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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 2 décembre 2005, n° 03-09968

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Pailleux

Défendeur :

Développement Agranate Séguy (SARL), Decaudain (Consorts), Fournil des rois (SARL), Agranate

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cadiot

Conseillers :

M. Astier, Mme Bourrel

Avoués :

SCP de Saint-Ferreol-Touboul, SCP Ansellem-Mimran-Cherfils, SCP Jourdan-Wattecamps

Avocats :

Mes Piriou, Fabre, Michel

T. com. Marseille, du 13 janv. 2003

13 janvier 2003

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

Madame Karine et Monsieur Philippe Séguy ont mis au point un concept de panification qui permet à une personne dépourvue de formation initiale et de diplôme professionnel de créer et d'exploiter sous la marque déposée "Le Pétrin Ribeïrou" un commerce de boulangerie offrant au public une gamme standardisée de pains et d'autres produits boulangers.

Ce concept repose sur un procédé de fabrication simplifié supprimant les phases de pesage, détente, façonnage et apprêt qui permet d'aboutir à un pain d'aspect rustique à la forme et au poids variables fait au levain traditionnel sans starter avec des farines incorporant du germe de blé.

Ce procédé permet en particulier une réduction du personnel nécessaire à l'exploitation de la boulangerie et une souplesse accrue de la mise en fournée limitant les invendus.

Ils ont créé la SARL Holding financière Séguy s'abrégeant en HFS à laquelle ils ont consenti par acte sous seing privé du 13 décembre 1993 une licence non-exclusive de savoir-faire et une licence exclusive d'exploitation de la marque Le Pétrin Ribeïrou.

La SARL HFS a elle-même créé en octobre 1996 en collaboration avec Monsieur Dario Agranate deux sociétés de développement : la société Développement des pétrins Ribeïrou et la SARL Développement Agranate Séguy, s'abrégeant en DAS, à laquelle elle a consenti par acte du 25 octobre 1996 une sous-licence non-exclusive tant de la marque le Pétrin Ribeïrou que du savoir-faire.

Le développement de la franchise s'opère ensuite par la création de fonds de commerce de boulangeries à l'enseigne Le Pétrin Ribeïrou exploités sous forme de SARL.

Le capital social de ces sociétés est divisé en parts de catégorie A détenues à concurrence de 74 % du montant de ce capital par les candidats à la franchise et leur donnant droit à la répartition des bénéfices ou des pertes dans la proportion de 2,5675 pour mille ainsi qu'en parts de catégorie B détenues à concurrence de 26 % par les franchiseurs personnes morales ou physiques leur donnant droit à la répartition des bénéfices ou des pertes dans la proportion de 0,3846 pour mille.

Les porteurs de part de catégorie A acquittent au franchiseur un droit d'entrée de 260 000 F HT soit 313 560 F TTC.

La société d'exploitation reverse au franchiseur 13 % du chiffre d'affaires HT annuel.

Monsieur Didier Pailleux a pris à bail commercial le 6 février 1997 moyennant un loyer annuel HT de 78 000 F et un dépôt de garantie de 19 500 F le terrain d'une ancienne station service à Viroflay (78) aux termes de deux actes souscrits le même jour, l'un en son nom personnel, l'autre en qualité de "gérant de la société SODEI".

Après avoir envisagé d'y implanter une station de lavage pour laquelle la municipalité lui a refusé début 1998 les autorisations nécessaires, il est entré en contact avec Monsieur Dario Agranate et la SARL Développement Agranate Séguy représentée par celui-ci dans le dessein d'implanter cette fois sur le site une boulangerie Pétrin Ribeïrou, les parties s'opposant sur les circonstances de l'initiative de ce contact.

Dans ce cadre Monsieur Pailleux a reçu en contrepartie d'un engagement de confidentialité le document d'information précontractuel prévu par l'article L. 330-3 du Code de commerce présentant le concept et la marque et détaillant le savoir-faire. Ici aussi les parties s'opposent sur les dates et la forme de l'envoi, la société DAS situant celle-ci en mars 1998 et soutenant que Monsieur Pailleux ayant revêtu le récépissé d'une signature fantaisiste "X Pailloux" il a fallu lui en adresser un autre par téléfax qu'il renvoyé signé le 6 juillet 1998 par fax tout en conservant par devers lui l'original tandis que Monsieur Pailleux soutient avoir reçu en mai 1999 en deux exemplaires qu'il détient toujours un document intitulé "L'autre pain, l'autre savoir-faire" qui aurait remplacé un document précédemment intitulé "L'autre pain, / l'autre boulanger" et n'avoir rien retourné, les envois étant selon lui antidatés. Il ne conteste cependant pas que ces documents lui ont été communiqués sous le sceau de la confidence.

En juin 1998 la société DAS a adressé à Monsieur Pailleux une promesse de constitution d'une SARL dénommée Le Pétrin d'Arnaud dans laquelle elle figurant au capital social pour 125 parts B, Monsieur Dario Agranate pour 5 parts B, Monsieur Pailleux pour 300 parts A et sa compagne Madame Sylvia Delpal pour 70 parts A accompagnée d'une convention de sous-licence sous condition. La photocopie de la convention de sous-licence produite à la cour est revêtue des signatures et paraphes de Monsieur Pailleux et Madame Delpal à la date du 29 juin 1998 et la promesse de constitution de société de la signature et du paraphe de Monsieur Pailleux.

Le permis de construire de la boulangerie a été obtenu le 28 octobre 1998.

De nouveaux actes ont été présentés en mars 1999 dans des termes identiques aux précédents, exception faite de ce que ces actes n'intègrent plus cette fois Madame Delpal mais uniquement Monsieur Pailleux de qui ils sont signés.

Monsieur Pailleux a remis à la société DAS le 6 janvier 1999 cinq chèques représentant un montant total de 313 560 F correspondant au droit d'entrée que leur bénéficiaire n'a pas encaissés, la société DAS exposant qu'il lui avait demandé d'en différer la présentation à l'encaissement aux dates qu'il indiquerait et Monsieur Pailleux soutenant au contraire que les effets étaient provisionnés dès leur création.

Début 1999 à mai de la même année Monsieur Pailleux a suivi la formation dispensée par le franchiseur, essentiellement un stage pratique sur des sites appliquant le concept Pétrin Ribeïrou, stage sur les modalités et l'intérêt duquel les parties s'opposent également.

Des pourparlers sont intervenus ensuite entre les parties sur la cession du bail commercial qui n'ont pas abouti, les parties s'en imputant réciproquement la responsabilité.

Après diverses correspondances Monsieur Pailleux a finalement dénoncé à sa cocontractante par lettre recommandée du 15 juillet 1999 avec demande d'avis de réception "l'ensemble des relations contractuelles les unissant" lui reprochant ses atermoiements, la mettant en demeure de lui restituer les cinq chèques remis et formulant les plus expresses réserves sur les conséquences dommageables des manquements qu'il lui impute.

Monsieur Dario Agranate lui a adressé le 19 avril 2000 sur papier à en-tête de la SARL DAS un courrier recommandé avec demande d'avis de réception exposant "l'avoir rencontré fortuitement sur le site" de Viroflay début février 2000 et avoir eu la surprise de l'entendre déclarer qu'il avait "cédé le droit au bail desdits locaux ainsi que le permis de construire pour l'implantation d'un magasin à notre enseigne à Monsieur Decaudain, personne également engagée dans des liens contractuels avec notre enseigne".

Par exploit du 10 mai 2000, Monsieur Pailleux a attrait la SARL Développement Agranate Séguy devant le Tribunal de commerce de Cannes en sollicitant le paiement de dommages-intérêts ainsi que le remboursement des frais exposés.

Monsieur Jérôme Decaudain, récemment libéré du service national, est entré en relations vers la mi-1998 avec la société DAS représentée par Monsieur Dario Agranate.

Il a signé le 23 août 1998 un engagement de confidentialité en suite de la réception des documents précontractuels de franchise puis le 22 octobre 1998 une convention de sous-licence Pétrin Ribeïrou pour laquelle il a acquitté en plusieurs fois un droit d'entrée s'élevant à 380 000 F HT et enfin le 28 octobre 1998 une promesse de constitution d'une société MG, associant outre lui même pour 185 parts Monsieur Philippe Decaudain son père pour 185 parts, également à Monsieur Dario Agranate pour 5 parts et la société DAS pour 125 parts.

Après recherches infructueuses d'un site d'exploitation à Compiègne et un stage effectué par Monsieur Jérôme Decaudain dans la boulangerie de Monsieur Agranate à Cannes-la-Bocca pour les fêtes de fin d'année 1998 suivi pour les fêtes de Pâques 1999 d'un stage de vendeuse effectué par sa mère dans le même commerce, un projet d'implantation à Dury-lès-Amiens a été élaboré puis a achoppé vers mai-juin 1999 obligeant à annuler la commande du matériel d'exploitation ainsi qu'à décommander deux candidats à l'emploi de boulanger.

Le 16 novembre 1999 les consorts Decaudain ont traité avec Monsieur Didier Pailleux en dehors de la société DAS l'acquisition du droit au bail du site de Viroflay. Ils y ont implanté un commerce de boulangerie-pâtisserie à l'enseigne Fournil des bois exploité par la SARL du même nom constituée à cette fin.

Par courrier du 16 décembre 1999 avec demande d'avis de réception, Messieurs Decaudain père et fils ont dénoncé les conventions des 22 et 28 octobre 1998 et mis la société DAS en demeure de rembourser le droit d'entrée.

N'obtenant pas satisfaction, Messieurs Decaudain père et fils ont attrait par exploit du 26 avril 2000 la SARL Développement Agranate Séguy et Monsieur Dario Agranate devant le Tribunal de commerce de Cannes en remboursement et paiement de dommages et intérêts.

Après avoir ordonné par jugement avant dire droit par jugement du 29 mai 2000 la jonction des instances introduites par Monsieur Pailleux et Messieurs Decaudain auxquelles s'est agrégée l'assignation en intervention forcée de la SARL Fournil des bois délivrée à la requête de la SARL Développement Agranate Séguy et de Monsieur Dario Agranate et avoir sollicité la production des actes afférents à la cession du droit au bail et du permis de construire sur le site de Viroflay, le Tribunal de commerce de Marseille, désigné par ordonnance du premier Président en date du 29 mai 2000 comme juridiction de renvoi des procédures introduites devant la juridiction consulaire de Cannes, statuant par jugement contradictoire du 13 janvier 2003 assorti de l'exécution provisoire excepté pour les condamnations au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens, a :

• débouté Monsieur Pailleux de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la SARL Développement Agranate Séguy la somme de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles de procédure;

• débouté les consorts Decaudain de leurs demandes et les a condamnés solidairement entre eux à payer à la SARL Développement Agranate Séguy et à Monsieur Agranate la somme totale de 2 000 euro au titre des frais irrépétibles de procédure et, solidairement entre eux et la SARL Fournil des bois, à payer à la SARL Développement Agranate Séguy la somme de 1 524,49 euro à titre de dommages et intérêts;

• débouté les parties de leurs autres demandes, notamment reconventionnelles;

• laissé les dépens à la charge de Monsieur Pailleux et de Messieurs Decaudain.

Monsieur Didier Pailleux a interjeté appel de cette décision à l'encontre de l'ensemble des autres parties par déclaration enregistrée céans le 18 avril 2003.

Aux termes de ses uniques écritures déposées et notifiées les 4 et 7 août 2003, ici tenues pour expressément reprises, Monsieur Didier Pailleux fait valoir pour l'essentiel :

• que la SARL DAS se contredit en lui reprochant d'avoir rompu les relations contractuelles alors que dans son courrier du 19 avril 2000 elle affirmait qu'il avait "la volonté au final de rester dans le réseau";

• qu'il a rempli ses obligations en émettant les chèques et en effectuant le stage et les travaux demandés lors de celui-ci;

• qu'au contraire la SARL DAS après plus de deux ans de négociations a entravé l'aboutissement de l'opération par ses carences;

• qu'il a rompu le contrat en bonne et due forme aux termes de la lettre adressée le 15 juillet 1999 et laissée sans réponse par la société DAS;

• qu'à la faveur de ses engagements contractuels imparfaits cette société n'a poursuivi que le but d'affaiblir le concluant et d'obtenir pour elle le site commercial qu'il avait pris à bail;

• que son préjudice résulte:

- de la charge locative du site du deuxième trimestre 1998 à décembre 1999 soit 145 216,70 F ou 22 138,14 euro,

- des frais du stage de prétendue formation d'un montant de 63 893,90 F soit 9 740,56 euro,

- de l'acompte de 10 000 F soit I 224,49 euro (en l'état d'une erreur de conversion la cour croit devoir lire 1 524,49 euro),

- d'autres frais justifiés pour un montant de 20 374,90 F soit 3 106,13 euro,

- de l'immobilisation durant pratiquement douze mois d'un dépôt de garantie de 313 560 F soit 47 801,91 euro et des fonds nécessaires à son apport personnel de l'ordre de 400 000 F soit 60 979,61 euro.

Il demande à la cour de :

"Réformer le jugement rendu le 13 janvier 2003 par le Tribunal de commerce de Marseille.

Condamner la société DAS à payer à Monsieur Pailleux la somme globale de 1 175 000 F (179 127,60 euro) à titre de dommages et intérêts avec intérêts de droit à compter de la demande.

Condamner la société DAS à rembourser à Monsieur Pailleux les frais exposés par celui-ci en pure perte à l'occasion du contrat en cause, à hauteur de 230 894, 73 F, soit 35 199,67 euros (et non 229 952,02 F, soit 35 055,96 euros).

Condamner la société DAS à payer à Monsieur Pailleux une somme de 50 000 F (soit 7 622,45 euros) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Condamner la société DAS au paiement d'une somme de 50 000 F (soit 7 622,45 euros) en application des dispositions de l'article 700 du NCPC, Condamner la société DAS aux entiers dépens de l'instance, ..."

Aux termes de leurs écritures dernières en date déposées et notifiées le 21 octobre 2005, ici tenues pour expressément reprises, Messieurs Philippe et Jérôme Decaudain et la SARL Fournil des bois exposent pour l'essentiel:

• qu'aucun contrat de franchise valide n'a pu être conclu entre eux et la société DAS faute d'emplacement commercial déterminé;

• qu'aucun savoir-faire n'a été transmis aux concluants, le stage de Monsieur Jérôme Decaudain s'étant limité à lui faire cuire dans le magasin de Monsieur Agranate des pains surgelés sans être rétribué;

• que l'action introduite contre la SARL Fournil des bois n'est pas recevable, ses fondements étant essentiellement contractuels et les demandeurs dépourvus de qualité pour agir;

• que Monsieur Jean-Pierre Séguy qui a fait l'objet d'un redressement judiciaire personnel le 17 janvier 1991 a cédé en fraude des droits des créanciers son prétendu savoir-faire de sorte qu'entachées de fraude les conventions liant les parties sont nulles;

• que l'obligation d'information préalable au contrat de franchise n'a pas été respectée entraînant sa nullité;

• que la société DAS ne rapporte pas la preuve de la remise du document d'information précontractuelle ni de la souscription le 23 août 1998 d'un quelconque engagement de confidentialité;

• que les documents produits par la société DAS dont la remise est contestée ne satisfont pas quoiqu'il en soit aux exigences légales;

• que les concluants ont été trompés sur la possibilité d'exploiter une véritable boulangerie et sur le chiffre d'affaires potentiel;

• qu'ils ont néanmoins versé une somme totale de 408 280 F soit 62 241,88 euro;

• que la prétendue "imitation servile de son concept" qu'invoque la société DAS à l'encontre des concluants ne repose sur rien, les produits vendus n'étant pas exclusifs ni l'aménagement;

• que la société DAS invoque un cahier des charges qu'elle ne produit pas et que les concluants n'ont a fortiori jamais signé;

• que la SARL Fournil des bois s'approvisionne dans d'autres circuits professionnels et fabrique son propre levain;

• qu'elle n'utilise pas le même matériel d'exploitation ni les mêmes signes distinctifs que "Le Pétrin Ribeïrou".

Ils demandent à la cour de :

"... 1. Réformer le jugement rendu le 13 janvier 2003 par le Tribunal de commerce de Marseille;

2. Statuant à nouveau:

- Pour la société Fournil des bois SARL :

À titre principal, vu les dispositions des articles 32 et 122 du NCPC;

Mettre la société Fournil des bois hors de cause;

Condamner solidairement la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et Monsieur Dario Agranate à payer à la société Fournil des bois SARL:

- 15 245 euro à titre de dommages et intérêts;

- 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et Monsieur Dario Agranate dans le mois qui suivra son prononcé dans deux journaux ou revues choisis par la société Fournil des bois SARL;

À titre subsidiaire, pour la société Fournil des bois SARL et à titre principal pour Messieurs Philippe et Jérôme Decaudain :

Condamner solidairement la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et Monsieur Dario Agranate aux entiers dépens;

Prononcer la nullité des contrats aux torts exclusfs de la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et de Monsieur Dario Agranate ;

Dire non fondé l'appel incident de la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et l'en débouter.

A tout le moins prononcer la résolution judiciaire des contrats litigieux,

Monsieur Dario Agranate à rembourser à Messieurs Jérôme et Philippe Decaudain la somme de 62 241,88 euro;

Condamner solidairement la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et Monsieur Dario Agranate à payer à Messieurs Jérôme et Philippe Decaudain la somme de 45 735 euro à titre de dommages et intérêts, Dire et juger que les sommes sus-indiquées porteront intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 1999, Ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais de la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et Monsieur Dario Agranate dans le mois qui suivra son prononcé dans deux journaux ou revues choisi par les concluants,

En conséquence, Condamner solidairement la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et

• Dire non fondé l'appel incident de la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et l'en débouter.

Condamner solidairement la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et Monsieur Dario Agranate aux entiers dépens de première instance et d'appel, (...), Condamner solidairement la société de Développement Agranate Séguy DAS SARL et Monsieur Dario Agranate à payer à Messieurs Jérôme et Philippe Decaudain la somme de 12 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens, ..."

Aux termes de ses écritures dernières en date notifiées et déposées le 20 septembre 2005, ici tenues pour expressément reprises, la SARL Développement Agranate Séguy soutient pour l'essentiel :

En toutes hypothèses :

Contre Monsieur Didier Pailleux :

• que celui-ci ne prouve pas les faits nécessaires au succès de sa prétention;

• qu'il passe en particulier sous silence les fruits de la cession de son droit au bail à Monsieur Decaudain intervenue le 16 novembre 1999 au prix de 600 000 F outre le remboursement des loyers payés et du dépôt de garantie versé;

• que le bail commercial avait été souscrit dès avant l'entrée en relation avec la concluante de sorte que la charge ne saurait lui en incomber;

• que la concluante a loyalement exécuté les obligations découlant de la convention de sous-licence sous condition suspensive;

• qu'elle lui a transmis l'information nécessaire et l'a fait accéder à la formation prévue;

• que la formation dispensée était aux frais exclusifs de Monsieur Pailleux ainsi que l'indiquaient les documents précontractuels;

• que Monsieur Pailleux a remis des chèques qui, à sa demande, n'ont pas été encaissés de sorte qu'il n'a jamais déboursé le droit d'entrée;

• que les éventuels acomptes versés à un prestataire de services ne sauraient être réclamés à la concluante mais à celui-ci;

• que la convention de sous-licence sous condition suspensive prévoyait que le droit d'entrée resterait acquis au concédant en dehors du cas prévu à l'article 7-1-2-1 alinéa 2, exception qui n'est pas applicable en l'espèce, de sorte que Monsieur Pailleux doit à la concluante la somme de 47 801,91 euro puisque le droit d'entrée n'a pas été payé de manière effective.

Contre les consorts Decaudain et la SARL Fournil des bois :

• que la convention de sous-licence sous conditions conclue entre les parties a le caractère d'un contrat de franchise;

• que les consorts Decaudain ont reçu avant tout engagement l'information précontractuelle prévue par la loi;

• que les consorts Decaudain n'expliquent pas en quoi leur consentement aurait pu être vicié;

• que le savoir-faire du Pétrin Ribeïrou est secret, identifié et substantiel et satisfait en tous points aux conditions légales;

• que les consorts Decaudain ne disent pas en quoi les chiffres qui leur ont été communiqués seraient erronés;

• qu'ils ont ouvert une boulangerie à la faveur du savoir-faire qui leur a été transmis par la concluante;

• que ce faisant ils ont violé l'obligation de loyauté contractuelle;

• qu'ils ont également transgressé l'obligation de confidentialité prévue dans la convention de sous-licence;

• que les consorts Decaudain dépourvus d'expérience dans le domaine de la boulangerie avant leur rencontre avec la concluante imitent de manière servile par l'intermédiaire de la SARL Fournil des bois le concept élaboré par la concluante tant dans l'aménagement des locaux que les produits et le savoir-faire.

Elle demande à la cour de:

- Concernant l'appel principal de Monsieur Pailleux :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur Pailleux de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, après avoir fait le constat que c'était bien lui qui avait violé l'obligation d'exécution loyale de ses engagements et en ce qu'il l'a condamné à payer à la concluante la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Reformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société DAS de sa demande de paiement du droit d'entrée formée à l'encontre de Monsieur Pailleux ;

En conséquence, condamner Monsieur Pailleux à payer à DAS la somme de 47 801,91 euro au titre du dépôt de garantie dû en vertu de la convention de sous-licence sous conditions, outre intérêts de retard au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, En tout état de cause, condamner Monsieur Pailleux à payer à DAS la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens,

2- Concernant l'appel incident de Messieurs Decaudain et de la SARL Fournil des bois :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Messieurs Decaudain de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, après avoir fait le constat que c'était bien eux qui avaient manqué à leurs obligations contractuelles et qui avaient violé l'obligation d'exécution loyale de leurs engagements et qu'ils avaient commis, avec leur société Fournil des bois, des agissements constitutifs de concurrence déloyale et en ce qu'il les a condamnés solidairement à payer à la concluante la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Réformer le jugement dont appel concernant le quantum de l'indemnisation mise à la charge des consorts Decaudain et de la SARL Fournil des bois, En conséquence, Condamner solidairement Messieurs Decaudain à payer à DAS la somme de 30 000 euro en réparation du préjudice subi du fait de la violation de leurs obligations contractuelles, Condamner solidairement Messieurs Decaudain et la SARL Fournil des bois à payer à DAS la somme de 80 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de concurrence déloyale, En tout état de cause, condamner solidairement Messieurs Decaudain et la SARL Fournil des bois à payer chacun à DAS la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens,

Monsieur Dario Agranate, quoiqu'assigné à personne et destinataire par exploit de dénonce des conclusions de Monsieur Pailleux et des consorts Decaudain, n'a pas comparu.

La décision sera donc réputée contradictoire.

Motifs de la decision

Les instances introduites par Monsieur Pailleux d'une part et par les consorts Decaudain d'autre part n'ont pas entre elles de lien qui en détermine la solution. Elles seront donc disjointes et la cour statuera sur l'une puis sur l'autre par deux arrêts distincts.

Le contrat dit de "convention de sous-licence sous conditions" signé les 22 septembre et 18 novembre 1998 entre les parties est assorti de conditions suspensives tenant à l'ouverture du magasin sous-licencié et à l'immatriculation de la société d'exploitation de celui-ci dite "MGD" dans les deux ans de la signature de la convention, délai passé lequel celle-ci devient caduque.

Cette caducité est en l'espèce acquise puisqu'aucun magasin à l'enseigne Pétrin Ribeïrou n'a été ouvert par les consorts Decaudain et que la société MGD n'a jamais été immatriculée.

Toutefois la convention exclut expressément des effets de cette caducité les articles 6-2 prévoyant que le droit d'entrée de sous-licence de savoir-faire d'un montant de 380 000 F HT demeure acquis au concédant, 7-1-1-7 instituant une obligation de confidentialité et 7-1-1-8 portant obligation de non-concurrence.

Le contrat étant caduc, le droit d'entrée perçu entre nécessairement dans les prévisions du troisième alinéa de l'article L. 330-3 du Code de commerce qui dispose "lors que le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit";

Force est de constater en l'espèce, dès lors qu'aucun magasin n'est exploité au bénéfice de la franchise, que la contrepartie de ce versement ne correspond à aucune prestation du franchiseur sinon le "savoir-faire" révélé lequel, selon le contrat "comprend un secret de fabrique" et se trouve décrit dans l'annexe A à la convention qui regroupe:

• "Une notice explicative dudit savoir-faire, laquelle présente un caractère général;

• une explication chronologique des différentes phases de la fabrication du pain;

• la description d'une journée de travail;

• les principes de calcul du levain;

• une explication imagée du procédé de fabrication;

• la liste du matériel nécessaire".

Outre le fait que la fabrication d'un pain de tradition n'est pas susceptible de comporter d' originalité excédant les tours de mains connus des professionnels, la teneur du document annexe tel que le décrit le contrat et que la cour l'a vu n'est pas davantage que le résumé d'un traité de boulangerie.

Il n'y a donc aucune contrepartie réelle à la conservation par le franchiseur de la somme de 380 000 F HT.

Vainement la société DAS soutient-elle que le "stage" offrirait la contrepartie qui lui incombe. Non seulement le contenu de celui-ci n'est défini par aucun cahier des charges précis - la côte " programme du stage" figurant parmi les documents remis au contractant ne comprenant que des éléments comptables et sociaux - mais plus encore le stage est décrit au contrat comme une obligation du franchisé plutôt que du franchiseur ainsi qu'en font foi les termes employés : "un stage pratique obligatoire ... le licencié se soumettra à toutes formation, stage, réunions organisés par le concédant". Par surcroît la convention indique en page 3 que ce stage d'une durée d'environ quatre mois s'effectue "dans un magasin pilote". Or monsieur Jérôme Decaudain soutient sans être démenti que son stage n'a pas été effectué dans un magasin pilote "Pétrin Ribeïrou" mais dans le propre magasin de Monsieur Dario Agranate à Cannes-la-Bocca.

En outre alors que le "programme du stage" à objet comptable et social remis au contractant prévoit que "dans la formation au savoir-faire est inclus un stage d'administration, de gestion et de comptabilité dispensé par un maître de conférence associé auprès de l'Université de Montpellier, expert comptable, commissaire aux comptes auprès de la Cour d'appel de Montpellier, formateur agréé par la préfecture de Montpellier" rien n'indique, et la société DAS ne soutient pas même, qu'un tel stage ait été organisé.

En conséquence la somme de 380 000 F HT soit 408 280 F TTC ou 62 241,88 euro sera remboursée. Le décompte des intérêts légaux partira du 16 décembre 1999, date de première mise en demeure.

Au delà, les consorts Decaudain ne justifient d'aucun autre préjudice la preuve n'étant pas rapportée que l'absence de finalisation des implantations envisagées découle d'une carence de l'une ou l'autre partie plutôt que de circonstances exogènes.

À la faveur d'une ordonnance rendue le 21 novembre 2000 sur requête par le Président du Tribunal de commerce de Versailles la SARL DAS a fait pratiquer le 24 novembre suivant un constat d'huissier décrivant photographies à l'appui l'enseigne, les agencements et les produits vendus dans le magasin exploité à Viroflay par la SARL Fournil des bois.

Ce constat, mis en perspective des descriptifs et photographies des magasins Pétrin Ribeïrou présentes au dossier de la cause, démontre que la société incriminée n'utilise aucun signe distinctif de la marque Pétrin Ribeïrou ni aucun élément d'agencement de nature à entretenir la confusion avec elle. Les agencements et le matériel sont simplement ceux d'une boulangerie-pâtisserie moderne et les consorts Decaudain justifient salarier un boulanger professionnel de sorte que la SARL DAS soutient à tort que la production de pain serait la conséquence d'un pillage de son savoir-faire si tant est que celui-ci ait l'étendue de la spécificité qu'elle lui prête. Les matières premières sont celles du marché professionnel ainsi qu'en fait foi le sac de farine photographié par l'huissier. N'ayant pas le monopole du pain rustique, vaine est donc l'imputation d'imitation servile que la SARL DAS prête aux produits élaboré s et commercialisés par la SARL Fournil des bois. L'imputation de concurrence déloyale et de pillage de savoir-faire revêt un caractère malicieux et abusif qui justifierait une indemnisation en deniers mais la SARL Fournil des bois ne la sollicite pas. Il ne justifie pas cependant, pas plus que les autres éléments du dossier, de publication réparatrice dès lors que ni Messieurs Decaudain, ni la SARL Fournil des bois n'apparaissent avoir souffert un préjudice d'image commerciale vis-à-vis du public.

Mis en cause à titre personnel par les consorts Decaudain, Monsieur Dario Agranate ne se voit cependant caractériser, en l'état des motifs qui précèdent, l'imputabilité d'aucune faute détachable de son action de mandataire social de la SARL DAS, son projet individuel de participation minoritaire à la société d'exploitation qui devait se mettre en place n'étant en rien contraire au droit et étant par surcroît demeuré dépourvu de tout effet et le fait que le "stage" pratique ait eu lieu dans son commerce ne présentant pas en soi le caractère d'une faute individuelle même si cette situation ne répondait pas aux engagements souscrits par la SARL DAS. Aucune condamnation solidaire ne sera donc prononcée contre lui.

Il apparaît conforme à l'équité que la SARL DAS qui succombe pour l'essentiel verse la somme de 10 000 euro au titre de l'indemnisation des frais irrépétibles.

Elle supportera également l'ensemble des dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement en matière commerciale et en dernier ressort par décision réputée contradictoire, Disjoint la cause opposant Monsieur Didier Pailleux à la SARL Développement Agranate Séguy, Réforme la décision entreprise et, statuant à nouveau, Condamne la SARL Développement Agranate Séguy à payer à Messieurs Philippe et Jérôme Decaudain la somme de 62 241,88 euro outre les intérêts légaux produits par celle-ci à compter du 16 décembre 1999, date de première mise en demeure, ainsi que la somme de 10 000 euro au titre de des dispositions de l'article 700 du NCPC; Rejette toute autre demande; Condamne la SARL Développement Agranate Séguy aux entiers dépens de première instance et d'appel dont la distraction est autorisée, s'il échet pour ceux d'appel, au profit de la SCP d'avoués J-F. Jourdan & P.G. Wattecamps pour la part dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.