CA Versailles, 15e ch., 22 novembre 2005, n° 04-04370
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Ertel
Défendeur :
Schuco International (SCS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poirotte (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Mallet, de Chanville
Avocats :
Mes Saphy, Rupp
Monsieur Francis Ertel a relevé appel d'un jugement rendu le 20 septembre 2004 par le Conseil des prud'hommes de Rambouillet qui a:
Dit que Monsieur Francis Ertel n'a pas respecté la clause de non-concurrence convenue avec la société Schuco International SCS.
Dit que Monsieur Francis Ertel a violé l'obligation de loyauté en usant de manœuvres dolosives vis-à-vis de la société Schuco International.
Condamné Monsieur Francis Ertel à payer à la société Schuco International SCS les sommes suivantes:
- l'équivalent net correspondant à 44 460 euro brut à titre de restitution de l'indemnité de non-concurrence
- 60 000 euro pour non-respect de la clause de non-concurrence prévue au protocole d'accord transactionnel.
- 1 euro au titre du préjudice moral pour violation de l'obligation de loyauté.
Ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie.
Condamné Monsieur Francis Ertel à verser à la société Schuco International SCS la somme suivante:
- 400 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté Monsieur Francis Ertel de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné Monsieur Francis Ertel aux entiers dépens.
Les faits
Monsieur Francis Ertel a été embauché le 21 novembre 1988 par la société Schuco.
La société Schuco est un concepteur gammiste et accessoires PVC et aluminium.
Le 19 décembre 2001 Monsieur Francis Ertel est confirmé dans ses fonctions de directeur commercial PVC. Il faisait partie du comité de direction de la société et percevait un salaire brut moyen de 7 500 euro.
Le 15 septembre 2002, un avenant au contrat de travail de Monsieur Francis Ertel réduit le champ d'application de la clause de non-concurrence à certains clients et à certains départements en France.
Suite à des divergences Monsieur Francis Ertel est licencié pour faute grave le 31 décembre 2002. Une transaction est signée le 15 janvier 2003.
Monsieur Francis Ertel, suite à des difficultés personnelles, ne peut créer son entreprise de menuiserie en aluminium dans le Perche pour laquelle il avait contracté un accord de coopération commerciale avec Schuco.
Monsieur Francis Ertel devient alors directeur commercial pour la France de la société allemande Aluplast spécialisée dans les systèmes de fenêtres PVC.
La société Schuco International SCS assigne Monsieur Francis Ertel devant le Conseil des prud'hommes de Rambouillet et forme, en leur dernier état les demandes suivantes:
- dire et juger que Monsieur Francis Ertel n'a pas respecté la clause de non-concurrence,
- dire et juger que Monsieur Francis Ertel a engagé sa responsabilité contractuelle pour réticence dolosive lors de la conclusion de la transaction,
- restitution de l'indemnité de non-concurrence : 53 352 euro,
- exécution de la clause de non-concurrence rappelée dans le protocole transactionnel : 90 000 euro,
- préjudice moral pour violation de l'obligation de loyauté : 1 euro,
- exécution provisoire
- article 700 du nouveau Code de procédure civile : 5 000 euro
- entiers dépens.
Demande reconventionnelle
- préjudice pour procédure abusive : 100 000 euro
- article 700 du nouveau Code de procédure civile : 5 000 euro
- exécution provisoire
Le conseil a estimé que Monsieur Francis Ertel avait violé la clause de non-concurrence pour avoir été recruté par la société concurrente allemande Aluplast en vue d'une implantation en France sur des départements cités dans la clause de non-concurrence et que lors de la signature de deux protocoles le 15 janvier 2003 : un protocole transactionnel à la suite de la rupture de son contrat de travail et un protocole de coopération commerciale, que Monsieur Francis Ertel envisageait de créer une entreprise de menuiserie aluminium et s'engageait à se fournir exclusivement chez Schuco pendant un an, que cette dernière ne connaissait pas ses projets avec la société Aluplast au siège de laquelle il s'était rendu en octobre 2002 et qu'il avait donc violé son obligation de loyauté envers la société Schuco.
Vu les conclusions de Monsieur Francis Ertel, appelant, reprises et soutenues à l'audience, qui demande de:
A titre principal,
Dire et juger que la clause de non-concurrence convenue avec Schuco a été respectée,
En conséquence,
Infirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Rambouillet, en ce qu'il a jugé que la clause de non-concurrence avait été violée par Monsieur Francis Ertel.
Condamner Schuco au remboursement des sommes que Monsieur Francis Ertel lui a versées en mars 2005 en vertu de l'exécution provisoire de la décision frappée d'appel, soit:
- 35 364,40 euro versés au titre de l'indemnité de non-concurrence,
- 60 000 euro versés au titre de restitution de l'indemnité de non-concurrence,
- 1 euro versés au titre du préjudice moral pour violation de l'obligation de loyauté,
- 400 euro versés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- 21,96 euro versés au titre des intérêts courus,
- 482,38 euro au titre des frais d'actes de poursuites.
Condamner Schuco au paiement de la somme de 5 000 euro hors taxe au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamner Schuco aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
Dire et juger l'absence de démonstration de la violation pendant 10 mois de la clause de non-concurrence par Monsieur Francis Ertel.
Dire et juger que la clause de non-concurrence convenue avec Schuco est une clause pénale.
En conséquence,
Infirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Rambouillet, en ce qu'il a condamné Monsieur Francis Ertel à rembourser des indemnités de non-concurrence versées pendant 10 mois, soit l'équivalent net de 44 460 euro bruts,
Condamner Schuco au remboursement des sommes que Monsieur Francis Ertel lui a versées à ce titre en mars 2005 en vertu de l'exécution provisoire de la décision frappée d'appel, soit:
- 35 364,40 euro versés au titre de l'indemnité de non-concurrence,
- 1 euro versés au titre du préjudice moral pour violation de l'obligation de loyauté,
- 400 euro versés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- les intérêts courus et les frais d'actes de poursuites y afférents.
Réduire la pénalité de 60 000 euro que Monsieur Francis Ertel a été condamné à payer en 1re instance pour la violation de la clause de non-concurrence,
Condamner Schuco au paiement de la somme de 5 000 euro hors taxe au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamner Schuco aux entiers dépens.
A titre reconventionnel,
Dire et juger la procédure engagée par Schuco devant le Conseil des prud'hommes de Rambouillet comme étant abusive,
En conséquence,
Infirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Rambouillet, en ce qu'il n'a pas jugé comme étant abusive la procédure engagée par Schuco devant le Conseil des prud'hommes de Rambouillet,
Condamner Schuco à indemniser Monsieur Francis Ertel du préjudice qu'il a subi au titre d'une procédure engagée de manière abusive à son encontre, soit un montant de 100 000 euro,
Condamner Schuco au paiement de la somme de 5 000 euro hors taxe au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamner Schuco aux entiers dépens.
Vu les conclusions de la société Schuco International SCS, intimée, reprises et soutenues à l'audience qui demande de :
Confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Rambouillet en ce qu'il a:
- constaté que Monsieur Francis Ertel n'avait pas respecté la clause de non-concurrence convenue avec Schuco,
- constaté que Monsieur Francis Ertel a engagé sa responsabilité contractuelle dans l'exécution de son contrat de travail et pour réticence dolosive lors de la conclusion de la transaction avec Schuco,
- condamné Monsieur Francis Ertel à verser à Schuco la somme de 1 euro symbolique au titre du préjudice moral pour violation de l'obligation de loyauté.
L'infirmer pour le surplus et par conséquent condamner Monsieur Francis Ertel à payer à la société Schuco International SCS les sommes suivantes:
- 53 352 euro à titre de restitution de l'indemnité de non-concurrence versée, outre les intérêts à compter de la mise en demeure du 7 mai 2003,
- 90 000 euro en exécution de la clause de non-concurrence rappelée dans le protocole transactionnel.
Y ajoutant :
- condamner Monsieur Francis Ertel à payer à la société Schuco International SCS la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner Monsieur Francis Ertel aux entiers dépens.
I - Sur la violation de la clause de non-concurrence
Considérant que le contrat de travail signé le 19 décembre 2001 entre Monsieur Francis Ertel et la société Schuco International SCS disposait en son article 11 d'une interdiction de concurrence en cas de rupture du dit contrat ; que par avenant du 15/09/2002 son étendue géographique a été limitée à certains départements et dans ces départements à certains clients, que le protocole transactionnel du 15 janvier 2003, faisant suite au licenciement de Monsieur Francis Ertel, rappelait en son article 3.5 cette clause de non-concurrence, l'interdiction faite à Monsieur Francis Ertel d'entrer au service d'une entreprise concurrente et l'interdiction d'embaucher ou de faire embaucher directement ou indirectement du personnel de la société pendant une année;
Considérant que Monsieur Francis Ertel a été engagé par la société allemande Aluplast, concurrente de la société Schuco International qui souhaitait s'implanter en France, ce qu'il reconnaît dans un courrier du 15 mai 2003, en qualité de Directeur pour la France, qu'il ne le conteste pas se contentant de soutenir qu'il n'avait pas démarché, dans ses nouvelles fonctions les clients énumérés à l'avenant du 15 septembre 2002 alors que le seul fait d'entrer au service d'une société concurrente s'implantant sur toute la France constituait une violation de ses obligations contractuelles ;
Considérant de plus qu'il est établi que Monsieur Francis Ertel a tenté de débaucher courant juin 2003 un salarié de la société Schuco International, Monsieur Le Coënt, ce que ce dernier atteste de manière claire et précise conformément aux dispositions de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que le rapporte Monsieur Patrick Auriac qui fournit lui aussi une attestation conforme aux exigences de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile et qui loin d'avoir pris l'initiative de solliciter un poste près de Monsieur Francis Ertel, et même de l'importuner à cette fin comme l'écrira ce dernier, Monsieur Le Coënt justifie avoir été contacté par Monsieur Francis Ertel qui lui avait communiqué son nouveau numéro de téléphone portable;
Considérant dans ces conditions quoique les autres faits de violations contractuelles articulés par la société soient insuffisamment établis, notamment la tentative de débauchage de clientèle, qu'il convient de dire que ce dernier a bien enfreint la clause de non-concurrence qui le liait à son ancien employeur et de confirmer la décision déférée de ce chef;
II - Sur ses manœuvres dolosives et la déloyauté de Monsieur Francis Ertel
Considérant que la société Schuco International expose que Monsieur Francis Ertel aurait manqué à son devoir de loyauté en vue d'obtenir la signature d'une transaction en faisant croire à une création d'entreprise alors que Monsieur Francis Ertel justifie bien, par la production de nombreux documents attestant de ses démarches, avoir réellement voulu créer une entreprise, qu'il n'a pu y donner suite compte tenu d'un passif personnel éventuel qui pouvait mettre en péril sa nouvelle structure;
Considérant que la société Schuco International indique que Monsieur Francis Ertel aurait dès octobre 2002 été rendre visite à la société Aluplast à son insu, alors que ce dernier y est allé avec deux membres du comité directionnel, qu'il précise qu'un tel déplacement n'était pas inhabituel, Aluplast étant aussi un fournisseur de la société Schuco International en PVC, que ce déplacement, ainsi qu'il en atteste, avait été prévu par Monsieur Rohrlack, ancien gérant de la société Schuco International SCS;
Considérant qu'aucune manœuvre dolosive ou déloyale imputable à Monsieur Francis Ertel n'est donc caractérisée et que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef;
III - Sur les conséquences financières du non-respect de la clause de non-concurrence
a) sur la restitution de l'indemnité de non-concurrence
Considérant que l'indemnité versée au titre de l'indemnité de non-concurrence a été fixée par le protocole d'accord transactionnel à la somme de 4 446 euro bruts par mois pendant la durée de la clause du 1er janvier au 31 décembre 2003, que Monsieur Francis Ertel a reçu une mise en demeure de respecter sa clause de non-concurrence le 7 mai 2003, que le conseil a justement apprécié que ce n'est qu'à compter de cette date que Monsieur Francis Ertel persistant à rester au service de la clientèle devait rembourser ce qu'il avait perçu soit 10 mois correspondant à 44 460 euro bruts, que cette décision est justement motivée et doit être confirmée;
b) sur la sanction du non-respect de la clause de non-concurrence
Considérant que le protocole transactionnel du 15 janvier 2003 stipule que toute violation de la clause de non-concurrence rendra Monsieur Francis Ertel automatiquement redevable d'une pénalité de 30 000 euro par infraction ; que deux infractions ont été relevées, être embauché par la société concurrente en France Aluplast et avoir tenté de débaucher un salarié de la société Schuco International, que le Conseil a appliqué ce protocole pour deux infractions avérées, que cette décision doit être confirmée, Monsieur Francis Ertel ne justifiant pas que cette clause pénale est excessive dans son montant;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort. - Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que Monsieur Francis Ertel n'a pas respecté la clause de non-concurrence le liant à la société Schuco International SCS et l'a condamné à lui payer les sommes de : * 44 460 euro à titre de restitution de l'indemnité de non-concurrence, * 60 000 euro pour infractions à la clause de non-concurrence prévue au protocole d'accord transactionnel, - L'Infirme pour le surplus. - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Condamne Monsieur Francis Ertel aux éventuels dépens de première instance et d'appel.