CA Versailles, 15e ch., 27 septembre 2005, n° 04-03564
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Berger
Défendeur :
Cosmétique Active France (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Minini
Conseillers :
Mme Perrin, M. Mallet
Avocats :
Me Perrin, Lefol
Statuant sur l'appel interjeté par Monsieur Cyrille Berger à l'encontre d'un jugement en date du 9 juin 2004 par lequel le Conseil de prud'hommes de Nanterre l'a débouté de ses demandes.
Faits et procédure
Monsieur Cyrille Berger est embauché par la société Cosmétique Active France, filiale du groupe L'Oréal, selon contrat de travail du 3 février 1997 en qualité de visiteur pharmaceutique, lequel est soumis à la convention collective applicable aux VRP, le salarié se voyant confier un secteur précis.
Le 20 juillet 2000, l'employeur propose une promotion à Monsieur Cyrille Berger en qualité de "Responsable des Relations Extérieures de la Roche-Posay France" avec période d'essai d'un an s'étendant du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2001.
L'essai étant jugé non concluant, l'employeur l'informe qu'il reprendra son activité de visiteur pharmaceutique sur des secteurs successifs.
Face au refus de Monsieur Cyrille Berger, l'employeur le licencie pour refus d'exécution de son contrat de travail.
Contestant la mesure dont il est l'objet, Monsieur Cyrille Berger saisit le conseil des demandes suivantes:
- indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 793,81 euro
- indemnité de préavis : 979,38 euro
- congés payés sur l'indemnité de non-concurrence : 1 305,84 euro
- exécution provisoire,
- intérêt légal à compter du 15 février 2002,
- article 700 du nouveau Code de procédure civile : 2 000 euro
L'employeur soulève l'incompétence du conseil en ce qui concerne la demande de congés payés et réclame 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 9 juin 2004, le conseil:
- se déclare compétent,
- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- déboute Monsieur Cyrille Berger de ses demandes,
- déboute l'employeur de sa demande reconventionnelle,
- condamne Monsieur Cyrille Berger aux entiers dépens.
Le conseil considère que:
- il n'est pas prouvé que le salarié était dispensé de préavis,
- la période de non-concurrence ne peut être assimilée à un temps de travail effectif,
- le contrat de travail prévoit la modification éventuelle du secteur du visiteur pharmaceutique.
Monsieur Cyrille Berger relève régulièrement appel de cette décision.
Vu les conclusions de l'appelant qui demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- condamner la société Cosmétique Active France à lui payer :
* indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 40 000 euro
* indemnité compensatrice de préavis : 9 793,81 euro
* congés payés sur préavis : 973,38 euro
* congés payés sur période de non-concurrence : 1 305,84 euro
* article 700 du NCPC : 3 000 euro
- dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du 15 février 2002.
Vu les conclusions de la SNC Cosmétique Active France qui demande à la cour de:
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter Monsieur Cyrille Berger de ses demandes,
- condamner Monsieur Cyrille Berger à lui payer une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- le condamner aux dépens.
Sur quoi,
I. Sur la légitimité du licenciement de Monsieur Cyrille Berger:
Considérant qu'un employeur ne peut valablement se réserver le droit de modifier en cours de contrat le secteur de prospection d'un représentant statutaire, le secteur étant une clause essentielle d'application du statut de VRP et la clause prévoyant une évolution de ce secteur ne pouvant être imposée au salarié;
Considérant qu'en vertu du statut spécifique des VRP dont il bénéficie, le secteur, le montant et le mode de rémunération constituent des éléments essentiels du contrat de travail qui ne peuvent être modifiés sans l'accord de Monsieur Cyrille Berger;
Qu'en outre, le secteur d'activité géographique dévolu au salarié pour l'exercice de la représentation commerciale doit être défini contractuellement;
Qu'il en résulte que l'employeur devait, en le réintégrant dans son statut de visiteur pharmaceutique, lui affecter le secteur qui lui était préalablement dévolu ou alors, obtenir son accord pour une affectation sur un autre secteur, lequel devait être précisément défini, ce qui excluait une réintégration sans affectation de secteur;
Considérant enfin que l'employeur n'est pas recevable à se prévaloir d'une clause contractuelle prévoyant la possibilité de modifier le secteur géographique du salarié, dès lors que le secteur d'attribution étant une condition d'application du statut des VRP, une telle clause est nulle et de nul effet;
Considérant que le caractère légitime du refus opposé par le salarié à son employeur interdit à ce dernier de s'en prévaloir pour justifier un licenciement;
Que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement doit être réformé en ce sens;
Considérant que Monsieur Cyrille Berger, bénéficiaire de plus de 4 ans d'ancienneté a subi une période de chômage de 1 an;
Que durant la période d'essai d'un an imposée par son employeur, il a dû faire face à des frais importants, sa famille étant restée à Bordeaux alors que lui-même travaillait en région parisienne;
Que l'employeur lui a, en outre, pendant ce temps, supprimé les avantages dont il bénéficiait;
Considérant que l'ensemble de ces éléments justifie que son préjudice soit réparé à hauteur de 12 mois de salaire, soit 40 000 euro;
II. Sur les autres demandes de Monsieur Cyrille Berger:
1 - Sur l'indemnité de préavis
Considérant que Monsieur Cyrille Berger n'a, à aucun moment, indiqué ne pas souhaiter exécuter son préavis, son courrier du 15 octobre 2001 ne faisant que viser un accord conclu entre son employeur et lui-même, et cet accord n'ayant pas été contesté à l'époque;
Considérant qu'en tout état de cause, le préavis doit être effectué dans les conditions habituelles du contrat de travail et que l'employeur a reconnu ne pouvoir confier à Monsieur Cyrille Berger un quelconque secteur à compter du 1er octobre 2001 ;
Que le préavis n'étant pas susceptible d'être exécuté dans les conditions contractuelles est dû à hauteur de:
* 9 793,81 euro
* 973,38 euro (à titre de congés payés dans les limites de la demande);
2- Congés payés relatifs à l'indemnité compensatrice de non-concurrence:
Considérant que la compensation financière versée en vertu d'une clause de non-concurrence présente le caractère d'un salaire ouvrant droit à congés payés;
Considérant que l'employeur ayant versé à son salarié à ce titre une somme de 13 058,40 euro, Monsieur Cyrille Berger peut prétendre à une indemnité de congés payés de 1 305,84 euro;
III. Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à Monsieur Cyrille Berger la charge de ses frais irrépétibles et qu'une somme de 3 000 euro doit lui être allouée;
Considérant que succombant, l'employeur ne peut y prétendre.
IV. Sur le remboursement des allocations chômage:
Considérant que sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, celui-ci doit être ordonné dans la limite de six mois d'indemnités.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris, Dit le licenciement de Monsieur Cyrille Berger dépourvu de cause réelle et sérieuse, Condamne la société Cosmétique à payer à Monsieur Cyrille Berger : - indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 40 000 euro - indemnités de préavis : 9 793,81 euro - congés payés afférents : 973,38 euro - congés payés sur indemnités de non-concurrence : 1 305,84 euro - article 700 du nouveau Code de procédure civile : 3 000 euro avec intérêt légal à compter de la date à laquelle l'employeur a reçu sa convocation à comparaître devant le Bureau de Conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires, Active France ; Condamne la société Cosmétique Active France à rembourser à l'Assedic les indemnités chômage versées à Monsieur Cyrille Berger dans la limite de six mois, Déboute la société Cosmétique Active France de sa demande reconventionnelle, Condamne la société Cosmétique Active France aux entiers dépens.