CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 15 septembre 2005, n° 02-03865
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Legras de Grandcourt (ès qual.), Goldies (SARL)
Défendeur :
Rolot et Lemasson (SA), Laure et Pierre Créations (SA), Goldirings (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laporte
Conseillers :
MM. Fedou, Coupin
Avoués :
SCP Fievet-Lafon, SCP Jupin & Algrin
Avocats :
Mes Buchinger, Samyn
Faits, procédure et moyens des parties
La société Goldies, créée en 1994, a pour activité la distribution de chaînes en or de bijouterie auprès des commerçants orfèvres détaillants.
La société Rolot & Lemasson est un important fabricant d'articles de bijouterie qu'elle distribue, par sa filiale Laure et Pierre Créations, notamment dans les réseaux de grandes surfaces et de groupements de magasins et succursalistes.
En octobre 1997, la société Rolot & Lemasson a pris dans le capital de la société Goldies une participation de 75 % qu'elle a revendue le 1er juillet 1999 à Monsieur Braoudé, gérant de cette filiale, aux termes d'un protocole de cession comportant diverses clauses et conditions déterminant la suite de leurs relations commerciales et techniques.
Des difficultés sont survenues entre la société Rolot & Lemasson, la société Laure et Pierre Créations et la société Goldies relativement au règlement de factures de ventes de marchandises et au respect des conditions contractuelles convenues.
La société Goldies a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre pour voir prononcer la résiliation du protocole aux torts et griefs exclusifs des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations et condamner ces dernières à lui payer 47 937 000 F (7 307 948,54 euro) à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi ainsi que 50 000 F (7 622,45 euro) pour ses frais irrépétibles.
Les deux sociétés défenderesses ont reconventionnellement demandé la résiliation du protocole aux torts et griefs de la société Goldies et le règlement des factures arriérées, à savoir 5 165 954,30 F (787 544,66 euro) à la société Laure et Pierre Créations et 20 486,37 F (3 123,13 euro) à la société Rolot & Lemasson. Elles réclamaient en outre la restitution sous astreinte des "collections confiées" à la société Goldies ou le remboursement d'une somme de 600 000 F (91 469,41 euro) et 50 000 F (7 622,45 euro) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elles sollicitaient subsidiairement la désignation d'un expert.
Les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations appelaient à la cause la société Goldirings, créée en mai 2000 avec un objet social et une adresse identiques à ceux de la société Goldies, détenue à hauteur de 25 % par Monsieur Braoudé, et demandaient au tribunal de constater le transfert du fonds de commerce de la société Goldies au profit de cette société et la condamnation solidaire de celle-ci au paiement des sommes réclamées à leur cocontractant. Elles sollicitaient au surplus la condamnation solidaire des sociétés Goldies et Goldirings à leur payer 5 000 000 F (762 245,09 euro) au titre du préjudice commercial et financier résultant d'actes de concurrence déloyale.
La société Goldirings concluait à sa mise hors de cause et réclamait 15 000 F (2 286,74 euro) de dommages et intérêts pour procédure abusive et pareille somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par un jugement rendu le 30 avril 2002, cette juridiction a constaté l'absence de preuve des griefs articulés à l'encontre de la société Goldirings et a débouté les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations de leurs demandes contre celle-ci.
Elle a prononcé la résiliation du protocole du 1er juillet 1999 aux torts réciproques des parties, a considéré que la société Goldies ne pouvait se prévaloir d'une exception d'inexécution à l'égard de ses fournisseurs et l'a condamnée à payer à ceux-ci, respectivement, 4 647,67 euro et 790 667,77 euro.
Elle a ordonné l'exécution provisoire et débouté les parties du surplus de leurs demandes sauf à condamner la société Goldies à payer aux sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Goldies a interjeté appel de cette décision à l'encontre des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations qui ont assigné la société Goldirings en appel provoqué.
Par un arrêt rendu le 18 mars 2004, la cour a ordonné la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent sur le moyen, soulevé d'office, tiré de la validité de tout ou partie des clauses relatives aux relations commerciales organisées dans le protocole du 1er juillet 1999 au regard des dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, ainsi que sur les conséquences de droit susceptibles d'en découler,
Par jugement rendu le 1er juin 2004, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé le redressement judiciaire de la société Goldies, désignant Maître Patrick Legras de Grandcourt aux fonctions de représentant des créanciers.
Le 5 juillet 2004, le conseil de la société Laure et Pierre Créations déclarait au passif de la liquidation judiciaire de la société Goldies une créance, résultant du jugement rendu, de 790 667,77 euro en principal, 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et 109 173,46 euro pour les intérêts.
Il en faisait de même pour le compte de la société Rolot & Lemasson à concurrence des sommes respectives de 4 647,67 euro, 1 500 euro et 641,74 euro.
Par conclusions en date du 29 septembre 2004, Maître Legras de Grandcourt est intervenu volontairement à l'instance d'appel en sa qualité de représentant des créanciers.
Par jugement rendu le 26 janvier 2005, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Goldies et désigné Maître Legras de Grandcourt aux fonctions de mandataire liquidateur.
Maître Legras de Grandcourt, en cette nouvelle qualité, et la société Goldirings ont signifié le 30 mars 2005 des conclusions récapitulatives. Ils rappellent l'historique des relations qui ont abouti au protocole du 1er juillet 1999, exposent l'état de dépendance économique de la société Goldies vis à vis de la société Rolot & Lemasson, prétendent que le protocole n'avait que l'apparence de l'équilibre et que la société Rolot & Lemasson avait pour seul souci d'anéantir la société Goldies ou de s'approprier ses méthodes.
Ils font ensemble valoir que l'accord comportait une clause de non-concurrence sur les marchés des grandes surfaces et des commerçants détaillants que n'ont pas respectée les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations en démarchant les détaillants, en leur proposant des tarifs spécifiques et inférieurs à ceux pratiqués par la société Goldies, en éditant des catalogues qui sont l'imitation servile des siens, en entreprenant des opérations publicitaires exclusivement destinées aux détaillants.
Ils ajoutent que le désir de la société Rolot & Lemasson de conquérir le secteur des détaillants au mépris des stipulations contractuelles apparaît avec l'embauche de VRP ayant travaillé pour la société Goldies.
Ils se prévalent d'une attestation pour soutenir que les représentants de la société Rolot & Lemasson se sont livrés à des dénigrements de la société Goldies.
Rappelant que le protocole prévoyait un délai de livraison de 10 jours, ils expliquent que les commandes de la société Goldies étaient satisfaites dans des délais bien plus longs, en moyenne de trois semaines alors que des clients de cette dernière, démarchés par Laure et Pierre Créations, étaient livrés en 24 ou 48 heures.
Ils font enfin à la société Rolot & Lemasson le grief de n'avoir pas respecté l'obligation qu'elle avait souscrite d'informer la société Goldies de la sortie des nouveaux produits comme de lui laisser accès à sa photothèque.
Ils réfutent point par point les écritures en réponse des intimées en soulignant leur mauvaise foi patente. Ils insistent à cet égard sur l'apport de Monsieur Braoudé, sur l'impossibilité pour la société Goldies de s'approvisionner auprès d'autres fabricants et discutent la pertinence de l'analyse faite de la situation financière de celle-ci, en faisant valoir que les pertes enregistrées en 1998 l'ont été sous l'effet des manœuvres fautives commises par Rolot & Lemasson et en expliquant qu'à partir de juillet 1999, la société est redevenue profitable.
Ils rappellent que le protocole prévoyait un règlement des factures à 60 jours fin de mois, dénient tout retard de règlement à l'exception des factures de février, mars et avril 2000 qui n'ont pas été réglées en réponse aux agissements, inadmissibles selon eux, des intimées qui justifiaient l'exception d'inexécution.
Ils expliquent que toutes les garanties financières convenues au protocole ont été apportées au groupe Rolot.
Ils soutiennent que les faits commis par les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations constituent une violation grave des stipulations du protocole d'accord du 1er juillet 1999, que ces inexécutions contractuelles se traduisent par une concurrence illicite menée à l'encontre de la société Goldies d'autant plus punissable qu'elle s'exerce dans le cadre d'une dépendance économique.
Ils demandent en conséquence à la cour d'infirmer le jugement qui a prononcé la résiliation du protocole aux torts réciproques et de les imputer aux seules sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations.
Ils déduisent de cette résiliation la nécessité de condamner ces dernières à payer à la société Goldies des dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil et à autoriser celle-ci, en application du principe de l'exception d'inexécution, à suspendre le paiement des sommes dues.
Ils critiquent le jugement de n'avoir pas même cherché à déterminer les répercussions que la faute de la société Rolot & Lemasson avait pu avoir sur l'activité de Goldies.
Ils expliquent que le groupe Rolot, en rompant l'équilibre contractuel, a provoqué les conditions d'arrêt de la société Goldies qui a du cesser son activité dès le mois de mai 2000 et observent qu'au ralentissement du chiffre d'affaires de celle-ci correspondait un développement de celui de Laure et Pierre Créations réalisé avec les détaillants.
Maître Legras de Grandcourt évalue le préjudice de la société Goldies au regard de la marge brute qu'elle aurait pu réaliser depuis 1999 jusqu'à l'horizon 2002 en envisageant des prévisions de chiffre d'affaires en augmentation moyenne de 30 % par an. Retenant un préjudice égal à une année de chiffre d'affaires ou allant de 7 à 10 ans de marge brute, il calcule ainsi un préjudice moyen de 47 937 000 F (7 307 948,54 euro).
Il se prévaut d'un rapport d'expertise amiable demandé à Monsieur Husson Dumoutier lequel a déterminé un préjudice de 7 400 000 euro, selon huit méthodes d'évaluation et trois approches différentes.
Maître Legras de Grandcourt et la société Goldirings font valoir que le protocole a été signé par les deux sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations, que la faute de ces dernières est commune et qu'elles doivent en conséquence être condamnées in solidum.
Rappelant la gravité alléguée des fautes contractuelles commises à l'encontre de la société Goldies, ils critiquent les premiers juges d'avoir condamné cette dernière à régler à la société Rolot & Lemasson et la société Laure et Pierre Créations les échéances impayées du 30 avril au 31 juillet 2000 alors, selon elles, que Goldies pouvait opposer sans fraude l'exception d'inexécution.
Ils ajoutent que rien ne peut justifier que la société Goldirings soit condamnée à une quelconque somme et approuvent le jugement d'avoir débouté les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations de cette prétention.
Ils s'opposent aux demandes reconventionnelles des intimées en faisant valoir qu'aucune preuve n'est apportée que des collections leur auraient été confiées ni de leur montant estimatif.
Ils exposent que la demande en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil au titre d'une prétendue concurrence déloyale est irrecevable et inapplicable à la société Goldies dont seule la responsabilité contractuelle pourrait être mise en jeu.
Ils dénient avoir réalisé un transfert d'activité entre les deux sociétés en exposant que les produits commercialisés par la société Goldies ne sont pas disponibles sur le marché pour la société Goldirings et qu'aucun personnel salarié de l'une n'a été embauché par l'autre.
Ils font enfin observer que le préjudice allégué de 5 000 000 F (762 245,09 euro) n'est aucunement démontré et concluent à la confirmation du jugement qui a débouté les intimées de leur demande en paiement de dommages et intérêts comme de celle en paiement ou de restitution sous astreinte des "confiés".
En revanche, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement pour le surplus, de prononcer la résiliation du protocole d'accord du 1er juillet 1999 aux torts et griefs exclusifs des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations, d'accueillir l'exception d'inexécution relative aux échéances impayées, de condamner in solidum ces dernières à payer d'une part à la société Goldies 7 307 948,50 euro à titre de dommages et intérêts outre 7 622,45 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et d'autre part à la société Goldirings 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 6 000 euro pour ses frais irrépétibles.
En considération des motifs de l'arrêt rendu par cette cour le 18 mars 2004, Maître Legras de Grandcourt et la société Goldirings expliquent que le marché mondial de la fabrication et de la distribution de la chaîne en or est dominé par les entreprises italiennes, affirment que le groupe Rolot & Lemasson a largement perdu son "leadership" sur le marché, depuis vingt ans et en indiquent les raisons.
Ils prétendent que le protocole unissant les sociétés Goldies et Rolot & Lemasson concernait uniquement la distribution par catalogue sur un marché extrêmement concurrentiel en terme d'offres et de prix.
Ils relèvent que le protocole du 1er juillet a été signé entre une société et sa filiale d'alors, ne disposant d'aucune autonomie ce qui exclut toute entente.
Ils considèrent qu'il existe deux marchés de la distribution de la chaîne en or en France, celui des grandes surfaces, dominé par la société Rolot & Lemasson et celui des détaillants dominé par les grossistes importants, la fabrication italienne et une société Robbez Masson, sur lequel la société Rolot & Lemasson ne représente que 6 % et est en perte de vitesse.
Ils soutiennent qu'aux termes du protocole, il n'y a pas exclusivité de la vente des produits aux détaillants, mais une exclusivité sur le mode de distribution choisi par catalogue auprès de cette même clientèle et qu'il s'agit donc d'une direction marketing sans qu'on ne puisse parler d'une répartition illicite du marché.
Ils font valoir que le protocole s'inscrivait dans les contrats-cadres de distribution et que les conditions préférentielles appliquées à Goldies sont une transposition de celles dont elle bénéficiait antérieurement.
Ils dénient toute position dominante de la société Rolot & Lemasson sur le marché intérieur et notamment sur celui des détaillants auquel s'adressait Goldies au moyen d'un catalogue de vente, mettant en avant l'importance des fabricants italiens et de la société française Robbez Masson. Ils en déduisent que les dispositions de l'article L. 420-2 alinéa 1er du Code de commerce ne peuvent trouver lieu à application en l'espèce.
Les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations répliquent ensemble en rappelant que lors de la vente à Monsieur Braoudé des 75 % du capital de la société Goldies pour la somme de 100 000 F (15 244,90 euro), la société Rolot & Lemasson a aussi cédé pour le franc symbolique le compte-courant de 5 209 251 F (794 145,20 euro) qu'elle détenait dans les livres de cette société.
Elles font état des avantages contractuels accordés dans le protocole du 1er juillet 1999.
Observant que l'argumentation de la société Goldies n'est étayée par aucun élément sérieux, elles discutent la présentation, trompeuse selon elles, faite de cette société et de son dirigeant Monsieur Braoudé en relevant la situation structurellement déficitaire de la société Goldies depuis sa création.
Elles réfutent point par point les griefs articulés et notamment la prétendue dépendance économique alors que la société Goldies pouvait s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs.
Elles énumèrent les avantages dont cette dernière bénéficiait aux termes du protocole à savoir la livraison dans les dix jours de la commande, la tarification groupe, la mise à disposition de "collections confiées" sans facturation, l'accès gratuit à la photothèque, l'absence d'exclusivité d'approvisionnement.
Elles dénient toute motivation sous-jacente de la société Rolot & Lemasson en soulignant les moyens financiers engagés par cette dernière, la préexistence de son savoir-faire à celui de Goldies et affirment que le comportement fautif de celle-ci, qui a cessé de régler les échéances, est seul à l'origine de la résiliation du protocole.
Rappelant que cet accord prévoyait de réserver à la société Goldies le secteur des détaillants indépendants et au groupe Rolot & Lemasson la clientèle des grandes surfaces et des structures de groupements horlogers bijoutiers et succursalistes à magasin multiples, elles expliquent que c'est en retenant une définition extensive de ceux qu'elles considèrent comme des détaillants que la société Goldies articule un grief de démarchage de cette clientèle en expliquant que les attestations produites émanent de distributeurs considérés comme des succursalistes.
Elles repoussent comme non fondés les arguments tirés de l'embauchage d'un ancien salarié et de la présence de la société Laure et Pierre Créations au salon Bijohca.
Relativement au délai contractuel de livraison de 10 jours, elles observent que la société Goldies ne conteste pas son respect à hauteur, en moyenne, de 85 %, admettant toutefois certains retards de la société Rolot & Lemasson mais prétendant que celle-ci a tout mis en œuvre pour fiabiliser ses délais. Elles critiquent la société Goldies d'avoir maintenu une offre commerciale de "livraison sur stock" alors qu'elle n'en détient aucun.
Elles discutent l'affirmation selon laquelle le catalogue de la société Laure et Pierre Créations serait une copie servile de celui de la société Goldies et expliquent que c'est cette dernière qui a utilisé les références de la société Rolot & Lemasson. Elles qualifient de péremptoires et mensongères les affirmations de Goldies tenant à l'information sur les nouveaux produits, au prétendu refus d'accès à la photothèque et aux opérations marketing ciblées sur les succursalistes.
Elles estiment que la société Goldies tente de rejeter sur elles la responsabilité des graves dysfonctionnements de sa gestion en invoquant une concurrence déloyale qui n'existe pas.
Elles observent que six mois après la signature du protocole, la société Goldies exécutait avec un retard important ses engagements financiers, disposant des marchandises livrées sans les payer pour un montant non contesté de 787 553 euro dus à Laure et Pierre Créations et 3 230 euro à Rolot & Lemasson.
Elles ajoutent que Monsieur Braoudé n'a pas respecté la convention en ce qui concerne les garanties bancaires, les inscriptions de nantissement et le choix de la société d'affacturage.
Relevant que la société Goldies ne conteste pas fermement avoir été dépositaire des "confiés" dont l'existence est, selon elles, établie par les pièces produites et l'attestation de Monsieur Benoliel, elles réclament la condamnation de la société Goldies à lui restituer ces collections d'une valeur de 91 469 euro.
Elles affirment que les éléments factuels démontrent que le dirigeant de la société Goldies a purement et simplement transféré le fonds de commerce de cette dernière à la société Goldirings, au préjudice des créanciers. Elles relèvent à cet égard des similitudes entre les deux sociétés, la présence de Monsieur Braoudé au sein de Goldirings et sa gérance de fait, leurs domiciliations et adresses d'exploitation identiques et les propositions de reclassement faites aux salariés. Elles supputent que les collections confiées ont été vendues par la Goldirings pour assurer le financement de son démarrage.
Elles discutent le préjudice allégué par la société Goldies en soulignant la partialité du rapport produit dont elles critiquent les calculs et en observant qu'il élude la présence de concurrents. Elles invoquent subsidiairement la nécessité de désigner un expert judiciaire.
Elles expliquent qu'il n'existe pas de marché de la distribution de la chaîne en or de fabrication française et que la fabrication de la chaîne d'or est un marché mondial sur lequel les entreprises italiennes sont "leaders". Elles considèrent que le marché de la distribution de ces produits se divise en deux branches, celle des grandes surfaces et des bijoutiers regroupés et celle des détaillants indépendants. Elle affirme que c'est ce dernier qui constitue le marché de référence.
Elles exposent que les conditions préférentielles accordées à la société Goldies par la société Rolot & Lemasson sont parfaitement légitimes et qu'elles sont assorties de contreparties réelles et proportionnées puisque l'action de la société Goldies devait permettre au groupe la société Rolot & Lemasson de pénétrer sur le marché des détaillants indépendants et que des garanties financières lui étaient accordées.
Elles ajoutent que le service après-vente n'était pas gratuit et qu'il s'agit d'une relation commerciale usuelle comme le sont les modalités de paiement. Elles expliquent que les conditions de livraison n'étaient pas préférentielles.
Elles affirment que l'exclusivité de distribution consentie à la société Goldies par la société Rolot & Lemasson sur le marché des détaillants indépendants n'avait pas pour but ni pour effet d'entraver la concurrence ou de répartir le marché de la distribution de la chaîne en or.
Elles dénient toute position dominante de la société Rolot & Lemasson sur le marché de la fabrication des chaînes en or, dominé par les fabricants italiens, ni sur le marché des détaillants tenu par les grossistes italiens et la société Robbez Masson. Elles en déduisent que l'article L. 420-2 1er alinéa du Code de commerce ne trouve pas à s'appliquer au présent litige.
Elles qualifient d'inopérante l'argumentation développée par la société Goldies relative au "poinçon tête d'aigle" et au "quasi-monopole sur la fabrication française poinçonnée tête d'aigle" dès lors que ce poinçon n'est pas réservé aux seuls produits fabriqués en France et figure sur tous les articles en or vendus dans ce pays. Elles considèrent que, contrairement à ce que soutient la société Goldies, il n'existe pas de "marché des produits de fabrication française", affirment que la société Rolot & Lemasson n'avait pas de monopole et que la société Goldies pouvait s'approvisionner auprès d'autres fabricants ou grossistes. Elles en concluent qu'il n'existait aucune dépendance économique de cette dernière vis-à-vis de la société Rolot & Lemasson.
Elles demandent en conséquence à la cour de:
- confirmer le jugement qui a condamné la société Goldies à payer les sommes de 790 667,77 euro et 4 647,67 euro avec intérêts légaux et débouté la société Goldies de ses demandes du chef de l'exception d'inexécution et en paiement de dommages et intérêts,
statuant à nouveau,
- de prononcer la résiliation du protocole aux torts exclusifs de la société Goldies,
- de condamner solidairement les sociétés Goldies et Goldirings à payer à la société Laure et Pierre Créations 787 544,65 euro et à la société Rolot & Lemasson celle de 3 123 euro, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis la première mise en demeure,
- de les condamner à restituer les collections sous astreinte de "5 000 F" (sic) par jour ou à rembourser la somme de 91 469 euro correspondant à leur valeur augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points depuis la première mise en demeure,
- de condamner les sociétés Goldies et Goldirings à leur payer 762 245 euro à titre de réparation du préjudice commercial et financier résultant des actes fautifs de concurrence déloyale,
- à titre subsidiaire de désigner un expert,
- de condamner la société Goldies à payer 11 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le dossier a été transmis au Ministère public le 24 mars 2003 qui a déposé et développé des conclusions ne retenant aucun caractère illicite à l'organisation du réseau de distribution et aux autres avantages consentis à la société Goldies et estimant que le grief d'abus de position dominante n'était pas susceptible d'être retenu en l'espèce.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 7 avril 2005 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 30 mai 2005.
Motifs de la décision
Considérant que la société Goldies fonde son action à l'encontre des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations en résiliation de l'accord, en exception d'inexécution et en concurrence déloyale sur les dispositions des articles 1134 et 1147 du Code civil au regard du protocole d'accord signé le 1er juillet 1999 ;
Considérant que cette convention a été conclue entre d'une part, Monsieur Braoudé agissant en son nom personnel et ès qualités de gérant de la société Goldies et d'autre part, Monsieur Didier Roux en ses qualités de gérant de la société Financière des Robines, de président des conseils d'administration des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations, et plus généralement du groupe économique constitué de la société Rolot & Lemasson et de l'ensemble de ses filiales contrôlées ;
Considérant que ce protocole comporte une première partie relative à la cession, par la société Financière des Robines à Monsieur Braoudé ou à toute personne substituée, des soixante quinze parts sociales qu'elle détenait dans le capital de la société Goldies, moyennant un prix global de 100 000 F (15 244,90 euro) avec jouissance au 30 juin 1999 ;
Considérant que cette vente de parts sociales est assortie d'une cession, par le groupe Rolot & Lemasson à Monsieur Braoudé, pour le prix d'un franc symbolique, du compte courant de 5 209 251 F (794 145,20 euro) que ces sociétés détenaient dans les livres de Goldies ;
Considérant que cet accord vise, dans une deuxième partie, à fixer les modalités de poursuite des relations commerciales entre les parties ; que la convention traite successivement des délais de livraison, des conditions financières de facturation, de mise à disposition de collections, d'accès à la photothèque et au service après vente et d'une répartition de la clientèle ;
Considérant que les parties ont arrêté de surcroît des dispositions diverses notamment sur l'intervention d'une société d'affacturage pour le compte de la société Goldies avec constitution d'un fonds de garantie de 30 % et sur l'octroi par cette dernière d'un cautionnement de 1 000 000 F au profit de la société Rolot & Lemasson ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibent les conventions, lorsqu'elles ont pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, qui tendent, notamment, à faire obstacle à la fixation des prix en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse et à répartir les marchés ;
Sur l'existence d'un marché pertinent
Considérant que Maître Legras de Grandcourt expose que la société Rolot & Lemasson se positionne comme le premier producteur, sur le marché français de la chaîne en or, traitant une quantité de douze tonnes, très loin devant le deuxième fabricant français dont la production s'élève à 400 kilos, que les produits Rolot & Lemasson sont reconnus, par tous les professionnels, comme étant supérieurs à ceux des concurrents italiens ; qu'il ajoute que la concurrence française est inexistante et celle étrangère de moindre qualité ; qu'il précise que les articles de Rolot & Lemasson de fabrication française possèdent des poinçons français "tête d'aigle" et losange ce qui constitue un atout primordial pour démarcher le marché des détaillants français ;
Considérant qu'il est établi par deux lettres émanant de la direction générale des impôts que le poinçon "tête d'aigle" garantit le titre de l'or utilisé pour fabriquer les bijoux ; que, depuis 1990, les produits importés sont aussi revêtus de ce poinçon ; qu'il existe toutefois une marque distinctive des produits de fabrication française qui doivent obligatoirement être frappés du poinçon "losange", alors que ceux importés doivent comporter un poinçon ovale ;
Considérant qu'il suit de là que les professionnels peuvent faire très facilement la distinction entre les produits importés et ceux fabriqués en France ;
Considérant que ce n'est que postérieurement à l'arrêt rendu par cette cour le 18 mars 2004 que la société Rolot & Lemasson et la société Laure et Pierre Créations soutiennent, sans pourtant apporter aucun élément à l'appui de cette affirmation, que "le marché de la fabrication de la chaîne en or est un marché mondial sur lequel les entreprises italiennes sont leaders" ; que cette constatation n'est pas de nature à contredire l'existence d'un marché français spécifique de la distribution de la chaîne en or; que dans ses écritures, la société Rolot & Lemasson admet être un acteur important du marché de ce type de produit en France, tout en ajoutant qu'elle n'est pas la seule ;
Considérant que l'intérêt des distributeurs détaillants pour un produit de fabrication française est confirmé par l'attestation de Monsieur Baroin qui fut directeur de la société Comptoir Cardinet;
Considérant que Monsieur Cardone précise pour sa part "que les produits de la société Rolot & Lemasson compte tenu de leur label de fabrication française ne donnaient à la société Goldies aucune possibilité de trouver un autre partenaire dans la même gamme de produit" ;
Considérant que Monsieur Touati atteste : "Je commandais régulièrement mes chaînes en or auprès de cette société (Goldies). Le fait que la société Goldies proposait des bijoux français poinçonnés tête d'aigle m'intéressait particulièrement par rapport aux bijoux italiens (d'importation) d'autant plus que les prix étaient très compétitifs" ;
Considérant que Monsieur Scetbon certifie : "J'ai travaillé en 1997 avec la société Goldies qui proposait avec un catalogue très pratique à utiliser une collection de chaînage de fabrication française provenant de la société Rolot Lemasson. Par rapport aux produits italiens distribués par mes grossistes habituels, ce produit présentait une finition et une qualité qui le rendait particulièrement attractif au chaland" ;
Considérant qu'en évoquant la gamme des produits élaborée par mademoiselle Lefloch chez Goldirings, Maître Legras de Grandcourt confirme qu'elle comprenait "une gamme limitée de bracelets et colliers en or, uniquement de fabrication italienne, sans comparaison avec les produits français de Rolot & Lemasson" ;
Considérant que Maître Legras de Grandcourt expose que la société Goldies commercialisait un produit spécifique "la chaîne en or de fabrication française", ainsi que cela était clairement mentionné sur la page de couverture de son catalogue;
Considérant que ces explications des parties elles-mêmes qui n'ont pas été contredites par la société Rolot & Lemasson avant l'arrêt du 18 mars 2004 établissent qu'il existe, sur le territoire français, un marché pertinent de la chaîne en or de qualité et notamment de fabrication française, distinct de celui des produits importés, distribués à des prix inférieurs, qui sont considérés par les professionnels comme de moindre qualité et qui ne sont pas substituables aux précédents;
Considérant que les parties s'accordent à soutenir que le marché de la distribution de la chaîne en or en France se répartit en deux branches, celle des grandes surfaces et celle des détaillants, bien qu'elles se divisent sur la question du rattachement, à l'une ou l'autre de ces deux branches, des bijoutiers détaillants regroupés dans des structures commerciales communes ;
Considérant que cette réalité doit être retenue comme constitutive du marché français du produit spécifique de la chaîne en or de fabrication française dès lors que se distingue la clientèle qui, recherchant le moindre coût du produit, va l'acquérir en grandes surfaces, de celle qui, fidèle, parfois pendant plusieurs générations, à la fréquentation d'un détaillant indépendant qualifié, susceptible d'offrir des conseils, l'adaptation du produit et le service après-vente, recherche un article de qualité ; qu'il convient en effet de prendre en considération qu'une chaîne en or, portée au cou ou au poignet, constitue, de manière traditionnelle et fréquente, un cadeau fait à l'occasion de fêtes, d'anniversaires ou d'événements familiaux ;
Considérant ainsi que, comme l'admettent la société Rolot & Lemasson et Maître Legras de Grandcourt, le marché de référence est bien celui de la chaîne en or pour les détaillants indépendants ; qu'il est pertinent pour les produits de fabrication française identifiables par le poinçon losange et présentant aux yeux des professionnels des critères de qualité distincts de ceux des produits importés;
Sur les relations commerciales conventionnelles
Considérant qu'aux termes du protocole du 1er juillet 1999, les parties sont convenues "de privilégier les relations commerciales à venir dans le cadre de leurs rapports de fournisseur à client" ; que le groupe Rolot & Lemasson s'y est engagé à appliquer "aux ventes de marchandises réalisées au profit de la société Goldies la même tarification que celle existant à ce jour dans le cadre des relations internes du groupe" ; qu'un accès gratuit de sa photothèque est réservé par la société Rolot & Lemasson à la société Goldies ; que cette dernière bénéfice gratuitement de la mise à disposition de "collections confiées" sans facturation ;
Considérant de plus que, relativement à l'exercice de la concurrence entre eux sur le marché de la bijouterie, les signataires ont tout d'abord précisé que "la négociation des présentes relations commerciales privilégiées est fondée sur les besoins des parties quant au développement de leur chiffre d'affaires et à leur implantation auprès de leurs clientèles respectives" ; qu'elles ont alors arrêté que "le développement de Goldies auprès du secteur des commerçants détaillants indépendants est un des principes du présent accord tandis que le groupe Rolot & Lemasson entend se réserver la clientèle des grandes surfaces et des structures de groupement HBJO et succursalistes" ;
Considérant que Maître Legras de Grandcourt rappelle qu'il était convenu que la société Goldies bénéficierait de l'exclusivité de la vente des produits auprès des détaillants ; qu'il fait grief à la société Rolot & Lemasson d'un comportement déloyal tenant au désir de conquérir des parts sur ce secteur du marché ; qu'affirmant la mauvaise foi de la société Rolot & Lemasson, il se prévaut d'un document qui révèle que quatorze clients LP Créations étaient attachés à la société Goldies ;
Considérant que la société Rolot & Lemasson confirme que le protocole "prévoyait de réserver à la société Goldies le secteur des détaillants indépendants ; au groupe Rolot & Lemasson la clientèle des grandes surfaces et des structures de groupements HBLO et succursales à magasins multiples" ;
Considérant que cet accord avait ainsi pour objectif avoué d'interdire à la société Rolot & Lemasson et à sa filiale de commercialisation Laure et Pierre Créations l'accès direct au marché pertinent des distributeurs détaillants de la chaîne en or de fabrication française de qualité ;
Considérant que cette convention fait partie du protocole de cession par la Financière des Robines (groupe Rolot & Lemasson) de 75 % des parts sociales de sa filiale Goldies et aménage les relations des deux entités postérieurement à la prise d'indépendance de la société Goldies, Monsieur Braoudé devenant le seul décideur économique au sein de cette entité juridique ; que la circonstance que la société Rolot & Lemasson ait conservé le quart des parts sociales n'a pas pour effet de priver la société Goldies de cette indépendance, les parties bénéficiant, dès la cession des parts sociales, de leur complète liberté commerciale ; que cette réalité est confirmée par les termes mêmes du protocole qui précise que "les parties ont convenu d'une part d'une séparation juridique par les cessions de parts de la société Financière des Robines dans le capital de Goldies à Mr Braoudé, d'autre part de relations privilégiées de fournisseur à client entre le groupe Rolot & Lemasson et la société Goldies devenue indépendante" ;
Considérant que les parties s'accordent à exposer que le marché des grandes surfaces et celui des horlogers bijoutiers détaillants sont distincts ; que, par définition, la concurrence ne peut s'exercer que sur un même marché ; qu'il n'était pas dès lors justifié de passer un accord, qualifié par les parties de clause de non-concurrence, aux termes duquel la société Rolot & Lemasson se réservait un marché et abandonnait l'autre à la société Goldies ;
Considérant que la convention avait en réalité pour objectif d'empêcher la société Rolot & Lemasson et sa filiale Laure et Pierre Créations d'intervenir directement auprès des bijoutiers détaillants, sans passer, comme elle le faisait antérieurement, par un réseau de grossistes ; que cette convention avait donc pour résultat nécessaire de restreindre la concurrence sur ce marché pertinent puisqu'elle en interdisait l'accès direct à l'un des principaux acteurs de la fabrication et de la distribution de ces produits ; qu'au demeurant c'est principalement l'arrivée de la société LP Créations sur ce marché qui justifie l'action de la société Goldies en concurrence prétendument déloyale ;
Considérant en effet que Maître Legras de Grandcourt explique que "c'est dans ce contexte de captation des connaissances et du savoir-faire, que la société LP, filiale à 100 % de Rolot & Lemasson, commença à concurrencer, et plus précisément à auto*concurrencer, Goldies pour lui prendre de manière illicite son marché, en proposant des prix inférieurs, en mettant au point une stratégie de communication destinée aux détaillants, en livrant en 3 jours maximum ses propres clients détaillants, créant un avantage certain par rapport à Goldies dont les délais de livraison s'élevaient à 3 semaines environ";
Considérant que Maître Legras de Grandcourt fait en réalité grief à la société Rolot & Lemasson de lui avoir porté concurrence, notamment en ce qui concerne les prix et les délais de livraison, en contravention du protocole ; qu'il explique en effet que "pour ravir la clientèle de Goldies, la société LP Créations proposait l'approvisionnement direct aux détaillants, et indiquait des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par la société Goldies" ; qu'il ajoute "le démarchage anticoncurrentiel réalisé par LP Créations se voulut à ce point efficace qu'il amena cette dernière à mettre en place des tarifs spécifiques à la clientèle de détaillants, notamment au travers de catalogues adressés à leur intention" ;
Considérant qu'en analysant la situation, Maître Legras de Grandcourt constate le désir de la société LP Créations de conquérir le secteur des détaillants, qualifie d'anticoncurrentielle la seule présence de cette dernière sur le marché et de déloyal son comportement, au mépris des stipulations contractuelles, et dénonce la pratique de prix inférieurs à ceux de la société Goldies ; que cette constatation démontre, a contrario, que le but du protocole d'accord était de restreindre la concurrence, notamment par les prix, sur le marché pertinent des bijoutiers détaillants;
Considérant d'ailleurs que Maître Legras de Grandcourt ne dissimule aucunement les intentions d'entente des parties contractantes puisqu'il qualifie d'essentielle, la clause concurrence du protocole et explique "qu'un tel accord, s'il avait été sincèrement exécuté aurait été un gage de réussite pour les deux sociétés" ;
Considérant que cette convention de non-concurrence était assortie d'engagements de la part des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations d'accorder à la société Goldies des conditions préférentielles consistant à appliquer aux ventes des marchandises consenties à la société Goldies la même tarification que celle existant dans le cadre des relations internes au groupe, à confier gratuitement à la société Goldies des collections, à permettre à celle-ci l'accès gratuit à la photothèque pour pouvoir réaliser son catalogue ;
Considérant que Maître Legras de Grandcourt ajoute que la société Rolot & Lemasson s'était engagée à offrir une maintenance informatique des fichiers de la société Goldies, ce qui devait avoir pour conséquence théorique d'alléger les charges de la société ; que cette disposition ne figure cependant pas dans le protocole litigieux ;
Considérant que le caractère préférentiel de ces conditions de commercialisation ne sont pas discutées par les parties ; que Maître Legras de Grandcourt souligne que, dans leurs écritures de première instance, les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations indiquaient que "Il apparaît en fait que les dispositions protocolaires étaient destinées à avantager la SARL Goldies (...) afin de donner les moyens à son représentant légal, qui seul croyait au redressement de la société ... " ; qu'il confirme explicitement que "les conditions préférentielles appliquées à Goldies, sont en réalité, une transposition des conditions dont elle bénéficiait antérieurement " ;
Considérant toutefois que s'il est parfaitement licite et peut être légitime qu'au sein d'un même groupe, soient pratiquées des conditions préférentielles, leur transposition à l'identique au bénéfice d'une société concurrente sur le marché, présente un caractère anormal si ces conditions ne sont pas justifiées par une contrepartie réelle et non manifestement disproportionnée ;
Considérant que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations prétendent justifier les conditions préférentielles consenties par les contreparties qu'auraient constituées d'une part, la pénétration du marché des détaillants indépendants et d'autre part les garanties financières accordées ; que ces justifications présentent néanmoins un caractère purement hypothétique et sont parfaitement contredites par la réalité de la poursuite des relations avec la société Goldies ; que la société LP Créations a, en effet, pris personnellement et directement en charge la pénétration du marché des détaillants, ce qui constitue au demeurant le grief principal de la société Goldies et que la société Rolot & Lemasson réclame à cette dernière le paiement de sommes importantes au titre des marchandises livrées ce qui démontre l'inefficacité des prétendues garanties financières accordées ;
Considérant en effet que, dans leurs écritures antérieures à l'arrêt du 18 mars 2004, les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations exposaient que le protocole avait été mis en place à l'avantage évident de Monsieur Braoudé et avec pour seule contrepartie potentielle les garanties financières qui devaient être accordées à la société Rolot & Lemasson ; qu'elles énuméraient les avantages consentis : livraison dans les dix jours de la commande, tarification du groupe, mise à disposition de collections confiées sans facturation, accès gratuit à la photothèque, absence d'exclusivité d'approvisionnement en soulignant qu'en contrepartie la société Rolot & Lemasson n'avait que "le vague espoir, compte tenu des résultats de Goldies, de voir la situation financière très dégradée de cette dernière s'améliorer et ses ventes augmentées ; des garanties financières qui d'ailleurs ne lui seront que partiellement accordées" qu'elles reprennent ces écritures à l'identique à la page 14 de leurs conclusions récapitulatives du 11 mars 2005 mais les contredisent cependant page 31 en affirmant, postérieurement à l'arrêt du 18 mars 2004, l'existence de contreparties réelles et proportionnées;
Considérant ainsi que la convention conclue ne saurait être assimilée à un simple accord de distribution des produits Rolot & Lemasson ou à un partenariat commercial ordinaire dès lors qu'elle ne comportait pas de durée, que la filiale de commercialisation Laure et Pierre Créations y était partie prenante, s'interdisant l'accès au marché pertinent et que la société Goldies bénéficiait de conditions préférentielles non justifiées par des contreparties économiques ou financières proportionnées ;
Considérant que l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibe toute convention ou entente lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence et notamment lorsqu'elles tendent à limiter l'accès au marché, à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, à répartir les marchés ; que l'article L. 420-3 du même Code édicte qu'est nul, notamment, tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par l'article L. 420-1 ;
Qu'il suit de là que doit être prononcée la nullité des articles 7 conditions financières de livraison, 8 collections, 10 concurrence et le premier alinéa de l'article 9 produits après-vente, du protocole d'accord litigieux conclu le 1er juillet 1999 ; que Maître Legras de Grandcourt ne peut dès lors fonder ses demandes indemnitaires sur le non-respect par les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations de clauses contractuelles nulles ;
Sur les autres griefs articulés par les appelants
Considérant que Maître Legras de Grandcourt estime que le catalogue publié par la société Laure et Pierre Créations dès avril 2000 est strictement identique au sien ; que, toutefois, l'examen comparatif des deux catalogues ne permet pas d'affirmer que celui de la société Laure et Pierre Créations serait une copie servile ou même une imitation de celui de la société Goldies ;
Considérant que la constatation de références identiques ne peut être constitutive d'une faute de la société Laure et Pierre Créations dès lors que la société Goldies a utilisé pour ses références celles que la société Rolot & Lemasson avaient antérieurement définies ;
Considérant de plus que le catalogue de la société Laure et Pierre Créations utilise une tarification codée permettant de présenter le produit au client sans que le prix d'achat soit identifiable ; que ce système de tarification n'est pas appliqué par la société Goldies ;
Considérant que l'attestation de Monsieur Scetbon, versée aux débats par Maître Legras de Grandcourt, ne fait état que d'un catalogue LP Créations "qui rappelait celui de la société Goldies" ; qu'il n'est pas évoqué de risque de confusion ;
Que la réalité d'une concurrence déloyale résultant de l'emploi d'un catalogue prétendument identique n'est pas établie ;
Considérant que, de la même manière, Maître Legras de Grandcourt ne peut reprocher à la société Laure et Pierre Créations d'avoir embauché déloyalement Monsieur Benoliel alors qu'il explique lui-même que ce VRP avait dû être licencié par la société Goldies pour des motifs économiques ; qu'il n'est pas allégué l'existence d'un engagement de non-concurrence ; que la société Laure et Pierre Créations admet l'embauchage, le 26 janvier 2001, de ce Monsieur Benoliel, mais explique, sans être contredite, que cette personne avait quitté la société Goldies au mois de juillet 2000 et avait, entre-temps, travaillé pour un autre employeur;
Considérant que l'attestation délivrée par Monsieur Baroin, ancien directeur de la société Sedeg Comptoir Cardinet relate qu'au salon Bijorca de septembre 1999, Monsieur Yvon Floquet, cadre dirigeant de la société Rolot & Lemasson, lui précisait que la société Goldies n'existait plus, que celle-ci était en liquidation après avoir laissé des dettes importantes, ajoutant que cette personne avait eu des propos peu agréables à l'égard de Monsieur Braoudé ;
Considérant que ces propos, qui ne sont pas discutés par les intimées, présentent le caractère avéré d'un dénigrement d'un concurrent; qu'il convient toutefois de relever qu'ils ont été tenus à une personne qui précise elle-même qu'elle avait déjà quitté la société Comptoir Cardinet fin juillet 1999 pour créer une société de négoce de bijoux anciens et d'expertise ; que Monsieur Baroin n'était donc plus client de la société Goldies ; que l'activité de la société Goldies avec le Comptoir Cardinet ne peut en conséquence s'être trouvée que très indirectement affectée par l'impact des propos dénigrants ;
Considérant que, dans le protocole d'accord du 1er juillet 1999, il avait été convenu que la société Goldies serait livrée sur stocks dans un délai maximal de dix jours de la commande, dès le 1er juillet 1999 ; que les parties avaient insisté sur le caractère essentiel de cette condition ;
Considérant que Maître Legras de Grandcourt affirme que seulement 77,92 % en moyenne des commandes, sur la période allant de juillet à décembre 1999, ont été livrées dans le délai contractuel de dix jours ; que la société Rolot & Lemasson ne discute pas la réalité de ces retards mais en minimise l'importance en affirmant que le délai a été respecté à hauteur, en moyenne de 85 % ;
Considérant que ces manquements aux engagements contractuels se sont révélés préjudiciables à la réputation commerciale de la société Goldies ; que la société Rolot & Lemasson n'ignorait pas en effet que cette dernière avait fondé son ambition de conquête du marché des bijoutiers détaillants sur un système de ventes des articles sur catalogue, assorties d'une livraison rapide et en tout état de cause inférieure à dix jours ;
Considérant que c'est précisément sur cet argumentaire commercial que la société Goldies a pu estimer pertinent de porter sur son catalogue la mention "Livraison sur stock" ; que la société Rolot & Lemasson n'est pas fondée, eu égard aux engagements qu'elle avait elle-même souscrits, à lui en faire le reproche en soulignant que la société Goldies ne détient aucun stock ; que l'engagement contractuel de livraison sous dix jours visait précisément à pallier cette absence de stockage;
Considérant que ce manquement à une obligation contractuelle qualifiée d'essentielle se trouve aggravé par la circonstance que la société Laure et Pierre Créations assurait, sur certains articles, aux clients qu'elle démarchait des délais beaucoup plus courts ainsi qu'en font foi les attestations délivrées par Monsieur Fitoussi, directeur de la société Emeraude, client de la société Goldies et de Monsieur Baroin du Comptoir Cardinet;
Considérant cependant, que la gêne qui en est résultée pour la société Goldies n'a pas été aussi importante que le soutient Maître Legras de Grandcourt ; que celle-ci a, en effet, écrit le 24 décembre 1999 à la société Rolot & Lemasson dans des termes qui ne traduisent aucune protestation quant aux délais de livraison, le gérant se bornant à indiquer :"J'ai noté avec satisfaction votre intention de satisfaire au maximum nos relations contractuelles quant au délai de livraison" ; que le mécontentement exprimé dans cette correspondance vise des actes de démarchages parallèles, contraires à la convention de partage des marchés ;
Considérant que Maître Legras de Grandcourt reproche encore à la société Rolot & Lemasson de n'avoir pas informé la société Goldies de la sortie de produits nouveaux ; que, toutefois, le fichier de la collection de cette dernière qui est produit aux débats distingue les nouveautés présentées par la société Rolot & Lemasson en fin d'année 1999 qui devaient être intégrées dans le catalogue Goldies de 2000 ; que la société Goldies ne peut donc imputer à sa cocontractante la responsabilité de son impossibilité technique à introduire dans ce catalogue 2000 les produits nouveaux ; que le grief n'est ainsi pas fondé ;
Considérant qu'aux termes du protocole du 1er juillet 1999, la société Goldies s'était engagée à payer ses achats auprès du groupe des sociétés Rolot & Lemasson sur relevé mensuel de factures à 60 jours fin de mois ;
Considérant que c'est sans être contredites que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations se déclarent créancières respectivement de 3 123 euro TTC et de 787 553 euro TTC ; que ce dernier total correspond aux échéances de factures de fournitures de marchandises du 30 janvier, 30 avril, 31 mai et 31 juillet 2000 ; que Maître Legras de Grandcourt explique que la société Goldies a effectué tous les règlements hormis ceux des trois mois avant l'assignation, cette dernière se fondant sur l'exception d'inexécution ;
Considérant néanmoins qu'eu égard à la nullité de certaines des clauses du protocole, les seuls manquements avérés des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations consistent en un acte de dénigrement commercial et en des retards de livraison sur 15 à 20 % des commandes ; que la rétention d'une somme de l'ordre de 800 000 euro, sur l'invocation d'une exception d'inexécution, apparaît manifestement disproportionnée avec les conséquences indemnitaires éventuelles auxquelles pourrait, dans ces circonstances, prétendre la société Goldies à l'issue de seulement cinq mois d'application des conditions commerciales convenues ;
Considérant que le 4 janvier 2000, Monsieur Braoudé, gérant de la société Goldies a adressé à la société Rolot & Lemasson une lettre manuscrite faisant état de l'évolution de la trésorerie de la société, proposant de régulariser un solde débiteur de 1 121 182,05 F (170 923,10 euro) en deux traites aux 28 février et 31 mars 2000 et terminant en "espérant que ces conditions vous conviendront sans trop vous gêner, et dans l'attente de votre accord...'' ;
Considérant que les raisons invoquées par Monsieur Braoudé à cette époque sont seulement celles du changement de factor et aucunement d'une inexécution par les sociétés Rolot & Lemasson ou LP Créations de leur engagement de délais de livraison ;
Considérant qu'il résulte d'une note interne établie par les intimées, produite aux débats en pièce n° 2 et non discutée par Maître Legras de Grandcourt, que la société Rolot & Lemasson a donné son accord à cette proposition par lettre du 11 janvier 2000, que les sommes ont été réglées aux échéances convenues et que restait impayée une facture de 21 105,25 F (3 217,47 euro) correspondant à la location d'une ligne Transfix pour la mise en place de la comptabilité Goldies ;
Considérant que cette note indiquait que, depuis le 1er janvier 2000, la société Goldies n'avait respecté aucune des échéances pour les sommes dues à la société Laure et Pierre Créations et que les règlements n'ont été obtenus qu'après blocages des livraisons, ce qui est une explication de certains retards ;
Considérant ainsi que le défaut de règlement par la société Goldies des sommes qu'elle ne contestait pas devoir à ses fournisseurs a résulté des difficultés de trésorerie qu'elle rencontrait plus que d'une exception d'inexécution des obligations de ses cocontractantes ;
Considérant au surplus que dès le mois de novembre 1999, la société Goldies avait substitué la société d'affacturage Slifac à celle FMN désignée par le protocole d'accord et qui devait retenir sur le chiffres d'affaires "affacturé" une fraction de 30 % destinée à abonder un fonds de garantie sur lequel la société Rolot & Lemasson bénéficiait d'un nantissement ; que le nantissement sur le nouveau factor n'a été rétabli que le 16 mars 2000 ;
Considérant qu'il est ainsi avéré que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations d'une part et la société Goldies d'autre part ont, les unes et les autres manqué, à leurs obligations contractuelles de respect des conditions de délais de livraisons, de paiements et de garanties financières ; qu'au surplus les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations sont l'auteur d'un acte avéré de dénigrement ;
Qu'il convient dans ces conditions de dire que les stipulations non annulées du protocole d'accord du 1er juillet 1999, relatives aux relations commerciales, se trouvent résiliées aux torts partagés des deux parties ; que doit être confirmé le jugement qui a débouté la société Goldies de sa demande du chef d'exception d'inexécution ; qu'il n'y a pas lieu à indemnisation des préjudices invoqués qui ont été estimés par application de l'ensemble des dispositions du protocole du 1er juillet 1999 et qui, au regard de l'annulation de certaines d'entre elles, demeurent indéterminés et indéterminables au moyen des éléments communiqués à la cour ;
Considérant, en effet, que l'incidence commerciale des propos dénigrants demeure inconnue ; que les incidences des retards de livraison n'ont pas été chiffrées par Maître Legras de Grandcourt indépendamment des autres griefs qui s'articulent sur des clauses contractuelles annulées ; que les dispositions de l'article 1153 du Code civil font obstacle à une demande de dommages et intérêts des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations pour la seule cause de retards de règlement de leurs factures ;
Considérant, par ailleurs, qu'il importe de ne pas faire droit à une demande subsidiaire d'expertise qui ne saurait pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ;
Sur la demande de restitution des collections confiées
Considérant que le protocole du 1er juillet 1999 prévoyait la mise à disposition par la société Rolot & Lemasson, au bénéfice de la société Goldies, de collections confiées sans facturation ; que la société Rolot & Lemasson et la société Laure et Pierre Créations estiment à 10,948 kg le poids des bijoux confiés, selon un inventaire réalisé unilatéralement en décembre 1999 et chiffrent à 91 469,41 euro leur valeur HT ;
Considérant que le protocole prévoit que les marchandises concernées par cette mise à disposition feront l'objet d'un "bon de confié" ; que ni la société Rolot & Lemasson, ni la société Laure et Pierre Créations n'en produisent à l'appui de leur demande de restitution ; qu'elles se bornent à communiquer des documents internes à leur propre gestion ; que faute pour elles d'apporter la preuve que des marchandises ont été remises à la société Goldies, il convient de confirmer le jugement qui a dit n'y avoir lieu à restitution ni à astreinte ; que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations seront déboutées de leur demande de ce chef ;
Sur la demande en paiement des factures
Considérant que la société Laure et Pierre Créations sollicite la condamnation de la société Goldies à lui payer la somme de 787 544,65 euro ; que la société Rolot & Lemasson réclame celle de 3 123 euro ;
Considérant que Maître Legras de Grandcourt ne conteste pas que ces sommes correspondent à des marchandises et à des prestations de services qui ont été livrées et fournies à la société Goldies ; qu'elles correspondent donc à des créances certaines ;
Considérant que la société Goldies a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de procédure collective en date du 1er juin 2004, que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations ont, chacune, procédé à la déclaration de leur créance entre les mains du représentant des créanciers à concurrence des sommes respectives en principal de 4 647,67 et 790 667,77 euro ;
Considérant que la créance de la société Rolot & Lemasson sera donc fixée au passif de la société Goldies à la somme sollicitée de 3 123 euro et celle de la société Laure et Pierre Créations à 787 544,65 euro ;
Considérant que les sociétés créancières réclament un intérêt calculé sur ces sommes à raison du taux légal majoré de cinq points sans expliquer le fondement de cette majoration ; qu'elles peuvent seulement prétendre à des intérêts calculés au taux légal à compter du 30 juin 2000 date de la première mise en demeure qui n'est pas produite aux débats mais que la société Goldies a explicitement admis avoir reçu, selon un courrier de son conseil en date du 6 juillet 2000 ; que ces intérêts seront calculés jusqu'au 1er juin 2004 date du jugement déclaratif ;
Sur les demandes de condamnations solidaires des sociétés Goldies et Goldirings
Considérant que les créances des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations sur la société Goldies résultent de facturations émises en contrepartie de prestations de services et de ventes de marchandises ; qu'elles correspondent à des ventes intervenues au profit de la seule société Goldies qui en est seule débitrice ;
Considérant que la société Rolot & Lemasson et la société Laure et Pierre Créations n'invoquent aucun argument clair et précis à l'appui de leur demande de voir la société Goldirings condamnée solidairement avec la société Goldies au paiement de ces factures, comme à restituer sous astreinte les collections confiées ;
Considérant que la proximité soulignée par les intimées entre les deux sociétés Goldies et Goldirings n'a aucunement pour effet d'instaurer une solidarité entre ces personnes morales distinctes, au regard des dettes commerciales d'une seule d'entre elles étant, de surcroît, observé que la société Goldirings a été constituée le 10 mai 2000, postérieurement aux opérations commerciales facturées ;
Considérant que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations demandent à la cour de constater qu'en transférant le fonds de commerce de la société Goldies sans aucun droit et en en détournant l'activité au profit de la société Goldirings, ces deux sociétés ont commis des actes de concurrence déloyale leur causant un préjudice commercial et financier et sollicitent en conséquence leur condamnation au versement, à ce titre, de la somme de 762 245 euro ;
Considérant qu'il doit tout d'abord être relevé que la société Goldies se trouve en situation de liquidation judiciaire ce qui interdit que soit prononcée contre elle toute condamnation au titre de créances nées antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, lequel est intervenu le 1er juin 2004 ;
Qu'en outre, la créance indemnitaire alléguée n'a pas fait l'objet d'une déclaration entre les mains du représentant des créanciers en sorte qu'elle est éteinte ; que la demande de condamnation de la société Goldies de ce chef est donc irrecevable :
Considérant qu'est dépourvue de caractère probant d'un transfert de fonds de commerce la simple constatation que les sociétés Goldies et Goldirings ont des dénominations proches, alors que c'est sans être contredites que ces dernières citent les noms de Goldy, Goldine, Gold River comme correspondant à des dénominations sociales d'autres agents économiques de ce secteur ;
Considérant que les autres points énoncés par les intimées (logos, objet social, adresse, conditions générales, produits) et qui seraient communs aux deux sociétés Goldies et Goldirings ne démontrent pas davantage la réalité d'un transfert de fonds de commerce qui ne pourrait être établi, compte tenu de la circonstance que la société Goldies n'a pas de stock, que principalement par le moyen d'une cession de la clientèle ;
Considérant que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations ne produisent aucun élément de nature à démontrer que la clientèle de la société Goldies aurait été transférée à la société Goldirings et que les organes de la procédure collective, administrateur judiciaire puis mandataire liquidateur, n'ont pas évoqué un tel transfert qui serait intervenu au préjudice des créanciers ;
Considérant au surplus que la société Rolot & Lemasson et la société Laure et Pierre Créations n'expliquent pas en quoi une telle opération de transfert, pour autant qu'elle serait avérée, serait constitutive de concurrence déloyale à leur égard ; qu'elles n'allèguent ni ne démontrent être les fournisseurs de la société Goldirings de sorte que les produits distribués par cette dernière sont nécessairement différents de ceux fabriqués par la société Rolot & Lemasson et commercialisés par la société Laure et Pierre Créations ;
Considérant enfin que la prétendue vente des collections confiées pour permettre d'assurer le démarrage de la société Goldirings n'est appuyée d'aucun élément probant et demeure une simple supputation ; que l'attestation d'un ancien salarié de la société Goldies actuellement employé par la société Laure et Pierre Créations, ne peut constituer une preuve suffisante de l'existence de confiés et de leur revente par le dépositaire, en fraude des droits de leur propriétaire qui n'a, au demeurant, engagé aucune action pénale ;
Qu'il suit de là que les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations doivent être déboutées de leur demande de condamnation solidaire de la société Goldirings;
Sur les autres demandes
Considérant que la société Goldirings ne démontre pas le caractère abusif du comportement des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations, ni ne justifie du préjudice qu'elle allègue ; que sa demande en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée ;
Considérant que chaque partie succombant dans ses prétentions, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens doivent être supportés, après masse, par moitié par les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations d'une part et par Maître Legras de Grandcourt et la société Goldirings d'autre part;
Par ces motifs, Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, Vu l'arrêt rendu par cette cour le 18 mars 2004, Constate la liquidation judiciaire de la SARL Goldies ouverte le 26 janvier 2005 et l'intervention volontaire à l'instance pour la reprendre de Maître Legras de Grandcourt, mandataire liquidateur de cette procédure collective, prononce la nullité des articles 7 conditions financières de livraison, 8 collections, 10 concurrence et le premier alinéa de l'article 9 produits après-vente, du protocole d'accord conclu le 1er juillet 1999 entre Monsieur Braoudé et la société Goldies d'une part et les sociétés Financière des Robines, Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations d'autre part, en application des articles L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - débouté les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations de leur demande de solidarité entre les sociétés Goldies et Goldirings, - prononcé la résiliation du protocole du 1er juillet 1999 aux torts réciproques des sociétés Goldies, Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations, sauf à préciser que cette résiliation ne porte que sur les éléments non annulés de la deuxième partie : Relations Commerciales du protocole d'accord, - débouté la société Goldies de ses demandes du chef d'exception d'inexécution et de dommages et intérêts à l'encontre solidairement des sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations, - condamné la société Goldies à payer aux sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations par moitié chacune la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Le réforme du chef de la condamnation de la société Goldies à payer des sommes aux sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations et, prenant en compte la procédure collective engagée à l'encontre de la société Goldies, Fixe à la somme de 787 544,65 euro majorée des intérêts calculés au taux légal du 30 juin 2000 au 1er juin 2004, la créance de la société Laure et Pierre Créations au passif de la société Goldies, Fixe à la somme de 3 123 euro majorée des intérêts calculés au taux légal du 30 juin 2000 au 1er juin 2004, la créance de la société Rolot & Lemasson au passif de la société Goldies, Y ajoutant, Déboute les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations de leur demande de condamnation des sociétés Goldies et Goldirings à restitution sous astreinte de collections confiées, Déclare les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations irrecevables en leur demande de condamnation de la société Goldies à paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, Les déboute de cette même demande dirigée contre la société Goldirings, Déboute la société Goldirings de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront supportés, après masse, par moitié par les sociétés Rolot & Lemasson et Laure et Pierre Créations d'une part et par Maître Legras de Grandcourt, ès qualités, et la société Goldirings d'autre part et autorise leurs avoués respectifs à les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.