CA Montpellier, 2e ch. A, 22 mars 2005, n° 03-05956
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Beauchet
Défendeur :
Melvin (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pellegrin
Conseillers :
MM. Derdeyn, Chassery
Avoués :
SCP Capdevila-Vedel-Salles, SCP Argellies-Travier-Watremet
Avocats :
Mes Morenvillez, Susini
Faits, procédure et prétentions des parties:
Monsieur Beauchet est associé majoritaire dans les sociétés Bergerac B P G, Derbidaa, Cahors B P G, Pastel et Lem Coif liées par un accord de partenariat avec la société Saint Karl Diffusion et qui exploitent chacune un salon de coiffure sous la marque Saint Karl ou sous la marque Fil O'Kap.
La société Melvin est propriétaire de la marque Coiff'Center Salon " Osez vos envies " sous laquelle elle développe un réseau de franchises.
Le 20 mars 2000 Monsieur Beauchet et la société Melvin signaient un contrat de master-franchisé au terme duquel Monsieur Beauchet était chargé de développer un réseau de franchise sous la marque de la société Melvin dans 29 départements couvrant les pays de Loire, le Poitou-Charentes, le Limousin, l'Auvergne et une partie de l'Aquitaine.
Le 17 avril 2000 la société Melvin résiliait avec effet immédiat le contrat du 20 mars 2000; estimant cette rupture abusive et contraire aux stipulations de leur accord Monsieur Beauchet assignait la société Melvin devant le Tribunal de commerce de Carcassonne qui constatait la résiliation du contrat de master franchise aux torts exclusifs de la société Melvin, déboutait cette dernière de toutes ses prétentions et la condamnait à payer à Monsieur Beauchet la somme de 30 644 euro 34 à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.
Ce jugement a été frappé d'appel par Monsieur Beauchet le 22 octobre 2003 (proc. 03-05956) et par la société Melvin le 26 janvier 2004 (proc. 04-01151) ; elles ont été jointes le 3 juin 2004.
Monsieur Beauchet demande l'infirmation de la décision attaquée en ce qu'elle lui a accordé la somme de 30 644 euro 34 à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 euro sur base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de condamner la société Melvin à lui verser la somme de 221 205,60 euro à titre de dommages-intérêts, une indemnité de 4 573,47 euro au titre de la procédure de première instance ainsi qu'une indemnité de même montant au titre de l'instance d'appel en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel avec distraction pour la SCP Capdevila.
Il fait valoir que le contrat de master-franchisé était conclu pour une durée de 5 ans et prévoyait des modalités de résiliation qui n'ont pas été respectées par la société Melvin et que son préjudice constitué par les factures payées à la société Melvin, par les frais d'aménagement des salons de Toulouse et de Colomiers ainsi que par la perte des revenus que le contrat devait lui procurer pendant cinq ans a été sous-évalué par le Tribunal de Carcassonne (conclusions 14 février 2005).
La société Melvin répond que Monsieur Beauchet a utilisé des manœuvres dolosives pour surprendre son consentement en lui affirmant faussement le 17 mars 2000 qu'il était libre de tout engagement contractuel au regard d'autres sociétés de coiffure, que Monsieur Beauchet a pratiqué une cession prohibée du contrat de franchise au profit de la société Eysines BP, commettant ainsi un manquement particulièrement grave à ses obligations justifiant la résiliation immédiate malgré les termes du contrat, que l'attitude de Monsieur Beauchet a réduit à néant ses efforts pour développer son réseau sur le territoire qu'elle lui avait concédé lui occasionnant ainsi un manque à gagner certain résultant de la perte des redevances qu'elle était en droit d'espérer.
Elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour:
- à titre principal d'annuler pour dol le contrat du 20 mars 2000,
- à titre subsidiaire de juger que les manquements de Monsieur Beauchet à ses obligations justifiaient la résiliation du contrat avec effet immédiat,
- en tout état de cause de condamner Monsieur Beauchet à lui verser 150 000 euro à titre de dommages-intérêts, 15 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens avec droit de recouvrement direct pour la SCP Argellies.
Sur quoi :
Attendu que Monsieur Christian Beauchet était associé majoritaire des sociétés Bergerac B P G, Der Bidaa, Cahors B P G, Pastel et Lem Coif qui exploitaient chacune un salon de coiffure soit sous la marque Saint Karl, soit sous la marque Fil O'Kap propriété de la société Saint Karl Diffusion avec qui elles étaient liées par des accords de partenariat;
Attendu qu'au début de l'année 2000 Monsieur Beauchet et Monsieur Servant de la société Melvin propriétaire de la marque Coiff'Center " Osez vos envies " entamaient des pourparlers en vue de conclure un accord qui conférerait à Monsieur Beauchet la qualité de master-franchisé de la société Melvin; que dans le cadre de ces discussions Monsieur Servant visitait le salon Saint Karl exploité par la société Pastel et le salon Fil O'Kap exploité par la société Cahors B P G au sujet desquels il formulait différents projets devant les cadres et les employés de ces salons (cf attestations de Mesdames Layrisse, Lamagat et Montrougie');
Attendu toutefois que la finalisation de ces négociations supposait que les 5 sociétés susvisées soient libres de tout engagement vis-à-vis de la société Saint Karl; que dans cette optique Monsieur Beauchet lui écrivait le 14 mars 2000 "veuillez noter par la présente que j'ai décidé de mettre fin à vos contrats à effet de ce jour";
Attendu que le 1er avril 2000 la société Saint Karl Diffusion lui accusait réception de son courrier ainsi que de ses intentions de mettre un terme à leurs accords et lui confirmait un rendez-vous pour le 6 avril "en espérant que cette entrevue apportera une solution à notre litige" ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 avril 2000 elle l'informait qu'elle était prête à mettre fin à compter du 31 décembre 2000 aux contrats de franchise qui les liait à la triple condition qu'à cette date Monsieur Beauchet soit à jour de tous ses paiements, que les enseignes Saint Karl et Fil O'Kap soient baissées ainsi que tous les éléments se rattachant à la marque tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des magasins et qu'enfin Monsieur Beauchet établisse une lettre mentionnant qu'à partir du 1er janvier 2001 elle pourrait implanter des salons sous les enseignes Saint Karl et Fil O'Kap dans les villes suivantes : Bergerac, Cahors, St Aunes et Reze;
Attendu que le 17 mars 2000 Monsieur Beauchet établissait à l'intention de la société Melvin l'attestation suivante "je soussigné Christian Beauchet, certifie à ce jour être libre de tout engagement contractuel au regard d'autres sociétés de coiffure. Ceci me permet de pouvoir m'engager, dès ce jour, dans un contrat de master-franchisé avec la SARL Melvin, propriétaire des marques Coiff'Center For Men, Coiff'Center Salon, Coiff'Center Prestige ".
Attendu que cette attestation comportait une affirmation mensongère puisque les accords avec la société Saint Karl Diffusion n'étaient pas résolus, affirmation constitutive d'une manœuvre dolosive à l'égard de la société Melvin sur un élément déterminant de son consentement puisque l'accord de master franchise signé le 20 mars 2000 stipulait en son article 14 une clause de non-concurrence ainsi rédigée "le sous-franchiseur s'interdit pendant toute la durée du contrat de détenir des intérêts, d'assumer des fonctions ou de participer directement ou par personne interposée à une entreprise, en France ou dans un pays dans lequel le réseau de franchise Coiff'Center est implanté, ayant des activités de nature comparables avec celles du franchiseur ".
Attendu que ce dol conduit à prononcer la nullité du contrat de master-franchisé conclu le 20 mars 2000 aux torts de Monsieur Beauchet qui sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive;
Attendu que la société Melvin demande l'octroi d'une somme de 150 000 euro à titre de dommages-intérêts dans la mesure où l'attitude de Monsieur Beauchet a réduit à néant les efforts qu'elle avait entrepris pour implanter et développer son réseau sur le territoire concédé à Monsieur Beauchet et où elle subit un manque à gagner résultant de la perte des redevances de franchise qu'elle aurait dû normalement percevoir ; que la société Melvin ne verse au débat aucun élément démontrant l'existence du préjudice qui résulterait pour elle de la mise à néant alléguée de ses efforts d'implantation ; qu'elle ne verse pas davantage de justificatif de l'existence du manque à gagner qu'elle subirait sur des redevances purement hypothétiques ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Attendu que les circonstances de la cause ne conduisent à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ni sur la demande de Monsieur Beauchet, ni sur celle de la société Melvin.
Attendu que la succombance de Monsieur Beauchet dans la procédure qu'il avait initiée amène sa condamnation aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct pour la SCP Argellies.
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement. Réforme en toutes ses dispositions le jugement déféré. Statuant à nouveau, Prononce la nullité pour dol du contrat de master-franchise du 20 mars 2000, Déboute la société Melvin de sa demande en paiement de la somme de 150 000 euro réclamée à titre de dommages-intérêts, Déboute Monsieur Beauchet de sa demande en paiement de la somme de 221 205 euro formée à titre de dommages-intérêts. Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant par Monsieur Beauchet que par la société Melvin. Condamne Monsieur Beauchet aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct pour la SCP Argellies.