Livv
Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 16 décembre 1998, n° 9701211

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Crédit industriel de Normandie (SA)

Défendeur :

Ferré (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grandpierre (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Gallais, Le Carpentier

Avoués :

Me Couppey, SCP Colin-Voinchet-Radiguet

Avocats :

Mes Beaudoux, Fouche

TI Evreux, du 14 oct. 1996

14 octobre 1996

Statuant sur l'appel interjeté par le Crédit industriel de Normandie, désigné ci-après sous le sigle CIN, contre le jugement rendu le 14 octobre 1996 par le Tribunal d'instance d'Evreux qui l'a débouté de ses demandes dirigées contre Serge Ferre et Martine Manchon, son épouse, et tendant au paiement des sommes suivantes

- 21 415,93 F au titre du montant du solde débiteur de leur compte courant ouvert le 26 mai 1988 ainsi que les intérêts au taux de 12 % à compter du 10 janvier 1 995 ;

- 71 825,23 F et les intérêts au taux conventionnel de 15,65 % à compter du 10 janvier 1995 au titre du solde du prêt Credimatic en date du 21 octobre 1988 et d'un montant de 75 000 F ;

- 4 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;

Attendu que le CIN, qui sollicite l'infirmation du jugement, demande que Serge Ferre soit condamné à lui payer la somme de 27 415,93 F, outre les intérêts au taux de 12 % l'an du 10 janvier 1995 jusqu'au jour du règlement et les époux Ferre, solidairement à lui payer la somme de 71 825,23 F au titre du solde du prêt outre les intérêts au taux de 15,65 % l'an du 10 janvier 1995 jusqu'au jour du parfait paiement ;

Qu'à l'appui de son recours et après avoir exposé que, par un acte sous seing privé en date du 26 mai 1988, Serge Ferre a ouvert un compte fonctionnant sous le numéro 041/32/34979 V, que ce compte a fait apparaître, au 10janvier 1 995, un solde débiteur de 27 41 5,93 F, que, par acte sous seing privé du 21 octobre 1988, les époux Ferre ont obtenu un prêt de 75 000 F au taux effectif global de 15,65 %, que ce prêt qui s'analyse en un crédit permanent devait, au dernier état. Etre remboursé en quarante-quatre mensualités de 2 250,92 F, la première mensualité intervenant le 28 janvier 1992 et la dernière le 28 août 1995 et que les susnommés ont cessé d'honorer leurs engagements de sorte que, par courrier du 7 juin 1993, le compte a été clos et le terme déchu, il soutient que l'action, tant au regard du solde du compte bancaire, qu'au regard du prêt, n'est pas forclose comme ayant été engagée dans le délai de deux ans à compter du premier incident de paiement ;

Attendu que les époux Ferre concluent à la confirmation du jugement aux motifs que l'action engagée en vue du recouvrement du solde du prêt est forclose, la déchéance du terme étant intervenue le 28 août 1992 et l'assignation ayant été délivrée le 27 mars 1995, soit, plus de deux ans après le premier incident de paiement ;

Que, s'agissant du solde débiteur du compte, ils font valoir que le CIN n'apporte la preuve, ni de l'existence, ni du montant de sa créance ; qu'à cet égard, ils invoquent les dispositions des articles 1907 du Code civil et L. 311-33 du Code de la consommation pour demander que la banque soit déchue du droit aux intérêts légaux et conventionnels pendant toute la durée du découvert, et ce, en raison de l'absence de justification des intérêts réclamés ;

Sur le solde du compte,

Attendu qu'il est établi que, par acte du 26 mai 1988, Serge Ferre a ouvert, dans les livres du CIN, un compte fonctionnant sous le numéro 041/32/34979 V ; qu'il était stipulé, en l'article 5 de cet acte que les services rendus à la clientèle sont rémunérés par la perception d'agios ; qu'en cas de clôture du compte pour quelque cause que ce soit, il est expressément stipulé que ce solde reste productif d'intérêts, calculés et capitalisés au taux de base de la banque..., majoré de 5 %, avec un minimum de 12 % l'an, jusqu'à complet paiement de tout ce qui sera dû à la banque ;

Attendu encore que le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation court, en l'absence de terme, pour les découverts consentis tacitement avant le 1er mars 1990, à compter de la résiliation de la convention d'ouverture de crédit, faite à l'initiative d'une des parties et, par conséquent, du jour de la clôture du compte effectuée par la banque ; qu'en l'espèce, il est démontré que la clôture est intervenue le 7 juin 1993, date de la lettre recommandée adressée à Serge Ferre, de sorte que le CIN, par l'acte du 27 mars 1995, a engagé l'action dans le délai biennal de l'article L. 311-37 du Code de la consommation; que son action est recevable;

Que, si la clause relative aux intérêts est conforme aux dispositions de l'article 1907 du Code civil qui prévoit que toute stipulation d'intérêt doit être faite par écrit, il n'en demeure pas moins que le découvert du compte, qui a duré plus de trois mois, est soumis aux dispositions du Code de la consommation qu'aucune offre préalable de crédit n'a été présentée à Serge Ferre de sorte que la banque est déchue du droit aux intérêts et que, seuls, sont dus les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ;

Attendu que le compte a été débité et crédité jusqu'au 7 juin 1993, date de sa clôture ; qu'à cette date, était due à la banque la somme de 23 551,38 F ;

Que Serge Ferre sera condamné à payer cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 1995, date de l'assignation ;

Sur le prêt,

Attendu qu'il n'est pas contesté que, le 21 octobre 1988, les époux Ferre ont emprunté au CIN la somme de 75 000 F, remboursable au taux effectif global de 15,65 % et en quarante-quatre mensualités de 2 250,92 F ; qu'à la suite de la défaillance des époux Ferre, le CIN prononçait la déchéance du terme par lettre recommandée du 7 juin 1993 ;

Attendu qu'à la suite d'un arrêt maladie, la compagnie d'assurance de Serge Ferre, Abeille Vie s'est substituée à l'assuré dans le règlement des échéances d'octobre 1992 à janvier 1993 ; qu'en outre, le susnommé a procédé à différents versements les 7 janvier, 8 février, 15 juin, 1er et 24 juillet 1994, pour un montant de 14 000 F permettant de régulariser le paiement des échéances impayées les plus anciennes, de juin, juillet, août et septembre 1992, ainsi que des mois de février et de mars 1993 ;

Que l'action du CIN, qui a été introduite par assignation du 27 mars 1995, a, conformément aux dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, été formée dans le délai de deux ans à compter du premier incident non régularisé; qu'elle est donc recevable ;

Que, de plus, le CIN produit le contrat et les relevés de comptes qui établissent le montant de sa créance ;

Qu'il y a donc lieu de condamner solidairement les époux Ferre à payer au CIN la somme de 71 825,23 F au titre du prêt, ainsi que les intérêts au taux de 15,65 % l'an du 10 janvier 1995 au jour du règlement ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

Attendu que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions susvisées ; que, succombant en leurs prétentions et supportant les dépens, les époux Ferre seront déboutés de leur réclamation ; que l'équité ne commande pas qu'il soit donné satisfaction au CIN quant à ce

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement rendu le 14 octobre 1996 par le Tribunal d'instance d'Evreux dans le litige opposant le Crédit industriel de Normandie à Serge Ferre et à Martine Manchon, son épouse; Faisant droit à nouveau ;Condamne Serge Ferre à payer au Crédit industriel de Normandie la somme de vingt trois mille cinq cent cinquante et un francs trente huit centimes (23 551,38 F) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27mars 1995; Condamne solidairement les époux Ferre à payer au Crédit industriel de Normandie la somme de soixante et onze mille huit cent vingt cinq francs vingt trois centimes (71 825,23 F) augmentée des intérêts au taux de 15,65 % l'an à compter du 10 janvier 1995 ; Déboute les époux Ferre et le Crédit industriel de Normandie, chacun de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du NCPC ; Condamne les époux Ferre aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par Maître Couppey, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.