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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 8 septembre 2003, n° 02-00998

REIMS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Champagne Bonnet et Fils (SA)

Défendeur :

Bacchus Wine and Spirits Merchants Ldt (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Ruffier

Conseillers :

MM. Michel, Minnegheer

Avoués :

SCP Thoma-Le Runigo-Delaveau-Gaudeaux, SCP Genet-Braibant

Avocats :

Me Roger, SCP Wenner

T. com. Reims, du 19 mars 2002

19 mars 2002

Faits - procédure - prétentions des parties

1- Par lettre du 24 août 1995, la société Champagne F. Bonnet a confié à la société Bacchus la commercialisation exclusive en Irlande et en Irlande du Nord de sa marque "Ferdinand Bonnet" ainsi que la vente de ce champagne sous marque de distributeur, les volumes commercialisés devant faire l'objet d'un accord annuel.

Après quelques années de relations commerciales fructueuses pour les deux parties, des difficultés de vente sont apparues et les volumes prévus ont été révisés à la baisse en mai 1999. Puis il a été convenu d'un retour de stock restant entre les mains de la société Bacchus et enfin est né un contentieux sur des livraisons non payées à la société Champagne F. Bonnet.

C'est dans ces conditions, que cette dernière a saisi le Tribunal de commerce de Reims aux fins d'obtenir la condamnation de la société Bacchus à lui payer la somme de 73 893,53 euro et que ledit tribunal, par un jugement en date du 19 mars 2002, a fait droit à cette demande mais, dans le même temps, a condamné la société Champagne F. Bonnet à payer à la société Bacchus la même somme dont 17 278 euro au titre du non-respect du protocole et rupture de contrat abusive et 56 615 euro pour indemnité de non-respect des engagements de livraisons de bouteilles.

Il est fait ici expresse référence aux motifs de ce jugement.

2- Par acte du 26 avril 2002, la société Champagne F. Bonnet a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Après avoir expliqué que sa créance à l'encontre de la société Bacchus n'était pas discutée et contestée, elle soutient que le contrat qui la liait à celle-ci n'était pas un contrat d'agence commerciale mais d'achat et de vente. Faisant valoir que dans le cadre de ce contrat et en raison de l'importance des demandes des clients, elle avait dû négocier avec la société Bacchus une réduction des volumes que celle-ci avait acceptée, elle conclut qu'il ne pouvait être jugé une rupture abusive du contrat, d'autant que par la suite, les relations commerciales ont cessé à partir du moment où la société Bacchus a fait choix d'un autre fournisseur de champagne.

Elle considère en effet que celle-ci s'est livrée à des actes de concurrence déloyale en ayant inscrit à son catalogue de vente une autre marque intitulée "Champagne Alexandre Bonnet" dont le nom ne pouvait qu'entretenir la confusion dans l'esprit des acheteurs irlandais, que par la suite, elle a cessé de lui passer toute commande avant de s'abstenir de payer les marchandises qu'elle avait reçues. Elle estime que dans ces conditions la rupture du contrat relève de la seule attitude de la société Bacchus qui ne pouvait obtenir aucune indemnisation du tribunal. Elle ajoute que quand bien même la société Bacchus aurait eu le statut d'agent commercial, elle n'était pas en droit de prétendre à indemnisation si la rupture tenait de la faute grave et/ou si la cessation du contrat résultait de l'initiative de l'agent à moins de circonstances particulières imputables au mandant, ou à l'infirmité ou la maladie.

Elle réfute par ailleurs la thèse du refus de vente retenue par le tribunal dès lors que la réduction des volumes n'a été opérée qu'en raison de l'impossibilité de livrer les quantités souhaitées et que de surplus la société Bacchus a, in fine, restitué 3 506 bouteilles de champagne qu'elle n'avait su vendre.

Elle conclut par voie de conséquence à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté des demandes de la société Bacchus, à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 10 000 euro pour résistance abusive, celle de 10 000 euro également à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et celle de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Bacchus sollicite la confirmation de la décision attaquée aux motifs que la société Champagne F. Bonnet a sciemment violé ses obligations contractuelles en ne livrant pas les quantités promises, en démarchant des clients de la société Bacchus et en dénigrant celle-ci.

Elle nie pour sa part avoir commis une quelconque faute, l'appel à une société concurrente n'ayant été engagé que pour compenser les défauts de livraison qu'elle subissait.

Elle forme par ailleurs appel incident de la décision de 1re instance qui, selon elle, n'a pas évalué à sa juste mesure son préjudice. Elle fait en effet valoir qu'elle avait un double statut à l'égard de la société Champagne F. Bonnet: d'une part en sa qualité de simple revendeur de bouteilles de la marque F. Bonnet, d'autre part, en sa qualité d'agent commercial, et qu'elle a donc droit à une double indemnisation.

S'agissant de son statut d'agent commercial, elle fonde sa prétention sur les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce. En tant que distributeur, elle se réfère aux articles L. 442-6 du Code de commerce, 1134 et 1142 du Code civil. Au premier titre, elle sollicite la somme de 4 482,06 euro en indemnisation de la période contractuelle de préavis de 3 mois non respectée par la SA Champagne F. Bonnet au moment de la rupture du contrat et la somme de 35 856,46 euro pour rupture abusive du contrat. Au second titre, elle sollicite la somme de 56 615,08 euro pour non-respect des engagements contractuels, celle de 128 040,39 euro pour perte de clientèle et atteinte à l'image de marque. Elle requiert également la condamnation de la société Champagne F. Bonnet à lui payer la somme de 6 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et demande la compensation des sommes qui lui seront allouées avec celle dont le paiement lui est réclamée.

L'instruction de l'affaire a été clôturée en cet état des prétentions et moyens des parties par une ordonnance du 30 avril 2003.

MOTIFS DE L'ARRET

1- Sur la qualification du contrat signé entre les parties

Aux termes d'une lettre émise le 24 août 1995 par la société Champagne F. Bonnet et valant confirmation d'accord, il a été convenu ce qui suit:

- la société Bacchus, qualifié d'agent exclusif de la société Champagne F. Bonnet, s'engage à commercialiser sur les marchés nationaux de l'Irlande du Sud et du Nord les champagnes Ferdinand Bonnet, à savoir Brut Héritage, Blanc de Blanc, Rosé, Millésime 1989, le Brut et Demi-sec;

- les stocks livrés à Bacchus et mis en entrepôt sous douane restent la propriété de Bonnet jusqu'à leur dédouanement;

- les prix sont fixés par Bonnet en consultation mutuelle avec l'agent;

- la facturation est établie en francs français départ caves au vu de rapports mensuels de détention de stocks et de mouvements de stocks, sous réserve de certains gros clients pour lesquels la facturation est directement établie par Bonnet, les plans tarifaires, commission et participation finale de Bonnet A & P devant être préalablement conclus avec Bonnet, et tous les frais irlandais incombant à Bacchus;

- le contrat est conclu pour une durée de deux ans à compter du 1er septembre 1995, chaque partie pouvant, sans raison ni compensation de quelque nature que ce soit, y mettre un terme sur notification écrite avec un préavis de trois mois avant la date de fin de contrat indiquée dans la notification. A défaut de notification dans le délai, le contrat est renouvelé par périodes successives d'un an;

- la société Bacchus reconnaît qu'elle n'a aucun intérêt de propriété dans les marques commerciales et s'engage à arrêter toute utilisation des marques lors de la résiliation du contrat;

- la société Bacchus s'engage, durant toute la durée du contrat, à ne pas acheter, vendre, distribuer, promouvoir ou faire affaire de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement, avec des vins de champagne produits par un tiers sans avoir obtenu l'accord écrit préalable de la société Champagne F. Bonnet.

Il résulte de ce qui précède que, nonobstant le fait que la société Bacchus est dénommée "agent", il ne s'agit pas à proprement parler d'un contrat d'agence commerciale dans la mesure où le chapitre facturation fait apparaître très clairement que l'activité de la société Bacchus consistait principalement à acheter des stocks de champagne à la société Champagne F. Bonnet pour les revendre à sa propre clientèle et qu'ainsi elle ne créait ni ne contribuait à créer une relation juridique directe entre son fournisseur et les clients avec lesquels elle traitait.

L'esprit des relations commerciales qui ont existé durant toute la vie du contrat entre les deux sociétés démontre par ailleurs que, quand bien même pour certains clients les factures étaient directement établies par la société Champagne F. Bonnet, ces clients étaient en réalité ceux de Bacchus. La société Champagne F. Bonnet n'a en effet jamais considéré Bacchus autrement que comme distributeur ainsi que le révèle la lettre datée du 23 mars 2000 adressée par Jean-Pierre Giraud à Henry Anderson dans laquelle il écrivait qu'il n'était pas possible d'accepter la distribution du produit concurrent (champagne Alexandre Bonnet) par le même "distributeur" au regard du "contrat de distribution" qui les liait. De même, la société Bacchus, y compris à l'égard des clients spécifiques, s'est toujours présentée comme un distributeur, soucieux de préserver les propres relations commerciales qu'elle avait développées avec eux. Elle s'est en effet considérée engagée par le volume des livraisons qu'elle avait négociées jusqu'au point d'avoir recours aux services d'un concurrent de F. Bonnet pour satisfaire leurs commandes, et non comme un mandataire d'un donneur d'ordres qui ne se trouve engagé vis-à-vis du client que lorsqu'il confirme les commandes faites par son intermédiaire.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé tant en ce qu'il a qualifié le contrat liant les parties de contrat de distribution qu'en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la société Bacchus formées au titre de la rupture abusive d'un contrat d'agence commerciale.

2- Sur la faute du distributeur

Il y a lieu tout d'abord d'observer que la condamnation de la société Bacchus à payer à la société Champagne F. Bonnet la somme de 73 893 euro pour non-paiement des bouteilles de champagne livrées n'a fait l'objet d'aucun appel et qu'en conséquence sur ce point il n'y a plus de discussion.

Sur le non-respect de l'obligation de non-concurrence, il est constant qu'aux termes de la convention liant les parties, la société Bacchus s'est engagée, pendant toute la durée du contrat, à ne pas acheter, vendre, distribuer, promouvoir ou faire affaire de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement, avec des vins de champagne produits par un tiers, sans avoir obtenu l'accord écrit préalable de la société Champagne F. Bonnet, et que, au motif qu'elle ne pouvait avoir les livraisons escomptées de bouteilles en provenance de cette dernière, elle s'est tournée vers la société Alexandre Bonnet pour fournir ses clients. La société Bacchus prétend qu'elle n'a commis aucune faute à ce titre dès lors qu'elle soutient que le contrat s'était déjà trouvé rompu par la faute de la société Champagne F. Bonnet qui avait arrêté de la livrer selon les termes convenus. Cette analyse ne correspond toutefois pas aux éléments contenus dans les dossiers des parties. Au travers de l'échange de courriers entre les deux sociétés il apparaît évident que Bacchus n'a jamais eu la volonté, même au plus fort de la crise, de rompre les relations commerciales. Il suffit principalement de se reporter à la lettre du 26 avril 2000 adressée par Henry Anderson à Jean-Pierre Giraud pour s'en convaincre. Dans cette lettre, Henry Anderson explique en effet que si la société Bacchus avait choisi de faire appel à la société Champagne A. Bonnet, c'était principalement pour préserver les relations commerciales futures avec la société Champagne F. Bonnet dans la mesure où les clients irlandais ne pouvaient faire de différence entre les deux dénominations et où il n'y avait donc pas de conflit d'intérêts entre les deux marques qui pouvaient continuer de coexister côte à côte. Il ajoutait: "Pour Bacchus, la fin des relations commerciales aurait une incidence économique et financière considérable pour la société.[...] Veuillez m'excuser si j'interprète mal le ton de votre lettre (celle du 23 mars 2000), mais j'ai l'impression que vous suggérez que Bacchus est en rupture de contrat. Si cela est bien suggéré ou entendu, je dois contester catégoriquement une quelconque rupture contractuelle. Bacchus ne désire pas mettre un terme aux relations contractuelles".

Il s'avère dans ces conditions, certain qu'à partir du moment où elle se considérait toujours tenue par les liens commerciaux qui l'unissaient à son fournisseur, elle était contrainte de respecter son obligation de non-concurrence, son seul recours contre la faute invoquée à l'encontre de la société F. Bonnet ne pouvant consister pour elle qu'en une demande de réparation du dommage qu'elle estimait avoir subi en raison de la non-livraison des bouteilles de champagne. Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a admis de ce chef la faute contractuelle de la société Bacchus.

Le tribunal de commerce a néanmoins débouté la société Champagne F. Bonnet de sa demande d'indemnisation au motif qu'elle ne chiffrait pas son préjudice. A hauteur d'appel, elle réclame la somme de 10 000 euro, somme à caractère forfaitaire, non justifié par des éléments chiffrés de perte commerciale permettant à la cour d'apprécier à sa juste valeur le préjudice économique réellement subi. Le rejet de la demande d'indemnisation sera donc confirmé.

3- Sur la faute du fournisseur

3-1 Sur le préjudice économique invoqué par la société Bacchus

Selon la lettre du 24 août 1995 valant accord commercial, la nature des relations entre les deux sociétés fonctionnait sur la base d'un stock en dépôt, le chapitre facturation révélant que l'économie du contrat reposait sur le stock en dépôt chez Bacchus dans la mesure où il était dit que cette facturation devait être établie par la société Champagne F. Bonnet au vu des rapports mensuels de détention de stocks de Bacchus. Il convient donc de considérer que le volume du stock dépendait des commandes du distributeur que le fournisseur devait au mieux satisfaire, précision devant être apportée que le contrat portait sur la livraison de bouteilles de champagne dont le délai de fabrication nécessitait au minimum 15 mois et qu'au moment où la société Champagne F. Bonnet a indiqué à la société Bacchus, soit le 12 janvier 1999, quel serait le volume des livraisons qu'elle effectuerait pour l'année 1999, elle connaissait nécessairement l'état des ses capacités de distribution à l'égard de ses clients institutionnels.

Ledit jour, elle annonçait qu'elle allouait à la société Bacchus pour l'année 1999, les volumes suivants:

- 30 000 bouteilles brut Bonnet au prix de 80 FF l'unité sortie de cave,

- 3 000 bouteilles Princesse de France au prix de 74 FF l'unité sortie de cave,

- 33 600 bouteilles BOB à 64 FF l'unité sortie de cave.

Les comptes finaux de l'année 1999 révèlent qu'elle fut en mesure de ne livrer que les quantités suivantes:

- 20 340 bouteilles brut Bonnet

- 7 608 bouteilles Princesse de France

- 6 000 bouteilles BOB

La différence importante pour les bouteilles brut Bonnet et considérable pour les bouteilles BOB entre les quantités promises et celles livrées démontre que la société Champagne F. Bonnet a, en fonction de l'évolution du marché spécifique 1999 lié à la préparation de la fête inaugurant le deuxième millénaire, privilégié la volonté de satisfaire la forte demande de champagne enregistrée cette année-là au mépris des engagements contractuels qu'elle avait pris précédemment, et ce en toute connaissance de la capacité de production et de distribution dont elle disposerait durant la période considérée. Elle a, dans ces conditions, commis une faute contractuelle qu'elle est en devoir de réparer.

Le préjudice de la société Bacchus en tant que distributeur ne peut consister qu'en la perte de marge bénéficiaire qu'elle a subie en ne vendant pas les produits bruts Bonnet et BOB qui lui avaient été promis. Au vu des éléments du dossier, sa marge était de 3,33 livres irlandaises ou 4,23 euro sur les produits Bonnet et de 2,45 livres irlandaises ou 3,11 euro sur les produits BOB, ce qui signifie que sa perte s'est établie à 44 588 livres ou 56 615,08 euro dont à déduire la marge sur les produits Princesse de France pour lesquels elle a reçu des livraisons plus importantes que prévues à hauteur de 4 608 bouteilles. A la lecture du catalogue de Bacchus, il apparaît que celle-ci vendait les bouteilles Princesse de France à 16,58 livres irlandaises, soit à 21,06 euro. Elle achetait ce champagne à 11,28 euro sortie de cave et réalisait ainsi une marge brute de 9,14 euro. Le champagne brut Bonnet était quant à lui vendu 20,42 livres la bouteille alors qu'elle l'achetait à 12,19 euro. Elle réalisait ainsi une marge brute de 8,23 euro. Sa marge nette qui était de 4,23 euro représentait donc 52,24 % de sa marge brute. Sur la base du même calcul, il y a lieu de considérer que sur Princesse de France elle bénéficiait d'une marge nette de 4,77 euro par bouteille, ce qui signifie que sur la totalité du stock 1999, elle a réalisé un bénéfice de 21 981,16 euro. Son réel préjudice s'élève dans ces conditions à 34 633, 92 euro.

Il importe par ailleurs de tenir compte de ce qu'elle a, par sa faute contractuelle, compensé son désaccord commercial avec F. Bonnet en vendant un champagne concurrent. L'analyse de son catalogue permet en effet de constater qu'elle était en mesure de fournir ses clients avec du champagne A. Bonnet brut au même prix que le champagne F. Bonnet brut. Eu égard à cette similarité, il convient dès lors de déduire encore de son préjudice le bénéfice qu'elle a réalisé sur le champagne A. Bonnet brut correspondant en fait à la perte de bénéfice sur les bouteilles F. Bonnet brut, soit 40 853,36 euro. Il s'avère ainsi qu'in fine elle n'a en réalité subi aucun dommage de son impossibilité d'être normalement approvisionnée en champagne F. Bonnet et qu'il y a lieu sur ce point d'infirmer le jugement déféré et de débouter la société Bacchus de sa demande.

3-2 Sur les préjudices de désorganisation, de violation de l'exclusivité de Bacchus en Irlande de perte de clientèle et d'atteinte à l'image de marque

La société Bacchus ne saurait prétendre avoir perdu sa clientèle et vu son image de marque dégradée par la non-livraison des produits escomptés de la société Champagne F. Bonnet dans la mesure où il résulte des lettres d'Henry Anderson adressée à cette dernière qu'elle fut en mesure de livrer ses clients avec un champagne concurrent en estimant que la coexistence sur son catalogue des marques A. et F. Bonnet n'était pas susceptible de créer un quelconque dommage à partir du moment où les clients n'étaient pas capables de faire la différence entre elles.

Il est en revanche certain que l'attitude fautive de F. Bonnet a désorganisé son activité en la contraignant à rechercher des solutions rapides de nature à lui éviter de perdre sa clientèle. Les frais de démarchage commercial et de modification du catalogue peuvent légitimement être évalués à la somme de 10 000 euro.

L'accord qui liait les parties démontre par ailleurs que la société Bacchus était l'agent de distribution exclusif du Champagne F. Bonnet sur les marchés d'Irlande et d'Irlande du Nord. Cet accord n'a jamais été dénoncé dans les termes et conditions visés au paragraphe 6 intitulé "Durée du contrat". Il y a donc lieu de considérer que le 18 mai 2000, le contrat n'était pas rompu. Or ce jour là, la société F. Bonnet a adressé à la société Dunnes Stores, client de la société Bacchus implanté en Irlande, une lettre qui révèle qu'elle s'est autorisée à entreprendre des démarches commerciales directes auprès de lui en vue de lui vendre ses produits. Elle a, en agissant de la sorte, incontestablement manqué à son obligation contractuelle en ne respectant pas la clause d'exclusivité de distribution de ses champagnes. Cette faute doit en conséquence être sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts dont le montant sera toutefois limité dès lors qu'il s'est agi d'un fait unique durant toute la durée du contrat. Le dommage ainsi causé sera justement réparé par une somme de 5 000 euro.

4- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Chacune des parties succombant en son appel sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle conservera en outre la charge des dépens d'appel qu'elle expose.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire; Recevant en la forme l'appel principal de la SA Champagne F. Bonnet Père & Fils et l'appel incident de la société Bacchus Wine and Spirits Merchants; Déclare l'appel principal partiellement bien fondé et l'appel incident non fondé; En conséquence, Infirme le jugement déféré en tant qu'il a condamné la SA Champagne F. Bonnet Père & Fils à payer à la société Bacchus la somme de 73 893 euro à titre de non-respect du protocole d'accord et rupture abusive du contrat et à titre de préjudice économique; Et statuant à nouveau, Condamne la SA Champagne F. Bonnet Père & Fils à payer à la société Bacchus la somme de dix mille euro (10 000 euro) au titre du préjudice de désorganisation commerciale et la somme de cinq mille euro (5 000 euro) au titre du préjudice né de l'attitude déloyale de la SA Champagne F. Bonnet Père & Fils; Déboute la société Bacchus de ses plus amples demandes; Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions; Y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Fait masse des dépens d'appel et dit que chacune des parties conservera à sa charge ceux exposés par elle, qui pourront être recouvrés directement par la SCP Thoma-Le Runigo-Delaveau-Gaudeaux et la SCP Genet Braibant, avoués à la cour, dans les formes et conditions prévues par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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