribunal d'instance de Caen - Condamne Monsieur Jean-Marc Le Chippey à verser, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel : > 6 000 F à Monsieur Daniel Marie, > 6 000 F à la SARL Auto 2000 ; - Condamne Monsieur Jean-Marc Le Chippey aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit de la SCP Parrot-Lechevallier-Rousseau et de Maître Sebire, avoués.