CA Toulouse, 3e ch. sect. 1, 17 décembre 2002, n° 2002-00355
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Antonucci
Défendeur :
Mora
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Helip
Conseillers :
MM. Lassus-Ignacio, Bardout
Avoués :
SCP Cantaloube Ferrieu Cerri, SCP Sorrel Dessart Sorel
Avocats :
Mes Dupey, Boucharinc
Les faits, la procédure antérieure
Monsieur Daniel Mora, artisan plombier, a réalisé pour Monsieur Christian Antonucci divers travaux d'installation de chauffage et sanitaires.
Suivant exploit d'huissier en date du 25 juillet 2000, Monsieur Daniel Mora a fait assigner Monsieur Christian Antonucci devant le Tribunal d'instance de Toulouse en paiement du solde des travaux facturés à 75 114,29 F au total.
Monsieur Christian Antonucci s'y est opposé en soutenant que les travaux avaient été convenus oralement pour un prix de 45 000 F et a déclaré être eu possession d'un devis d'un montant de 50 662 F,
Il est constant que la somme de 40 000 F a été payée.
Par jugement du 21 décembre 2000, le Tribunal d'instance de Toulouse a ordonné qu'une expertise soit diligentée sur les lieux avec pour mission notamment de chiffrer le coût des travaux effectués par référence aux prix habituellement pratiqués.
Le rapport a été remis le 18 avril 2001.
Par jugement du 18 octobre 2001, le Tribunal d'instance de Toulouse a:
- condamné Monsieur Christian Antonucci à payer à Monsieur Daniel Mora
* la somme de 34 838,72 F avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2000 (soit 5 311,13 euro);
* la somme de 1 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- condamné Monsieur Christian Antonucci aux dépens, y compris les frais d'expertise.
Monsieur Christian Antonucci a interjeté appel de ce jugement.
Moyens des parties
Par conclusions du 4 juillet 2002, Monsieur Christian Antonucci demande de:
- lui donner acte de ce qu'il a toujours reconnu devoir la somme de 1 581,87 euro sur le devis Agraffeil;
- condamner Monsieur Daniel Mora à lui payer la somme de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil;
- le condamner à la somme de 1 000 F au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
Il soutient:
- que Monsieur Daniel Mora se devait de faire un devis avant de commencer les travaux, conformément aux articles L. 111-1 et L. 121-6 et suivants du Code de la consommation;
- que Monsieur Daniel Mora ne justifie pas avoir fait un devis;
- qu'en conséquence les travaux non acceptés par le concluant ne seront pas payés.
Il prétend:
- que les parties se-sont mises d'accord sur la base du devis établi par Monsieur Agraffeil, soit 50 652 F;
- que M. Daniel Mora n'a pas respecté celui-ci;
- qu'il a présenté deux factures cumulativement de 55 179,11 F et de 19 935,18 F, soit 75 114,29 F;
- qu'il revient à Monsieur Daniel Mora de justifier les dépassements.
Il ajoute que l'expert n'a pu entrer dans les lieux occupés par son épouse séparée de fait parce que celle-ci s'y est opposée.
Il affirme avoir payé 40 275,57 F et qu'il a toujours proposé de régler le solde à devoir sur la base du devis Agraffeil, soit 10 376,43 F ou 1 581,87 euro.
Monsieur Daniel Mora, intimé et appelant à titre incident, sollicite, par conclusions visées le 9 octobre 2002:
- la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a condamné Monsieur Christian Antonucci à lui payer la somme de 5 311,13 euro avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2000 correspondant au solde de la facture impayée;
- la réformation pour le surplus en condamnant Monsieur Christian Antonucci à. lui payer:
* la somme de 1 500 euro à titre de dommages intérêts pour résistance abusive;
* la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
* les entiers dépens.
Il soutient n'avoir jamais donné son accord sur le devis établi par Monsieur Agraffeil, qui ne comporte d'ailleurs pas la mention de matériaux comparables à ceux utilisés pour les travaux en cause, ni la facturation du nombre d'heures de travail.
Il précise que son client a opéré un second paiement plus de quatre mois après la fin des travaux sans formuler aucune observation à propos du montant des factures qu'il avait parfaitement accepté.
Il ajoute que l'expertise ordonnée par le tribunal n'a pu avoir lieu en raison de l'opposition de Monsieur Christian Antonucci qui n'a jamais respecté le principe du contradictoire et qui s'est, par diverses manœuvres, opposé à la visite des lieux.
Motifs de la décision
Sur l'obligation d'établir un devis
L'article L. 111-1 invoqué du Code de la consommation qui prescrit que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur eu mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service n'instaure aucune obligation générale de délivrance d'un devis écrit préalable à la fourniture et l'installation d'équipements.
En outre, ce manquement au devoir d'information serait-il établi, sa sanction ne pourrait être ni la révision ni la fixation judiciaire du prix, mais la nullité du contrat ou l'octroi de dommages et intérêts.
L'article L. 121-16 du même Code invoqué par l'appelant ne concerne que les ventes à distance ; il ne s'applique donc pas à l'espèce.
Par ailleurs, l'article L. 113-3 du Code de la consommation qui oblige tout vendeur de produit ou tout prestataire de services à informer le consommateur sur les prix précise que cette information doit se faire par tout procédé approprié, d'où il s'ensuit que l'établissement d'un devis écrit n'est pas obligatoire.
L'arrêté du 2 mars 1990 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d'entretien, qui impose l'établissement d'un devis, n'est applicable qu'aux dites prestations et non à la fourniture et la pose d'équipements, comme c'est le cas on l'espèce.
Par contre, Monsieur Mora communique deux factures qui, comme la loi lui en fait obligation en cas d'absence de devis préalable, détaillent les différents postes de fournitures et de travaux, avec la somme à payer hors taxes et toutes taxes comprises.
Aucun manquement ne peut être reproché à Monsieur Mora. Le premier moyen invoqué par l'appelant n'est donc pas fondé.
Sur le devis de Monsieur Agraffeil
Le devis de Monsieur Agraffeil ne saurait engager Monsieur Mora en l'absence de tout élément permettant d'établir un accord certain de Monsieur Antonucci et Monsieur Mora pour l'utiliser comme base de leur marché.
De plus, il résulte du simple rapprochement du devis établi par Monsieur Agraffeil et des factures éditées par Monsieur Mora qu'il n'y a pas identité des-travaux prévus par Agraffeil et réalisés-par Mora puisque le devis ne concernait que 12 radiateurs acier laqué alors que la facture 0001 459 concernait la tuyauterie et la pose de 15 radiateurs acier, outre la fourniture et la pose de 2 radiateurs supplémentaires aux cellier et WC.
De même, le devis de Monsieur Agraffeil ne concernait que 4 vasques et une douche alors que la facture 0001 460 de Monsieur Daniel Mora concerne 5 vasques et deux douches.
En outre la même facture de Monsieur Mora inclut un robinet de puisage extérieur avec robinet d'arrêt et purge et un robinet de puisage intérieur au garage alors qu'à fa ligne " robinet puisage services et extérieurs" le devis de Monsieur Agraffeil mentionne explicitement "non fait" 0,00 F.
Il s'ensuit que Monsieur Christian Antonucci ne peut raisonnablement soutenir que le devis de Monsieur Agraffeil a pu constituer la base d'un accord sur le prix.
Sur le montant réclamé au titre des travaux
Comme l'a dit le jugement avant dire droit du 21 décembre 2000, la réalité et la qualité des travaux effectués par Monsieur Daniel Mora ne sont pas contestées.
Le litige est limité au prix.
Monsieur Daniel Mora ne prouve pas avoir obtenu l'accord de son client sur le prix facturé.
Monsieur Christian Antonucci ne prouve pas s'être accordé avec Monsieur Mora ²sur la base du devis de Monsieur Agraffeil.
Cependant Monsieur Mora verse trois documents intitulés "devis-facture":
* le premier établi en date de novembre 1999 sous le numéro 9911 426 à l'adresse de Monsieur Christian Antonucci, 363 rue du Rouge Gorge à St Jean, pour un montant de 36 180 F TTC;
* le second établi en date du 5 janvier 2000 sous le numéro 0001 459 à l'adresse de Monsieur Christian Antonucci à Roufflac pour un montant de 55 170,11 F avec la mention acompte déjà perçu : 36 180 F;
* le troisième en date du 5 janvier 2000 sous le numéro
0001 460 à l'adresse de Monsieur Christian Antonucci à Rouffiac pour un montant de 19 935,18 F.
Il résulte de ces pièces que la facture du 5 janvier 2000 inclut les travaux déjà facturés en novembre 1999 et prend en compte le règlement effectué sous le terme d'acompte.
Monsieur Torres a été nommé à titre d'expert aux fins notamment, après s'être fait remettre tous documents utiles, de visiter l'immeuble où ont été effectués les travaux dont le coût est litigieux et de chiffrer le coût des travaux effectués par référence aux prix habituellement pratiqués.
L'expert conclut ainsi : "Four des raisons qui me sont inconnues, Monsieur Antonucci demeurant 10, chemin du Château à Rouffiac en m'empêchant de visiter les lieux, élément essentiel de ma mission, rend impossible la réalisation de celle-ci ainsi que la rédaction de mon rapport".
Monsieur Antonucci s'est opposé à ce que l'expert se rende sur les lieux, seul moyen de vérifier si le prix facturé correspond aux prix habituellement facturés.
Pour justifier de son refus d'autoriser l'expert à se rendre sur les lieux, Monsieur Antonucci a d'abord prétendu que les propriétaires des lieux s'y opposent. Cet argument ne peut prospérer dans la mesure où le maire-adjoint de Rouffiac-Tolosane atteste que Monsieur Antonucci est bien domicilié aux lieux où ont été réalisés les travaux.
En cause d'appel, Monsieur Christian Antonucci prétend cette fois-ci que c'est son épouse, vivant séparée de lui, qui se serait opposée à la visite des lieux, mais il ne communique aucun document susceptible de prouver ses dires.
En outre, il s'est refusé à communiquer contradictoirement ses pièces à l'expert.
Par conséquent, Monsieur Christian Antonucci s'étant opposé au déroulement normal de l'expertise, la cour jugera des prétentions respectives des parties en l'état des seules pièces produites.
Et Monsieur Christian Antonucci ne justifiant d'aucun élément probant de nature à contester les factures régulièrement établies, il sera débouté en ses demandes.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur Christian Antonucci à payer à Monsieur Daniel Mora la somme de 5 311,13 euro avec Intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2000.
Sur les dommages et intérêts
Monsieur Mora, qui ne justifie pas d'un préjudice supplémentaire à celui causé par le retard que son client a mis à le payer, et pour lequel il est indemnisé par la condamnation de Monsieur Christian Antonucci à lui payer des intérêts légaux à compter de la date d'assignation, est débouté de sa demande supplémentaire de dommages et intérêts.
Sur les dépens et autres frais
Monsieur Christian Antonucci, qui succombe principalement, est condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise.
En outre, l'équité commande de le condamner à une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à titre de participation aux frais irrépétibles engagés par Monsieur Mora pour la défense de ses intérêts.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare Monsieur Christian Antonucci recevable mais mal fondé dans ses demandes; Confirma la décision en ce qu'elle a condamné Monsieur Christian Antonucci à payer à Monsieur Daniel Mora la somme de 5 311,13 euro avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2000; Déboute Monsieur Daniel Mora de sa demande en dommages et intérêts; Condamne Monsieur Christian Antonucci aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise; Condamne Monsieur Christian Antonucci à payer à Monsieur Daniel Mora une indemnité de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.